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M. Pierre Ouzoulias, président. – Mesdames et messieurs, chers collègues, je suis très heureux de retrouver cet après-midi ceux d’entre vous qui étaient présents au cinquantième anniversaire de la Conférence des présidents d’université (CPU), le 27 mai, et je souhaite la bienvenue au Sénat à celles et ceux d’entre vous qui interviennent pour la première fois devant cette mission d’information.

Nous avons abordé il y a quelque temps la problématique du campus de demain.

Nous souhaitons la reprendre maintenant de façon plus approfondie avec cette table ronde, la dernière de notre mission d’information. Il restera quelques auditions dans un format plus restreint par la suite.

Au cœur de nos débats se pose cette question fondamentale pour notre mission d’information : le rapport entre le campus physique, qui demande la présence factuelle des enseignants et les étudiants, et le campus virtuel, qui met en œuvre tous les moyens que nous offre le numérique. La question du campus de demain pose aussi celle des relations entre université et territoire. Nous nous rendrons jeudi 3 juin à Nanterre pour étudier comment concrètement un grand campus universitaire et une ville peuvent interagir. Cette problématique est pour nous essentielle.

J’ai donc le plaisir d’accueillir M. François Rio, délégué général de l’Association des villes universitaires de France (AVUF), dont nous avons déjà sollicité l’expertise au cours d’une précédente table ronde ; M. Raphaël Costambeys-Kempczynski, délégué général de l’Alliance Sorbonne Paris Cité (ASPC), qui était présent lors de l’audition de la CPU, le 18 mars ; Mme Isabelle Demachy, vice-présidente « Formation innovation pédagogique et vie étudiante » de l’université de Paris-Saclay ; Mme Anne Guiochon-Mantel, vice-présidente

« Vie universitaire » de l’université de Paris-Saclay ; Mme Emmanuelle Dubrana-Léty et M. Jean-Pierre Berthet, directrice de l’immobilier et directeur délégué au numérique à Sciences Po Paris ; Mme Sarah Bilot, déléguée générale de l’association Animafac.

Je rappelle que cette réunion fait l’objet d’un enregistrement vidéo qui sera disponible sur le site du Sénat sans limitation de durée et qu’elle est également diffusée en direct sur le réseau Facebook.

Le rapporteur éclairera le débat par une série de questions précisant les attentes de la mission d’information, puis je vous donnerai la parole pour une dizaine de minutes.

M. Laurent Lafon, rapporteur. – Merci, monsieur le président. Nous vous invitons à des réflexions très prospectives cet après-midi, afin de réfléchir au campus de demain. J’imagine que vous aurez des points de vue très personnels sur cette question. Pour chacune des institutions et des établissements que vous représentez, quelles sont les pistes de réflexion dans lesquelles vous êtes engagés ? À quels besoins émergents doit répondre la problématique du campus de demain ? Nous pensons évidemment à deux sujets en particulier.

Dans quelle mesure ces deux sujets doivent-ils imprégner les réflexions en cours sur l’avenir des établissements d’enseignement supérieur ? Le développement du numérique y est déjà présent ; nous savons qu’il a des répercussions sur l’organisation, les modalités d’enseignement, la relation entre l’enseignant et l’élève, etc.

Le second thème concerne la transition écologique : quel sera son impact sur les établissements universitaires ?

Un sujet qui nous est cher au Sénat, et que le président a abordé, concerne la dimension territoriale : comment envisagez-vous la relation entre l’établissement d’enseignement supérieur et les collectivités du territoire auquel il est rattaché ? Cette interaction a-t-elle vocation à se développer ? Si oui, selon quelles modalités ? Imaginez-vous un campus de demain en centre-ville, en lien étroit avec le territoire, ou plutôt un écosystème en marge ou loin des grands centres urbains ?

Enfin, dans quelle direction faut-il aller concernant l’organisation d’Eco Plus ? Faut-il concevoir de grands campus regroupant une large palette de formations, ou aller vers de petites structures à taille plus humaine en fonction des cycles d’études ?

M. François Rio, délégué général de l’association des villes universitaires (AVUF). – Je vous remercie d’avoir associé l’AVUF à vos débats. Vous avez sans doute eu connaissance des résultats du sondage d’Opinionway sur les universités. J’ai été frappé de constater que seuls 17 % des sondés considèrent que la qualité de vie sur les campus est un atout pour les universités françaises. C’est dire le chemin qu’il reste à faire sur ce sujet !

Ensuite, je rappelle que 6 étudiants sur 10 poursuivent leurs études en université.

Il faut donc tenir compte, pour parler du campus de demain, des étudiants qui sont inscrits dans d’autres types d’établissements : écoles d’ingénieur, écoles de management, instituts d’étude catholique ou instituts d’études politiques. Mais de nombreux étudiants ne disposent pas des mêmes services, que ce soit dans des établissements de formation culturelle, paramédicale ou sociale.

De très beaux projets sont en cours de développement. Leur caractéristique majeure est qu’ils ont été conçus avant l’accélération du numérique à laquelle nous assistons depuis un an : ils devront donc s’adapter par la suite.

Le campus de demain est, selon nous, un campus durable dans une ville durable.

Ce concept recouvre l’enjeu de la transition écologique et de l’état de l’immobilier

universitaire, qui se dégrade. Un tiers du patrimoine public immobilier de l’enseignement supérieur est dans une situation déplorable. Comment penser le campus de demain si cette question n’est pas traitée ? L’entretien de l’immobilier est régulièrement abordé via les investissements, les contrats de projet État-région, les contrats de plan État-région ou le plan de relance en cours, ce qui ne répond que partiellement au sujet, étant donné qu’il faut souvent recommencer quelques années plus tard. Il est donc nécessaire de procéder à une remise à niveau d’un patrimoine parfois en mauvais état ou obsolète : les collectivités le font bien volontiers.

Les collectivités locales contribuent, parfois autant que l’État ou un peu plus, à l’entretien d’un patrimoine qui fait trop peu l’objet d’une maintenance régulière et rigoureuse qui permettrait l’adaptation du bâti aux nouveaux usages et le maintien de l’attractivité, sans oublier le bien-être des usagers. Je pense aux campus créés dans les années quatre-vingt-dix avec de nombreuses aides des collectivités locales dans le cadre du « Schéma Université 2000 ». Ils se sont dégradés progressivement faute d’entretien, alors que certaines collectivités auraient voulu contribuer à leur maintenance pour préserver leur attractivité.

Les campus peuvent souvent être des lieux d’expérimentation en matière d’aménagement grâce à la matière grise qui y est mobilisable - chercheurs et étudiants. Il est très important que les campus de demain se construisent aussi avec les étudiants, qui souhaitent être parties prenantes, comme le laissent penser les 140 associations fédérées par le réseau Étudiants pour une société écologique et solidaire. Il existe de nombreuses opportunités d’optimisation des équipements et de construction d’équipements à usage partagé : des incubateurs, des espaces de coworking, des salles de spectacle vivant, des équipements pensés pour une mutualisation entre les services d’une ville et les services destinés à la communauté universitaire (notamment le cadre des activités socioéducatives), l’organisation des mobilités douces, la question de la relation apaisée avec les riverains… Cette relation est parfois délicate. Par ailleurs, les campus peuvent être utilisés durant l’été, ce qui n’est pas le cas ; ces équipements sont donc sous-occupés.

La dévolution du patrimoine des universités, qui concerne quelques-unes d’entre elles, change la donne et contribue à transformer la relation entre université et collectivités locales. Il n’y a pas eu de bilan en la matière.

Nous proposons que les collectivités locales puissent intervenir avec les universités en co-maîtrise d’ouvrage sur des projets communs, surtout dans la gestion des nouveaux bâtiments et des bâtiments en restructuration. Or ce n’est pas pour le moment possible. Les sociétés publiques locales (SPL) pourraient constituer un véhicule juridique adapté à cette évolution si elles étaient ouvertes aux universités. La CPU, pour sa part, propose la création de sociétés publiques locales universitaires. Mais il suffirait d’autoriser les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) à créer des SPL avec les collectivités.

Au sujet du développement du numérique, nous avons pris conscience, nous collectivités, que le numérique permet d’élargir considérablement les activités d’enseignement supérieur, de recherche, de vie étudiante, d’innovation et de transfert technologique à de nouveaux publics éloignés de l’université pour des questions de mobilité ou géographiques. Je pense notamment aux étudiants en situation de handicap et aux bacheliers en milieu rural ou issus de petites villes, dont le taux de poursuite d’étude post-baccalauréat est inférieur à celui des bacheliers qui vivent dans des villes où l’offre d’enseignement supérieur est assez large. Il faut faire venir ces étudiants et les accueillir dans

de meilleures conditions. Pour cette raison, la question de l’accessibilité est centrale. Elle a fait d’énormes progrès, mais il reste encore du travail. Les campus connectés sont une forme de réponse parmi d’autres à ces publics éloignés de l’enseignement supérieur. Le numérique ne devrait être envisagé que pour mettre le pied à l’étrier de ces étudiants.

La vie de campus est importante pour la formation des jeunes - des moins jeunes aussi, dans le cadre de reprise d’étude. La mobilité internationale est aussi très importante.

L’accueil des étudiants internationaux sur nos territoires est un sujet essentiel. Les collectivités y contribuent à travers des initiatives telles que « la Nuit des étudiants du monde ». Nous nous sommes beaucoup posé la question des mobilités internationales hybrides. Il nous paraît extrêmement intéressant que des étudiants du monde entier puissent suivre des cursus à distance dans les universités françaises, sachant qu’il faut toutefois, dans le cadre de ces « e-mobilités », au moins un séjour en France en immersion. Il faut organiser les locaux de manière à prévoir des lieux d’échanges, de partage et de rencontre.

Les étudiants inscrits dans des parcours transdisciplinaires éprouvent parfois beaucoup de difficultés pour se déplacer entre établissements universitaires. Pourtant, des campus pluridisciplinaires fonctionnent : je souhaite évoquer l’exemple réussi d’Artem à Nancy, qui réunit sur une ancienne friche industrielle, dans un campus unique, une école d’art, une école d’ingénieurs et une école de management.

L’étudiant d’aujourd’hui - et plus encore demain - étudiera anyplace, anytime, anywhere. Les collectivités locales doivent penser l’usage d’une partie de leur équipement public dans cette logique. L’étudiant devra aussi, à l’avenir, être davantage acteur de son parcours de formation. Les collectivités locales souhaitent accompagner l’étudiant en stage, l’étudiant en entrepreneuriat, et l’étudiant bénévole, engagé dans des actions caritatives, culturelles, artistiques, etc. C’est un peu le campus dans la ville, à défaut de la ville dans le campus, rêve qui avait été associé au « Plan Campus » il y a une quinzaine d’années.

Enfin, quant à savoir si le campus de demain doit être tourné vers les centres-villes ou constituer un écosystème à part entière, il n’existe pas de réponse unique. Chaque université a ses spécificités et son histoire. Il faut éviter les modèles uniques à la française.

Les collectivités locales sont plutôt favorables au retour des campus en centre-ville : il y a eu depuis une trentaine d’années un phénomène de retour vers les centres-villes qui n’est pas interrompu, même s’il n’est pas linéaire. Je citerai les exemples du campus La Citadelle à Amiens ou du campus Madeleine à Orléans. Les collectivités locales financent plus de 50 % de ces équipements.

Ce phénomène de retour en centre-ville est extrêmement pertinent pour les petites villes universitaires, dites « villes universitaires d’équilibre ». La présence étudiante en centre-ville est essentielle pour la revitalisation des villes moyennes. Le centre-ville constitue un cadre de vie beaucoup plus agréable que la périphérie de ces agglomérations, notamment pour les campus réunissant jusqu’à 4 000 ou 5 000 étudiants. C’est plus discutable pour les campus regroupant 10 000, 20 000 ou 30 000 étudiants.

J’ai été personnellement marqué par le choix de la Queens Margaret University qui disposait de 3 campus en centre-ville à Édimbourg. Cette université a décidé de créer un green campus à 30 kilomètres du centre. Ce projet semblait totalement incongru lorsqu’il a été présenté à l’AVUF réunie en colloque. Néanmoins, conçu avec des étudiants, mettant l’accent sur le développement durable, la liaison ferroviaire directe avec la ville d’Édimbourg, la sobriété énergétique, la réduction de l’empreinte carbone, etc., ce projet a offert une vraie

qualité de vie. C’est a priori une grande réussite, même si ce n’est pas forcément un modèle.

Le Campus de Saclay mène probablement des expériences similaires qu’il sera intéressant d’étudier dans quelques années.

Pour terminer, il n’y a pas de modèle unique de campus du point de vue des collectivités locales. Il est important qu’il y ait une bonne insertion du campus dans le tissu urbain, que le campus soit en centre-ville ou en périphérie. La bonne insertion dans le tissu urbain est évidente pour les petites structures, mais aussi pour les grands campus, notamment au niveau des mobilités. La réussite du projet d’Edimbourg tient à la proximité d’une gare, ce qui a permis de bannir la voiture individuelle du campus.

Il est extrêmement important de penser aux mobilités, aux franges et aux riverains. Ce terme de frange est intéressant même s’il n’est pas très valorisant. Ce pourrait constituer un terrain de rencontre entre milieux académiques et économiques étant donné qu’il n’est pas toujours possible d’accueillir les entreprises au sein des campus. De même que l’on parle d’artistes en résidence, des travailleurs en résidence pourraient y être accueillis.

Le campus de demain saura inventer les moyens de développer les interfaces permanentes entre la production et la diffusion des connaissances dans tous les compartiments de la société.

M. Raphaël Costambeys-Kempczynski, délégué général de l’Alliance Sorbonne Paris Cité. – Je parlerai peut-être plus en tant que chercheur travaillant sur les politiques d’expérience étudiante depuis dix ans qu’en tant que délégué général.

L’université est en reconstruction permanente, les campus ne peuvent donc être des lieux figés. Ils doivent être constamment en mouvement.

Je me concentrerai sur trois facteurs. Le premier est la résilience, dans laquelle j’inclus le bien-être. Il s’agit de la résilience des campus de demain, mais surtout de l’accompagnement des étudiants pour gagner en résilience. Le second facteur est l’hybridation. J’y inclus la question du temps étudiant. Le troisième facteur est le multidimensionnel ou les réponses à géométrie variable.

À la rentrée de 2021, aucun étudiant n’aura connu une année normale. Les primo-arrivants auront connu une année universitaire fortement bousculée par la crise sanitaire. En 2025, le marché de l’emploi verra arriver des diplômés de master qui étaient inscrits en L1 en 2020 et des étudiants qui ont suspendu leurs études en 2019. Il sera sous tension, sauf si nous créons beaucoup d’emplois. Cette situation pose la question de l’individualisation des parcours dans le contexte d’une éducation de masse. Il est toujours très important de se poser ces questions, dont les réponses évoluent.

Je me concentrerai sur la problématique consistant à évoluer du rôle civique et citoyen des universités à une université civique et citoyenne. Je me repose pour mon propos sur les travaux du Professeur John Goddard de Newcastle University, qui parle des universités engagées de façon civique, versus les universités civiques où les engagements citoyens sont inscrits de façon systémique dans une stratégie globale.

Les objectifs de développement durable de l’ONU permettent d’articuler des actions globales et locales. Ils demandent de mobiliser le meilleur de la science. Ces objectifs

consistent à trouver des solutions pertinentes du point de vue local. De cette manière, l’excellence et l’engagement civique ne sont pas exclusifs.

Nous pouvons créer un parallèle avec la question de la responsabilité sociale des universités en France. Cette question est posée de manière de plus en plus pressante depuis que les universités sont devenues autonomes. Comment une université et ses campus répondent-ils au besoin socio-culturel d’un territoire ? Comment fidéliser des étudiants et des diplômés sur un territoire ? Emmanuelle Annoot, de l’université du Havre, signalait ces enjeux en 2012.

Quels sont les objectifs en termes d’attractivité ? S’agit-il d’attirer les étudiants par la spécificité d’un établissement ou de son territoire ? Quelles sont les spécificités de ce territoire en matière de formation et de vie étudiante, locale et régionale ? Nous pouvons avoir en tête les exemples de Paris, La Rochelle, Rennes ou Grenoble. L’enjeu est aussi de garder les étudiants après leur diplôme. Je relie donc l’insertion professionnelle au développement durable.

Pour les jeunes, les sujets majeurs dans leur vie de citoyen sont l’emploi (pour 63 %) ainsi que l’environnement et le changement climatique (pour 62 %), si l’on se réfère à un sondage publié dans Le Figaro en mars 2020. La crise sanitaire fait penser à la question de l’hybridation, qui peut être envisagée comme un prisme pour repenser le plan étudiant et ne pas limiter le numérique à la transformation pédagogique, mais l’élargir à l’individualisation des parcours.

Le campus de l’avenir construit différemment le temps étudiant par l’hybridation des enseignements. Il repense l’engagement, l’emploi et le temps étudiant. L’hybridation permet un étirement de l’espace et du temps et nous aide à sortir d’une logique de ratio

« mètre carré par étudiant ».

De cette manière, nous allons créer davantage de fluidité sur le campus et décloisonner son fonctionnement. L’objectif consiste à tendre vers la mixité des populations et des communautés étudiantes. Il s’agit de repenser des études tubulaires ou « études TGV », avec la licence en trois ans, le master en cinq ans et l’insertion professionnelle à 23 ans. Il faut éventuellement permettre une licence en deux ans, ou en quatre ou cinq ans. Il s’agit de considérer les études comme un projet et non comme une fin en soi, et favoriser l’épanouissement entre études et employabilité. J’utilise sciemment le terme d’employabilité de préférence à la notion d’insertion professionnelle.

On considère souvent l’université comme un lieu de passage et non comme un lieu de vie, ce qui pose la question de l’impact des étudiants sur l’environnement de proximité des universités. Comment faire pour aider les collectivités à promouvoir une image positive des étudiants pour les riverains ? Je me suis beaucoup occupé de la construction du campus Nation à Paris. J’en ai suivi la programmation, l’avant-projet jusqu’au projet définitif. Je me rappelle ces expériences devant les conseils de quartier et la réticence exprimée par les riverains qui voyaient arriver la communauté étudiante dans un quartier assez résidentiel.

Lorsque nous dialoguions et que nous parlions de la possibilité d’accéder à des infrastructures - bibliothèque universitaire, salle de théâtre ou salle de projection - ces réticences se dissipaient. Néanmoins, les riverains ne profitent que moyennement de ces infrastructures. L’incidence directe sur l’environnement de proximité n’est pas à négliger. La

diversification de l’offre commerciale est fondamentale : librairie, papeterie, alimentation de proximité…

Les questions de l’aménagement du territoire se posent évidemment : circulation douce, espaces verts, élargissement des voies piétonnes, réduction de la circulation automobile, développement du réseau de transport en commun, amélioration de l’accessibilité, etc. Il ne faut pas attendre que de nouvelles constructions arrivent, mais imaginer de nouvelles évolutions. Il ne faut pas oublier les universités lorsque nous étudions les baux commerciaux gérés par les collectivités locales.

J’élargirai le propos de François Rio à toutes les associations étudiantes, qui peuvent jouer un rôle crucial dans la structuration des liens entre universités, campus et quartiers de proximité ou territoire. En 2010, Yves Lichtenberger écrivait : « Longtemps les universités françaises, en référence à l’universalité de la science, ne se sont imaginé d’autre territoire que le monde. Au mieux, par réalisme sur le droit qui les fondait et sur la provenance de leurs moyens, se sont-elles reconnu un caractère national »1.

Bien entendu, l’université est une actrice territoriale, citoyenne, civique et économique. Les universités sont des institutions urbi et orbi. La crise sanitaire a démontré à quel point l’activité des associations étudiantes ne se limite pas à l’événementiel. Les campus de l’avenir mettront l’accent sur ce rôle social des associations : logique de socialisation, promotion sociale, lutte contre les fractures sociales, etc. L’engagement étudiant ne se limite pas au campus. Les bornes d’un campus sont très poreuses.

En conclusion, si les solutions sont à géométrie variable, cela n’interdit pas de formuler des recommandations et des principes de cadrage.

Il n’existe pas de modèle unique ou de taille parfaite d’un campus universitaire.

En 1973, Schumacher écrivait « small is beautiful ». Il parlait de l’économie du durable et de l’échelle à taille humaine. Il s’agit de trouver le bon niveau de subsidiarité. L’enjeu n’est pas la taille du service, mais la qualité du service rendu à la collectivité. Il s’agit de ne pas déshumaniser le travail rendu par les personnes qui animent les services sur les campus.

L’important est la résilience, s’assurer que les universités, les campus et les services de demain soient résilients, capables d’évoluer en fonction des crises et en fonction des besoins.

Mme Anne Guiochon-Mantel, vice-présidente « Vie universitaire » de l’université Paris-Saclay. – Le campus de demain est un lieu de travail connecté, un lieu de culture, de sport, durable et inclusif. C’est un lieu de rencontre, avec des espaces de travail ouverts si possible 24 heures sur 24, des lieux de vie qui offrent une qualité de vie et une mixité. C’est un campus intégré à la cité, un lieu social favorable au brassage des étudiants, des acteurs de l’université, de la société, les startupers et des habitants des villes environnantes. Ce sont des espaces de détente et de repos, de travail avec les acteurs économiques pour favoriser l’intervention des professionnels au sein de l’enseignement supérieur. Le campus bénéficie d’une offre de transports publics de proximité et de mobilités douces entre les sites.

Le campus est un lieu de vie sociale, culturelle et sportive, avec des lieux d’activité sportive et culturelle, des associations qui mettent en valeur le patrimoine et l’action culturelle, des résidences pour les professeurs invités, une restauration quotidienne, des

1 Lichtenberger Y., « L’université et ses territoires », dans Urbanisme, Hors série, 38, 2010, p. 57-60.