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CHAPITRE 2 – LA PRATIQUE INFIRMIERE ENTRE L’AUTONOMIE ET LA

2. I – 1 L’autonomie infirmière aujourd’hui

L’autonomie représente aujourd’hui un enjeu majeur pour les infirmières. En effet,

inlassablement visée par elles depuis un siècle, l’autonomie infirmière, dont il est de

plus en plus question au travers de la professionnalisation des infirmières, appelle

encore les repères lui permettant de se légitimer.

Dans toute la littérature, l’autonomie infirmière est reliée au processus de

professionnalisation et constitue son aboutissement.

« La recherche de l’autonomie professionnelle a pris de plus en plus d’importance pour

les infirmières ces dernières années …..la reconnaissance de l’autonomie, l’attribut le

plus inestimable et le plus stratégique d’une profession, constitue l’aboutissement

normal du mouvement de professionnalisation de la pratique infirmière … »

71

.

Le terme de professionnalisation qui est décrit comme un processus, renvoie à plusieurs

aspects pour lequel il est utilisé : l’activité elle-même, le groupe qui exerce cette

activité, les savoirs liés à cette activité, l’individu exerçant l’activité et la formation à

l’activité. Or, parmi l’ensemble de ces aspects (BOURDONCLE, 2000), le savoir joue

un rôle central dans la compréhension des professions

72

.

Ce rôle central est également relevé ici :

« Les tenants de la professionnalisation doivent démontrer que leur travail se conforme

à un ensemble d’attributs prédéterminés …. dont le plus important est l’existence d’un

corpus de connaissances (body of Knowledge) justifiant qu’il s’agit d’une learned

profession, une profession savante. Birenbaum (1987) avance que la reconnaissance

sociale s’exerce de façon efficace, demande une formation supérieure de longue durée

et implique un engagement moral envers le bien commun. »

73

.

Si le mouvement de professionnalisation des infirmières touche l’ensemble de ces

aspects et le relie à son autonomie, alors nous nous référons à la professionnalisation et

plus particulièrement à une de ses caractéristiques reconnues comme une des plus

importantes y participant : le savoir, afin de tenter de préciser ce que recouvre

l’autonomie infirmière aujourd’hui.

Ce savoir concerne la nature des soins infirmiers qui renvoie à la prévention, au

maintien et à la promotion de la vie. Ces éléments sont reconnus comme étant

spécifiques de la pratique infirmière. Ils s’appuient sur quatre concepts centraux qui

sont ceux de la personne, de la santé, de l’environnement et du soin qui sont à la base

des théories de soins élaborées entre 1950 et aujourd’hui (KEROUAC, S., PEPIN, J.,

DUCHARME, F., et al., 1994). Ils relèvent à ce titre du modèle global présenté dans la

problématique (BURY, 1988).

Cependant et depuis le développement de la médecine, ces savoirs semblent

inextricablement liés à la maladie. En effet, face au patient, l’infirmière qui prend soin

de lui dans une perspective santé va également être impliquée dans des soins visant le

combat de la maladie. Les contenus des savoirs à développer vont donc aussi toucher

des savoirs médicaux.

71

GOULET, O. (1999). L'autonomie professionnelle et la pratique infirmière. In GOULET, O.,

DALLAIRE, C. (dir.). Soins infirmiers et société. Paris: Gaëtan Morin, p. 135.

72

BOURDONCLE, R. (2000). Autour des mots "Professionnalisation, Formes et dispositifs". Recherche

et Formation, Vol. 35, p. 117-132.

73

GOULET, O. (1999). L'autonomie professionnelle et la pratique infirmière. In GOULET, O.,

Ceux-ci constituent donc une toile de fond sur laquelle devraient se construire les

savoirs de santé, c’est-à-dire que, par exemple, dans une situation d’accident vasculaire

cérébral, connaître la physiologie de la circulation artérielle du cerveau ainsi que les

pathologies qui peuvent y être associées est indispensable pour choisir les gestes à faire,

ceux à ne pas faire, dans l’accompagnement de la vie quotidienne (se déplacer, se laver,

manger, etc…) et dans la perspective d’une récupération.

Cependant, pour répondre à la professionnalisation, ces savoirs doivent présenter des

critères précis. Pour nous aider, nous empruntons les éléments permettant de situer la

nature de ce savoir :

« pour contribuer à la professionnalisation de l’activité, les savoirs doivent être

relativement abstraits et organisés en un corps codifié de principes ; être applicables aux

problèmes concrets ; être crédibles quant à leur efficacité (même s’ils ne sont pas

réellement efficaces) ; être en parties créés, organisés, transmis et, en cas de conflits,

arbitrés en dernière instance par la profession elle-même, notamment par ses

enseignants-chercheurs universitaires ; être enfin suffisamment sophistiqués pour ne pas

être aisément accessibles à l’homme ordinaire, ce qui confère au groupe professionnel

une espèce de mystère. »

74

.

Sur cette base, le processus engagé fait apparaître l’autonomie au travers de l’accès à un

niveau tertiaire universitaire de sa formation en Suisse mais également dans plusieurs

pays d’Europe (SPITZER , A., PERRENOUD, B., 2006b). Cela signifie aujourd’hui

l’existence :

• de réseaux de recherche financés par l’organisation

75

,

• un enseignement qui n’est plus donné majoritairement par des médecins,

• des connaissances qui relèvent de la santé de la personne, de l’environnement

issu des sciences humaines,

• une organisation de la formation indépendante,

• des soins centrés sur la santé,

• un rôle, présenté comme autonome ou encore indépendant ou propre à

l’infirmière, inscrit dans les lois de la santé publique de chacun de ces pays.

Cependant, en regard des critères de Goode (1969), si les structures semblent en place,

le corpus de savoirs n’est pas encore suffisamment développé et stabilisé pour prétendre

à toute l’autonomie auquel il peut donner accès, la recherche nécessitant du temps pour

le faire.

Ainsi, « la profession infirmière est une profession en émergence……. [dont]

l’autonomie professionnelle est un attribut complexe qui ne s’acquiert pas d’emblée »

76

74

GOODE (1969), in BOURDONCLE, R. (2000). Autour des mots "Professionnalisation, Formes et

dispositifs". Recherche et Formation, Vol. 35, p. 123.

75

En Suisse, ils le sont en partie par la HES-SO et par les sites de formation. Aux nombres de quatre, ils

constituent les lieux de déploiement privilégiés de la recherche dans les domaines de la santé et du social :

[en ligne] http://www.recss.ch; http://www.rea.ch; http://www.cedic.ch; http://resar.ch. Consultés le 8

août 2007.

76

LEEDY & PEPPER (1989) in GOULET, O., DALLAIRE, C. (dir.) (1999). Soins infirmiers et société.

et pour lequel le temps nécessaire à sa construction se traduit, dans le champ de la

pratique, par un certain écart.

Effectivement, dans le champ de la pratique, les relations de subordination à la

médecine qui ont historiquement marqué la profession, bien qu’incompatibles avec les

pratiques actuelles, persistent toujours. Elles sont de plus doublées par les contraintes de

la bureaucratie, des structures hiérarchiques et de l’économie. Celles-ci placent

l’infirmière dans un paradoxe entre un statut dépendant, celui de la profession, au sein

duquel il lui est demandé de développer son autonomie. Ce paradoxe, qui met « …

toujours deux termes en présence, ou deux secteurs ou deux pôles existant dans

l’exclusion de l’un et de l’autre. »

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, concerne ici l’autonomie et la dépendance.