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L’Erismature à tête blanche (Oxyura leucocephala)

A. Bilan des connaissances, des actions mises en place et des moyens mobilisables

A.2 L’Erismature à tête blanche (Oxyura leucocephala)

A.2.1 Statut

L’Erismature à tête blanche est considérée en danger d’extinction (EN) au plan mondial par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature. Dans le cadre de la Convention de Bonn, un plan d’action international pour sa conservation est actuellement mis en œuvre (Green & Hughes, 1996).

Au plan communautaire, l’Erismature à tête blanche figure à l’annexe I de la directive n° 79-409 (CE) relative à la conservation des Oiseaux sauvages et à l’annexe A de la Convention de Washington (CITES) réglementant son commerce. Au niveau international, elle est inscrite à l’annexe II de la convention de Berne et aux Annexes I et II de la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (CMS - Convention

L’Erismature à tête blanche a une distribution fragmentée en trois populations s’étendant de la méditerranée occidentale aux steppes d’Asie centrale. Les deux populations les plus orientales, qui sont les plus importantes, ont vu leur effectif passer d’environ 100 000 individus dans les années 1930 à moins de 15 000 en 2000, sous les effets conjugués de la pression de chasse excessive, de la dégradation des zones humides par assèchement, de la pollution et des sécheresses (Green et Hughes, 2001). La population occidentale, résidente, et avec laquelle les érismatures rousses évoluant en France peuvent entrer en contact, niche principalement en Espagne et plus occasionnellement en Afrique du Nord, du Maroc à la Tunisie. Cette population a frôlé l’extinction avec seulement 22 individus en 1977 ; elle a bénéficié en Espagne de mesures de conservation efficaces consistant à protéger ses habitats de la destruction et à interdire la chasse (Green and Hughes, 2001). Actuellement, la population espagnole oscille entre 1 600 et 2 500 individus. La population d’Afrique du jusqu’en 1966 (Dubois et al., 2008). La destruction de ses habitats et le braconnage ont été les principaux facteurs à l’origine de sa disparition comme nicheur. Depuis la fin des années 1980, on assiste à une recrudescence des observations en France, l’espèce étant désormais

notée quasi annuellement (Fig. 16) avec un effectif exceptionnel de 12 oiseaux entre septembre 2000 et janvier 2001, à Grand-Lieu. Ces observations plus fréquentes sont probablement à mettre en lien avec l’accroissement de la population espagnole.

L’espèce est surtout notée en période hivernale (Fig. 17), principalement dans la moitié ouest du pays (Fig. 18).

Figure 16 : observations de l’Erismature à tête blanche en France, entre 1987 et 2013 (Source : CHN).

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Mois

Effectifs

Figure 18 : répartition spatiale des observations d’Erismature à tête blanche en France de 1969 à 2013 (Source : CHN).

Les aires d’occurrence respectives de l’Erismature rousse et de l’Erismature à tête blanche dans notre pays se superposent pratiquement. En dépit d’un nombre d’observations de l’espèce indigène encore modeste, les deux espèces peuvent s’observer ensemble. Bien qu’aucun cas de reproduction interspécifique n’ait été observé en France, le risque existe que des couples mixtes se forment ou que des érismatures rousses suivent leurs homologues eurasiens à l’occasion de leur déplacement vers les zones de reproduction espagnoles.

A.2.3 Projets de réintroduction et programmes d’élevage

En France, un projet de réintroduction de l’Erismature à tête blanche sur la zone humide de Biguglia, en Corse, a vu le jour en 1993. La première étape de ce projet devait consister à définir les conditions préalables à l’introduction (Perennou & Cantera, 1993). Alors que seule une partie de ces conditions étaient remplies, la décision fut prise au bout de 7 années de lâcher 10 individus à titre de test, dans le cadre d’un programme LIFE. Des 5 oiseaux mâles qui furent finalement lâchés en 2001, 4 disparurent rapidement, tandis que le 5e était observé sur le site une année durant. Suite à cet échec, le programme de réintroduction n’a pas connu de suite concrète, l’Union Européenne ayant décidé d’ajourner le projet. Des érismatures rousses ayant été observées à Biguglia en décembre 1991, les auteurs de l’étude de faisabilité avaient d’ailleurs considéré qu’une réintroduction d’érismature à tête blanche serait en permanence sous le risque de l’hybridation, si d’autres érismatures rousses atteignaient la Corse, hypothèse qu’ils qualifiaient de probable et qui justifiait amplement la mise en œuvre d’un plan national de contrôle de l’espèce, comme préalable au projet de réintroduction.

Le plan de gestion 2013 de la Réserve naturelle de Biguglia a inscrit parmi ses actions la relance d’une étude de faisabilité de la réintroduction de l’Erismature à tête blanche. Le Conservatoire d’Espaces Naturels de Corse a été mandaté pour conduire une étude préliminaire, qui vise dans un premier temps à évaluer le contexte général au regard de ce nouveau projet (Goes, 2013). Sur la base notamment des lignes directrices de l’UICN pour la réintroduction d’espèces, le CEN considère à l’issue de ce travail que le contexte ne plaide pas en faveur d’un projet de réintroduction, en particulier du fait du risque afférent à la persistance des populations sauvage et captive d’Erismatures rousses en France.

Indépendamment du projet de réintroduction en Corse, l’association Aviornis France a mis sur pied un programme de conservation de spécimens d’Erismature à tête blanche en captivité (http://www.aviornis.fr/programme/erismature). L’objectif affiché de ce programme n’est pas la réintroduction mais le recensement et le maintien d’une population captive aussi proche que possible des spécimens rencontrés à l’état sauvage. Ce programme, imaginé en 2009, comportait plusieurs phases : recensement des éleveurs volontaires et des oiseaux potentiellement utilisables, analyses génétiques des sujets disponibles, constitution de couples à partir des sujets sélectionnés, mise en place d’un "stud-book" et suivi de la population. A l’heure actuelle, une population captive comportant 50 à 60 sujets a été recensée à travers l’Europe et identifiée pour participer au projet. Tous ces oiseaux ont été analysés et des échanges ont eu lieu de manière à optimiser la formation de couples pour conserver la diversité génétique constatée. En 2012, une vingtaine de couples d’érismatures à tête blanche était détenue par 11 éleveurs-conservateurs dans le cadre de ce programme.