• Aucun résultat trouvé

DE L’AUDACE, ENCORE DE L’AUDACE, TOUJOURS DE L’AUDACE !

Dans le document LA RAISON DU PLUS SPORT (Page 155-159)

Olympisme et traditions

DE L’AUDACE, ENCORE DE L’AUDACE, TOUJOURS DE L’AUDACE !

Aussi curieux que cela puisse paraître, l’avènement quasi simultané du sport et des Jeux olympiques au XIXe siècle n’a pas conduit à un attelage commun dès les débuts.

L’idée de les unir est un pari audacieux du jeune Pierre de Coubertin.

En 1892, l’annonce du retour de l’idée olympique s’est faite subrepticement en fin de réunion par le rajout in extremis d’un point à l’ordre du jour…

A Paris en 1894 le congrès olympique est convoqué dans un contexte où le souvenir olympique gagne du terrain après les découvertes archéologiques des sites antiques. Pierre de Coubertin annonce publiquement deux choses : son intention de développer l’éducation de la jeunesse par les exercices athlétiques et sa volonté d’œuvrer pour la pacification entre les nations. Sa force de conviction et une grande intelligence stratégique sont ses atouts décisifs. Sa vision prémonitoire du XXe siècle où il devine l’influence de la démocratie et du « cosmopolitisme » le pousse à oser le pari de rénover les Jeux de l’antiquité.

Mais la partie n’est pas gagnée d’avance car il doit trouver un dosage subtil au sein de la commission en charge du projet. Son objectif est clair : il faut associer le succès du sport moderne à la

L’engouement pour les sports athlétiques doit s’appuyer sur l’aura des Jeux olympiques disparus depuis deux mille ans. Un mémoire distribué aux congressistes appelle « tous les peuples civilisés qui se réclament de la Grèce antique » au soutien du projet.

Le choix se fait entre deux propositions : une qui prône la reconstitution historique voulue par le gouvernement grec et l’autre qui prône la célébration des sports modernes réunis dans une grande fête internationale. Pierre de Coubertin qui défend cette dernière option utilise la crainte de plusieurs dirigeants sportifs devant la montée du professionnalisme pour les gagner à sa cause. Il compose ainsi un programme sportif très diplomatique pour arriver à « un équilibre européen des disciplines olympiques ».

Celles-ci tiennent compte de la référence à l’antiquité avec le lancer du disque, de la prise en compte des sociétés de gymnastiques et de tir, mais également de l’art nobiliaire de l’escrime avec la paume, puis du lawn-tennis, de la vélocipédie, etc. Entre le projet du gouvernement grec et celui des seuls sports modernes, Pierre de Coubertin accepte le compromis.

Une« chimère sportive » selon l’heureuse formule de Serge Laget s’invite à la liste. Elle est imaginée par Michel Bréal, brillant helléniste proche du rénovateur.

Bréal se propose de remettre une coupe de Marathon au vainqueur de la course Marathon – Athènes en souvenir du soldat Philippidès revenu de la bataille du même nom pour annoncer la victoire des Grecs avant de décéder. Ainsi le premier marathon olympique de l’histoire est-il créé sans répondre pour autant à une quelconque demande sportive !

Sous les ors de l’amphithéâtre de La Sorbonne résonnent les derniers mots du discours de clôture de Coubertin : « Exportons des rameurs, des coureurs, des escrimeurs, voilà le libre échange de l’avenir ! ». C’est ainsi qu’il annonce « le rétablissement des JO comme le puissant auxiliaire de la paix ». Le coup d’envoi est donné : les premiers Jeux olympiques internationaux de l’histoire auront bien lieu à Athènes en 1896. La première édition est émaillée de quelques fantaisies au regard des conditions actuelles : un nageur favori de la compétition refuse de se jeter à l’eau car elle est trop froide à son goût, tandis qu’un sprinteur grec tient à porter des gants blancs durant l’épreuve, son roi étant dans la tribune… Parmi les participants au 1 500 m se glisse même un étudiant de la délégation scolaire d’Arcueil conduite par Henri Didon le père de la devise olympique. Les USA trustent les titres mais celui de la gloire revient à Spiridon Louys, héros de tout un peuple et étonnant vainqueur du premier marathon de l’histoire sportive.

Mais la réunion de tous les sports français au sein d’une seule et même famille n’est pas encore devenue réalité. Le Comité national des sports est créé en 1908 suivi en 1911 du Comité olympique français. Les deux organismes marquent la ligne de partage qui différencie les sports olympiques des autres. Pierre de Coubertin, devenu Président du CIO, poursuit son combat pour donner au sport une mission humaniste et civilisatrice. Le mouvement connaît des succès mais aussi des revers. Les Etats voient dans l’organisation des Jeux une promotion de leur politique et les fédérations s’attachent à renforcer en priorité leur discipline.

Jusqu’à la guerre de 14-18, les JO cherchent leur identité et…

leurs sports.

A Paris (1900) le tir au sanglier vivant ou la course en montgolfière cohabitent avec l’athlétisme et le rugby.

En cette année 1894, il nous a été donné de réunir les représentants de l’athlétisme international, et ceux-ci, unanimement, tant le principe en est peu controversé, ont voté la restitution d’une idée, vieille de deux mille ans qui aujourd’hui comme jadis agite le cœur des hommes… En définitive, Messieurs, il n’y a pas dans l’homme deux parties, le corps et l’âme. Il y en a trois, le corps, l’esprit et le caractère : le caractère ne se forme point par l’esprit, il se forme par le corps… Je lève mon verre à l’idée olympique qui a traversé, comme un rayon de soleil tout puissant, les brumes des âges et revient éclairer d’une lueur de joyeuse espérance le seuil du XXesiècle.

Pierre de Coubertin Extraits du discours de clôture de Pierre de Coubertin (1894)

Le label olympique de l’édition réussie et populaire de ces Jeux dans la capitale française sera contesté puis finalement accordé a posteriori. La traversée de l’Atlantique pour les JO de 1904 aux USA (St Louis) laisse à quai une délégation française ne comprenant aucun athlète à cause du prix du voyage ! A ces mêmes Jeux l’organisation des « Anthropologic’s days » réservés aux indiens, esquimaux et autres ethnies ternit la fête sportive et l’idéal olympique. Après Londres (1908) et Stockholm (1912) sont programmés les jeux de 1916 ; prévus à Berlin, ils n’auront pas lieu pour cause de guerre. En 1920 les JO d’Anvers puis ceux de 1924 à Paris fixent plusieurs rituels : ainsi en est-il du serment et du village olympique. La devise « Citius, Altius, Fortius » est désormais officielle. La seconde édition parisienne est particulièrement flamboyante avec l’alliance des sports et de la culture au travers de concours d’art, de sculpture, de musique, d’architecture et de littérature. Le jury d’écrivains couronne Géo-Charles devant Montherlant tandis que le sprint final du 800 m inspirera « Les chariots de feu » au cinéma.

Les Jeux olympiques sont désormais un événement-phare mais qui dit Jeux olympiques ne dit pas pour autant olympisme !

Dans le document LA RAISON DU PLUS SPORT (Page 155-159)