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L’ APRÈS CONTRAT , POINT DE DÉPART DE L ’ ANÉANTISSEMENT RÉTROACTIF

Dans le document L'après-contrat (Page 152-200)

136.- L’après-contrat, point de départ de l’action en contestation. La disparition rétroactive peut effectivement intervenir en période postcontractuelle. En pareil cas, la période postcontractuelle

s’avérera même révélatrice des causes de la disparition, montrant ainsi que « la postérité, mieux armée,

rectifie »708

. Illustrent cette situation les cas dans lesquels la raison fondant la prétention n’apparaît ou n’est découverte que postcontractuellement. Pareille situation lance un défi à la sécurité juridique, du

703

CHANTEPIE G. et LATINA M., op. cit., n° 670, p. 582.

704

La discussion est néanmoins ouverte lorsque la résolution vient sanctionner l’inexécution du bénéficiaire de la clause. Faut-il alors conserver une clause stipulée dans l’intérêt du contractant fautif ? Peut-être est-ce là la limite au principe, dans le sens où il peut sembler injuste d’imposer une restriction de la liberté postcontractuelle au contractant qui a été victime de l’inexécution. Ce serait permettre à la partie fautive de préserver un avantage dans la résolution, laquelle vient pourtant sanctionner le comportement de cette dernière. Ainsi, il est possible de relever que le juge peut tempérer le principe de survie de l’obligations lorsque celle-ci a été stipulé dans l’intérêt exclusif de la partie fautive. V. en ce sens, FAGES B., Le comportement du contractant, PUAM, 1997, n° 664 et s. et MOUSSERON J.-M., Technique contractuelle, Francis Lefebvre, 2e

éd., 1999, n° 1833.

705

Il faut comprendre cet adjectif comme désignant tout ce qui touche au contrat, aussi bien ce qui y est inclus que ce qui le prend pour objet. Ce qui est « métacontractuel » concerne donc aussi bien ce qui se trouve à l’intérieur de la loi des parties que ce qui gravite autour du contrat. Rappr. infra n° 231, 382, 654, 668.

706

Cf. infra n° 387 et s.

707

Montrant que la nullité n’est pas un état de l’acte, mais un droit de critique dont la portée est concentrée sur les effets du contrat, JAPIOT R., Des nullités en matière d’actes juridiques, th. Dijon, 1909, p. 285.

708

Première partie : L’après-contrat, un temps hors du contrat Titre I – Un temps qui succède à l’extinction

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fait qu’une action visant l’effacement rétroactif d’un contrat « peut être exercée après un très long

intervalle de temps, depuis sa formation (…) Comment n’être pas effrayé de ces règlements

rétrospectifs ? »709

. Les exemples de contestations prenant naissance dans l’après-contrat sont pourtant classiques. La découverte postérieure d’une erreur sur les qualités substantielles de la chose permet d’en

faire la démonstration, et le second arrêt Poussin intègre explicitement cette idée de postériorité dans

son dispositif, en affirmant « le droit de se servir d'éléments d'appréciation postérieurs à la vente pour

prouver l'existence d'une erreur »710

au moment de celle-ci. En outre, la jurisprudence a pu estimer que « la partie envers laquelle un engagement contractuel n'a pas été exécuté, ou ne l'a été que partiellement, peut demander la résolution judiciaire du contrat avec dommages-intérêts, sans qu'il importe que celui-

ci soit arrivé à son terme au jour où il est statué sur la demande »711

, donnant lieu en l’espèce à

l’expression doctrinale de « post-manquement contractuel »712

. Dans ce cas, il ne s’agit pas tant de provoquer l’ouverture de la période postcontractuelle que de modifier rétrospectivement l’après-contrat déjà en cours. Le droit agira sur la révision du passé contractuel en modifiant directement la destination

du statu postquam. Le temps postcontractuel apparaît sujet à reconstruction. Un autre exemple

remarquable se situe à l’article 1657 du Code civil qui prévoit qu’ « en matière de vente de denrées et

effets mobiliers, la résolution de la vente aura lieu de plein droit et sans sommation, au profit du

709

DEMOLOMBE Ch., Cours de Code Napoléon : Traité des contrats ou des obligations conventionnelles en générale, t. 2, Auguste Durand et L. Hachette, 1869, p. 512. Toutefois, le nouvel art. 1183 du C. civ. prévoit que la partie qui ne peut agir en nullité peut demander par écrit à celle susceptible d'engager une action en nullité relative, lorsque la cause de nullité a cessé, soit de confirmer le contrat nul, soit d'agir en nullité dans un délai de six mois, à peine de forclusion. Cette nouvelle disposition, en faveur de plus de sécurité juridique, donne aux contractants concernés le pouvoir de former une action interrogatoire, laquelle permet de mieux anticiper les risques d’une extinction du contrat. Notons que déjà en 1909, René Japiot se demandait « dans quelles conditions il serait possible de donner à la partie adverse le moyen de fixer la situation, soit en lui permettant d'invoquer la nullité même fondée sur une idée de protection particulière à l'égard de son cocontractant (...), soit en l'autorisant à mettre l'ayant droit dans l'obligation de se prononcer immédiatement » (JAPIOT R., Des nullités en matière d'actes juridiques, th. Paris, 1909, p. 490, adde p. 564 et s. Sur les délais d’action en nullité servant à restreindre cette précarité, v. HOUTCIEFF D., Droit des obligations, Larcier, Paradigme, 2015, spec. n° 548 et s., adde n° 360. Comp. Civ. 1ère

, 6 juin 1990, Bull. I, n° 142, p. 102, pourvoi n° n° 88-16.896 (Il y a usucapion trentenaire lorsque l'acheteur d'un terrain se trouve en possession de celui-ci depuis la vente et que l'assignation par un des propriétaires n'a lieu que plus de trente ans après) et Civ. 3e

, 19 déc. 1990, Bull. III, n° 270, p. 153, pourvoi n° 89-13.986 (le bénéficiaire d'un bail passé pour 10 années avec faculté d'acquérir le terrain pendant la durée de la location et qui est resté dans les lieux à l'expiration du bail sans qu'aucun loyer ne lui ait été réclamé ni aucun congé délivré ne peut être déclaré propriétaire par prescription trentenaire puisqu'il a commencé à prescrire pour autrui en qualité de locataire), D. 1991. Somm. 305, obs. ROBERT A. ; MESTRE J., « De la prétendue imprescribilité de l'action en nullité absolue », RTD civ. 1987. 746 ; HANNOUN Ch., « Remarques sur la prescription de l'action en nullité en droit des sociétés », Rev. Sociétés, Dalloz 1991. 45.

710

Civ. 1ère

, 13 déc. 1983, Bull. civ. 1ère

n° 293, pourvoi n° 82-12237.

711

Com. 19 sept. 2006, inédit, pourvoi n° 03-19132. Adde Com. 3 mai 2012, Bull. IV, n° 86, pourvoi n° 11-17-779, RTD civ. 2012, p. 527 : où la résolution peut encore être prononcée par voie judiciaire, postérieurement à l'exercice par une partie de sa faculté de rupture unilatérale à ses risques et périls. Comp. Civ. 3ème

, 19 mai 2010, Bull. III, n° 98, pourvoi n° 09-13.296, RTD civ. 2010, p. 554, obs. FAGES B. : où le preneur « avait donné congé pour le 1er novembre 2004 et délaissé les lieux à la fin du mois d'octobre 2004 et retenu que [le bailleur] avait accepté ce congé, la cour d'appel, qui a constaté que la convention des parties avait pris fin avant que ne soit formée la demande reconventionnelle tendant à sa résolution, en a exactement déduit que devait être rejetée la demande en résolution d'un bail expiré en vertu d'un congé accepté ».

712

Chapitre 2 : La disparition du contrat : les désordres de la rétroactivité

Section 1 : La rétroactivité, outil d’emprise du droit sur le temps

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vendeur, après l'expiration du terme convenu pour le retirement ». L’effet du terme est ici créateur d’un réflexe résolutoire. L’objectif de la disposition légale répond à un besoin très concret de soulager la partie en proie aux défaillances de son cocontractant. Le risque de perdre la chose et le prix semble fonder cet impératif. L’article 1657 du Code civil donne les moyens juridiques d’appliquer une telle recommandation. L’idée est bien de libérer le contractant en éteignant l’obligation qui menace directement des intérêts de l’ordre juridique ou des parties, de protéger l’autorité du droit ou le besoin de justice.

137.- Fonction rectificative de l’anéantissement-sanction. Le droit se fait effectivement le médiateur entre l’ordre contractuel créé, tel qu’il s’est spontanément et librement organisé, et sa seconde

version, c’est-à-dire tel qu’il devrait être, par sa reconstruction a posteriori713

. Le jeu de déconstruction

et de reconstruction des événements découle essentiellement de cette fonction rectificative714

. L’action rédhibitoire postérieure à la vente le prouve encore : elle cherche à démanteler les effets de la vente et,

à partir de ce démantèlement, transformer la situation postcontractuelle par l’effet des restitutions715

. De même, l’action en nullité de la vente, fondée sur d’autres causes que celles de l’action rédhibitoire, pourra avoir un effet comparable à celui de la résolution. Il n’est donc pas étonnant que nullité et résolution se trouvent associées quand l’effet rétroactif est évoqué. En l’occurrence, l’Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription (2005), dans sa partie relative aux restitutions

consécutives à l’anéantissement rétroactif du contrat, exprimait le lien « rationnel » existant entre les

deux régimes, préconisant de traiter l’étendue de l’effet rétroactif au sein des sections relatives à la nullité

et à la résolution716

. Le mécanisme résolutoire a subi en effet l’influence de deux sanctions : la nullité et

la condition résolutoire717

. Toutefois, l’association de ces deux institutions peut susciter certains doutes718

,

qui n’ont pas été levés par la nouvelle rédaction du Code civil719

. Ces doutes sont fondés sur le fait que

713

V. not. infra n° 167.

714

Cf. not. SAFI F., « Les restitutions consécutives à la nullité du contrat : rétablir ou corriger ? », D. 2016. 1179, obs. sous Civ. 3e

, 3 déc. 2015, à paraître, pourvoi n° 14-22.692.

715

BLANC N., « Les restitutions », Gaz. Pal. 4 juin 2015, p. 14 s. ; KLEIN J., « Les restitutions », JCP 2015, suppl. au n° 21, p. 74 s. Cf. infra n° 148 et s., 434, 155 et s., 615.

716

SERINET Y.-M., in Avant-projet de réforme du droit des obligations (Articles 1101 à 1386 du Code civil) et du droit de la prescription (Articles 2234 à 2281 du Code civil), Rapport du Garde des Sceaux, 22 sept. 2005, p. 44.

717

Celle-ci est légalement prévu comme ayant un effet rétroactif. Le nouvel art. 1304-7 du C. civ. dispose que L'accomplissement de la condition résolutoire éteint rétroactivement l’obligation, sans remettre en cause, le cas échéant, les actes conservatoires et d’administration.

718

Rappr. CHABAS C., Rép. dr. civ. Dalloz, « Résolution – Résiliation », oct. 2010 (actu. juin 2016), n° 3 : « une identité d’effet n’emporte pas une identité des instruments. La résolution et son anéantissement rétroactif n’ont rien en commun avec la nullité qui produit pourtant le même effet ».

719

Il s’agit en effet de deux logiques différentes du fait que l’annulation consiste en une réponse du droit visant le rétablissement de la légalité dans l’ordre juridique, alors que la résolution sert les seuls intérêts du créancier victime de l’inexécution. La rétroactivité participe à ces deux mouvements du droit qui dirige et du droit qui protège. Comment justifier pour autant l’emploi de l’effet rétroactif dans les deux cas ? En effet, « Autant dire que, si la rétroactivité de la nullité peut être considérée comme postulée par l'institution, c'est exactement l'inverse pour la résolution : dans le premier cas, la

Première partie : L’après-contrat, un temps hors du contrat Titre I – Un temps qui succède à l’extinction

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l’action résolutoire liée au contrat à exécution instantanée ne s’est pas affranchie de la fiction de la rétroactivité, si bien qu’observer la place de l’après-contrat dans l’anéantissement rétroactif pousse nécessairement à s’interroger sur la place de l’effet rétroactif dans les modes d’extinction de la convention.

§2) La place de l’effet rétroactif dans les mécanismes extinctifs

138.- La pérennité subie de l’effet rétroactif. Alors que le Rapport relatif à l’ordonnance réformatrice indique très explicitement que l’ampleur de l’effet résolutoire ne repose plus sur la distinction entre contrats à exécution instantanée et contrat à exécution successive, le résultat de la réforme ne semble certainement pas aller jusqu’au bout de cette démarche puisque la rétroactivité persiste au travers de la résolution du contrat à exécution instantanée (A. La persistance de la rétroactivité dans la résolution du contrat à exécution instantanée), mais aussi, de façon plus nébuleuse, dans d’autre parties du Code civil (B. La nébuleuse de l’effet rétroactif dans le Code civil), laissant

penser que l’ « abandon de la fiction de la rétroactivité »720

n’est finalement qu’un effet d’annonce (C. L’abandon de la rétroactivité de la résolution : un effet d’annonce).

A- LA PERSISTANCE DE LA RÉTROACTIVITÉ DANS LA RÉSOLUTION DU CONTRAT À

ÉXECUTION INSTANTANÉE

139.- Un attachement constant à la rétroactivité. Si dans sa présentation de la résolution le rapport relatif à l’ordonnance de 2016 laisse croire à un abandon de la distinction entre contrats à

exécution instantanée et exécution successive721

, l’avant-Projet de réforme (2005) expliquait que la

rétroactivité de la résolution est applicable aux contrats instantanés722

. Son article 1160-1, alinéas 1er

et 2e

,

énonçait néanmoins que « la résolution du contrat libère les parties de leurs obligations. Dans les

contrats à exécution successive ou échelonnée, la résolution vaut résiliation ; l’engagement des parties prend fin pour l’avenir, à compter de l’assignation en résolution ou de la notification de la résolution unilatérale ». Le choix terminologique du premier alinéa met bien en évidence l’effet principalement

rétroactivité est le principe ; dans le second, elle ne peut être que l’exception », in MALINVAUD Ph., « L’anéantissement rétroactif du contrat », Observations conclusives, RDC 1er

janv. 2008, p. 101. Cf. supra n° 127, 133 et s.

720

Rapport fait au Président de la République, préc.

721

Rapport, préc. : « la distinction contrat instantané/contrat à exécution successive ne paraissant pas toujours adaptée pour déterminer dans quelle mesure les restitutions doivent avoir lieu ».

722

Chapitre 2 : La disparition du contrat : les désordres de la rétroactivité

Section 1 : La rétroactivité, outil d’emprise du droit sur le temps

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extinctif de la résolution, s’appuyant sur l’idée d’une fonction libératoire723

. Toutefois, ce terme n’inclut

pas l’idée de rétroactivité, laquelle est clairement écartée dans la suite de la disposition (« prend fin

pour l’avenir »). Ainsi « le passé restera sous l’empire du contrat »724

. Apparaît une opposition avec l’alinéa 4 qui crée le contraste entre les contrats instantanés et les contrats dont l’exécution s’étire dans

le temps : « Dans les contrats à exécution instantanée, elle est rétroactive ; chaque partie restitue à

l’autre ce qu’elle en a reçu »725

.

140.- L’influence de la technique des restitutions. L’attachement classique à la rétroactivité est

en effet dû au fait que la résolution provoque des restitutions726

. Or, les restitutions ne sont désormais légalement prévues que lorsque les prestations échangées ne trouvaient leur utilité que dans l’exécution

complète du contrat727

. De plus, elles s’émancipent de l’effet résolutoire en trouvant leur justification

dans la loi : elles sont un effet légal728

; ce qui rapproche le droit français de ses voisins anglais,

allemands729

, suisse730

, ou même russe (qui ne distingue pas formellement « résiliation » et

« résolution »)731

. La distinction entre contrat instantané et contrat à exécution successive n’est donc

723 Cf. not. infra n° 53, 104, 132 et s. 724 GHELFUCCI-THIBIERGE C., th. préc., p. 420. 725

Rappr. ROCHFELD J., in Avant-projet (2005), p. 42 : « il est proposé d’établir textuellement les effets de la résolution en prévoyant un principe de résolution pour l’avenir, sauf l’hypothèse de rétroactivité relative aux contrats à exécution instantanée (article 1160-1 et règles relatives aux restitutions, Section 6) ».

726

Rappr. infra n° 148 et s., 434, 155 et s., 615.

727

Cf. Civ. 1ère

, 3 nov. 1983, Bull. civ. I, n° 252, pourvoi n° 82-14.003, RTD Civ. 1985. 166, obs. MESTRE J.; et Civ. 1ère

, 13 janv. 1987, Bull. I, n° 11, p. 8, pourvoi n° 85-12.676, JCP 1987 II, 20860, obs. GOUBEAUX G. ; CCC 1991, n° 77, LEVENEUR L. Adde Civ. 1ère

, 7 juin 1995, Bull. civ. I, n° 244, p. 171, pourvoi n° 93-15.485. Sur les contrats échelonnés, la doctrine a développé l’idée que la résolution touche soit le contrat dans son intégralité, soit, si le contrat est vu par les parties comme fractionné par une série de contrats, à la fraction inexécutée (PLANIOL M. et RIPERT G., Traité pratique de droit civil français, t. 4, Paris, 1965, n° 45).

civ. I, n° 252, RTD Civ., 1985. 166, obs. MESTRE J.; Civ. 13 janv. 1987, II, p. 20860, obs. GOUBEAUX G.). C’est le critère de la divisibilité de l’opération qui sert ici à déterminer si le contrat échelonné constitue un tout non découpable, ou s’il peut être fractionné (Civ. 3e

, 20 nov. 1991, Bull. civ. III, n° 285, pourvoi n° 89-16.552).

728

V. déjà SEVELY-FOURNIE C., L’acte juridique extinctif en droit privé, Contribution à l’étude de l’acte juridique, th. préc., p. 592 : « les restitution semblent en réalité constituer un effet légal indirect de l’acte extinctif ».

729

L’ « obligation de restitution est une conséquence que la loi attache à l'inexécution du contrat. Elle n'est pas la conséquence d'un anéantissement du contrat mais, au contraire, une sanction fondée sur sa force obligatoire », in WINTGEN R., « La rétroactivité de l’anéantissement en droit comparé », RDC, 1er

janv. 2008, 1, p. 73. Cf. infra n° 159.

730

Cf. not. L’HUILLIER L., La notion du droit formateur en droit privé suisse, th. Genève, 1947. L’auteur aborde (p. 160- 161) la théorie de la fiction pour expliquer la formation antérieure des effets de la rétroactivité. Pour cela il se réfère à la théorie de la fiction telle qu’entendue par VON TUHR (Allg. Teil., II, p.22, spécialement n. 96), qui observe, d’une part, que les Hommes, capables d’agir sur le présent et sur le futur, sont dans l’impossibilité d’agir sur le passé, selon l’adage « Facta infecta fieri non possunt ». Cet adage a été rejeté par une partie de la doctrine, notamment Enneccerus (Lehrb., I, §75, p.182, n°6, invoquant à l’appui de cette idée la « Doctrina condicionum » de Leibnitz, Chapitre X, ainsi que son propre ouvrage, Rechtsgeschäft, Bedingung u. Anfangstermin) qui objecte que les droits ne sont pas des faits, mais des « concepts de l’esprit ». D’autre part, la fiction permet de trouver facilement les règles applicables à une situation juridique. « Tout se passe comme si [le législateur] faisait un voyage en arrière dans le temps ». À ce titre, l’auteur rappelle que la fiction doit être analysée comme un pur procédé de technique juridique, puisque la réalité demeure. L’auteur utilise ainsi la combinaison de la théorie des droits formateurs et de la fiction juridique pour expliquer le mécanisme des vices cachés. Partant, nous relevons qu’il est possible de parler d’après-contrat même en cas de disparition rétroactive des effets du contrat. Ce choix se justifie par l’idée que les faits, pour leur part, n’ont pas été effacé, seulement les effets juridiques de l’acte.

731

Première partie : L’après-contrat, un temps hors du contrat Titre I – Un temps qui succède à l’extinction

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plus, en apparence du moins, au cœur de leur traitement : c’est l’utilité des échanges passés qui sert de

critère aux restitutions732

. La résolution n’atteignant pas rétroactivement les prestations échangées quand celles-ci ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution, s’apparente dorénavant à une

« résiliation »733

. Lorsque les prestations auront trouvé une utilité au fur et à mesure de l'exécution

réciproque du contrat, la résolution n'aura donc pas d'effet rétroactif734

.

Il est alors possible de se demander finalement comment la résolution doit être comprise

lorsqu’elle atteint un contrat à exécution instantanée735

. Sont par ailleurs concernés par cette préoccupation d’autres mécanismes tels que la rescision pour lésion ou incapacité, ou l’action rédhibitoire qui profite à la victime d’un vice caché. Il peut sembler de prime abord difficile de détacher l’effet résolutoire de la rétroactivité. La difficulté tiendrait au fait que le but poursuivi par les parties vise la disparition de la norme contractuelle de manière à obtenir, à l’instar de la nullité, son retrait de l’ordre

juridique dans lequel elle s’était jusqu’alors inscrit. Or, des limites existent à ce retrait736

, et doivent permettre de comprendre l’effet résolutoire comme une remise en cause du contrat passé, sans pour

autant invoquer la notion de rétroactivité737

.

D’ailleurs, le Code civil révèle parfois des approximations terminologiques qui forment un foyer d’hésitations. Tel est le cas de l’article 1638 qui laisse persister un doute sur la sanction qu’il préconise lorsque l’acquéreur découvre des servitudes non apparentes qui, s’il en avait eu connaissance, l’aurait

modifiées ou éteintes au moment de l’accord des parties sur la modification ou la résolution du contrat, à moins qu’il n’en résulte autrement d’après l’accord ou la nature de la modification du contrat. Lors de la modification ou de la résolution judiciaire du contrat, les obligations sont modifiées ou éteintes au moment où la décision judiciaire sur la modification ou la résolution du contrat a acquis l’autorité de la chose jugée. Le même article dispose ensuite, dans son point 4), que les parties sont en droit de demander la restitution de ce qu’elles ont réalisé en tant qu’obligations, jusqu’au moment de la modification

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