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2. Problématisation : Enquête, exploration perceptive et compétences

2.2 De l’enquête vers une définition de la problématisation et de ses composantes

Il n’existe donc pas de solution unique pour un problème en particulier. On comprend aussi qu’il s’agit de construire le problème et non de le découvrir. À travers l’enquête, Dewey propose une définition opérationnelle du traitement des problèmes dans laquelle on retrouve les deux grands moments de tout projet : la conception et la réalisation. La conception, incluant la phase d’observation systématique destinée à définir le problème et l’évocation des idées, et la réalisation, incluant le raisonnement et la vérification. La phase d’observation systématique destinée à définir le problème de l’enquête a certainement influencé une série d’auteurs dans leur propre définition de ce qu’est la problématisation, mentionnons entre autres Orange, Masciotra, Vander Borght et Boutinet.

Orange (2005) définit la problématisation des projets de recherche comme «la construction explicite d’un champ des possibles ». De son côté, Domenico Masciotra (2006) emprunte la métaphore du Spielraum, de Heidegger, pour définir la problématisation comme la construction du champ des possibilités de l’acteur en situation, c’est-à-dire ce que le sujet inclut dans sa compréhension de la situation. Enfin, pour Cécile Vander Borght (2006), la problématisation consiste à produire une représentation de la situation pour la substituer à cette dernière pour en faire un matériau praticable et malléable.

« Quand on a problématisé une situation, on ne travaille plus sur elle, mais sur sa représentation. [...] Cette fonction de substitution (et sa prise de conscience) nous semble tout à fait fondamentale lorsque l’on définit la problématisation. Une formulation en langage standardisé qui « représente » la situation afin de permettre de poser des questions et d’avancer dans la démarche de résolution d’une situation-problème. Dans les cas où l’on problématise dans le cadre d’une discipline, il faut traduire la situation envisagée dans le langage de la discipline. Cette traduction représente et objective la situation, sans jamais en rendre toute la complexité. On dit que le problème est réduit à une de ses composantes [...]. Problématiser c’est donc re-présenter une situation complexe à l’aide d’un langage standardisé. Cette représentation n’est ni un miroir du monde, ni l’expression du réel. C’est un objet, résultat d’une construction, qui va tenir la place de la complexité du monde (Fourez, 2003 : 39) » (Vander Borght, 2006 : 136)

À la lumière de ces définitions, c’est auprès de Boutinet (1993) que nous avons trouvé la définition la plus englobante et la plus détaillée dans son approche de la conception d’un projet. Pour cet auteur, la problématisation représente l’acte d’identification des disponibilités spatiales (éléments de l’espace de projet) qui mènent à la sélection d’opportunités. Les étapes de cette démarche sont illustrées dans la Figure 1.

« Tout projet est donc d’abord le fruit d’une curiosité spatiale impliquant de la part de l’acteur une démarche active d’exploration [...]. C’est seulement par ce travail que pourront apparaître des disponibilités que l’acteur tentera de bien identifier. Par « disponibilités » il faut entendre ici ce qui est détachable et saisissable dans l’environnement au sein des espaces semi-fixes ou informels. La disponibilité qui s’apparente à la zone d’incertitude s’oppose à la rigidité des espaces fixes. Les disponibilités vont émerger à partir d’une perception de ce qui fait l’hétérogénéité de l’espace à travers ses discontinuités, ses ruptures, ses juxtapositions, ses marquages.

C’est en se basant sur une telle exploration de disponibilités que l’acteur devra opérer une activité de choix, c’est-à-dire de rejet de certaines disponibilités pour ne retenir que celles qui seront alors converties en opportunités personnelles; projeter consiste donc, d’un point de vue spatial, à effectuer une activité de dévoilement en inventoriant le plus grand nombre de disponibilités existantes dans l’environnement dont certaines sont destinées à devenir des opportunités personnelles. Ces opportunités retenues constitueront alors les prémisses d’un projet. » (Boutinet, 1993 : 71-73)

Figure 1

Exploration perceptive de l’environnement spatial (Boutinet, 1993 : 72)

Ainsi, Boutinet (1993) s’accorde avec Simon (2004) qui propose que la résolution d’un problème (ou plutôt sa construction) passe par la recherche de quelques modes sélectifs d’exploration au sein d’un immense labyrinthe des possibles. Le doute, la rupture entre l’individu et son environnement, déclencherait cette recherche perceptive des disponibilités spatiales dans l’espace de projet pour en sélectionner par la suite les opportunités de projet. Cette exploration peut prendre différentes formes. Boutinet (1993) propose d’ailleurs différentes grilles d’observation possibles selon le contexte. Par exemple :

- la grille empirique, qui valorise une attitude descriptive des coordonnées de l’espace de projet ainsi que les opportunités émergentes;

- la grille opératoire, qui tente de faire ressortir les dysfonctionnements et les problèmes de l’espace de projet tout en identifiant les contraintes susceptibles d’influencer les solutions;

Comportements

Données de faits/espaces fixes Données perçues comme contraintes plus ou moins coercitives et dysfonctionne- ment/espaces semi-fixes Données perçues comme possibles et zone d’incertitude/espaces informels Env. spatial __ __ __ Exploration

perceptive perceptive Sélection Décision

Disponibilités Opportunités Projet

_ _ _ _

- la grille stratégique, qui s’intéresse aux aspirations individuelles et collectives et aux jeux d’acteurs de l’espace de projet et aux possibilités de consensus entre ces acteurs;

- la grille systémique, qui essaie de relever les demandes et objectifs des institutions en présence dans l’espace de projet ainsi que les ressources mises à la disposition des concepteurs et des réalisateurs;

- la grille problématique, qui recherche une question centrale qui elle-même appellera une réponse suite à l’application d’une méthodologie de résolution de problème.

2.3 La problématisation : mode de construction du but à atteindre et

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