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L’appropriation du TBI : une approche pédagogique à réaménager

Réflexions pour développer une pédagogie interactive en classe de FLE avec le TB

B. Quel rôle pour l’enseignant ?

1. L’appropriation du TBI : une approche pédagogique à réaménager

Lors de l’utilisation du TBI, l’enseignant passera par différentes phases d’appropriation : 1. utilisation du TBI comme un tableau géant pour les applications déjà utilisées dans le passé ; 2. découverte et exploitation des fonctionnalités spécifiques de cette technologie ; 3. utilisation du TBI comme « une plate-forme de collaboration en faisant venir les étudiants au tableau » (Cutrim, 2009 : 57). C’est cette dernière phase qui fait que les pratiques de l’enseignant sont amenées à être transformées lors de l’intégration du TBI dans un scénario ou une séquence pédagogiques : en amont, pendant, et en aval de l’interaction pédagogique.

En amont, l’enseignant va évidemment élaborer une tâche en mettant la priorité sur l’objectif pédagogique. Les cours doivent être préparés de façon à ce que les apprenants soient aussi autonomes que possible (Guichon, 2012 : 84). Guichon met aussi en garde contre le fait de se lancer dans l’utilisation des TIC sans avoir défini les objectifs tant en ce qui concerne les apprentissages visés que l’intervention et le rôle des technologies. Le TBI doit servir à l’élaboration de la tâche une fois les objectifs définis précisément, et non pas l’inverse. Il rappelle que la tâche doit présenter un enjeu authentique, car de cela dépendra l’engagement de l’apprenant (Guichon, 2012 : 123). Il faut prévoir le type de tâche : l’échange d’information, l’échange d’opinion, la prise de décision, la résolution de problème (Guichon, 2012 : 116), et donc le type d’interaction, en fonction de l’objectif pédagogique, de la macro-tâche et de la production finale. Il ne faut pas hésiter à se fonder sur le

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CECR et à en utiliser les descripteurs pour préparer des scénarios qui amèneront les apprenants à développer leurs compétences interactionnelles. En aval, il pourra être question d’une forme d’évaluation. Il s’agira de donner des outils ou des fiches d’autoévaluation ou d’hétéroévaluation pour que les apprenants puissent mesurer l’écart entre leur production finale et le ou les objectifs qui étaient définis (le jeu de l’oie dans « Epicerie fine » peut être une option).

Enfin, Beacco (2007) invite à lier le fond et la forme60, à utiliser des documents riches en contenu linguistique, à pratiquer la systématisation communicative et formelle. Dans un exemple que donne Guichon (2012 : 81) d’un enseignant qui a intégré les TIC à sa pratique, il constate que si cette pratique n’a pas été révolutionnée, elle a quand même évolué vers une extension du répertoire de l’enseignant, vers le fait de trouver un langage commun avec des élèves dont les habitudes communicationnelles passent justement par les TIC. En effet, la pratique ne va pas se transformer instantanément61, car il faut toujours un temps plus ou moins long pour intégrer le changement et s’approprier un nouvel outil, ou un instrument en devenir.

En outre, il importe de souligner la question de l’adéquation entre une activité d’apprentissage médiatisée et les besoins et pratiques d’apprentissage des apprenants (Guichon, 2012 : 152). Même si son discours concerne ici les outils de la CMO, la même question se pose avec tout outil entrant dans le domaine des TICE, et donc le TBI. De la même manière, Mondada (1999 : 4) fait la distinction entre « les pratiques [de CMO] qui ne font que transférer dans le domaine des nouveaux médias des compétences traditionnelles [, et] de nouvelles pratiques émergentes qui s’ajustent aux technologies employées, à leurs contraintes et à leurs possibilités, à leurs contextes d’usages particuliers ». Autrement dit, il faut absolument éviter de faire du neuf avec du vieux, mais plutôt réajuster ses

60 Il propose même un schéma possible de séquence didactique :

« - Exposition à des échantillons de conversation ; - compréhension de ces échantillons ;

- systématisation communicative par apport d’informations descriptives ; - systématisation communicative au moyen d’exercices de conversation ; - production par paires ;

- systématisation formelle par apport d’informations descriptives ;

- systématisation formelle au moyen d’exercices morphosyntaxiques et lexicaux ; - production ;

- (auto-évaluation ou évaluation, immédiate ou différée) » (Beacco, 2007 :164).

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Francine Cicurel donne des pistes réflexives sur les pratiques d’enseignement : quelles questions se poser sur les activités didactiques que l’on propose, la participation des apprenants, les difficultés que l’on rencontre, sur le déroulement d’une activité, sur la place des interactions dans la classe, etc. Elle suggère de faire un bilan a posteriori de son scénario pédagogique concernant les activités didactiques, la participation des apprenants, les difficultés rencontrés, les contenus langagiers proposés, les méthodes utilisées, l’inventivité de l’enseignant, quelles autres solutions trouver ? Elle invite aussi à se poser la question du déroulement de la distribution de la parole, de la progression du cours, etc. (Cicurel, 2011 : 53-54).

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pratiques en fonction de l’outil. Pour cela, il est important de négocier « le passage du paradigme d’enseignement au paradigme d’apprentissage […] ou, pour le dire autrement, le passage du schéma transmissif […] vers une approche sociocognitive de l’apprentissage d’une langue médiatisé par ordinateur » (Guichon, 2012 : 153). De façon identique, il faut parvenir à sortir du schéma transmissif auquel on peut céder si facilement avec l’utilisation du TBI, pour donner le TBI à utiliser aux apprenants dans un schéma sociocognitif, et tendre vers une pédagogie du développement (Albero, 2010), ou encore une fois : « Sharing, not staring » (Millum et Warren, 2008).

Il ne s’agit plus de savoir comment le TBI peut amener à transformer les pratiques, mais comment élaborer un scénario actionnel qui soit adapté au TBI, et qui respecte, au même titre que d’autres outils de CMO, les conditions citées par Warschauer :

a) « centrer les activités sur l’apprenant, celui-ci ayant un certain degré de contrôle sur leur planification et leur réalisation ;

b) fonder ces activités sur une communication authentique, d’une manière discursive appropriée au medium utilisé ;

c) s’attacher à valoriser l’apprenant ;

d) fournir aux apprenants l'occasion d'explorer et d'exprimer leur identité en évolution constante »62 (Warschauer, 2000 : 57).

Dans ce cas, ce n’est plus le seul enseignant qui utilise et contrôle l’outil, mais les apprenants qui l’utilisent pour communiquer, pour réaliser leurs tâches et pour construire leurs compétences langagières. Par contre, la comparaison commence à se réduire ici, car Guichon va plus loin dans sa conception de la CMO, puisqu’il la définit comme « un contenant [et non comme un contenu mis en forme par l’enseignant] qui, en raison de ses contraintes et possibilités propres (un forum ne fonctionne pas comme un dispositif de viosioconférence), rend possible la mise en place de certaines tâches intermédiaires au sein d’une séquence didactique » (Guichon, 2012 : 155). En effet, concernant le TBI, le scénario sera toujours mis en forme par l’enseignant, même s’il contient des tâches intermédiaires qui seront prises en main par les apprenants.