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Les systèmes anglais et français se rapprochent, ce qui n’est que le reflet d’une convergence des modèles de gouvernement d’entreprise à l’échelle mondiale. Cette convergence elle-même reflète l’uniformisation et surtout la mise en concurrence des structures économiques. L’attraction des systèmes apparaît alors comme une conséquence de la globalisation ou de la mondialisation. Toutefois, le rapprochement des systèmes procède également de facteurs internes, qui devront être mis en évidence. Ainsi faudra-t-il, après s’être penché sur les facteurs du rapprochement (sous section I), en souligner les marques (sous section II).

Sous-section I : Les facteurs de rapprochement des systèmes

Ainsi qu’il sera souligné plus loin, les mouvements rapprochant les deux droits sont contraires : la convergence a lieu à la faveur d’un assouplissement de la position traditionnelle anglaise, et d’une radicalisation de la position française. A l’origine de ces deux mouvements contraires se trouvent par conséquent des forces opposées. Cela justifie d’en faire une étude séparée, en présentant les facteurs de convergence communs aux deux systèmes, c'est-à-dire l’hypothèse d’une convergence générale des modèles (Paragraphe I),

puis en distinguant le changement du contexte français (paragraphe II) de l’aveu d’insuffisance du modèle anglo-saxon (paragraphe III).

Paragraphe I : L’hypothèse d’une convergence générale des modèles économiques et de gouvernement d’entreprise

S’il est vrai que les systèmes juridiques évoluent, cette affirmation s’applique avec une acuité toute particulière au droit des sociétés et aux systèmes de gouvernement des entreprises. L’exigence d’efficacité ou d’efficience économique, même si l’efficience est loin de constituer une notion uniforme, s’ajoute à la convergence maintes fois annoncée des systèmes de Civil et de Common Law1 pour soumettre législateurs et acteurs économiques à la tentation de copier ce qui se fait, avec l’apparence du succès, chez leurs voisins. Il n’y a rien là que de très naturel ; néanmoins, cette convergence des systèmes de gouvernement d’entreprise semble s’être accélérée et renforcée, à tel point que certains annoncent une convergence générale des systèmes comme inéluctable. Les causes, la logique et l’issue possible de cette convergence doivent être étudiées.

Les causes citées pour justifier cette convergence abondent, il existe toutefois un noyau dur de causes avérées2. L’évolution vers un modèle commun résulte d’abord d’un changement affectant les marchés. La globalisation du marché des produits engendre une concurrence nouvelle entre les sociétés et, par là même, entre les modèles juridiques. La globalisation et le décloisonnement des marchés financiers tendent, eux, vers l’avènement d’un marché unique. L’évolution résulte ensuite d’un courant de déréglementation des marchés financiers, consubstantiel au mouvement de globalisation.

La logique de cette évolution est une quête d’efficacité. Elle s’accompagne de l’attente d’une évolution darwinienne vers un modèle unique, épuré et optimal. Toutefois, à l’instar de la notion économique d’efficience, la notion plus généraliste d’efficacité se prête à plusieurs interprétations. Favorisera-t-on la recherche d’une efficacité productive, le

1

Voir par exemple K.J. Hopt : “Common Principles of Corporate Governance in Europe?” in B. Markesinis (Ed.): “The Coming together of the Common Law and the Civil Law”, The Millenium Lectures, Hart Publishing 2000, Oxford, p. 105-132.

2

P. Geoffron : « Formes et enjeux de la transformation des modèles de corporate governance », Revue d’Economie Industrielle n° 82, 1997, p. 101-117, nota. p.108 et s.; Bradley, Schipani, Sundaram et Walsh : “The Purpose and Accountability of the Corporation in Contemporary Society: Corporate Governance at Crossroads”, (1999) (Sum) Law and Contemporary Problems 9-86, nota. p.14-33

modèle optimal sera court-termiste, financé par le marché des titres et discipliné par sa pression. Favorisera-t-on au contraire une efficacité allocative, le modèle le plus efficace sera celui où la perspective de long terme impose un financement bancaire par intermédiation, construit sur des relations de confiance et de nature contractuelle1.

L’issue possible de cette convergence, enfin, est plus qu’incertaine. L’observateur est réduit à des conjectures et à une vision prospective subjective, du fait de l’existence de freins à la convergence des systèmes, dont il s’avère délicat d’évaluer l’importance. Ces facteurs de résistance sont connus, pas leur force. Les facteurs historiques (path

dependence) jouent un rôle dans le choix initial d’appartenance à un modèle, mais

constituent aussi un facteur de fidélité à ce choix initial. De même, l’interdépendance culturelle et surtout juridique2 entre deux pays ne peut être négligée. Dans la perspective du rapprochement des modèles civilistes et anglo-saxons, les proximités entre les Etats- Unis et l’Angleterre d’une part, la France et l’Allemagne d’autre part ne peuvent qu’entraver le développement d’un modèle unique, et ici le rapprochement franco-anglais en matière de gouvernement d’entreprise. A ce titre, l’avènement de la corporate

governance en France a parfois été taxé d’impérialisme américain et l’enthousiasme

français pour cette approche de complicité3. Complexe à cerner, le mouvement ne peut donc certainement pas être anticipé avec certitude, ni son issue prédite. Il faut alors se borner à attendre le choix des faits pour l’une ou l’autre de deux hypothèses de convergence. Celle-ci peut conduire soit à l’émergence d’un système unique mais hybride - empruntant aux deux grands modèles antagonistes et caractérisé par une approche syncrétique de l’intérêt social4, soit à la victoire et l’universalité du modèle shareholder où l’entreprise est gouvernée par le marché. Cette victoire en signifierait la supériorité, dans un processus d’évolution5. A noter que l’hypothèse d’une évolution vers un modèle

stakeholder, notamment caractérisé par l’intermédiation bancaire, n’est jamais envisagée

car très improbable. Les perspectives d’évolution peuvent être présentées différemment en reliant facteurs déterminant du modèle et issue possible. Si le facteur d’évolution constitué par la quête d’efficience productive l’emporte, le modèle anglo-saxon deviendra la norme.

1

P. Geoffron, article précité, 1997, p.106-107

2

E. Wymeersch : “Factors and Trends of Change in Company law”, (2001) 2(2) International and Comparative Corporate Law Journal 481-501, nota. 502

3

M. Bergerac et A. Bernard : « Fantaisie à deux voix : A propos de Dominique Schmidt, Les conflits

d’intérêts dans la société anonyme », D. 2000 Chron. p. 315, Cahier de Droit des Affaires, nota. p. 315 et 317

4

A. Couret : « L’intérêt social », JCPE 1996, supplément n°4, p. 1-12, nota. p. 9 n°43.

5

P. Geoffron : « Quelles limites à la convergence des modèles de corporate governance ? » (suite du premier article de 1997), Revue d’Economie Industrielle n°90, 1999, p. 77-93, nota. p.83-84

Si au contraire les déterminants historiques prévalent, aucune évolution n’aura jamais vraiment lieu. Si enfin seule la fidélité ou interdépendance juridique est le facteur marquant, l’évolution sera en demi teinte, vers un modèle hybride1. Loin des perspectives de convergence globale, sans doute un peu trop globales –justement- pour prétendre à l’exactitude, le modèle français est en proie à une évolution rapide.

Paragraphe II : Le changement du contexte économique et social français

Deux facteurs peuvent être identifiés, qui font muter le capitalisme français et les mécanismes de gouvernement d’entreprise : le passage « d’un monde à un autre » procède d’un changement économique, l’avènement des investisseurs institutionnels en France, ainsi que d’un changement doctrinal. Ce second changement, affectant les fondations théoriques de la société, touche à la fois la doctrine économique, avec la découverte en France des thèmes de Coase et de la théorie de l’agence, et la doctrine juridique, avec la fascination un temps exercée par la corporate governance américaine2. La théorie de l’agence ayant déjà été présentée3, c’est tout naturellement qu’il faut étudier en premier lieu le changement économique (I) et en second l’avènement de la corporate governance en France (II).

I/ Le bouleversement économique

Dans une typologie des structures financières, on oppose les structures caractérisées par un actionnariat dispersé à celles présentant un actionnariat concentré. Traditionnellement, la France appartient au second modèle et c’est cette caractéristique qui induit un gouvernement d’entreprise de type interne. De cette proximité de la France avec le modèle de type stakeholder résulte une conception de l’intérêt social assez ouverte, non centrée sur le profit à court terme des actionnaires. La fin de la dernière décennie du XXe siècle a été le moment d’une évolution dans la structure même de l’actionnariat, qui a mené le système

1

J.C. Coffee : “The Future as History: the Prospects for Global Convergence in Corporate Governance and its Implications”, (1999) 93 Northwestern University Law Review 641-707, nota. p. 646 et 647

2

Ces trois explications sont celles proposées par le Professeur J. Paillusseau : « Entreprise, société, actionnaires, salariés, quels rapports ? », Dalloz 1999, Chronique p. 157

3

Le rôle de la découverte par les juristes français de la thèse contractualiste et de la théorie de l’agence ne doit cependant pas être minimisé. Plus qu’un simple soutien artificiel au nouveau modèle de financement des entreprises, cette découverte a été un facteur à part entière dans l’évolution du modèle français. A preuve, l’intérêt d’auteurs de premier plan tels que les professeurs Alain Couret et surtout Paul Didier.

et le droit français sur la voie inverse, celle de la recherche de la maximisation de la valeur actionnariale.

Sont apparus dans le capital des sociétés cotées françaises des investisseurs institutionnels, principalement étrangers, phénomène qui jusque là concernait uniquement les pays anglo- saxons. Définir les investisseurs institutionnels1, ou professionnels2, ne peut s’effectuer qu’à travers la fonction économique qu’ils remplissent. Il faut alors les présenter comme des organismes privés réalisant in fine la même fonction économique que les banques : ils constituent un intermédiaire entre des capacités de financement et des besoins de financement. Les banques le font par la collecte de dépôts auprès des épargnants et le financement des entreprises au moyen de prêts. Les investisseurs institutionnels collectent également l’épargne, mais leur financement des entreprises n’a pas lieu au moyen d’une distribution de crédits, mais par achat de titres (actions ou obligations). Banques et investisseurs institutionnels sont donc des intermédiaires financiers. Ils s’opposent cependant quant à la nature de leurs actifs : tandis que les banques possèdent contre les entreprises financées des créances, en principe non négociables, les investisseurs institutionnels possèdent des titres, acquis et négociables sur les marchés financiers. Il existe trois types principaux d’investisseurs institutionnels : les organismes de placement collectif, les fonds de pensions, et les compagnies d’assurances. Ils gèrent les placements de tiers. Leur développement dans un système plutôt qu’un autre est souvent lié à un détail, tel par exemple que le mode de financement des retraites. L’exemple américain de financement par capitalisation plutôt que par solidarité est bien connu, qui a conduit au développement historique3 des fonds de pensions. En France, au contraire, deux phénomènes économiques successifs peuvent être cités comme causes.

D’une part, la reconfiguration du capitalisme français des années 1990 s’explique paradoxalement par le système l’ayant précédé. Le gouvernement français, dans les années 1980, avait privatisé de nombreuses grandes entreprises, souhaitant en cela céder des parts importantes de ces entreprises4 à des blocs de contrôle et favorisant les participations croisées. Il y avait alors un large système d’alliances interentreprises, une « économie de

1

Voir, généralement : A. Boubel et F. Pansard : « Les investisseurs institutionnels », Coll. Repères, Ed. La Découverte 2004 ; F. Manin : « Les investisseurs institutionnels », Thèse, Paris I, 1996

2

I. Parachkevova : « Le pouvoir de l’investisseur professionnel dans la société cotée », Thèse, L.G.D.J. 2005

3

Et au cataclysme tout aussi historique.

4

réseaux »1. C’est le démantèlement de ce système dans les années 1990 qui a permis l’entrée d’institutionnels sur le marché français2. Les grands fonds d’investissement étrangers, notamment américains, ont pu acquérir des blocs d’actions de groupes clefs du capitalisme français3. D’autre part, un second phénomène a amplifié la pénétration du marché français par les investisseurs professionnels. Les banques elles-mêmes, face à la baisse de leur profit induite par ce changement dans la structure financière, ont diversifié leurs activités. Elles se sont consacrées, outre la distribution traditionnelle de crédits, à des activités liées aux marchés financiers. Elles ont ainsi entrepris de gérer les actifs de tiers, constituant des conglomérats financiers et devenant elles-mêmes des investisseurs institutionnels. Un autre trait du changement financier a été la diminution de l’intermédiation bancaire, c’est à dire du rôle des banques et de leur soutien à l’industrie4. Parallèlement, une « marchéisation » du financement a eu lieu en Europe, corollaire de la décélération du crédit bancaire aux entreprises5. A une économie de « coeur financier » s’est substituée une économie de « marchés financiers »6.

Par leur présence et leurs exigences, les investisseurs institutionnels ont pesé très fortement sur les orientations du système français. Nommément, ils ont favorisé la réorientation du système vers un modèle anglo-saxon de gestion de l’entreprise et de shareholder value. Leur influence a consisté dans un resserrement de l’intérêt social, conçu comme l’intérêt exclusif et à court terme des actionnaires. Cela s’explique par divers points. D’abord, la loyauté des investisseurs institutionnels ne va pas à la société dont ils détiennent une participation, mais au contraire à leurs membres, auxquels il leur faut fournir une rémunération. Ensuite, bien souvent, la nature des investissements recueillis par les investisseurs, majoritairement l’épargne des ménages, les fait pencher vers la recherche d’un profit maximal à court terme. Il en résulte que l’intérêt des investisseurs institutionnels ne procède que de leur recherche de profit, et aucunement d’un quelconque

1

P. Geoffron : « Quelles limites à la convergence des modèles de corporate governance ? », Revue d’Economie Industrielle n° 90, 1999, p.77-93, nota. p.82

2

F. Morin : « La rupture du modèle français de détention et de gestion des capitaux », Revue d’Economie Financière 1999 n°50, p.111-131, nota. p. 111

3

A. Boubel et F. Pansard, ouvrage précité, p.93

4

P. Geoffron, article précité 1997 ; M. Boutillier, A. Labye, C. Lagoutte, N. Lévy et V. Oheix : « Financement des entreprises, exceptions et convergences européennes », Revue d’Economie Politique n° 112(4), Juillet-Août 2002, p. 499-545, nota. p.503 et s ;, P. Geoffron, article précité, 1997, p. 82

5

Voir à ce sujet également : D. Plihon : « Les banques, nouveaux enjeux, nouvelles stratégies », Ed. La Documentation Française, 1998, nota. p. 49-51

6

F. Morin : « La rupture du modèle français de détention et de gestion des capitaux », Revue d’Economie Financière 1999 n°50, p.111-131, nota. p. 111

sentiment d’appartenance sociétaire. Egoïste, parfois destructeur du lien social, opposé à la pérennité de la société (par indifférence ou par cupidité), l’investisseur institutionnel s’inscrit en faux contre le thème, jusque là fondamental, de l’entreprise. A ce stade, on pourrait penser que l’investisseur institutionnel fait pencher la société vers le modèle anglo-américain expliqué par Berle et Means, dans lequel l’actionnaire n’est qu’un rentier passif aux exigences seulement financières. L’investisseur professionnel s’en distingue cependant très nettement.

L’investisseur institutionnel dispose d’une connaissance profonde des systèmes financier et de droit des sociétés : il n’est pas un néophyte en la matière. D’autre part, il dispose d’un niveau d’informations dont ne disposait pas l’actionnaire épargnant de Berle et Means. Enfin et surtout, parce qu’il occupe une place d’intermédiaire entre l’épargnant et la société dans laquelle il investit, l’investisseur institutionnel est à la fois mandant et mandataire. Il est mandant des dirigeants sociaux, en tant qu’actionnaire. Il est mandataire de ses membres, en tant qu’il gère leurs placements, ce qui l’oblige à faire usage de son droit de vote. Il résulte de ce « capitalisme à deux étages »1 que l’investisseur professionnel est un minoritaire actif au sein de la société, s’intéressant de près à la gestion, scrutant la valeur de sa participation. L’investisseur institutionnel exerce donc ses pouvoirs d’associé et une véritable contrainte sur les dirigeants.

Il a été contesté que les investisseurs institutionnels aient réellement pesé sur la notion d’intérêt social2. Leur pouvoir dans les sociétés cotées serait incontestable, mais leur objectif, égoïste par définition, s’inscrirait dans une logique différente de l’intérêt social. Alors que le contrôle dans la société s’exprimerait par l’intérêt social, le pouvoir des investisseurs individuels s’en distinguerait et s’exprimerait par un intérêt différent. En reprenant la définition énoncée par E. Gaillard, l’intérêt social permet d’appréhender divers intérêts, au moins partiellement différents de ceux des détenteurs du contrôle. L’intérêt de l’investisseur professionnel au contraire, serait un intérêt individuel, égoïste, dans une certaine mesure destructeur à l’égard de l’entreprise. Cette caractérisation de l’intérêt de l’investisseur professionnel comme étant distinct de l’intérêt social, ajoutée à la variabilité de la notion d’intérêt social a conduit à nier l’existence même d’un renouveau dans la

1

P. Bissara : « Les mutations de l’actionnariat et le fonctionnement des sociétés cotées », Mélanges Dominique Schmidt, Ed. Joly 2005, p. 61-77

2

notion d’intérêt social, et par conséquent du rôle des investisseurs institutionnels dans ce renouveau. Sans doute la finalité spécifique, particulièrement individualiste, de l’investissement professionnel est elle incontestable. Cependant, nier le renouvellement de la notion d’intérêt social par la présence des investisseurs institutionnels conduit à deux omissions volontaires. D’une part, cela conduit à assimiler intérêt social et affectio

societatis : si l’investisseur professionnel ne s’intéresse à la gestion sociale, et plus

largement à la société, que par une logique de placement, on peut douter de son affectio

societatis ou de son animus societatis, certainement pas de son inclusion dans l’intérêt

social. Les deux questions sont distinctes. D’autre part, cela ignore l’ambiguïté du thème de l’intérêt social. Celui-ci est tout à la fois instrument technique d’évaluation de la décision sociale et sens dans lequel doit se développer l’activité sociale. Or, on peut effectivement douter de l’influence des investisseurs institutionnels sur la notion immédiate d’intérêt social, puisqu’il s’agit d’une notion variable. Mais en tant que boussole sociale, outil prospectif et directionnel, l’intérêt social a inévitablement été modifié, puisque la société est désormais perçue comme un outil de pur profit à court terme. Par ailleurs, ce serait douter de ce que les mêmes conditions culturelles et économiques produisent les mêmes résultats juridiques.

En conclusion, la montée en puissance des actionnaires professionnels constitue un phénomène mondial, qui ne se limite pas à la France. L’universalité de ce changement dans l’identité des investisseurs, l’intensité de la pression qu’ils exercent sur les dirigeants et leurs attentes constituent même des facteurs essentiels de convergence des systèmes1. L’importance des institutionnels dans le capital des sociétés cotées s’est en effet renforcée, même dans les pays où ils étaient déjà présents, tels que par exemple les Etats-Unis, l’Angleterre ou les Pays-bas. Toutefois, parce que ce type d’investisseur n’était pas connu du modèle français, leur apparition devait être notée.

II/ L’avènement de la corporate governance en France

Outre le contexte économique, le contexte idéologique français a changé, et cette révolution a affecté tant les doctrines juridiques qu’économiques. Pour ce qui est de la doctrine juridique, le principal renouveau consiste dans l’importation des thèmes du

1

gouvernement d’entreprise, ou corporate governance. Le thème est trop connu pour qu’il soit nécessaire de s’y étendre. Tout au plus faudra-t-il souligner que le gouvernement d’entreprise est un mouvement parti d’un constat, fait à la fois aux Etats-Unis et en Angleterre, de l’inefficacité des conseils d’administration, d’une part, et de la trop grande liberté des dirigeants d’autre part, qui les a souvent conduits à poursuivre leur propre intérêt1. Ce second point doit retenir l’attention ici, dans la mesure où il a été vu qu’imposer le respect de l’intérêt social procédait depuis toujours d’une volonté de limiter leur pouvoir, leur latitude. Le débat est né aux Etats-Unis à la fin des années 1970, notamment au sein de l’American Bar Association2. Il a donné lieu après quelques années à un rapport intitulé “Principles of Corporate Governance”, qui préconisait d’une part la séparation des fonctions de gestion et de contrôle et d’autre part l’institution de comités indépendants. Son essor s’est d’abord limité à l’Angleterre où, sous la pression des marchés financiers, le débat s’est manifesté dés 1992 par le Code of Best Practice de Sir Adrian Cadbury, au contenu similaire à celui du rapport américain. En France, ces préoccupations sont apparues à la faveur d’affaires choquantes et surtout comme corollaire du développement de l’actionnariat des investisseurs institutionnels. Il s’agit en effet d’une

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