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2.3 L ES ENJEUX DU RECRUTEMENT POUR LES ENTREPRISES 54!

2.3.5 L’enjeu spécifique du recrutement pour les petites entreprises 67!

Enfin, pour terminer cette revue de la littérature sur le recrutement, il semble important de revenir sur le cas spécifique des petites entreprises pour lequel il demeure un enjeu majeur et impacte leur survie. Malheureusement, la littérature en ressources humaines s’est essentiellement intéressée aux moyennes et grandes entreprises.

La recherche sur le recrutement a montré que le processus de choix des candidats est fortement influencé par les procédures de recrutement mises en place par les entreprises et les politiques RH

adoptées par les organisations (Barber & Roehling, 1993109; Honeycutt & Rosen, 1997110; Rynes,

Bretz, et Gerhart, 1991111; Williams & Dreher, 1992112). Bien que la plupart des petites entreprises

n’aient pas de service RH, elles ont toutes une politique de recrutement que le candidat pourra

comparer avec celles des autres entreprises du secteur (Aldrich & Von Glinow, 1991113). Par

conséquent, il est d’intérêt pour les petites entreprises de considérer la procédure de recrutement et la politique RH comme un attribut organisationnel significatif pour lui permettre d’être considérée comme un employeur légitime.

Des recherches antérieures indiquent que l’image et la connaissance de l'organisation est un des facteurs explicatif les plus important concernant le choix du demandeur d’emploi (Cable & Graham.,

1997114; Gatewood, Gowan, et Lautenschlager, 1993115; Schwab, Rynes, & Aldag116, 1987).

Cependant, contrairement aux grandes entreprises bien connues, les petites entreprises ne peuvent pas compter sur leur nom, leur réputation sur le secteur, ou leur part de marché pour attirer de nouveaux employés (Aldrich, 1999; Aldrich & Von Glinow, 1991).

Par ailleurs, les petites entreprises sont également susceptibles d’être considérées comme des employeurs moins légitimes que les grandes entreprises de par le fait qu’elles ont moins d’influence

sur les normes du secteur (Hannan et Freeman, 1984117). Les grandes entreprises, plus puissantes, sont

109 Barber, A. E., & Roehling, M. V. (1993). Job postings and the decision to interview: A verbal protocal analysis. Joumal of Applied Psychology, 78, 845-856.

110 Honeycutt, T. L., & Rosen, B. (1997). Family friendly human resource policies, salary levels, and salient identity as predictors of organizational attraction. Journal of Vocational Behavior, 50, 271-290.

111Rynes. S. L., Bretz. R. D.. & Gerhart, B. (1991). The importance of recruitment in job choice: A different way of looking. Personnel Psychology. 44.

487-521.

112 Williams, M. L., & Dreher, G. F. (1992). Compensation system attributes and applicant pool characteristics. Academy of Management Journal, 35, 571-595.

113 Aldrich, H. E., & Von Glinow, M. A. (1991). Business start-ups: The HRM imperative. In S. Bbirley, I. Macmillan, & S. Subramony (Eds.), Intemational perspectives on entrepreneurship research, vol. 18. pp. 233-253. New York: Elsevier Science.

114 Cable. D. M., & Graham. M. (1997). The determinants of organizational reputation among job seekers: A verbal protocol analysis. Paper presented in the Human Resources Division of the Academy of Management National Meeting, Boston, MA.

115 Gatewood, R. D.. Gowan, M. A., & Lautenschlager. D. J. (1993). Corporate image, recruitment image, and initial job choice decisions. Academy of Management Journal, 36, 414-427.

116 Schwab, D. P., Rynes, S. L., & Aldag, R. J. (1987). Theories and research on job search and choice. In K. Rowland & G. Eerris (Eds.), Research in personnel and human resource management, vol. 5, pp 126-166. Greenwich, CT: JAI Press.

plus à même d’impacter les normes et procédures de recrutement du secteur selon leurs objectifs

(Freeman, 1982118; Meyer & Rowan, 1977119). De plus, les grandes entreprises se développent souvent

autour d’échanges solides avec des organisations compétentes telles que les associations professionnelles ou les partenariats écoles, difficilement réalisables pour une petite entreprise, qui leur

fournissent les ressources et assoient leur pouvoir et légitimité (Stinchcombe, 1965120). Tandis que les

grandes entreprises structurent les normes de recrutement du secteur, les petites entreprises sont souvent exclues et considérées comme des employeurs périphériques plutôt que fondamentaux

(Thomas, 1989121). Certains auteurs, dont les recherches se fondent sur la théorie institutionnelle,

suggèrent que l'un des moyens les plus efficaces pour les petites entreprises d’acquérir une légitimité serait d’imiter les pratiques considérées comme établies et utilisées par les entreprises performantes du

secteur (DiMaggio et Powell, 1983122; Haveman, 1993123; Oliver, 1991124). Cette pratique de

l'imitation, définie par le terme d’ « isomorphisme stratégique » (DiMaggio et Powell, 1983), permettrait aux petites entreprises de construire leur légitimité aux yeux des candidats en utilisant les pratiques « standards » du recrutement de leur secteur (ex : modèle d'offre d'emploi, brochure d'entreprise, recrutement par Job Board ou réseaux sociaux, participation à des forums et salons emploi, appel à des cabinets de recrutement, etc.).

Cependant, cette perspective ne tient pas compte de la possibilité des petites entreprises de tirer certains avantages de recrutement par l'adoption d'une stratégie différenciante. En effet, les médias présentent souvent des exemples de petites et moyennes entreprises qui ont été en mesure de recruter des employés avec succès en adoptant volontairement des pratiques en rupture radicale avec les normes du secteur (exemple : campagne de recrutement dans le métro en 2015 par la PME « Michel et Augustin ») ou via des leviers distinctifs comme la délivrance d’actions de l’entreprise. Pour résoudre cette problématique, certains chercheurs ont suggéré que les organisations adoptent une double stratégie qui combinent le caractère différenciant et l'imitation afin de maximiser l’acquisition des ressources nécessaires et leurs chances de survie sur le secteur (Aldrich et Fiol 1994.). Ainsi, si les petites entreprises se livrent à un isomorphisme stratégique en plus de promouvoir leurs différences organisationnelles aux potentiels candidats, elles auront plus de chance de réussir leur recrutement que

si elles avaient utilisés l’une ou l’autre de ses stratégies de manière exclusive (Williamson, 2000)125.

118 Freeman, J. H. (1982). Organizational life cycles and natural selection processes. In B. Staw & L. Cummings (Eds.). Research in organizational behavior, vol. 4, pp. 1-32. Greenwich, CT: JAI Press.

119 Meyer, J. W., & Rowan, B. (1977). Institutional organizations: Formal structure as myth and ceremony, American Joumal of Sociology, 80, 340-363. 120 Stichcombe, A. L.. (1965). Organizational and social structure. In J. G. March (Ed.). Handbook of orga- nizations, pp. 153-193. Chicago: Rand McNally.

121 Thomas, R. J. (1989). Blue-collar career: Meaning and choice in a world of constraints. In M. B. Arthur. D. T. Hall, & B. S. Lawrence (Eds.). Handbook of career theory-, pp. 354-379. New York: Cambridge University Press.

122 DiMaggio. P. J. & Powell, W. W. (1983). The iron cage revisited: Institutional isomorphism and collective rationality in organizational fields. American Sociological Review, 48, 147-160.

123 Haveman, H. A. (1993). Following the leader: Mimetic isomorphism and entry into new markets. Administrative Science Quarterly, 38, 593-627. 124 Oliver, C (1991). Strategic responses to institutional processes. Academy of Management Review. 16. 145-179.

Malgré les différences majeures entre les grandes et petites entreprises, les canaux et outils de recrutement disponibles sur le marché de l’emploi sont finalement similaires (Job Boards, site Internet,

cabinet de recrutement,..) (Fathi et al. 2011126). L’enjeu plus important de la qualité du recrutement

pour les petites entreprises les pousse toutefois à privilégier les canaux informels et les réseaux

personnels (Aidrich ik Langton, 1997127; Barber et al, 1999128; Heneman et Berkley, 1999129; Pritchard

& Fidler, 1993130; Ram, 1999131 ; Leung, 2003132). Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. En

premier lieu le manque de ressources, la fonction RH étant généralement sous-développée, les propriétaires et le top management assumant l’activité de recrutement en plus de leur rôle opérationnel

(Barber et al. 1999133; Heneman et Berkley, 1999134). Le manque de ressource financière a également

un impact sur les canaux de recrutement utilisés. Le recrutement via le réseau présente ici un avantage financier certain en plus de réduire l’incertitude sur la qualité du candidat (Barber et al, 1991). Enfin, pour en revenir à la question de la légitimité présentée ci-dessus, le recrutement par réseau permet de répondre à la problématique de l’image de l’entreprise (au contraire d’une grande entreprise) en fournissant des informations privilégiées sur l’organisation par le tiers qui met en relation l’employeur

et le candidat dans une atmosphère de confiance (Shane & Cable, 2002135).

126 Fathi M. , Wilson E., Cheokas G., (2011).Strategies in Hiring and Development Processes in Small and Large Companies. International Journal of the Academic Business World (Volume 5 Issue 2)

127 Aldrieh, H.. & Langton, N. (1997). Human resource management practices and organizational life cycles. Frontier of Entrepreneurship Researeh (pp. 49-3S7). Babson Park, MA: Batson College Center for Intrepreneurial Studies.

128 Barber, A. E.. Wesson. M. J.. Roberson. Q. M.. & laylor. M. S. (1999). A tale of two job markets: Organizational size and its effects on hiring practices and joh search behavior. Personnel Psychology. S2, 841-867.

129 Heneman, H. G., Ill, & Berkley, R. A. (1999). Applicant attraction practices and outcomes among small businesses, journal of Small Business Management, 37. S3-74.

130 Pritehard, C. j . , & Eidler, P. P. (1993). What small firms look for in new-graduate candidates, journal of Career Planning and Employment, S3, 45- 50,

131 Ram, M. (1999). Managing autonomy: Employment relations in small professional service firms, International Small Business journal, 17(2). 13-30. 132 Leung A. (2003). Different ties for different needs: recruitment practices of entrepreneurial firms at different developmental phases. Human Resource Management, vol. 42, no. 4. pp. 303-320

133 Barber, A. E.. Wesson. M. J.. Roberson. Q. M.. & laylor. M. S. (1999). A tale of two job markets: Organizational size and its effects on hiring practices and joh search behavior. Personnel Psychology. S2, 841-867.

134 Heneman, H. G., Ill, & Berkley, R. A. (1999). Applicant attraction practices and outcomes among small businesses, journal of Small Business Management, 37. S3-74.

!

En synthèse

On pourra observer que la littérature sur le recrutement est riche mais ne fait aucunement référence au service public de l’emploi comme canal de recrutement possible, ce qui laisse sous-entendre une absence de légitimité de cet acteur dans l’activité d’intermédiation entre entreprises et candidats. La réduction de l’asymétrie d’information reste un enjeu clé pour l’employeur dans le cadre d’un recrutement, expliquant le recours privilégié aux méthodes de recrutement dites informelles (cooptation, réseau) ou l’appel à un tiers extérieur garant d’un professionnalisme et d’une expertise reconnue en matière de recrutement (ex : cabinet de recrutement, sociétés d’intérim). La problématique du recrutement reste entière pour les petites entreprises qui font face à des contraintes de coûts et de temps fortes. La transformation numérique actuelle entraine une évolution des pratiques qui peut s’avérer favorable aux TPE et PME avec une plus grande facilité d’accès aux candidats qu’auparavant (ex : Job Boards, réseaux sociaux, etc.).

2.4 LA LEGITIMITE : ENJEU MAJEUR DU SERVICE PUBLIC DE L’EMPLOI

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