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L’assemblage des protéines amyloïdes: un processus complexe de nu-

CHAPITRE 3: CINÉTIQUE D’AGRÉGATION AMYLOÏDE

3.1 L’assemblage des protéines amyloïdes: un processus complexe de nu-

phénomène de croissance par nucléation, tel qu’observé expérimentalement dans de nombreux cas. Cependant, ces phénomènes d’assemblage ne sont pas exactement bien décrits par la théorie classique de la nucléation et des éléments importants pour les décrire manquent à la théorie classique. Cette section se veut un court résumé des plus récents modèles, détaillés dans l’annexe 1, qui viennent expliquer ces éléments afin de compléter la théorie classique de la nucléation pour tenter de mieux comprendre et re- produire la cinétique d’agrégation amyloïde.

3.1.1 Nucléation et fibrillisation

Un phénomène de croissance par nucléation a lieu lorsque la polymérisation1 ne peut avoir lieu qu’après la formation d’un noyau métastable critique qui nécessite le surmontage d’une importante barrière d’énergie libre (Figure 3.1) lorsque le système est supersaturé, tel que dicté par la théorie classique de la nucléation [103–106].

Cette même théorie ne prévoit, cependant, qu’un seul niveau de nucléation homogène et des modèles complémentaires [107–109] ajoutent un second niveau de nucléation (nucléation secondaire) pour décrire la fibrillisation de certaines protéines amyloïdes

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Figure 3.1: Barrière d’énergie libre typique pour la formation d’un noyau critique. Un noyau critique se forme lorsque le maximum d’énergie libre est surmontée par un agrégat. (Ferrone, 1999).

tels qu’observés expérimentalement. La nucléation secondaire peut se manifester sous plusieurs formes comme la fragmentation ou la nucléation hétérogène: la fragmenta- tion consiste à augmenter le nombre d’extrémités de fibres disponibles pour recruter des monomères, agissant ainsi à titre de sites de nucléation [104, 109–114]. La nucléation hétérogène, quant à elle, consiste en la formation de nouveaux sites de nucléation le long d’une fibre existante et amenant à un phénomène d’épaississement des fibres [29, 115– 120]. Les phénomènes de nucléation secondaires sont ainsi nécessaires à la description du phénomène d’agrégation de nombre de protéines amyloïdes et expliquent une crois- sance exponentielle des fibres lors de la polymérisation alors que la théorie classique de la nucléation prédit une vitesse de croissance quadratique. Une deuxième différence avec la théorie classique est la dépendance du comportement cinétique à la concentra- tion initiale de monomères présents en solution. Alors que la théorie classique de la nucléation prévoit que le phénomène de croissance par nucléation dépende fortement de la quantité initiale de monomères, un modèle incluant la nucléation secondaire prévoit une dépendance notablement plus faible, confirmant ainsi plusieurs observations expéri-

35 mentales [107–109] (voir Annexe 1).

D’autres éléments manquant à la théorie classique de la nucléation incluent également la nature biochimique même de la séquence en acides aminés de la protéine considérée. En effet, plusieurs propriétés des protéines amyloïdes comme le degré d’hydrophobicité, la présence de résidus aromatiques ou bien la présence de motifs alternant résidus hy- drophobes et hydrophiles, augmentent de manière significative le taux de nucléation amyloïde dans divers cas alors que d’autres propriétés comme la charge diminuent la vitesse d’agrégation [121]. Les effets extrinsèques de l’environnement cellulaire d’une protéine amyloïde peuvent également jouer un rôle non négligeable sur le taux de nu- cléation comme le pH, la température ou encore la présence d’une surface qui facilitent la nucléation [118]. Une vision d’ensemble est alors nécessaire afin de comprendre tous les paramètres en jeu qui dictent la dynamique d’agrégation chez les protéines amyloïdes et un des facteurs les plus importants à également considérer est le rôle que jouent les espéces intermédiaires dans le processus d’assemblage des protéines en fibres.

3.1.2 Rôle des espèces intermédiaires dans la fibrillisation

Les oligomères, espèce toxique préliminaire formée lors de la fibrillisation, peuvent mener à plusieurs morphologies suivant les protéines et les mécanismes en jeu : les oligomères sphériques désordonnés amorphes et les oligomères protofibrillaires plus or- donnés qui ressemblent structurellement aux fibres. Leur rôle est très important dans le mécanisme de formation des fibres et plusieurs modèles cinétiques les ont ainsi intégrer pour expliquer certaines observations expérimentales. Notamment, pour la protéine Aβ , un modèle proposé [122] suggère que les protofibres participent à la formation de fibres et sont créées par un processus de nucléation (Figure 3.2 (a)). En parallèle, d’autres hypothèses [33, 43] existent sur la nature de l’association des protofibres en fibres (Fig- ure 3.2 (b)) et sur leur rôle potentiel de réservoirs de monomères [123] (Figure 3.2 (c)).

D’autre part, des modèles soulignent le rôle des oligomères amorphes, soit comme es- pèce embryonnaire préliminaire au noyau critique lors d’un processus de nucléation par addition de monomères [103, 107, 112, 114, 124–129] (Figure 3.3 (a)), soit comme ac- teur principal d’un mécanisme de fusion d’oligomères [43, 130–135] (Figure 3.3 (b)) qui

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Figure 3.2: Modèles decrivant la fibrillisation à partir de protofibres pour la pro- téine Aβ (Walsh et al., 1997). (a) Fibrillisation de Aβ en tant que phénomène de nu- cléation impliquant les protofibres. (b) Hypothèses sur la nature de l’association entre protofibres pour produire des fibres (Jansen et al., 2005) (c) Protofibres en tant que réser- voirs de monomères. Walsh et al. (1997).

37 pourrait agir de concert avec le mécanisme de nucléation. Bhak et al. [131] proposent alors que les fibres issues d’un processus de nucléation ou de fusion d’oligomères ont des morphologies différentes. Ainsi, un mécanisme de formation différent produirait des fibres de morphologies différentes pour une même protéine. Ce phénomène est appelé polymorphisme et est une propriété très répandue chez les protéines amyloïdes, notam- ment pour la protéine Aβ [3].

Figure 3.3: Comparaison entre deux différents modèles décrivant la formation de fibres en impliquant des oligomères amorphes. par (a) un processus de croissance par nucléation et (b) un processus de fusion d’oligomères. Rochet and Lansbury (2000).

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