• Aucun résultat trouvé

L’approche « bassin-versant » ou comment définir la capacité de résilience

Partie II : Principes méthodologiques et outils déployés

VI. L’approche « bassin-versant » ou comment définir la capacité de résilience

75 L’échelle la plus large correspond au bassin-versant. À cette échelle, le suivi s’attache à caractériser la production sédimentaire et le gradient granulométrique. Ces données bénéficient d’un cadre temporel d’analyse restreint. La production sédimentaire des affluents offre une image statique et récente du renouvellement des stocks externes tandis que le gradient granulométrique combine au mieux des données sur une échelle de temps moyenne (< 10 ans). L’échelle du bassin-versant est l’échelle privilégiée pour analyser les capacités de résilience de l’hydrosystème. À l’échelle du tronçon (la zone restaurée et les zones de référence, 1 à 10 km), le suivi opéré se base sur le traçage sédimentaire, les mesures topo-bathymétriques, les bilans sédimentaires, l’emprise des bandes actives et sur la caractérisation des habitats. Les données relatives aux bandes actives bénéficient d’un important recul historique tout comme certaines données topo-bathymétriques. Pour les autres types de données, le cadre temporel est moins étendu (quelques années après travaux). L’échelle du tronçon est l’échelle privilégiée pour analyser l’efficacité du projet de restauration.

L’échelle spatiale la plus fine correspond à la station (< 1 km). À ce niveau, le protocole de suivi mobilise le suivi de la couche active, le suivi photographique en continu (time lapse) ou discontinu (prises de vue lors des différentes missions de terrain), les données CARHYCE, les données physico-chimiques et hydrobiologiques disponibles (peuplement benthique et piscicole), dans un cadre temporel intermédiaire (2 à 10 ans). C’est à cette échelle que sont menés les calculs de transport solide.

L’ensemble des sites d’étude ne bénéficie pas du même degré de suivi. On peut distinguer un premier groupe composé du Drac et du Buëch, caractérisé par un large éventail de données et un second groupe correspondant au Minervois (Clamoux et Argent Double), qui dispose de données plus restreintes.

VI. L’approche « bassin-versant » ou comment définir la

capacité de résilience

La caractérisation des stocks de sédiments interne, c’est-à-dire la quantité d’alluvions dans la plaine alluviale, permet d’évaluer le potentiel de recharge par remobilisation tandis que la production sédimentaire permet d’évaluer la capacité à pérenniser où à régénérer les stocks internes.

VI.1 Stocks internes de sédiments et production sédimentaire

Dans un premier temps, les sources de sédiments, sont évaluées à partir de la méthode classique d’analyse des cartes géologiques du BRGM, disponibles sur infoterre (Malavoi et Bravard, 2010 ; Malavoi et al., 2011). On distingue les sources sédimentaires internes primaires (celles du cours d’eau principal) et les sources sédimentaires internes secondaires (celles des affluents). Ces stocks sont constitués de dépôts fluviatiles récents (couche Fz ou Gz) ou anciens. Les potentialités de recharge sédimentaire par remobilisation des stocks internes sont caractérisées au travers de l’étude diachronique des bandes actives menée à l’échelle sectorielle. La méthodologie de cette analyse est détaillée dans la section suivante. Lorsque cela est possible, les sondages géologiques (Infoterre) et hydrogéologiques sont utilisés pour évaluer les volumes de sédiments qui constituent ces stocks. Dans un deuxième temps, le potentiel de renouvellement de ces stocks sédimentaires est évalué par la quantification de la production sédimentaire des différents émissaires, ce qui est utile pour replacer le site restauré dans son contexte morphodynamique. En d’autres termes, quel est l’ampleur des déficits sédimentaires par rapport à la fourniture sédimentaire ? Cette question est abordée par une approche macro dont l’échelle d’analyse est celle du bassin-versant. Notre approche est basée sur l’utilisation d’un modèle statistique qui relie la production de sédiments à des caractéristiques élémentaires du bassin-versant, sans passer par l’étape intermédiaire de l’estimation des apports des versants.

Il existe une corrélation décroissante entre la production sédimentaire spécifique et la surface du bassin-versant (Owens and Slaymaker, 1992). Cette relation n’est pas linéaire du fait de facteurs climatiques, géologiques et géomorphologiques pouvant faire varier la production sédimentaire

76 de plusieurs ordres de grandeurs (Brochot, 1998). Cependant, Peteuil et al. (2012), au travers de la méthode ECSTREM (Estimation de la Charge Sédimentaire des Torrents à l’aide de Régressions Multivariées), mettent en avant que le processus de transport solide ou l’intensité des processus érosifs sont des variables intégratrices qui permettent d’améliorer la fiabilité des relations surface du bassin-versant-production sédimentaire. La méthode ECSTREM est utilisée sous sa forme simplifiée qui consiste à déterminer la fourniture sédimentaire en fonction de la surface du bassin-versant et de l’intensité des processus érosifs, selon la formule suivante :

𝑉 = 𝑎𝐴𝑏 (2)

avec V le volume sédimentaire produit (en m3), a et b des coefficients qui varient selon l’intensité des processus érosifs (Tableau 12) et A la surface du bassin-versant (en m²). Ce modèle statistique est issu des abaques des services RTM qui regroupent les bilans sédimentaires de 72 torrents alpins (Figure 52). Ces bilans sédimentaires ont été élaborés grâce aux inventaires de curage des plages de dépôts.

Tableau 12 : Coefficients utilisés pour la détermination des volumes de production alluviales moyens annuels, décennaux et centennaux (données : méthode ECSTREM)

Volume annuel Volume décennal Volume centennal

Coefficient a b a b a b

Intensité forte à très forte 5857,8 0,6159 12272 0,75 21472 0,85 Intensité modérée à forte 1724,1 0,6202 5000 0,7 10066 0,77 Intensité faible à modérée 506,29 0,6155 2224 0,65 5000 0,7 Intensité très faible à faible 164 0,6161 1088 0,62 2008 0,65

Intensité nulle 57 0,6115 548 0,56 783 0,59

Figure 52 : Abaque utilisable pour estimer la production sédimentaire annuelle d’un torrent en fonction de l’intensité des processus érosifs (d’après Peteuil et al., 2012)

77

Tableau 13 : Classes d’intensité des processus érosifs (d’après Peteuil et al., 2012)

Classes d’intensité Description de la classe selon la méthode ECSTREM Intensité très

faible à faible

Torrents pour lesquels le transport solide intervient surtout par charriage et dont le bassin-versant est faiblement dégradé (à titre indicatif : moins de 5 % de la surface totale du

bassin-versant est soumise à de l’érosion). Intensité faible à

modérée

Torrents où des phénomènes de charriage et de laves torrentielles peuvent conjointement se produire et dont le bassin-versant est modérément dégradé (à titre indicatif : entre 5 et

15 % de la surface totale du bassin-versant est soumise à de l’érosion). Intensité

modérée à forte

Torrents pour lesquels le transport solide intervient sous forme de laves torrentielles et parfois de charriage et dont le bassin-versant est assez fortement dégradé (à titre indicatif :

entre 15 et 50 % de la surface totale du bassin-versant est soumise à de l’érosion). Intensité forte à

très forte

Torrents pour lesquels le transport solide intervient surtout sous forme de laves torrentielles et dont le bassin-versant est fortement dégradé (à titre indicatif : plus de 50 %

de la surface totale du bassin-versant est soumise à de l’érosion).

L’intensité des processus érosifs est abordée par les caractéristiques du transport solide et par le pourcentage de surfaces soumises à l’érosion dans le bassin-versant (surface en érosion active soit sur le bedrock, soit sur des dépôts meubles connectés au réseau hydrographique ;Tableau 13). Sans à priori sur le fonctionnement de chaque torrent, la discrétisation de l’intensité des processus est réalisée par une étude de l’occupation du sol. Ainsi, dans la base de données Corine Land Cover, l’ensemble des surfaces propices à l’érosion (espaces ouverts sans ou avec très peu de végétation) est considéré comme une zone en érosion potentielle (code 332, 333, 334 et 335). Les résultats obtenus sont confrontés à une approche experte ainsi qu’aux études spécifiques afin d’améliorer la discrétisation. Ces choix soulèvent des questions quant à l’exhaustivité et à la fiabilité de la base de données Corine Land Cover. Ce choix constitue une forte simplification du modèle ECSTREM. Cependant, au-delà des valeurs brutes issues de cette approche qui sont par nature discutables, cette méthode offre un regard homogène sur la production sédimentaire à l’échelle du bassin-versant.

VI.2 Variabilité spatiale de la granularité de la charge de fond

Stenberg (1875) a démontré une décroissance longitudinale de la taille des particules de la charge de fond. Cette décroissance est contrôlée par les processus d’usure (frottement ou broyage plus ou moins conséquent des particules) et de tri (durée et intensité de mise en mouvement, de transport et de sédimentation). L’usure est fonction de la lithologie des matériaux et peut conduire à l’abrasion totale des matériaux grossiers, lorsque ceux-ci sont peu cohérents. Selon Parker (1991), l’abrasion appliquée sur les particules lors de leur transport n’est pas suffisante pour expliquer l’affinement granulométrique d’amont en aval. Il faut considérer le tri qui joue une part prépondérante dans l’affinement granulométrique de la charge de fond. Il est dépendant de la taille et de la forme des particules ainsi que des conditions hydrauliques (Rice, 1999 ; Surian, 2002). La décroissance longitudinale de la taille des particules de la charge de fond est modélisée selon l’équation de Knighton (1980) :

𝐷 = 𝐷0𝑒−𝛼𝐾 (3)

avec D le grain caractéristique de la section (en mm), D0 la taille initiale du grain (en mm), α un coefficient intégrant l’effet indifférencié de l’usure et du tri et K la distance (en km). Néanmoins, d’autres facteurs tels que la pente, les apports sédimentaires aux confluences ou encore les ouvrages hydrauliques (barrages, digues) sont à l’origine d’irrégularités (Rice, 1998 ; Montané et

al., 2009 ; Brousse et Arnaud-Fassetta, 2011) dans le modèle de Knighton (1980).

Ce gradient granulométrique est un macro-indicateur du fonctionnement hydro-sédimentaire d’un hydrosystème car il permet de pointer les irrégularités granulométriques (affinement ou grossissement) par rapport au modèle théorique. Ainsi, dans une logique BACI (Before After

Control-Impact), il est intéressant de resituer l’évolution de la granularité du site restauré par

78 l’analyse des stocks sédimentaires et permet de discuter la capacité de résilience des hydrosystèmes. En effet, si la compétence du site restauré n’est pas en adéquation avec la granulométrie des apports sédimentaires, des ajustements morphologiques pourraient théoriquement s’opérer rapidement.

L’analyse de la variabilité spatiale de la granularité de la charge de fond est basée à la fois sur une étude de terrain et sur la synthèse de données issues de la bibliographie (Tableau 14). Un premier jeu de données a été collecté sur la Clamoux et sur l’Argent Double (Michler, 2013, 2014 ; Chauvet, 2015 ; Gros et Vallin, 2016 ; Fontanieu et Espiaut, 2016 ; Berthelot et Tourade, 2017) et un second sur le Drac et le Buëch (Berthelot, 2018).

Tableau 14 : Données granulométriques des rivières étudiées

Rivière Auteur Source Méthode employée Nombre de sites échantillonnés Nombre de particules mesurées Drac Berthelot (2018) ETRM 2010 Wolman 28 50-100 PRODIG

(Brousse, 2016) Wolman (pied à coulisse) 19 50-100 PRODIG (Berthelot, 2017) Wolman (gravelomètre) / analyse d’images 27 100 Buëch HYDERTUDES 2013 Wolman 32 -

EDF 2016 Analyse d’images

(basegrain) 10 100 PRODIG

(Brousse, 2016) Wolman (pied à coulisse) 29 50-100 CEREGE 2017 Wolman 30 100 PRODIG (Berthelot, 2017) Wolman (gravelomètre) / analyse d’images 18 100 Argent Double

Michler, 2013 PRODIG, 2012 Wolman (fréquence par

masse) 6 -

Michler, 2014

Wolman (pied à coulisse)

3 100 Berthelot et Tourade, 2017 2 150 Clamoux Chauvet et Dorval, 2014 ; Chauvet 2015 4 100 Fontanieu et Espiaut, 2016 3 50 Berthelot et Tourade, 2017 2 150

L’ensemble des données acquises sur le terrain ou issues de la bibliographie est projeté sur un référentiel commun (un profil en long borné avec des points kilométriques). Une cartographie de ces mesures est proposée (Annexe 2 ; Annexe 3 ; Annexe 4). La base de données « granulométrie » contient 249 sites échantillonnés dont 136 sites pour le bassin du Buëch, 88 sites pour le bassin du Drac amont, 11 sites pour l’Argent Double et 14 pour la Clamoux. Les diamètres caractéristiques D50 et D90 sont utilisés pour caractériser le gradient granulométrique.

Il faut bien évidemment avoir conscience que les échantillonnages n’ont pas été effectués à des intervalles temporels réguliers ni avec des méthodes similaires. Les résultats obtenus de cette agrégation de données restent donc à relativiser.

Sur la Clamoux et l’Argent Double, les données granulométriques s’étalent sur 4 à 5 ans. Cette période englobe une crue vicennale susceptible d’avoir fortement modifié le gradient granulométrique. Les techniques d’échantillonnages sont relativement homogènes (Wolman,

79 1954) mais le nombre d’opérateurs différents peut engendrer certains biais dans le protocole de mesure.

Sur le Drac et sur le Buëch, le cadre temporel des analyses granulométriques s’étale sur une période de 8 ans. Sur ce laps de temps, des crues morphogènes ont eu lieu et sont susceptibles d’avoir modifié le gradient granulométrique. Les opérateurs sont tout aussi nombreux et les techniques diverses.

80

VII. Les approches à l’échelle du tronçon et de la zone

Documents relatifs