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L’art et l’architecture au service de la mémoire

CHAPITRE 3 : LYON-CONFLUENCE : PROJETS, INSPIRATIONS ET REALITES

3.2. UNE NOUVELLE FAÇON DE FAIRE VIVRE L’HISTOIRE

3.2.2. L’art et l’architecture au service de la mémoire

L’étude du Port Rambaud apporte un aspect intéressant de l’application de l’architecture industrielle, là où les architectes tentent d’apporter un « caractère contemporain sans gommer l’histoire du lieu et ses cicatrices industrielles »278, à l’image

de la façade de la Sucrière et ses meurtrissures, ou de la conservation des ponts-roulants.

La promenade de Saône au niveau du port est donc composée par la « conservation des rails, [une] utilisation des matériaux pour réaliser le pavage du site, [et] l’inscription dans une histoire portuaire et mémoire/ambiance des lieux »279. Les quatre hectares du Port Rambaud, sur les 150 hectares du projet Lyon Confluence, ont donc pour but de conserver le caractère industriel du site et mettre en valeur la Saône avec une touche

artistique280. En effet, la conception des bâtiments industriels au fil du temps apporte moins de

soin à la création des bâtis.

278 BUNA Gilles (Dir.), Lyon, Architecture(s) Urbaine(s), Villeurbanne, Eds. Deux-cent-cinq, 2010, 208 p., p.22. 279 Arch. Grand Lyon, 5607WM095. Lyon Confluence, Transfert de garde – Port Rambaud : Constat d’état des

lieux, 11 mars 2010.

280 GERARDOT Claire ; SCHERRER Frank (Dir.), Fleuves et action urbaines : de l’objet à l’argument

géographique. Le Rhône et la Saône à Lyon, retour sur près de trente ans de « reconquête » des fronts d’eaux urbains centraux, Lyon, Institut d’urbanisme de Lyon – Université Lumière Lyon II, 30 novembre 2007, 237 p.,

p. 139.

Figure XXXVII : Les escaliers extérieurs de la Sucrière sur la façade est, Antoine Barbin, 15 février 2018.

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En effet, les dépenses orientent les constructions vers des matériaux peu onéreux, comme la brique, le zinc et le béton, avec des plans plus simples, fonctionnels et évolutifs281,

comme les deux niveaux d’entrepôts rajoutés sur la Sucrière et son extension future, le Pavillon des Douanes, l’Entrepôt des Vins, ou les extensions latérales des Salins.

Sur le quai, toutes les constructions sont gérées par des équipes liant un architecte et un artiste pour chaque projet, composées par VNF (Voies Navigables de France) et RSD (Rhône Saône et Développement). Ici, « l’art n’est pas la cerise sur le gâteau »282, la conception des

projets est travaillée simultanément par les deux acteurs, apportant une vision pluridisciplinaire des projets.

La part des architectes dans la patrimonialisation du lieu est la plus importante, comme l’installation sur la façade est de la Sucrière, face aux voies ferrées, de « nouveaux escaliers hélicoïdaux [qui] viennent faire écho aux hélices à sucre historiques »283. Posés pour une raison

de sécurité (normes d’évacuation), tout comme les escaliers en métal installés sur la façade nord nue des Douanes, libérant de l’espace dans le bâtiment, et continuant cette mise en valeur de la façade d’origine. La conception même des lieux rendent hommages au passé industriel. Par exemple, Michael Peters, Président du directoire d’Euronews en 2013, qui espère « faire entrer une usine [à information] dans une œuvre [d’art] »284. Comme les anciens pavillons, l’usine (à

information) fait écho au patrimoine historique de la Confluence.

Les architectes, en agent de la mémoire, n’hésitent pas à réutiliser certains objets anciens pour leur redonner une utilité dans le monde moderne, à l’image du wagon abandonné contre la Sucrière, wagon réformé de la SNCF transformé quelques mois en agence d’architecture. Ce wagon a été prêté par la SNCF à la Biennale, un mois avant l’édition de 2003, pour la création d’un espace presse devant le bâtiment. Ce prêt a été possible, car en 2003, le port est toujours branché au réseau ferroviaire national, et une locomotive de la SNCF a pu l’installer. Le wagon est déclassé, donc modulable à souhait, mais la SNCF a tenu à le récupérer après la Biennale. L’espace presse a été installé dans le wagon, sur une dalle de béton coulée sur le plancher pour niveler le sol. Condamné jusqu’en 2009 et jamais réclamé, le wagon devient le premier local pour l’agence Z Architecture qui opère sur la Sucrière, « entretemps, le port a été aménagé et

281 GUILLERME André, « Patrimoine industriel, infrastructures de transport, urbanité », Patrimoine industriel,

Paris, CILAC, N°68, juin 2016, P. 8-13.

282 Op. Cit., CITYSCAPE, CONTEXTE La Saône Confluence, Plateforme Vimeo France, Mis en ligne le mercredi

20 mai 2015, 4m25s.

283 Z Architecture, La Sucrière (1932 – 2012) : 80 ans, doyenne des docks, Les Editions de Z, 2011, p.93. 284 MERCADAL Thierry, Le CUBE² & Dialogue Cubique, Portraits d’Architecture, Prod. On Stage, Français,

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déconnecté du réseau national, ce qui fait que le wagon est piégé sur un rail de 100 mètres de long », coincé au nord par les terrasses des Douanes et au sud par les escaliers de la Sucrière (Cf.ANNEXE 5). On peut mettre en relation le wagon installé devant la Sucrière, avec un autre wagon installé face à la façade sud du Musée d’Art Contemporain (MAC) de Lyon à la Cité Internationale (Lyon 6e). Le MAC étant la maison mère de la Biennale d’Art Contemporain, on

peut supposer qu’il exister un lien entre les deux lieux, le wagon au MAC Lyon représentant la collaboration avec la Sucrière, symbole d’un passé industriel, le lien indéfectible reliant l’art contemporain au patrimoine industriel à Lyon.

De plus, tous les pavillons intègrent des œuvres d’art ou des galeries, comme celle de Georges Verney-Carron dans les Douanes, la galerie photographique dans le hall du Dark Point ou l’essence même de la survie de la Sucrière, être un lieu d’exposition d’art contemporain. Les artistes ont leur part entière dans la configuration des lieux. Par artistes, on entend un groupe de personnes qui utilisent des outils artistiques ou créant des œuvres participant à la vie du lieu. La présence d’artistes la plus flagrante est celle de la Biennale d’Art Contemporain à la Sucrière. On peut donc relever l’accréditation d’artistes célèbres à la réalisation des pavillons, comme sur les Douanes, avec la copie de la façade est par Krijn de Koning285, appliquée en

relief sur la façade ouest. D’ailleurs, l’œuvre est installée dès les premiers travaux, avant même la restauration du toit ou la pose du caillebotis métallique. Les silos monumentaux de la Sucrière sont mis en valeur par la création de l’artiste portugais Rigo 23, spécialiste dans la peinture monumentale sur les bâtiments, réalisée pour la Biennale de 2009, avec l’annotation des mots « GAUCHE » et « DROITE », et devenus aujourd’hui un des symboles du lieu.

La mémoire du port est aussi portée par une vaste sérigraphie installée sur la façade sud de l’immeuble du groupe GL Events, le Dark Point. Image du lien entre art et architecture, comme sur la conception des Douanes, on peut admirer l’installation de l’artiste Felice Varini, associé dans le projet à l’architecte Odile Decq. La sérigraphie permet depuis le sud permet d’obtenir une illusion de la présence de l’ancien port, avec sud la façade, une vue depuis l’actuel Pavillon 52. La « restitution du paysage en noir et blanc, permet de montrer que c’est seulement une restitution ». Cette œuvre permet de créer une ambiance historique complètement artificielle. Néanmoins, cette ambiance industrielle est, avec une certaine observation, complètement inexistante : la sérigraphie en noir et blanc présente en fait la Sucrière dans son

285 L’œuvre de Krijn de Koning, artiste néerlandais né en 1963, est basée sur l’utilisation de formes et de sculptures

colorées interrompant l’espace et l'environnement. L’artiste apprécie particulièrement le travail sur les perspectives, de la minuscule au monumental. / Krijn de Koning sur le site Internet de l'Ecole Européenne Supérieure d’Art de Bretagne (EESAB), février 2018.

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état actuel, avec ses silos peints mais retranscrit une ambiance plus ancienne avec la décoloration en noir et blanc. La mémoire industrielle dépeint au centre de ces projets semble plus artificielle qu’honnête.

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