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L'embryogenèse pollinique 1. Historique et problématique

En 1921, Bergner était le premier à identifier une plante haploïde chez Datura stramonium L. (Blakeslee et al. 1922 ; Riley 1974 ; Kasha et Maluszynski 2003). Les premiers essais d'amélioration des plantes par l'utilisation des HD remontent à 1962, avec la production de plants de maïs HD par apomixie (Chase 1963). Les premières plantules dérivées de microspores ont été obtenues en 1964 chez Datura innoxia Mill. (Guha et Maheshwari 1964). Ces travaux représentent le point de départ de l'utilisation de l'embryogenèse pollinique chez une multitude d'espèces (Kasha et Maluszynski 2003). En

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1973, Nitsch et Norreel améliorent la technique en régénérant des plantes à partir de cultures de microspores isolées (Nitsch et Norreel 1973).

L'embryogenèse pollinique a permis l'amélioration et la création de nombreuses lignées cultivées (Devaux et al. 1996 ; Maluszynski et al. 1996 ; Szarejko 2003 ; Devaux et Pickering 2005). Cependant, la réussite de cette technique chez les céréales est influencée par des facteurs génétiques qui modulent la fréquence de formation des embryons, la régénération de plantes et l'obtention de plantules chlorophylliennes (Knudsen et al. 1989 ; Larsen et al.

1991). Certaines espèces et variétés sont en effet récalcitrantes à cette technique (Kimber et Riley 1963 ; Tsay et al. 1990 ; Liang et al. 1997 ; Wang et al. 2000) et la fréquence d'apparition des plantes haploïdes est souvent faible. En outre, la culture d'anthères ou de microspores chez les céréales présente un frein supplémentaire à son utilisation car elle engendre la régénération d'un certain pourcentage de plantules albinos.

1.3.2. Embryogenèse pollinique et albinisme

Chez les céréales, le pourcentage de plantules chlorophylliennes obtenues par culture d'anthères est souvent faible, pouvant même être nul chez certains génotypes d'orge, de blé, de riz ou de seigle (Wenzel et al. 1977 ; Heberle-Bors 1985 ; Marsolais et al. 1985 ; Chu et al.

1990 ; Jähne et Lörz 1995 ; Xie et al. 1995 ; Caredda et Clément 1999 ; Touraev et al. 2001).

La culture de microspores isolées conduit à un plus grand pourcentage de plantules chlorophylliennes (Cistué et al. 1995 ; Luckett et Smithard 1995). La différence entre la culture de microspores et la culture d'anthères s'explique par la présence des enveloppes staminales. Elles jouent le rôle de filtre ou de barrière pour les nutriments du milieu parvenant aux microspores (Hoekstra et al. 1992 ; Ziauddin et al. 1992 ; Pulido et al. 2005).

Les cvs. d’orges de printemps Madras, Prisma, Douchka, Scarlet et Cork sont particulièrement sensibles à ce phénomène : le taux d’albinos régénérés est proche de 100 % (Caredda et al. 2000), contrairement au cv. d’hiver Igri qui régénère prés de 90 % de plantules vertes (Jähne et al. 1991 ; Kao et al. 1991 ; Caredda et Clément 1999 ; Wojnarowiez et al.

2002 ; Wojnarowiez et al. 2004). Le cv. de printemps Cork possède les mêmes paramètres de culture (pourcentage de réponse, structures embryoïdes, plantules régénérées) que le cv.

d'hiver Igri. Un seul critère oppose ces deux variétés, le pourcentage de plantules chlorophylliennes régénérées est seulement de 1% pour le cv. Cork et près de 90% pour le cv.

Igri (Caredda et Clément 1999). Ces deux cvs. sont donc utilisés comme modèles pour l'étude du phénomène d'albinisme lors de la culture d'anthères chez l'orge (Caredda et al. 2000)

MV ME MSL SM SM E E E V

N Sc

E CV MCP V CG

CG MR MR

Sc MA

Acquisition du potentiel embryonnaire Stress

Division cellulaire Régénération de la plantule

Figure 2 : Aspects cellulaires de l’embryogenèse pollinique chez l’orge (d’après Maraschin et al. 2005a).

CG : cellule génératrice - CV : cellule végétative - E : embryon - MA : méristème apical - MCP : mort cellulaire programmée - ME : microspore "enlarged " - MR : méristème racinaire MSL : microspore " star-like " - MV : microspore vacuolisée - N : noyau - Sc : scutellum - SM : structure multicellulaire - V : vacuole

1.3.3. Les différentes étapes

L'embryogenèse pollinique se décompose en quatre étapes.

1.3.3.1. La phase de prétraitement

Cette première étape consiste en l'acquisition du potentiel embryonnaire de la microspore (Figure 2), obtenu par l'application d'un stress permettant la répression du programme gamétophytique et menant à la dédifférenciation cellulaire et la formation d'un embryon (Maraschin et al. 2005a). Ce changement de programme peut avoir lieu grâce à la totipotence des cellules végétales et nécessite l'application d'un stress (Touraev et al. 1996a).

Le prétraitement engendre un grossissement de la microspore, qualifiée alors d'"enlarged". Ce changement morphologique coïncide avec le début de la réorientation du programme de la microspore chez de nombreuses espèces (Hoekstra et al. 1992 ; Touraev et al. 1996a ; Touraev et al. 1996b ; Maraschin et al. 2005a). La microspore réorientée présente alors un aspect caractéristique. Son noyau est en position centrale, entouré du cytoplasme fragmenté.

La microspore prend alors l'aspect d'une étoile, d'où l'appellation "star-like" (Touraev et al.

1996a ; Maraschin et al. 2005a). Ce changement morphologique observé chez le blé (Touraev et al. 1996b), l'orge (Maraschin et al. 2005a), le pommier (Höfer et al. 1999), le tabac (Touraev et al. 1996a) ou le riz (Raina et Irfan 1998), est considéré comme étant le marqueur de la réorientation de la microspore (Shariatpanahi et al. 2006a). Ceci est confirmé par le fait que ce stade, couplé à une division cellulaire symétrique, est indispensable à l'initiation du développement embryonnaire des microspores isolées (Indrianto et al. 2001).

1.3.3.2. La phase de culture

La seconde étape correspond à la mise en œuvre du nouveau programme de développement adopté par la microspore au cours du prétraitement. Elle consiste en la division cellulaire (Figure 2) menant à la formation de structures multicellulaires contenues dans l'exine. Les anthères sont transférées sur un milieu de culture, permettant aux microspores de subir une division symétrique (Mlodzianowski et Idzikowska 1978 ; Sunderland et Huang 1985) et de former des structures embryoïdes (embryogenèse directe) ou des cals (embryogenèse indirecte) au cours de la phase de culture. Les embryons sont ensuite

Tableau 4 : Influence du génotype sur l'embryogenèse pollinique chez diverses céréales.

Espèces /

cultivars Culture pcreg/100 ant preg/100 ant % pcreg références

Avena sativa CA ≤ 12 ≤ 13 ≤ 92,3 Rines et al. 1997, Kiviharju et al. 2000

Dnieprovski CM 16,9 19,0 88,9 Tiwari et Rahimbaev 1992

Igri CA 379,6 420,0 90,4 Orshinsky et al. 1990, Konzak et Zhou 1991 Triticum

aestivum CM nc nc 32,6 à 94 Liu et al. 2002, Kang et al. 2003, Labbani et al. 2005

Triticum

turgidum CM 3,8 à 11,9 9,4 à 13,8 10 à 85,6 Labbani et al. 2005, Cistué et al. 2006

Zea mays CA nc 8,9 nc Büter 1997

ant : anthère - CA : culture d'anthères - CM : culture de microspores isolées - emb : embryon - nc : non communiqué - pcreg : plantules chlorophylliennes régénérées - preg : plantules régénérées

libérés après rupture de l'exine et le développement sporophytique commence (Maraschin et al. 2005a).

1.3.3.3. La phase de régénération

Après l'étape de culture, intervient la phase de régénération de la plantule par l'entrée en activité des méristèmes apicaux et racinaires (Figure 2). Après environ 3 semaines de culture, les embryons sont transférés sur un milieu de régénération (Lyne et al. 1986 ; Olsen 1987 ; Jacquard et al. 2003 ; Maraschin et al. 2005a). Au cours de cette étape, les embryons haploïdes vont former des plantules qui sont ensuite entretenues en chambre de culture.

1.3.3.4. L'étape de diploïdisation

La dernière étape de l'embryogenèse pollinique consiste à obtenir des plantes HD.

Chez l'orge, le doublement du nombre de chromosomes peut être spontané ou obtenu par un traitement avec un agent anti-mitotique tel que la colchicine (Ferrie et al. 1995). Aprés vérification de la ploïdie, les plantules HD sont replantées et cultivées en terre (Lyne et al.

1986 ; Olsen 1987).

1.3.4. Les facteurs influençant l'embryogenèse pollinique chez l'orge

La réorientation de la microspore n'est pas uniquement dûe à l'isolement de l'anthère et à sa mise en culture sur des milieux optimisés. Elle est dépendante d'un certain nombre de facteurs génétiques (Knudsen et al. 1989), des paramètres chimiques et physico-chimiques des milieux de culture (Olsen 1991 ; Cai et al. 1992 ; Caredda et Clément 1999), ainsi que des conditions climatiques et environnementales (Ritala et al. 2001). Chez les céréales, la réponse des microspores et le pourcentage de plantules chlorophylliennes régénérées (Tableau 4) sont génotype-dépendants (Powell 1988 ; Luckett et Smithard 1992 ; Caredda et Clément 1999).

Les conditions de culture des plantes mères (Lyne et al. 1986 ; Luckett et Smithard 1992 ; Daniel 1993 ; Jähne et Lörz 1995 ; Raina et al. 2003), ainsi que la technique d'isolement des anthères ou des microspores (Ferrie et al. 1995 ; Ritala et al. 2001) interviennent également dans la réussite de la technique.

Le stade de développement de la microspore au moment du prélèvement est crucial quant à sa capacité à se réorienter (Heberle-Bors 1985). En effet, la microspore est capable de

Introduction

se réorienter jusqu'au stade précédant la première division pollinique (Maraschin et al.

2005a). Durant le développement pollinique naturel, la microspore subit une division asymétrique menant à la formation du grain de pollen, constitué d'une cellule générative incluse dans le cytoplasme de la cellule végétative (Garrido et al. 1995). La cellule générative donne deux cellules spermiques après une nouvelle division mitotique, alors que la cellule végétative accumule des réserves lipidiques et amylacées permettant ultérieurement le développement du tube pollinique (Bedinger 1992 ; McCormick 1993 ; Garrido et al. 1995).

Dès que l'accumulation d'amidon dans le cytoplasme de la cellule végétative a commencé, la microspore ne peut plus réorienter son programme et l'embryogenèse pollinique est dès lors impossible (Binarova et al. 1997 ; Touraev et al. 1997). Pour la majorité des espèces utilisées, notamment pour l'orge, le stade microspore vacuolisée uninucléée s'avère optimal pour l'utilisation en embryogenèse pollinique (Touraev et al. 1996a ; Touraev et al. 1996b ; Obert et al. 2004 ; Shariatpanahi et al. 2006a).

La composition des milieux de culture est un facteur supplémentaire intervenant dans la réussite de l'embryogenèse pollinique. La culture d'anthères ou de microspores peut se réaliser sur des milieux liquides ou solides (Kao et al. 1991 ; Luckett et Smithard 1992, 1995 ; Rimberia et al. 2005). La culture en milieu liquide ajoute cependant un problème supplémentaire : les cellules immergées se retrouvent en condition d'anaérobie et l'accumulation de lactate et d'acides organiques contribuent à la régénération de plantules albinos (Kao et al. 1991). L'ajout de Ficoll dans le milieu (Kao et al. 1991 ; Luckett et Smithard 1992 ; Devaux et al. 1993 ; Cistué et al. 1999 ; Ingram et al. 2000) ou l'utilisation de membrane permettent de diminuer l'effet néfaste du milieu liquide sur le rendement en plantules chlorophylliennes (Luckett et Smithard 1992, 1995).

La source carbonée des milieux de culture et de régénération est le paramètre le plus important pour l'obtention de plantules chlorophylliennes (Finnie et al. 1989 ; Roberts-Oehlschlager et Dunwell 1990 ; Olsen 1991 ; Cai et al. 1992 ; Caredda et Clément 1999). Les sucres les plus utilisés aujourd'hui sont le maltose et le saccharose avec une réussite plus ou moins importante selon l'espèce utilisée (Tableau 5). Ces deux sources carbonées ont été préférées au fructose et au glucose utilisés dans les années 80 mais qui s'avèrent moins efficaces aujourd'hui (Guo et Pulli 2000a, 2000b ; Kernan et Ferrie 2006). Chez l'orge, le saccharose, le fructose et le glucose se sont avérés toxiques (Scott et Lyne 1994). En effet, l'assimilation rapide de ces sucres par les microspores engendre une hypoxie du milieu (Scott et al. 1995) et une accumulation d'amidon dans la microspore qui pourraient être la cause du mauvais fonctionnement des plastes et de la régénération de plantules albinos

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(Mlodzianowski et Idzikowska 1981). L'assimilation plus lente du maltose induit un meilleur développement embryonnaire et un pourcentage de régénération de plantules chlorophylliennes plus important (Scott et al. 1995).

Tous les travaux menés sur l'embryogenèse pollinique font apparaître que la réussite de cette technique est multifactorielle. Dans la publication I, nous récapitulons les différentes étapes de l'embryogenèse pollinique et proposons le protocole qui semble le mieux adapté à cette technique pour l'orge (Hordeum vulgare L.).

Introduction

Publication I