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CHAPITRE 1 PROBLEMATIQUE ET CADRE THEORIQUE

3. La posture de l’enseignant de FOS et ses sentiments de légitimité et d’insécurité

3.4. L’enseignant et son sentiment de légitimité

Qu’est-ce que la légitimité ? Qu’entendons-nous par légitimité de l’enseignant de FOS face à des publics spécialisés ? Peut-elle être remise en cause par les apprenants et si oui, dans quelles conditions ? En quoi la légitimité de l’enseignant peut influer sur sa posture ? La posture affichée du non-spécialiste est-elle risquée ? Un professeur qui n’est pas reconnu comme légitime occupe-t-il encore sa place d’enseignant ? Comment gérer ce sentiment d’illégitimité ? En quoi les compétences de l’enseignant favorisent sa légitimité ? Voilà les questions qui me guident dans ma réflexion exploratrice d’une notion somme toute obscure et imprécise qui mérite quelques éclaircissements.

La notion de légitimité est communément liée à la question du pouvoir et de l’autorité légale comme en témoignent les définitions données par le Larousse21, le Petit Robert22 et le Littré23. Selon ces dictionnaires, la légitimité se décline sous trois sens :

• qualité de l’autorité légitime, du pouvoir légitime,

• qualité de ce qui est légitime, par des conditions requises par la loi (union ou enfant légitime par exemple),

• qualité de ce qui est juste, équitable, raisonnable (la légitimité d’une revendication, d’une action par exemple).

En d’autres termes, la légitimité est la capacité d'une personne à faire admettre son autorité sur les membres d'un groupe social. Elle n’est pas fondée uniquement sur le droit, mais peut mettre en œuvre différents critères tels que l'âge, le statut, les diplômes, la connaissance, l'expertise. Elle « s’inscrit dans un jugement de l’autre sur une fonction, un rôle. […] [Elle] est alors en lien avec des attentes de la part de cet évaluateur, de ce juge. Le jugement est basé sur une relation. […] La légitimité est basée sur une relation de confiance des individus » (Lochet, 2011 : 36).

Pour Mohib et Sonntag (2004 : 4), la légitimité est « au cœur de la compétence, c’est-à-dire de l’action orientée vers l’efficacité » et peut être considérée comme « une action ou un usage

21 http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/légitimité/46599?q=légitimié#46521 22 http://pr.bvdep.com.sid2nomade.upmf-grenoble.fr/

reconnu et autorisé par un groupe, c’est-à-dire un acte qui répond à un certain nombre de règles établies (formelles ou tacites) et qui obtient le pouvoir de s’accomplir ». Les auteurs ajoutent que « si la compétence est le résultat d’un savoir et d’un vouloir agir, elle trouve sa source dans l’autorisation d’agir selon des règles reconnues donc d’exercer un pouvoir. Or, l’essence de ce pouvoir réside dans sa légitimité, c’est-à-dire dans sa conformité à des valeurs reconnues au nom de l’efficacité de l’agir » (ibid. : 4, 5).

D’après ces différentes approches, la légitimité d’un enseignant de FOS semble renvoyer à sa relation plutôt symétrique (cf. § 3.3) avec un groupe d’apprenants exigeants dans leurs attentes (cf. § 2.1.2) vis-à-vis de la formation et de lui-même. Pour s’acquitter de sa fonction, il réalise une suite d’actions (cf. § 3.2) dans le but de faire accomplir aux apprenants différentes tâches orientées vers une production ou un résultat final. Si le résultat est atteint, cela signifie que ses actions ont été efficaces. Il est donc reconnu par les apprenants comme compétent c’est-à-dire capable d’agir de façon efficace et légitime dans une situation spécifique. Une relation de confiance s’instaure. Cependant, s’il ne répond pas à toutes les attentes des apprenants, ces derniers ne le reconnaissent plus comme compétent et donc sa légitimité peut être remise en cause.

Foltète, enseignante de français des affaires, explique combien la légitimité de l’enseignant dépend aussi de sa connaissance du domaine d’activité du public, notamment en entreprise (Drouère, 2003 : 78) :

Dans les grandes entreprises, il faut qu’on ait autant de connaissances dans la spécialité que dans le domaine linguistique, et il est nécessaire de connaître l’entreprise et son domaine d’activité. Quand on arrive chez Renault, on sait qu’ils construisent des voitures, mais si on arrive dans une autre entreprise et qu’on ne connaît pas son domaine d’activité, on n’est absolument pas crédible, ni accepté. J’ai des collègues qui se sont fait presque mettre à la porte de chez Schlumberger parce qu’ils sont arrivés avec leur petite méthode, et ne savaient pas exactement ce que Schlumberger faisait. Ce sont surtout les cadres supérieurs qui sont très à cheval sur nos connaissances du domaine d’activité, de l’économie, des marchés…

Notre légitimité, on ne la tient pas tellement de nos diplômes - qui sont en fait un peu secondaires -, mais on la tient de l’expérience professionnelle. Si vous dites que vous avez travaillé dans telle entreprise, ou à la CCIP24 par exemple, c’est une légitimité plus importante que le diplôme. En fait, le diplôme va être valorisé par l’expérience qu’on a pu avoir ailleurs.

La légitimité de l’enseignant de FOS dépend donc étroitement de ses compétences linguistiques mais aussi de celles dans le domaine cible. En entreprise, les exigences des apprenants sont très fortes. Le témoignage de Foltète montre qu’il semble difficilement imaginable qu’un enseignant puisse se présenter ouvertement comme non-spécialiste du domaine avec un discours tel que « je suis expert de la langue, vous êtes experts du domaine donc vous êtes les garants de la fiabilité des contenus des cours », en tous les cas pas avec tous les publics spécialisés ni dans tous les contextes. Sa légitimité se révèle par sa posture, sa reconnaissance au-delà des diplômes.