Le plan cancer 2009-2013 a permis de montrer que les PPS et le suivi après-cancer, ont été
définis et expérimentés dans l’objectif de continuer les prises en charge globales et d’un
accompagnement social pendant et après les traitements. Conçus pour mieux coordonner la
prise en charge avec les médecins et les autres intervenants de ville, ils sont désormais un
élément constitutif du dispositif d’autorisation des établissements de santé et bénéficient d’un
format proposé au niveau national. Ils doivent encore être déployés plus largement auprès de
l’ensemble des patients.
Le suivi du patient repose sur des consultations systématiques ou réalisées « à la
demande » (du patient, d’un tiers etc). La consultation de suivi représente encore aujourd’hui
le standard de prise en charge. Toutefois, l’expérience montre que les modalités de suivi sont
très variables d’un centre à l’autre et pour l’essentiel fonction de la pathologie, de la demande
du patient (variable en fonction du profil psychologique et du niveau éducatif), de la distance
avec le domicile, de l’âge et des comorbidités, des éventuelles contraintes protocolaires.
Une illustration saisissante du manque de consensus et de rationalité dans le suivi
systématique est fournie par l’étude de Donnelly et al, basée sur un questionnaire adressé à
562 oncologues en charge du suivi de cancers du sein. Moins de 10% appliquent les
recommandations officielles ; le suivi médian est supérieur de 2 ans par rapport aux
recommandations ; et les facteurs associés à un suivi « raccourci » sont, entre autres, le
volume d’activité du centre et l’âge avancé de la malade (Donnelly et al. Ann Oncology
2007).
La consultation de suivi est d’autant plus problématique qu’elle est confrontée à des
difficultés de nature très diverses tels qu’une limitation physique, des co-morbidités souvent
éloignées de la compétence de l’oncologue, des désordres psychologiques ou simplement
émotionnels, des problèmes professionnels, des difficultés de couple, de troubles de la
sexualité …
Par exemple, dans les lymphomes, le diagnostic de rechute n’est que rarement porté chez un
malade asymptomatique (absence de plainte, examen clinique négatif). Dans les lymphomes
agressifs (LBDGC), le diagnostic de rechute est porté dans 86% des cas chez des malades
symptomatiques (Guppy et al. Leuk Lymphoma 2003). Dans cette même étude, la
tomodensitométrie systématique a contribué au diagnostic de rechute asymptomatique dans
seulement 5,7% des cas de rechute, une contribution considérée comme négligeable (Guppy
et al. Leuk Lymphoma 2003).
Ainsi, dans les lymphomes agressifs, il vient d’être montré que les patients qui, à 24 mois,
n’ont pas présenté d’événements, ont très peu de chance de rechuter mais vont être
progressivement exposés à des pathologies associées (Maurer et al. JCO 2014). Au total, pour
les lymphomes, il n’est pas évident que le suivi systématique en milieu spécialisé et encore
moins l’imagerie dite de surveillance, apportent une contribution significative à la sécurité des
soins (El-Galaly et al. JCO 2015).
Dans les leucémies aiguës, la situation est différente dans la mesure où au moins la moitié des
rechutes sont détectées par la biologie chez des malades asymptomatiques (Huang et al. Blood
2007). La détection précoce d’anomalies sanguines peut avoir des implications significatives
dans certaines situations (confirmation par le myélogramme, analyses moléculaires,
vérification du liquide céphalo-rachidien le cas échéant, reprise éventuelle d’un traitement ..).
Une des questions les plus centrales du suivi dans l’après-cancer est de définir la place
respective du médecin généraliste et de l’oncologue.
Suite au deuxième plan cancer, une étude a été faite chez 31 médecins généralistes qui
identifient les problèmes de l’après cancer chez leur patient.
Figure 24 : Problématiques de l’après-Cancer
Au vu de ces résultats, les problématiques sont d’abord d’ordre médical : 71% sont en lien
avec les toxicités ou les séquelles des traitements et 45% sont d’ordre psychologique :
dépression, angoisse, anxiété.
En théorie, le suivi des patients s’établit sur la base d’une collaboration cordiale et équilibrée
entre d’une part le médecin généraliste et d’autre part, le spécialiste, principalement
l’oncologue mais aussi d’autres spécialistes susceptibles d’intervenir en fonction des
complications éventuelles (ex : le cardiologue pour une complications cardio-vasculaire).
Dans ce modèle, le médecin généraliste intervient à la demande en fonction des complications
qui surviennent, l’oncologue intervient quant à lui sur base de consultations régulières
systématiques. Ce modèle de soins partagés (« shared care model ») est remis en cause pour
de multiples raisons qui tiennent aux insuffisances des deux filières.
La « tension » créée entre ces deux filières s’exprime par un ressenti négatif de la part
notamment du médecin généraliste et ce ressenti peut impacter la confiance du patient
vis-à-vis de l’ensemble du système de soin. Dans une enquête new-yorkaise récente, les médecins
généralistes expriment une grande frustration en rapport avec le fait de ne plus pouvoir suivre
leurs patients qui seraient ainsi « détournés » par la filière oncologique ; ils expriment leur
déception de ne pas être consulté pour les décisions et de ne pas pouvoir communiquer
aisément avec l’oncologue, surtout lors que celui-ci travaille dans un centre universitaire
(DiCicco-Bloom et al. J cancer Surviv, 2013).
Ainsi, se pose le problème aux États-Unis de la prise en charge de la phase initiale par
l’isolement social, démographique et les ressources. En Europe, c’est à la phase active, que le
patient est plus isolé dans le parcours de soin car du fait de la couverture sociale universelle il
existe moins d’inégalités sociales à la phase initiale. En effet, du fait de localisation
géographique, du centre public ou privé, général ou universitaire, et même à l’intérieur du
centre, des inégalités peuvent apparaître.
Par exemple à l’ICUT-Oncopole, le service d’hématologie, composé de 4 unités, navigue à
flux tendu sur le nombres de places disponibles pour traiter le patient et respecter les
intervalles entre chaque chimiothérapie. Il n’est par rare que les patients soient hospitalisés
dans 3 unités différentes pour 3 cycles différents et ainsi se référer à des médecins
sur-spécialisés dans un domaine différent de leur pathologie initiale (hospitalisation traditionnelle,
puis de HDJ puis greffe). Le parcours de soins est respecté mais source d’angoisse et de stress
pour le patient qui ne s’adresse pas à un médecin référent du début à la fin de son parcours de
soins.
De plus, plus particulièrement en hématologie, la phase active du traitement reste une période
à haut risque, du fait des effets secondaires des chimiothérapies parfois très important, des
saignements, des sepsis sévères. Cela peut impacter sur l’observance du traitement par une
diminution de la dose intensité liée aux effets toxiques ou de la perception négative des
patients sur le traitement.
A Toulouse, il nous est paru évident que l’introduction de l’infirmière de coordination dans la
gestion du suivi a considérablement facilité la communication entre le médecin généraliste et
l’oncologue (AMA).
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!!ANNÉE 2016 2016 TOU3 1533 !
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