• Aucun résultat trouvé

L’AUTRE EXPOSITIO AUGUSTINIENNE DE FLORUS DE LYON

LES SENTENTIAE A BEATO FULGENTIO EXPOSITAE DE LA COLLECTION DE DOUZE PÈRES

Dans sa recherche d’une exégèse toujours plus rigoureuse-ment augustinienne des Épîtres de Paul1, Florus de Lyon avait déjà constitué la « triade » que devait canoniser le XVIIe siècle2, en ajou-tant à sa lecture des écrits authentiques de l’évêque d’Hippone celle des œuvres de deux autres auteurs qu’on appelait jadis ses épigones : Prosper d’Aquitaine et Fulgence de Ruspe. Du premier, Florus ne semble pas avoir connu beaucoup d’opuscules3. Ce sont essentiel-lement les Sententiae que ce disciple et contemporain d’Augustin

1 Sur cette question et l’implication de Florus dans la controverse sur la prédestination, voir principalement Klaus zeChiel-eCkes, Florus von Lyon als

Kirchenpolitiker und Publizist : Studien zur Persönlichkeit eines karolingischen « Intellektuellen » am Beispiel der Auseinandersetzung mit Amalarius (835-838) und des Prädestinationsstreits (851-855), Stuttgart, 1999 (Quellen und Forschungen zum Recht im Mittelalter, 8), p. 77-177.

2 À travers, notamment, Paulus erynaChus [= Joannes Baptista sinniChius],

Sanctorum Patrum de gratia Christi et libero arbitrio dimicantium trias, Augustinus Hipponensis adversus Pelagium, Prosper Aquitanicus adversus Cassianum, Fulgentius Ruspensis adversus Faustum, [s.l.], 1648. De même, déjà, dans son Libellus de tribus epistolis, Florus associe étroitement les trois Pères : beatus Prosper (…) cum beato scilicet Augustino (…) ergo et beatum Augustinum et beatum Fulgentium (Libellus de tribus epistolis [éd. Kl. Zechiel-Eckes, CCCM 260], p. 378,

l. 1965-1985).

3 Florus semble avoir surtout utilisé les Responsiones pro Augustino composées par Prosper ad capitula Gallorum calumniantium ; voir Kl. zeChiel-eCkes, Florus

von Lyon…, p.  186-187 et l’Index fontium de son édition des Opera polemica de

Florus (CCCM 260), p. 538. Prosper a pourtant été l’un des auteurs les plus convo-qués au cours de la controverse sur la prédestination ; je me permets de renvoyer à Jérémy Delmulle, « Les polémistes carolingiens et les œuvres sur la grâce de Prosper d’Aquitaine : production, utilisation et circulation des manuscrits », dans

La controverse carolingienne sur la prédestination : histoire, textes, manuscrits, Actes

du colloque des 11 et 12 septembre 2013, éd. Pierre Chambert-Protat et al., Paris (Haut Moyen Âge), à paraître.

avait extraites des œuvres du maître qui fournissent à Florus un réservoir de citations ; mais elles sont à ses yeux si peu originales que Florus n’a pas hésité à les intégrer directement à son Expositio augustinienne, au même rang que les emprunts faits directe-ment aux œuvres personnelles d’Augustin4. Fulgence de Ruspe, en revanche, a fourni une matière bien plus abondante. Florus s’est particulièrement intéressé à celui qu’il nomme gloriosus antistes

confessor Christi au moment de la controverse sur la prédestination,

durant laquelle il cite volontiers et à plusieurs reprises5, comme aussi dans son Expositio missae6, les écrits de l’évêque de Ruspe. La personnalité de Fulgence est indissociable de celle d’Augustin : le premier, étant considéré comme le disciple le plus rigoriste du second, offre aussi l’avantage de présenter un discours censément

4 Prosper apparaît ainsi plutôt comme un témoin de la tradition indirecte, au même titre que Bède et Eugippe, à la différence que, Prosper n’ayant pas précisé d’où il tirait chaque extrait, c’est son nom et le titre du Liber sententiarum qui est reporté en marge par le compilateur et non le titre de l’œuvre source. L’édition de l’Expositio augustinienne est en cours de publication dans la Continuatio

Mediaevalis du Corpus Christianorum ; seule en a paru, pour l’instant, la troisième

partie, In Epistolam secundam ad Corinthios, In Epistolas ad Galatas, Ephesios et

Philippenses, éd. P.-I. Fransen et al., 2011 (CCCM 220b). Les éditeurs ont identifié soixante-dix-huit extraits provenant du Liber sententiarum de Prosper (contre les soixante-quinze recensés par M.  Gastaldo dans son édition [CCSL 68a], p.  216, n. 4, et les soixante-trois de Célestin Charlier, « La compilation augustinienne de Florus sur l’Apôtre : sources et authenticité », dans Revue bénédictine, 57 [1947], p. 132-186, ici p. 180) ; ne pouvant encore renvoyer à l’index de l’édition, je m’ap-puie sur les documents de travail de dom Fransen et de ses collaborateurs, dont une copie est conservée à la KU Leuven.

5 Voir Flor., De tribus epist. : beati Fulgentii gloriosi antistitis et confessoris

Christi (CCCM 260, p. 334, l. 528-529), et De tenenda immobiliter : Beatus quoque antistes et gloriosus confessor Fulgentius (CCCM 260, p.  449, l. 921). Les deux

seules œuvres citées sont l’Ad Monimum et le De fide ad Petrum, qui le sont d’ail-leurs exclusivement dans le De tribus epistolis et dans le De tenenda immobiliter ; voir l’introduction au CCCM 193b, p. lxviii-lxix, et l’Index fontium de l’édition de Kl. Zechiel-Eckes (CCCM 260, p. 531-532). D’après Jean Devisse, la connaissance de Cyprien, Fulgence et Hilaire apparaît même, durant la controverse, en premier à Lyon, avant de gagner ce qu’il appelle « le Nord » : Jean Devisse, Hincmar,

arche-vêque de Reims (845–882), t. I, Genève, 1975 (Travaux d’histoire éthicopolitique, 29),

p. 269, n. 402.

6 Le texte critique de l’Expositio missae a été procuré par Paul DuC, Étude sur

l’Expositio Missae de Florus de Lyon, suivie d’une édition critique du texte, Belley,

1937, qui a heureusement corrigé l’édition de dom Martène reproduite dans la PL, 119, col. 15-72 ; le repérage des sources a été considérablement complété par Jean-Paul bouhot, « Fragments attribués à Vigile de Thapse dans l’Expositio missae de Florus de Lyon », dans Revue des études augustiniennes, 21/3-4 (1975), p. 302-316, qui a identifié (voir p. 304-305) trois emprunts à l’Epist. 14 de Fulgence en Expositio

missae 4 (Epist. 14, 44, l. 1819-1824 et 37, l. 1536-1541 [éd. J. Fraipont, CCSL 91,

purement augustinien, d’une manière plus concise, plus nette, plus percutante. C’est sans doute à l’occasion de la préparation de l’une ou l’autre de ses œuvres polémiques publiées au cours de la contro-verse que Florus a conçu l’idée de rassembler, comme il l’avait fait pour les autres Pères, des excerpta de ce théologien. Pour le recueil de ses commentaires sur les sententiae pauliniennes, Florus n’a connu, ou plutôt retenu, que quatre œuvres de Fulgence : le Contra

Fabianum, l’Ad Monimum, l’Ad Scarilam et l’Epist. 147.

On se rappellera, avant d’aller plus loin, l’intérêt réciproque que ces deux corpus – les œuvres de Fulgence et les Sententiae de la Collection de Florus – ont présenté historiquement pour, respecti-vement, les spécialistes de Florus et les éditeurs de Fulgence. C’est, en effet, en préparant chacun son édition des Opera sancti Fulgentii que Jacques Sirmond, d’abord, puis Pierre-François Chifflet ont réussi à mettre la main sur le manuscrit de la Grande-Chartreuse et ainsi découvert la Collection de douze Pères de Florus8. À rebours, sans la Collection de douze Pères et la Collectio de fide de Florus, on n’aurait quasiment rien conservé des dix livres du traité antia-rien de Fulgence contra Fabianum. C’est dire déjà l’importance que Lyon, et Florus en particulier, ont eu pour la conservation et la transmission des œuvres de Fulgence, qui devaient fortement alimenter, quelques années seulement après leur redécouverte, les controverses relatives à la grâce suscitées par la publication de l’Augustinus9.

7 Voir l’analyse de la collection dans l’introduction à l’édition, t. I, p. lvi-lxvi.

8 L’editio princeps des œuvres complètes de Fulgence, due à Jacques Sirmond, a paru sous le titre Sancti Fulgentii episcopi Ruspensis De ueritate praedestinationis

et gratiae libri III, Paris, 1612 – ouvrage que son auteur a complété quelque trente

ans plus tard, après la découverte de la Collection florienne, en publiant un mince volume : Sancti Fulgentii episcopi Librorum contra Fabianum excerpta, Paris, 1643. Pierre-François Chifflet a, quant à lui, intégré l’édition de plusieurs des œuvres de Fulgence dans ses Scriptorum veterum De fide catholica quinque opuscula, Dijon, 1656. Sur cette chronologie, voir la « Dissertatio historica » de Philippe Labbé annexée à la notice « De sancto Fulgentio » de Robert bellarmin, De scriptoribus

ecclesiasticis, Venise, 1728, p.  193-194. Voir aussi la reconstitution historique

proposée par Pierre Chambert-Protat dans les présents actes p. 37.

9 Et ce avant même l’édition des Opera omnia par Pasquier Quesnel et Luc-Urbain Mangeant (voir ci-dessous p. 155 et n. 35). Voir, en particulier, Jean-Louis quantin, « Combat doctrinal et chasse à l’inédit au XVIIe  siècle : Vignier, Quesnel et les sept livres contre Fauste de Fulgence de Ruspe », dans Revue des

études augustiniennes, 44/2 (1998), p.  269-297 ; « Jérôme Vignier (1606-1661),

critique et faussaire janséniste ? », dans Bibliothèque de l’École des chartes, 156 (1998), p. 451-479, ici p. 452, n. 8 et p. 467.

On ne peut donc que se réjouir de disposer désormais d’une édition des extraits sélectionnés par Florus dans le corpus fulgen-tien10, qui permettront, le cas échéant – et c’est assurément celui du

Contra Fabianum – d’améliorer le textus receptus de l’une ou l’autre

des œuvres de l’évêque. Mais il faut en même temps déplorer le fait que, concernant Fulgence du moins, le texte édité ne rend pas parfaitement compte du contenu des deux témoins manuscrits. Outre certaines coquilles11 qui dénaturent quelque peu la valeur de l’édition, on doit regretter que les variantes des deux seuls témoins de la Collection n’aient pas toutes été – loin de là ! – répertoriées dans l’apparat : certaines d’entre elles pourraient même, quelque-fois, remettre en cause le choix de la leçon à retenir ; par ailleurs, les choix éditoriaux mêmes ont parfois été trop influencés par ceux de l’édition de Fulgence, qui sert actuellement de référence – celle de Jean Fraipont, parue au Corpus Christianorum en 1968 – qui déjà tenait compte du témoignage des deux témoins de Florus, les mss lyon, BM, 5804, de la Grande-Chartreuse, et vitry-le-François, BM, 2, de Sainte-Marie de Trois-Fontaines (siglés respectivement A et B dans l’édition de la Collection, et α et β dans celle des œuvres de Fulgence)12. Ainsi, le témoignage du manuscrit de Trois-Fontaines, dont Chifflet ignorait même l’existence13 et qui, en tout cas pour

10 La section fulgentienne de la Collection est éditée dans le dernier tome, p. 203-290.

11 Voir, notamment, en Flor., ex Fulg. in Apost. 75 (t. III, p. 285, l. 4), particibus imprimé pour participibus (voir les mss A, f. 176b et B, f. 79a). On peut aussi émettre quelques doutes sur l’orthographe retenue dans le texte édité : par exemple, en Flor., ex Fulg. in Apost. 71 (t. III, p. 281, l. 48), societatae, mis pour le societatę

présent dans le ms. A (f. 175b ; l’édition dit « 7rb ») ; B, f. 78va, porte bien societate.

12 Il faut recommander au lecteur intéressé par les extraits floriens de Fulgence de se reporter de préférence aux apparats de J. Fraipont, plus exacts et plus complets (voir ci-dessous la n. 14). L’éditeur n’a cependant pas intégré le témoi-gnage indirect de Florus pour son édition de l’Ad Monimum.

13 Voir, à ce propos, Jeannine Fohlen, « Chifflet, D’Achery et Mabillon : une correspondance érudite dans la deuxième moitié du XVIIe  siècle (1668-1675) », dans Bibliothèque de l’École des chartes, 126 (1968), p. 135-185, ici p. 169, n. 1, et Pierre Chambert-Protat, ici-même, p. 13. Le manuscrit de Langres (in codice

perue-tusto Lingonensi) mentionné par Pierre-François ChiFFlet, « In Excerpta librorum decem S.  Fulgentii episcopi contra Fabianum praefatio », dans iD., Scriptorum

veterum…, p.  135-136, ici p.  135, est en réalité l’exemplaire, transmettant la Collectio de fide, qui devait ensuite faire partie de la bibliothèque du président

Bouhier, l’actuel ms. montPellier, BU Méd., H 308 (voir la note apposée au f. [I]v

de ce manuscrit : Præsens codex ille ipse est, ex quo Fulgentii Excerpta edidit Petrus

Franc. Chiffletius, Soc. Jes. inter Scriptores V. de Fide catholica, quemque Pag. 135. codicem pervetustum Lingonensem vocat) ; là-dessus, voir Célestin Charlier, « Une œuvre inconnue de Florus de Lyon : la collection De fide de Montpellier », dans

ce qui regarde le texte de Fulgence, partage à plusieurs reprises la leçon de tous les manuscrits de Fulgence contre le manuscrit de la Grande-Chartreuse, me semble devoir être réévalué14. Ce n’est qu’en recollationnant l’ensemble, ou du moins en vérifiant les leçons du ms. B, que l’on pourra donc être en mesure de juger avec exactitude les écarts réels qu’accuse le texte de la Collection de douze Pères avec la tradition directe de l’auteur examiné.

L’édition des Opera de Fulgence procurée par Jean Fraipont est sans doute d’une haute qualité scientifique, quoiqu’il reste à ce jour assez difficile de se prononcer à ce sujet, pour ce qui concerne les écrits qui ont joui d’une certaine diffusion, sans un retour au matériel manuscrit. Dans son introduction, l’éditeur reconnaît, en effet, que sa « première intention était modeste : comparer le textus

receptus de l’édition ancienne réputée la meilleure, celle de 1684

[préparée par Pasquier Quesnel et Luc-Urbain Mangeant], avec

quelques anciens manuscrits15 ». Mais la tradition manuscrite elle-même des traités et lettres de Fulgence reste paradoxalement en partie méconnue : les quelques pages d’introduction qui ouvrent l’édition restent quasiment silencieuses sur la tradition textuelle, se contentant de renvoyer le lecteur à un article à paraître dans la revue Sacris erudiri, mais qui n’a jamais vu le jour ; les archives du Corpus Christianorum, à Turnhout, n’en ont guère conservé de trace16. Il faut donc d’abord se livrer à un recensement des manus-crits, à leur collation et à une étude préparatoire de leurs relations, pour pouvoir utiliser avec circonspection les apparats de l’édi-tion dans un but comparatif. Étant donné cet état d’avancement relatif de la recherche en la matière, les observations présentées ici ne sauraient donc prétendre offrir les résultats d’un travail aussi abouti pour chacune des traditions textuelles.

14 Le plus souvent, les éditeurs n’ont pris en compte, s’agissant de B, que le texte que ce manuscrit offre post correctionem. J’ai compilé, pour ce qui regarde plus précisément Fulgence de Ruspe, un apparat critique corrigé et augmenté des

Sententiae a Fulgentio expositae, qui permet de juger à nouveaux frais le statut du

ms. B. Remarquer, au moins, pour deux citations scripturaires, l’accord de B et des témoins directs de l’œuvre de Fulgence contre la leçon du seul A, retenue pourtant par les éditeurs, en Flor., ex Fulg. 74, 14 : propiciaret ed. A] repropiciaret B (le « mut. in » de l’édition [p. 284 in app.] est erroné) = omnes codd. et edd. op. Fulgentii (= Hebr. 2, 17) ; 78, 14 qui ed. A] cum B = omnes codd. et edd. op. Fulgentii (= Rom. 5, 10).

15 FvlG. rvsP., éd. J. Fraipont (CCSL 91), p. vii-viii (je souligne).

16 Ibid., p. viii, n. 30. Je remercie Bart Janssens d’avoir bien voulu fouiller pour moi les archives du béguinage.

La collection d’extraits fulgentiens offre un cas d’étude assez idéal, ne serait-ce que par sa diversité, car les soixante-dix-neuf fragments qu’elle renferme proviennent de quatre œuvres distinctes dont la tradition textuelle est extrêmement disparate. Plus de la moitié des fragments qui composent la Collection de douze Pères (quarante-cinq extraits) provient, en effet, d’un long traité antia-rien contra Fabianum, qui est perdu et qui ne nous est principale-ment accessible qu’à travers les extraits qu’en a reproduits Florus dans sa Collectio de fide, puis dans celle « de douze Pères ». D’autres extraits, en moins grand nombre, proviennent de l’Ad Monimum, traité antisemipélagien sur la grâce (neuf extraits) et de l’Epist. 14, adressée par l’évêque de Ruspe à Ferrand, diacre de Carthage (douze extraits), dont nous avons conservé des témoins relative-ment nombreux et parfois anciens et, dans le cas de l’Epist. 14, un manuscrit apparenté au modèle de Florus. La dernière œuvre, en revanche, représentée par treize extraits, est un traité christolo-gique de Incarnatione, adressé ad Scarilam, dont les plus anciens témoins connus ne sont pas antérieurs au XIe siècle.

L’objectif de notre rencontre étant de chercher à situer le travail de copiste, d’annotateur, voire d’« éditeur » de Florus à l’intérieur d’une tradition manuscrite bien définie, ou au moins reconstituable dans ses grandes lignes, je ne m’attarderai pas sur le cas, pourtant exceptionnel, du Contra Fabianum, pour privilégier (encore que de manière inégale) les trois autres petits dossiers, avant de me permettre une légère digression touchant non plus tant les sources matérielles de la Collection que la méthode de sélection et de clas-sement mise en œuvre par Florus, et les utilités multiples qu’ont pu avoir ses repérages, dans l’œuvre de Fulgence, des passages d’exé-gèse paulinienne.

Le Contra Fabianum

Du Contra Fabianum, je rappellerai simplement que c’est à la sélection, plus que généreuse, du Florus excerpteur de fide et de

Paulo que l’on doit de posséder aujourd’hui plus de cent pages de

ce qui devait être l’œuvre la plus longue de Fulgence (composée de dix livres au moins)17. Les quarante-cinq extraits présents dans les

Sententiae sont tous, sans exception, tirés des trente-neuf extraits,

17 Publiés pour la première fois par Sirmond, puis Chifflet (voir supra, n. 8), les fragments du Contra Fabianum ont été réédités par J. Fraipont, sur la seule base du témoignage de Florus (CCSL 91a, p. 761-866) ; voir le tableau synoptique des différentes éditions et la concordance entre les numéros des fragments, ibid., entre les p. 762 et 763.

plus amples, déjà rassemblés par le même Florus dans la première

Collectio de fide pour servir, comme l’indique le titre sous lequel ils

sont rassemblés, de fidei catholicae instrumenta18.

C’est donc la source de cette première récolte qu’il nous importe le plus d’essayer de localiser, en dépit de la disparition de tout témoin manuscrit. Il existe, à ma connaissance, un seul autre auteur dont on peut être sûr qu’il a eu connaissance de ce texte, vraisemblablement dans son intégralité ou à tout le moins dans une large part, avant l’époque de Florus : il s’agit de Théodulphe d’Orléans, qui a recours à Fulgence dans son De processione Spiritus Sancti et, en particu-lier, cite textuellement sept passages tirés du Contra Fabianum19. Y avait-il donc à Fleury, au début du IXe siècle, un manuscrit complet du Contra Fabianum ? Et provenait-il, éventuellement, de la pénin-sule ibérique, comme Théodulphe lui-même ? Ce ne sont là que des questions, mais qui trouveront des échos plus loin.

L’Ad Monimum

La tradition textuelle la plus riche et qui se prêterait le mieux à l’étude que nous avons engagée, celle de l’Ad Monimum, est en même temps, malheureusement, l’une des moins connues et des moins exploitables. Ce traité en trois livres, qui touche essentiel-lement aux questions de la prédestination et de la grâce, est sans doute, des œuvres de Fulgence, celle qui, après le De fide ad Petrum, a été la plus diffusée20 ; mais parce que nous avons la chance d’avoir conservé, pour ce texte comme pour l’Ad Trasamundum et un ensemble de sept lettres de Fulgence, un manuscrit datable de la fin du VIe siècle – donc de peu postérieur à l’époque de leur rédac-tion (Fulgence meurt en 532) – et qui semble même être l’arché-type de l’ensemble de la tradition de ces œuvres (il s’agit de l’actuel ms. CitéDu vatiCan, Bibl. Vat., Reg. lat. 26721), les éditeurs ont fort

18 Ce titre a été conservé dans l’édition de J. Fraipont (CCSL 91a, p. 763). Voir C. Charlier, « Une œuvre inconnue… », p. 83 (n° 13) et, sur le florilège du C. Fab., p. 102-103.

19 Ces témoignages ont été utilisés par Sirmond dès son édition de 1612 ; voir l’édition de J. Fraipont (CCSL 91a), tabl. entre les p. 762-763.

20 J. Fraipont a édité le De fide ad Petrum à partir de six manuscrits (voir son « Monitum », CCSL 91a, p. 710), mais dit en avoir recensé environ quatre-vingts : voir ibid., p. viii et n. 28.

21 J. Fraipont, ibid., p. viii, le présente comme le « chef de file de cette série de témoins » (i.e. la douzaine de manuscrits présentant le même ensemble de traités de Fulgence, dans le même ordre ; J.  Fraipont ne suit toutefois pas toujours les leçons du seul R (en particulier pour l’orthographe) : cfr Mon. 1, 21, 2 (CCSL 91, p. 21, l. 731-732) ; 24, 1 (p. 24, l. 846) ; 25, 3 (p. 25, l. 884) ; 27, 1 (p. 28, l. 1006) ; 27, 4 (p. 29, l. 1042) ; 27, 5 (ibid., l. 1050) etc. Sur ce manuscrit, voir principalement la

peu tenu compte des manuscrits postérieurs, ni même établi ne serait-ce qu’un recensement indicatif. Pour la question qui nous intéresse aujourd’hui, les apparats de l’édition de Jean Fraipont ne sont donc d’aucun secours, et les sondages que j’ai réalisés dans la quinzaine de témoins que j’ai identifiés n’ont, pour l’instant, mis en lumière aucun rapprochement particulièrement probant entre le texte connu de Florus et celui d’un témoin en particulier22.

Tout ce que l’on peut dire, à la lecture des extraits de l’Ad

Monimum présents dans la Collection, c’est que l’on est frappé par

la proximité du texte de Florus avec le Reginense tardoantique. Les rares lieux où Florus offre certaines variantes, ces dernières paraissent (mais vraisemblablement à cause de la légèreté des appa-rats) être des lectiones singulares ; elles sont en tout cas, la plupart du temps, à l’évidence fautives. Le Reg. lat. 267 ne saurait, toutefois,