• Aucun résultat trouvé

L’employé qui gagne annuellement 30.327 € ou plus

4.2. Les employés

4.2.2. L’employé qui gagne annuellement 30.327 € ou plus

Pour cette catégorie d’employés, dits “supérieurs“, les délais de préavis ne sont pas fixés par la loi. Ils sont en tout cas correspondants à ce qu’ils seraient s’il s’agissait d’employés dits

“inférieurs“, mais cette norme ne constitue qu’un minimum.

L’employeur doit déterminer la durée du préavis qu’il jugera convenable. Après la notification du congé, il peut convenir d’un accord avec le travailleur. A défaut, et en cas de désaccord de ce dernier, c’est au Tribunal du travail de trancher.

4.2.2.1. Les critères du délai de préavis convenable

4.2.2.1.1. Les critères pertinents

Il y a lieu, ici, de tenir compte d’autres critères que l’ancienneté.

Ceux-ci ont été définis par la Cour de cassation. Elle a ainsi précisé les critères à prendre en considération pour la fixation du préavis convenable : « …le délai de préavis doit être déterminé eu égard à la possibilité existante pour l’employé, au moment de la notification du préavis, de trouver rapidement un emploi adéquat et équivalent, compte tenu de l’ancienneté de l’intéressé, de son âge, de l’importance de ses fonctions, et du montant de sa rémunération, selon les éléments propres à la cause »( Cass. 3 février 1986, J.T.T., 1987, p. 58).

En cas de licenciement la durée du préavis convenable est fixée en fonction de la difficulté, pour l’employé supérieur, de retrouver un emploi équivalent et adéquat, et selon les critères suivants :

- l’ancienneté, - l’âge,

- la rémunération perçue et - les fonctions exercées,

Le préavis d’un employé dit “supérieur“ sera donc toujours un cas d’espèce. Il ne peut cependant être inférieur au minimum prévu pour les employés dits « inférieurs » (et ce sauf convention, voir ci-dessous).

Ce critère du préavis convenable fixé en fonction des difficultés de reclassement répond à la fonction dévolue au préavis, qui consiste à limiter l’instabilité de l’emploi, en débouchant sur une succession de contrats procurant des revenus comparables, sans hiatus d’une période de chômage (M. JAMOULLE, Seize leçons sur le droit du travail, Collection Scientifique de la Faculté de Droit de Liège, 1994, p. 179).

Pour évaluer le délai de préavis qui aurait dû être observé par l’employeur, le juge doit donc tenir compte du temps nécessaire au travailleur pour retrouver un emploi adéquat et équivalent, compte tenu de l’âge, de la fonction et de la rémunération de l’employé.

Dans un arrêt du 12 mars 2008, la cour du travail de Bruxelles a précisé que :

« La cour entend également rappeler que le terme « équivalent » contenu dans la notion « d’emploi équivalent » ne concerne pas uniquement la profession exercée par le travailleur licencié mais aussi les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée, l’environnement dans lequel le travailleur est amené à effectuer ses prestations, la situation géographique de son lieu de travail, la proximité de celui-ci par rapport à son domicile, les facilités d’accès au lieu de travail par des moyens de communication publics tels les transports en commun, les horaires auxquels il est habitué et selon lesquels il a adapté sa vie familiale et privée, etc. C’est l’ensemble de ces éléments qui doit être pris en considération pour l’examen du délai de préavis et de l’indemnité destinée à compenser celui-ci et dont le caractère forfaitaire n’est plus à rappeler » (C. trav. Brux., 12 mars 2008, J.T.T., 2008, p.292).

Les spécificités propres à chaque espèce doivent être prises en considération pour apprécier d’une part l’ancienneté et d’autre part les difficultés de reclassement. En effet, conformément à l’enseignement de la Cour de cassation, l’ancienneté, les fonctions, l’âge et la convenable du préavis (âge, ancienneté, rémunération et importance des fonctions) se complètent, le cas échéant, par des éléments d’évaluation propres à la cause qui conjointement permettront de déterminer la possibilité existante de trouver rapidement un emploi adéquat et équivalent » (C. trav. Brux., 24 juin 1992, Chon. Dr. Soc, 1993, 26).

L’appliquant au cas d’espèce tout en précisant que cette évaluation doit se faire de manière raisonnable, la cour fixe ainsi le préavis convenable en tenant compte de ce que l’employé exerçait une fonction très spécialisée dans une recherche scientifique opposée aux intérêts des laboratoires scientifiques.

- Dans la même logique, la cour du travail de Mons a décidé que : « …il doit être tenu compte, dans l’appréciation du délai convenable du préavis, des difficultés de reclassement engendrées par le haut degré de qualification atteint par l’employé et par la spécificité du secteur sidérurgique de Belgique, vu l’interdépendance des diverses entreprises qui le composent » (C. trav. Mons, 9 sept. 1993, J.L.M.B., 1994, 1404, Somm.).

- De même, dans son arrêt du 12 mars 2008 (C. trav. Brux., 12 mars 2008,cité), la cour du travail de Bruxelles retient que :

 l’analyse des possibilités pour un infirmier licencié de retrouver un emploi équivalent ne peut pas se limiter comme le fait l’employeur à l’examen d’offres d’emplois, fussent-elles pléthoriques. En effet, le fait qu’un nombre important d’emplois dans un secteur soient vacants n’implique pas nécessairement que tout travailleur qui possède la formation requise pour accéder à un tel emploi puisse y accéder avec facilité.

 Certains facteurs tels que, par exemple, la pénibilité de l’exercice d’une profession doivent être pris en compte. Ainsi, les impératifs physiques et psychologiques que requiert la profession d’infirmier, liés tant aux horaires de

travail qu’à la manipulation et au transport des malades, mais aussi à l’écoute et au partage du quotidien souvent difficile de ceux-ci, sont de nature à favoriser l’embauche de travailleurs physiquement et psychologiquement plus résistants, c’est-à-dire, sans pour autant généraliser, des infirmiers et des infirmières plus jeunes, dont l’engagement entraînera de surcroît également un coût moindre pour les institutions hospitalières. Dans ce type de profession, l’âge apparaît donc de toute évidence comme un facteur beaucoup plus important que dans des professions où l’embauche est moindre mais les diplômes permettant d’y accéder rares ou encore très spécialisés.

- Pour d’autres critères spécifiques, il a notamment été jugé que : « A côté des critères habituels (âge, rémunération annuelle et ancienneté), il peut être tenu compte des circonstances propres à la cause comme la fidélité du travailleur à l’entreprise, la constatation qu’il a participé au développement de celle-ci ou le fait d’avoir été débauché chez son précédent employeur pour être engagé au service d’un nouveau avec abandon de l’ancienneté déjà acquise » (C. Trav. Brux., 29 septembre 1992, J.T.T., 1993, p.396)

4.2.2.1.2. Les critères indifférents

Du caractère exclusif du critère des difficultés de reclassement, il découle une conséquence importante : les manquements éventuels du travailleur ne peuvent avoir aucune incidence sur la fixation du délai de préavis.

Dans un arrêt du 23 février 1987, la Cour de cassation a effet décidé que « lorsque le délai de préavis est fixé par le juge, celui-ci ne peut, pour déterminer la durée, tenir compte des manquements de l’employé à ses obligations… » (Cass., 23 février 1987, J.T.T., 1987, p.265).

Ainsi selon une jurisprudence majoritaire, les éventuelles fautes commises par le travailleur, le motif du licenciement ou encore le comportement du travailleur ne constituent pas des critères d’appréciation du délai de préavis. Seuls peuvent être prise en considération les éléments permettant d’éclairer sur le temps nécessaire pour trouver un travail équivalent en terme de fonction et de rémunération.

Par ailleurs, si certaines juridictions du travail optent pour un critère distinct du critère traditionnel de base fourni par la Cour de cassation, se fondant sur l’intérêt de l’entreprise,

force est de constater que cette nouvelle lecture du critère de fixation du préavis convenable ne fait pas l’unanimité. Selon la jurisprudence majoritaire se fondant sur l’enseignement de la Cour de cassation, il n’y a pas lieu de tenir compte, dans les critères d’évaluation, de l’intérêt (financier/économique) de l’entreprise.

4.2.2.1.3. Moment où s’apprécier les critères (caractère théorique)

Il ne s’agit que d’une appréciation théorique, les éléments survenus postérieurement au congé ne pouvant pas non plus être pris en considération. La Cour de Cassation a en effet précisé que c’est au moment du congé qu’il faut se placer pour déterminer le préavis convenable (Cass., 17 sept. 1975, Pas., 1976, I, p.76 ; ass., 6 nov. 1989, J.T.T., 1989, p.

482 ; Cass., 9 mai 1994, Pas., I, p.450 ; Cass., 3 fév. 2003, J.T.T., 2003, p. 262). Les circonstances postérieures ne peuvent être retenues. N’ont dès lors pas d’incidence sur la durée du préavis :

- le réembauchage immédiat du travailleur licencié (Cass., 19 juin 1978, R.D.S, 1979, p.229) ;

- le fait que le travailleur a, ultérieurement, trouvé rapidement un autre emploi comparable (Trib. Trav. Mons, 26 avril 1991, J.T.T., 1992, p.35).

4.2.2.1.4. L’usage des grilles

Vu l’incertitude due à l’absence de critères légaux fixes, diverses grilles ont été élaborées et la plus célèbre est la grille CLAEYS. Celle-ci est la suivante en 2009 :

Ancienneté (0,087) + âge (0,06) + [0,037 x (rémunération en milliers x 106,53) / index officiel du mois de congé (base 2004)] – 1,45

C’est-à-dire : 0,087 + 0,06 + 0,037 x R x 106,53 – 1,45 Index congé Ainsi, si un directeur commercial est licencié en août 2008 et que - il est âgé de 45 ans,

- il a une ancienneté de dix ans,

- il perçoit une rémunération annuelle brute de 47.100 €,

8,7 (0,87 x 10) + 2,7 (0,06 x 45) + 1,65 [0,037 x (47.100 x 106,53 / 112,1810)]

= 13,05 – 1,45 = 11,6 arrondis à 12 mois.

Un formulaire de calcul est disponible sur le site http://www.formuleclaeys.be.

Cette grille n’a qu’un caractère indicatif, vu qu’elle ne peut en aucun cas se substituer à l’appréciation du tribunal.

4.2.2.2. La convention sur préavis

La loi prévoit (art. 82) que les parties peuvent se mettre d’accord sur la durée du préavis, une fois que le licenciement est notifié. Dès que le travailleur est licencié, l’on présume en effet qu’il a retrouvé sa liberté de négociation. Il peut, sur un pied d’égalité, convenir d’une durée de préavis avec son employeur à ce moment. Toute convention conclue avant le congé est nulle. Il en va de même des accords qui règlent collectivement la durée des préavis s’ils interviennent avant la notification des congés de chacun des travailleurs visés.

Selon le texte de l’article 82, § 3, le processus conventionnel comporte deux phases :

- La notification du congé, la convention ne pouvant être conclue avant que le congé soit donné.

- L’accord donné par le travailleur sur la durée du préavis.

La convention relative au préavis n’est subordonnée au respect d’aucune forme. Elle se forme dès que l’employé marque son accord sur la durée du préavis fixée par l’employeur.

Toutefois, il incombe à l’employeur d’apporter la preuve de cet accord. Celui-ci doit être certain et non équivoque.

La validité de la convention sur préavis est liée à la notification préalable du congé. Il en résulte que toute convention conclue avant que le congé soit donné est frappée de nullité, et ce même si la convention respecte le délai de préavis minimum légal.

A défaut d’accord de l’employé, le rôle du juge consistera à apprécier la conformité du préavis notifié par l’employeur au préavis requis, appelé préavis convenable, afin de déterminer le droit de l’employé à une indemnité complémentaire de préavis qui compensera l’insuffisance du préavis notifié.

Dans ce cadre de la négociation, il peut arriver que les parties conviennent d’un préavis inférieur au minimum légal (voire même pas de préavis). Si le travailleur s’inscrit ensuite au

chômage, l’ONEm refusera cependant le bénéfice des allocations de chômage pendant la période couverte par le préavis minimum.

Notons enfin que dans le cas d’employés ayant une rémunération annuelle très élevée (soit plus de 60.654 € en 2010) une convention sur préavis peut être fixée à l’engagement. Il s’agit d’une dérogation exceptionnelle. Cette exception au mécanisme légal doit toutefois respecter le minimum obligatoire (3 mois par tranche de 5 ans d’ancienneté entamée).

4.2.2.3. A défaut d’accord et en cas de contestation du travailleur : recours au Juge

A défaut d’accord des parties sur la durée du préavis, c’est le Juge qui tranche. Il utilisera les critères rappelés ci-dessus et n’est pas lié par les grilles.

S’il constate que le préavis notifié par l’employeur est insuffisant, celui-ci sera redevable d’une indemnité compensatoire de préavis, couvrant la période supplémentaire allouée par le Juge.