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DYSLEXIQUE ET SES PARENTS

2.1. L’enfant dyslexique : un enfant « malade » ?

La dyslexie est considérée comme un « trouble23 » et non comme une « maladie chronique24 ».

Cependant, d’une certaine manière, il est possible de considérer que les impacts psychologiques des troubles dyslexiques sur l’enfant et ses parents se rapprochent de ceux que peut avoir une maladie. C’est pourquoi, dans cette première partie, je m’intéresse au vécu de la maladie par l’enfant, ses parents, et au cas particulier des thérapies familiales.

2.1.1. Le vécu de la maladie par l’enfant

La maladie implique le trouble, mais également le vécu psychique du trouble de la part de la personne atteinte. Il s’agit d’un traumatisme, qui se manifeste à deux niveaux.

Tout d’abord, le traumatisme est primaire, direct. Il implique alors des enjeux concrets : la peur du trouble, du handicap et de ses conséquences.

23 Le trouble est une « anomalie de fonctionnement d’un organe, d’une fonction ou d’un système. C’est en ce sens que le terme est employé par l’orthophoniste, qui tente ensuite de spécifier sa nature, son origine, sa gravité et ses conséquences. » (BRIN, COURRIER, LEDERLE, MASY, 2004 : 268).

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La maladie est une altération des fonctions ou de la santé. Lorsqu’elle est « chronique », elle est appelée « affection de longue durée ».

49 Ensuite, le traumatisme est secondaire. Il « intervient dans l’après-coup et dépend de l’histoire familiale » : si d’autres personnes de la famille présentent cette atteinte, la maladie de l’enfant peut alors réactiver « les blessures passées qui ne sont pas cicatrisées » (EPELBAUM, 2007 : 1). Cet enjeu est généralement inconscient.

La maladie de l’enfant « touche un être en plein développement », et peut biaiser ce développement si elle survient dans une période charnière (EPELBAUM, 2007 : 1). Elle peut entraîner diverses réactions de l’enfant : une souffrance psychique, des réactions anxieuses, dépressives et/ou agressives. Ces réactions dépendent du type de maladie, et de sa gravité.

Au cours de la prise en charge de l’enfant malade, les parents ont une place essentielle.

2.1.2. Les parents, la parentalité et l’enfant malade

La parentalité se définit comme un « terme spécifique du vocabulaire médico-psycho-social qui désigne de façon très large la fonction « d’être parent » en y incluant à la fois les responsabilités juridiques, telles que la loi les définit, des responsabilités morales, telles que la socio-culture les impose et des responsabilités éducatives », d’après le dictionnaire critique de l’action sociale (DOUMONT, RENARD, 2004 : 6).

Comme pour l’enfant, la maladie suppose deux types d’enjeux pour les parents : des enjeux conscients (le trouble, la peur du trouble et de ses conséquences), et des enjeux inconscients (le vécu psychique du trouble).

La maladie peut avoir un impact sur la parentalité, et sur la qualité des interactions parents-enfant. Etre parent d’un enfant malade peut susciter diverses réactions, comme l’angoisse, la dépression, l’agressivité, ou la culpabilité.

Celles-ci s’expliquent par plusieurs points (EPELBAUM, 2007 : 3) :

- Tout d’abord, l’enfant est éloigné de l’être parfait imaginé par les parents : ils doivent donc faire le deuil de cet enfant idéal qu’ils avaient espéré. D’après la théorie psychanalytique, la découverte du handicap de l’enfant provoque une « blessure

50 narcissique25 » : on retrouve alors un « clivage entre réel et idéal » (VANDEN DRIESSCHE, 2008 : 89).

- L’enfant malade s’éloigne de « la norme générale », et provoque un « regard inhabituel » (négatif ou de « pitié ») sur lui (EPELBAUM, 2007 : 3). Les parents peuvent mal vivre cette situation et se sentir blessés.

- La maladie de l’enfant peut mettre les parents en situation d’échec, et leur donner l’impression de ne pas être à la hauteur. Elle met en évidence la fragilité parentale, et provoque une grande culpabilité.

- Par ailleurs, la prise en charge médicale peut être trop lourde à supporter pour les parents, qui peuvent se sentir frustrés et « privés » de leur enfant.

Si les parents sont eux-mêmes porteurs de la maladie, la culpabilité peut être exacerbée. De plus, la maladie de l’enfant les renvoie à leur propre vécu, ce qui peut être source de souffrance pour eux.

Ces impacts de la maladie sur l’enfant et sa famille sont liés à ceux du trouble, en ce sens que les enjeux sont les mêmes et que les interactions sont perturbées de la même manière.

2.1.3. Les thérapies familiales

Les thérapies familiales sont organisées lorsqu’une personne de la famille est porteuse de symptômes, qui ne sont pas toujours précisément définis. On suppose alors que c’est la famille (ou le système familial) qui est au centre des difficultés.

Les thérapies familiales sont dites « systémiques » : la famille est considérée comme un système26. La rencontre avec le thérapeute forme un autre système comprenant la famille et le thérapeute. (CAILLE, 2000 : 25). Ce sont les types de relations qui s’établissent entre les personnes plutôt que la psychologie individuelle qui intéressent le thérapeute.

25 La blessure narcissique désigne l’atteinte du narcissisme d’un individu, c'est-à-dire l’altération du sentiment d’amour et d’estime pour soi-même.

26 Le mot « système » a pour racine grecque « ensemble cohérent ». Il peut être défini comme « un ensemble d’éléments identifiables, interdépendants, c’est-à-dire liés entre eux par des relations telles que, si l’une d’elles est modifiée, les autres le sont aussi et par conséquent tout l’ensemble du système est modifié, transformé. C’est également un ensemble borné dont on définit les limites en fonction des objectifs (propriétés, buts, projets, finalités) que l’on souhaite privilégier. » (LUGAN, 2005 : 34).

51 Les prises en charge orthophoniques diffèrent de ces thérapies, dans le sens où les symptômes du patient, ainsi que sa pathologie, sont clairement définis.

Cependant, les rééducations orthophoniques s’approchent des thérapies familiales d’une autre manière. Dans les deux cas, le patient est porteur d’un ou plusieurs symptôme(s), et l’entourage est concerné. De plus, la famille ne peut gérer seule les problèmes, et exprime le besoin d’un tiers pour les résoudre. Enfin, l’orthophoniste peut être amené, d’une certaine façon, à modifier les comportements familiaux27.