• Aucun résultat trouvé

PARTIE I LA FABRICATION DES DÉBOUTÉS

7. E NSEMBLE , MAIS PAS TROP

7.2 L E PARADOXE DU TEMPS QUI S ’ ÉTIRE

7.2.2 L’attente indéterminée dans l’urgence

La temporalité des requérant.e.s d’asile débouté.e.s semblait s’articuler entièrement autour de l’attente. Leur attente spécifique était celle qui n’a pas de limite. Cette spécificité a été identifiée aussi par Jan-Paul Brekke (2004) comme caractérisant celle des demandeurs d’asile en Suède. Il parle d’un temps illimité qui conjugue l’incertitude sur le futur concernant autant la dimension du temps que celle de l’espace. L’auteur introduit également la notion de relativité dans son ethnographie en montrant à quel point l’attente se compare à celle que vivent les personnes jugées égales. L’attente est socialement produite (Conlon 2011), et celle-ci a donc un impact important sur la manière d’appréhender le temps (Kjaerre 2011 :34). En effet, si deux personnes entrent à Clostère à la même période, l’attente d’un changement de situation s’évalue souvent en fonction de l’attente que l’autre doit observer également. Si un des deux « cas » est résolu plus rapidement, l’attente de l’autre semble encore plus longue. Ces observations sont également vraies dans ce que j’ai pu voir, où les annonces

de renvoi tout comme celles d’octroi de permis sont souvent comparées au cas personnel. Plus encore, l’attente face aux divers recours engagés est structurée par les récits des autres personnes dans la même situation qui permettent d’estimer une moyenne de temps d’attente.

A travers le « nomadisme juridique » (concept développé supra), permis par les mécanismes juridiques suisses, les personnes illégalisées peuvent être maintenues « en attente » pendant de nombreuses années. Certaines attendent des documents « du pays » (c’est-à-dire du pays d’origine) pour pouvoir apporter des preuves nécessaires à la réouverture d’un dossier d’asile jugé « classé » et « rejeté ». D’autres individus illégalisés attendent d’être restés suffisamment longtemps en Suisse (actuellement cinq ans) pour pouvoir faire une demande de régularisation pour ‘cas de rigueur grave’148, ou même seulement trois ans pour pouvoir participer à un programme d’occupation. L’attente peut donc également être perçue comme active et intentionnelle (Conlon 2011). Beaucoup attendent que les lois changent et qu’une clémence des autorités leur octroie un permis de séjour, même si ce sentiment n’est toutefois pas généralisable à toutes les personnes illégalisées qui parfois disparaissent des fichiers comme évoqué supra.

L’attente au foyer de Clostère est quotidiennement palpable. Elle entre en parfaite contradiction avec la notion « d’urgence » qui implique une situation de crise s’insérant dans une mesure temporaire mais qui, avec le temps, tend à se normaliser. L’attente, qui alors se normalise, contribue à faire de l’aide d’urgence une forme d’illégalité régulière : sans renvoi, ni régularisation effective, l’attente devient un mode habituel de passer le temps.

Barnabé est le requérant d’asile débouté qui, à mes yeux, symbolise le plus l’attente. Les autorités ne sont pas entrées en considération sur sa demande d’asile (il fait donc partie de la population catégorisée comme NEM) et lui ont demandé de rentrer dans son pays. Comme il ne l’a pas fait, il a donc immédiatement été illégalisé. Orphelin, ayant quitté son jeune frère dans une exploitation familiale agricole en proie à la sécheresse, il refuse de partir. Néanmoins, sa situation administrative le place dans une situation difficile qui semble l’empêcher d’agir. Il a une manière presque catatonique de laisser le temps s’écouler. A plusieurs reprises, j’ai essayé de l’encourager à venir participer à des réunions militantes pour rencontrer des personnes et voir ce qu’il était concrètement possible d’entreprendre pour sa situation juridique. Sujet parfois à des maux de têtes et d’autres fois des oublis, il n’est jamais venu. Lors de mes arrivées au centre, je l’ai fréquemment trouvé assis sur le canapé collectif. Il ne parlait pas avec les gens qui l’entouraient, mais souriait souvent. Quand certaines

148 Mécanisme de régularisation inscrit dans l’article 14 alinéa 2 de la LAsi (mais existant également dans la LEtr) qui met en

perspective le temps passé en Suisse, et l’intégration « poussée » (terminologie administrative) vécue par la personne requérante, qui justifierait une perte de lien dans le pays d’origine versus une bonne installation en Suisse. L’évaluation d’une intégration poussée passe notamment par l’obtention d’un emploi, un casier judiciaire et une fiche des poursuites vierges, ainsi que la démonstration d’une bonne maitrise d’une des trois langues officielles et l’investissement dans des réseaux locaux. Cet aspect est développé dans la partie III sous : « L’amnistie inespérée : la régularisabilité comme produit de l’illégalité régulière »

personnes lui posaient des questions sur lui et ses activités, il se contentait de hausser des épaules et repartait en laissant ses chaussures frotter le sol. Il était là, presque chaque fois que j’arrivais au centre. Il attendait149.

Noah est une autre figure emblématique de l’attente apparemment passive. Après le dépôt de sa demande d’asile, il y a plus de dix ans, il a tardé à recevoir une décision de la part des autorités suisses. Dans l’intervalle, il a travaillé et a décidé de quitter son travail car le logement qui lui avait été attribué était trop éloigné. Les années qui ont suivi ont été marquées par une décision négative à sa demande d’asile et une condamnation pénale. A sa sortie de prison, il a à nouveau été placé dans un foyer d’aide d’urgence. Doté d’un caractère jovial et social, il a souvent pris part aux discussions informelles que j’ai pu avoir avec d’autres au sein du centre. Il aimait participer aux actions collectives. Néanmoins, lorsque je l’ai revu après une période d’absence, il m’a dit qu’il avait été « puni » et qu’il était allé chez son frère. Lorsque je m’étonnais d’apprendre la présence de son frère en Suisse, il m’a dit qu’il était ‘celui qui avait réussi’ :

« Son frère est marié et il a un petit bébé avec une Suissesse. Il est arrivé il y a cinq ans. Il a tout de suite trouvé cette fille. La famille lui a payé un beau costard et ils se sont mariés. Ils sont retournés il y a deux mois en Éthiopie voir toute la famille. Noah a vu les photos. Quand je lui dis qu’il faut aussi trouver une fille, il me dit : « Si je ne travaille pas et que je n’ai pas d’argent, les filles elles partent toutes. Je ne suis plus un bébé, j’ai quarante ans, je ne veux pas retourner chez moi comme ça. Il faut que je rentre avec de l’argent, sinon les gens vont dire : ‘Tu es parti 11 ans et tu n’as rien. Tu es moins bien qu’un chien’. » (JDT 12.05.2009)

Néanmoins, quand je lui ai demandé s’il avait pu faire reconsidérer son dossier d’asile, il m’a répondu de manière vague qu’il allait le faire. Noah continuait à avoir des problèmes de dépendance. Il le savait et me disait que chaque soir, tout ce qu’il attendait était de « se péter la tête » (ses propres mots). Noah et Barnabé correspondent au profil élaboré par Jan-Paul Brekke dans son étude, qu’il dénomme « the waiters » (2004 :49), « ceux qui attendent ». Ce sont les personnes qui n’imaginent pas un retour dans leur pays d’origine mais ne trouvent pas non plus d’ancrages alternatifs dans la société d’accueil. Leur position ambivalente est commune à plusieurs personnes déboutées du droit d’asile. Elle est notamment décrite par la notion du « ni…ni » c'est-à-dire « ni régularisables…ni expulsables » qui est devenu une réalité toujours plus présente à partir des restrictions du droit d’asile en Europe donc dès le début des années 90 (Wihtol de Wenden 2002 :9). La même constatation est faite par Nicolas Fischer qui constate un écart entre les mesures de déportation et leur application. Cela crée, selon lui, une sous-classe de personnes migrantes en situation précaire qui ne seront pas légalisés sans être renvoyés non plus (2013 :139). Ces personnes sont par conséquent en quelques sortes immobilisées par des

149 Lors de l’accompagnement d’un ami au service de la population pour renouveler l’aide d’urgence au mois d’octobre 2014,

j’ai revu Barnabé alors que je ne l’avais plus croisé depuis 2011. Il était dans la salle d’attente, et comme trois ans auparavant, il était inscrit au régime de l’aide d’urgence et il attendait.

politiques migratoires qui déterminent de plus en plus selon des critères de race, genre et classe quelles sont les personnes autorisées à se mouvoir.

Pour eux, comme pour d’autres, l’assistance de longue durée a des conséquences lourdes sur leur santé psychologique. Ils semblent être figés dans un limbo (Brekke 2004 :49), sur un seuil ou dans un état d’exception (Mountz 2011b). Cette image est reprise par Coumba qui évoque l’idée de « faire du sur place ». L’impression de n’avancer dans aucun sens parle de cette attente qui n’a pas de direction mais qui fige les choses :

« C’était ça la difficulté. On ne peut pas retourner, on ne peut pas avancer. Donc on préfère ‘faire du sur place’. On ‘fait du sur place’ et on verra bien. Ça arrive toutes ces difficultés : on a plus de permis, on doit aller à l’aide d’urgence…Mais je me suis dit quand même après toutes ces années en Suisse, on est toujours dans ces difficultés ? Il n’y a aucune issue ? Je ne sais pas si on peut. Je te dis, il n’y a pas de mots pour dire ce qui nous retient dans ce pays. Il n’y a pas. »

(Coumba 10.11.2011)

Elle même semblait ne pas comprendre pourquoi elle et sa famille étaient toujours en Suisse alors que la situation était tellement difficile. L’évocation de son immobilité, qu’elle explique comme un manque de capacité relative de prise de décision, se retrouve dans la position d’autres personnes illégalisées également. Cela semble notamment être dû aux conditions de vie qu’elles connaissent en Suisse.

« Le séjour prolongé dans des situations de grande précarité réduit à néant la capacité à formuler un projet, voire à maintenir le contrôle sur sa propre destinée, selon le processus psychosocial identifié sous le concept d’impuissance acquise » (Sanchez-Mazas 2011 :229)150

Une attitude léthargique face à l’attente doit néanmoins, selon moi, également être comprise dans le cadre plus large du traitement administratif et policier de ces personnes. Considérer les personnes déboutées vivant dans des centres collectifs comme celles qui « bénéficient de l’aide d’urgence sur la

longue durée » (pour reprendre l’expression institutionnelle utilisée par une étude mandatée par

l’ODM, Bolliger et Féraud 2010) consiste à présenter la personne comme étant libre de choisir et au « bénéfice » d’une aide. Ce même rapport mentionne d’ailleurs plusieurs facteurs de nature diverse qui influenceraient ce processus. La durée de perception de l’aide d’urgence serait, d’après ses auteurs, notamment dû : à des activités de la Confédération (accords de réadmission), exécution cantonale, des caractéristiques individuelles (lieu d’origine, âge, sexe), et des facteurs exogènes (contexte socio-politique) (Bolliger, Féraud 2010). Ces conclusions demandent de prendre en considération, au-delà des difficultés rencontrées lors de l’élaboration d’un recours par les avocats et juristes, les « limites à l’objectivation juridique [qui] s’impose également aux administrations » (Fischer 2009 :88). Il s’agit notamment des difficultés rencontrées par les autorités étatiques et cantonales en vue de l’avancée des dossiers.

« The secondary status of deportation has traditionally been assured by the fact that it is both a complicated and a controversial state power. It is complicated because tracking down individuals and arranging for other countries to receive them back are time consuming and resource-intensive activities. Deportation is controversial because it is a ‘cruel power’, one that sometimes seems incompatible with the modern liberal state based on respect for human rights. » (Gibney 2008 :147)

Lorsqu’une personne décide de ne pas se rendre volontairement dans un pays qui est désigné comme étant son pays d’origine, les autorités suisses entament des procédés diplomatiques avec le pays d’origine afin d’obtenir un laissez-passer qui leur permettra de renvoyer la personne, également contre son gré. Elles doivent notamment organiser une rencontre entre une délégation du pays d’origine supposé et la personne illégalisée pour qu’elles soient identifiées et ensuite négocier « le prix » du renvoi de cette personne. Officiellement, ce sont souvent des accords touchant à la Coopération au Développement qui sont discutés avec des pays considérés comme matériellement plus pauvres. Selon un entretien effectué avec un employé de l’ODM, les autorités suisses négocient le retour des personnes illégalisées également en entretenant des relations préférentielles avec les pays vers lesquels les personnes illégalisées devraient être renvoyées. Lorsque des délégations diplomatiques des pays d’origine supposés de requérant.e.s d’asile débouté.e.s viennent en Suisse, le travail des membres de la division « retour » consiste donc à ce que le séjour des membres de la délégation d’un pays d’origine se passe bien en accompagnant leurs journées au mieux selon les souhaits formulés (shopping, restaurant, visites touristiques, etc.) par les diplomates en charge de la reconnaissance de leur ressortissant.e.s (Entretien employé ODM 30.11.2011). La venue de ces délégations offre généralement à la Suisse, en contrepartie, l’établissement de plusieurs laissez-passer pour des personnes illégalisées. Néanmoins, ces processus diplomatiques prennent du temps, temps qui est parfois mis à profit par les personnes illégalisées et leurs avocats pour relancer une procédure de régularisation, soit une demande de révision. Il me semble important de rappeler que ces procédés administratifs prennent également place dans un temps long.

Une autre dimension favorisant l’attente des requérant.e.s d’asile débouté.e.s est le fait que le renvoi n’est pas opérationnel pour des facteurs propres au pays d’origine. L’exemple de Noah est frappant à cet égard vu qu’il est originaire d’un pays n’ayant pas d’accord de rapatriement avec la Suisse (c’est-à- dire que le renvoi de ressortissant.e.s de ces pays ne peuvent pas être renvoyé contre leur gré tant qu’un accord n’est pas trouvé) et que par manque d’accords avec le gouvernement éthiopien, la Suisse ne peut pas renvoyer des ressortissants de ce pays contre leur gré. L’attente de Noah se prolonge et s’enlise.

Le statut de l’attente sous le régime de l’aide d’urgence est pleinement paradoxal. C’est une attente institutionnalisée, « normalisée » dit Carolina Kobelinsky (2010 :137), qui prend forme dans les foyers et aux guichets. Les personnes se sentent dans une situation d’attente alors que dans les yeux et la rhétorique de l’administration, leur seule perspective future se concrétisera dans leur retour au pays

d’origine ou leur disparition. C’est dans ce cadre-là que Kofi peut parfois relativiser la dimension contraignante de l’attente :

« On attend, on attend. On attend au bord du lac, ça fait une année. Et puis tu as rien fait. Quand tu fais ton bilan, rien. C’est quand même mieux d’attendre. » (Kofi 07.07.2009)

Ces paroles sont encore porteuses d’espérance. Quand « on attend encore », cela signifie que le retour n’est pas effectif, ce sans quoi on n’attendrait plus. Après l’attente, il existe encore une possibilité d’amélioration de sa condition actuelle. Carolina Kobelinsky (2010) relève que l’attente des requérants d’asile vivant en centre collectif public peut également comporter une dimension positive en ce qu’elle assure les besoins minimaux durant cette période au moins. Finalement, la description de l’attente ne saurait être complète sans l’envisager comme un acte de résistance en soi (Conlon 2011). En effet, les personnes qui attendent ne se sont pas résignées à un départ qu’elles en désirent pas mais continuent à penser que leur place est en Suisse.

Dans le cas des résidents de Clostère, bien que la prise en charge soit effective, elle peut basculer d’un moment à l’autre par l’arrivée de la police et cette dimension d’incertitude pèse bien souvent dans le quotidien de mes interlocuteurs et interlocutrices.

« Oui, tous les jours j’attends. Moi, je ne dors pas ici comme il faut. Oui, je dors mais je ne suis

pas à l’aise quoi. » (John 12.07.2010)

L’attente qui prend corps dans les foyers d’aide d’urgence, et auprès des personnes illégalisées, est avant tout ponctuée par la peur et l’angoisse constante que celle-ci prenne fin.

Conclusion intermédiaire

L’entrée par le biais de « l’intimité de l’exclusion » m’a permis de décrire ce que j’ai perçu de spécifique dans les mécanismes mis en œuvre au sein de Clostère. L’exclusion n’est pas générale, elle est vécue par des individus dans un certain contexte (Mountz 2011b). La possibilité de m’éloigner d’une vision de l’exclusion comme expérience globale et totale, m’a également permis de voir comment ses mécanismes redéfinissent les contours des relations sociales au sein du foyer d’aide d’urgence, comme un revers à tout le système mis en place pour diviser, décourager et individualiser. La gestion administrative des personnes par leur regroupement dans un centre de vie collectif, les soumettant à des procédés, des horaires, des modes de faire spécifiques, contribue paradoxalement parfois à créer une subjectivité commune. S’ancrant tant dans le lieu de vie que dans la résistance au système disciplinaire mis en place, celle-ci engendre un sentiment d’appartenance au groupe administrativement constitué. Les sentiments d’indignation comme ceux d’espérance permettent de créer à plusieurs reprises des phénomènes de groupalité. La peur au contraire divise les personnes qui se retranchent, alors, dans leur individualité menacée. Les requérant.e.s d’asile débouté.e.s ont peur de la police, peur d’être renvoyés dans un pays où ils craignent des conditions de vie difficiles, peur de

souffrir. Cette peur est liée au fait que leur situation se détériore. Les yeux fixés vers l’avenir, c’est l’attente, alors, qui vient remplir cette temporalité, souvent vécue comme « à part » de la normalité. L’attente qui, parfois, prend le dessus sur toute autre forme d’activité, et semble figer le temps et les liens tendus. L’attente qui a elle seule constitue également une forme de résistance aux politiques néo- libérales promptes à décider des possibilités de mobilité de chacun.e.

Synthèse partie I

Il est intéressant de voir comment l’espace et le temps sont deux dimensions importantes autour desquels s’organise cette première partie de réflexion. Il est frappant de noter comment deux éléments triviaux à nos vies quotidiennes peuvent venir marquer la réflexion d’un travail portant sur un processus d’illégalisation, la description de son cadre institutionnalisé, de ce régime d’exclusion et de ces lieux d’exception. Il est néanmoins très révélateur du phénomène décrit de réaliser à quel point la mise en place de ces mécanismes d’exclusions se font dans le cadre d’une certaine inclusion, normalisatrice de par sa régularité qui renvoie à l’espace et au temps comme facteurs déterminants. Ce flou existant entre Etat et société, et l’ambivalence qui en découle, peut précisément être envisagé comme une caractéristique de l’Etat libéral qui maintient une frontière flou entre les deux domaines (Mitchell 1991). Cette prise de conscience contribue à la compréhension du phénomène que je cherche à caractériser comme une illégalité régulière.

Elle est régulière dans sa temporalité : les horaires répétés des repas et les convocations régulières aux guichets du Service de la population. Le temps vidé de sa substance occupationnelle, les requérant.e.s d’asile débouté.e.s sont privés de l’accès au travail et ont l’impression d’être des animaux alternant des moments de sommeil et des moments de nutrition. Leur vie semble arrêtée sur un seuil, dans un

limbo, un temps à part. La subjectivité étudiée évoque les sentiments contradictoires des peurs

ressenties qui contribuent à arrêter le temps en opposition à l’attente qui est paradoxalement remplie d’espoir et qui contribue à rendre plus proche l’accès à une régularisation. L’attente est signe que le renvoi n’a pas pris place.

L’espace est régulier lui aussi. Il change peu. Celui-ci est confiné et déterminé : il oscille entre la chambre, les lieux de vie collectif et les guichets administratifs. Bien qu’il ne s’agisse pas d’espaces clos, à l’image des prisons, l’importance symbolique et administrative d’y être consacre son pouvoir

Documents relatifs