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P ARTIE 2 Q UELS OUTILS POUR CONCILIER DEVELOPPEMENT TOURISTIQUE ET PRESERVATION DE L ’ ENVIRONNEMENT ? L’ EXEMPLE DES DOCUMENTS DE PLANIFICATION

2.1.3. La préservation des espaces naturels comme enjeu de la loi Littoral : quelle application dans les SCOT et les PLU ?

2.1.3.2. L’application de la loi Littoral dans le PLU : le cas de Martigues

L’analyse du PLU de Martigues, couplé aux entretiens réalisés auprès des gestionnaires, permet également de revenir sur les modalités d’application de la loi Littoral dans ce document de planification (Hatt, 2016).

La loi Littoral ayant été difficilement appliquée sur le littoral méditerranéen et, notamment, dans les Bouches-du-Rhône, l’État est intervenu via une Directive territoriale d’aménagement (DTA) 20 années plus tard. Approuvée par décret (n°2007-779), le 10 mai 2007, cette directive rappelle et précise dans son chapitre quatre les modalités d’application de la loi Littoral sur ce territoire. Mais les gestionnaires locaux soulignent que la commune de Martigues n’a pas attendu cette loi et ces directives pour préserver ses espaces naturels. Selon certains acteurs, Martigues ne valorise guère cette approche, car « sur Martigues on n’aime pas utiliser les mots liés à l’écologie pour des raisons

obscures, mais de fait elle est menée avec une grande simplicité et efficacité. Les zones autour des usines toujours en fonction pétrochimie et risques majeurs et bien on a de la nature autour ce qui est de la protection. Voyez c’est très pragmatique. Ce n’est pas le discours classique, mais ça marche très bien en tout cas c’est très lisible »43. Le territoire de Martigues apparaît comme novateur dans le champ de la protection du littoral qu’il a su mettre en œuvre avant même la directive nationale d’aménagement du littoral et la loi Littoral qui s’en est suivie. Un rapport produit par le BPU de Martigues en février 199644 souligne ainsi que « lors de la directive d’aménagement du littoral

approuvée par décret n°79-716 du 25 août 1979 prescrivant entre autres la nécessité d’une bande de protection minimale de 100m, le long du rivage, il n’a pas été nécessaire qu’une révision du POS soit effectuée puisque d’ores et déjà sur ce plan, les dispositions allaient bien au-delà de ce minimal requis. » L’architecte en chef de la ville se souvient de la conception du PLU qui avait été assurée en régie et souligne qu’ils « ont fait un travail énorme de qualification d’espaces remarquables, on y a passé des heures pour placer la ligne avec la DTA et pour avoir des logiques de cœur de sites en zone Np comme pour le parc. […] On a beaucoup cherché le bon outil, après avoir vu toutes les études écologiques quand il y avait un double intérêt écologique type zones humides et un beau paysage je le mettais en emplacement site d’intérêt local au PLU »45.

43 Entretien avec l’architecte en chef de la ville (alors responsable de la Direction culturelle), le 3 juin 2015. 44 Ville de Martigues, « Protection du littoral, aménagements de protection d’urgence » - BPU, fév 1996, p.2 45 Entretien du 3 juin 2015.

Figure 46. Carte des espaces remarquables et coupures d’urbanisation sur la commune de Martigues

Source : PLU de Martigues, 2015

La protection des espaces remarquables (au titre des articles L.146-6 et R.146-1 du code de l’urbanisme) constitue alors un premier levier mobilisé par la commune pour garantir cet équilibre. La collectivité a ainsi fait le choix de proposer un zonage et un règlement spécifique pour rendre compte de ces espaces remarquables du littoral, le secteur NL qui recoupe les « espaces, sites et

paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral de la commune identifiés au titre des articles L.146-6 et R.146-1 du Code de l’Urbanisme. Les territoires concernés sont strictement protégés par les dispositions du règlement. » (PLU, 2015, p.84).

Figure 47. Zonages de protection sur la commune de Martigues

La commune a par ailleurs identifié ses espaces remarquables lors d’un diagnostic préalable réalisé en 2 temps :

- L’identification des espaces par observation « in situ » et comparaison avec les territoires proches et avec le grand paysage ;

- La délimitation précise de ces espaces par un zonage cartographique afin d’assurer la protection prévue par les dispositions de la loi Littoral.

Figure 48. Un exemple de délimitation de l’espace remarquable : le cas de La Pointe Riche à Martigues

Source : PLU de Martigues, 2015

Le PLU développe ainsi toute une réflexion sur la notion de paysage et de valeur paysagère, témoignant de l’intérêt porté à cette question envisagée comme un élément identitaire46. Comme

le rappelle l’architecte en chef de la ville47, « les enjeux touristiques sont traduits dans les documents

d’aménagement comme le PLU dans lequel on a transformé ce qui peut être vu comme des contraintes environnementales en atout pour le territoire pour faire de la valorisation. Par exemple, l’art. L.123-1-5(7) du code de l’urbanisme48 offre la possibilité de mettre dans le PLU des éléments

patrimoniaux et paysagers. Cela a permis de développer l’idée de paysage écologique ». Ce paysage a

ainsi été appréhendé par un regard double depuis la terre et depuis le littoral.

46 « Le territoire observé ne devient paysage que lorsqu’on lui accorde une valeur esthétique, par essence

abstraite et que l’on qualifier de "valeur paysagère". Le paysage est donc source de création et d’expression. Il sert de lieu de mémoire et de lien avec le passé dont il importe de préserver les éléments les plus fondamentaux » (PLU, p.86).

47 Entretien du 13 décembre 2013.

48 Cet article fait référence à la possibilité d’« identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les

quartiers, îlots, immeubles, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique ou écologique et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur protection » (legifrance.gouv.fr).

Figure 49. Un travail sur la covisibilité du littoral : carte d’analyse de la visibilité depuis le littoral de la Côte Bleue

Source : PLU de Martigues, 2015

À Martigues, le PLU est ainsi considéré par les acteurs locaux comme une véritable potentialité d’aménagement stratégique du territoire. Si l’adjoint à la culture concède que des erreurs ont pu être commises (dans le sens de l’étalement urbain), il attribue l’exemplarité de l’aménagement de Martigues à deux dimensions : la volonté politique (et la permanence des élus) et la spécificité géographique de ce territoire morcelé. Il considère par exemple qu’ils ont su et pu se saisir de cet outil grâce à leur « longévité majoritaire dans la ville » qui leur a permis de l’envisager comme « un

outil partagé de développement de la ville »49. Il considère en ce sens qu’ils ont eu « une exigence

très forte » dans la mise en œuvre de cet outil, qui leur a par exemple permis de conserver une

fonction agricole et qui les a parfois même conduits à aller au-delà des exigences réglementaires comme en témoigne leur investissement sur la prévention archéologique. De même, selon lui, la géographie de ce territoire les « pousse à être inventif, ce territoire morcelé, il faut penser sans cesse

à rattacher, on ne peut pas penser un endroit sans penser sa relation à l’autre ». On retrouve

également à Martigues (comme en témoignent l’opposition locale face au projet de SDAU porté par l’Etat ou la non-cession de leurs terrains au Conservatoire du littoral) la volonté affirmée du territoire d’assumer une politique autonome, face à l’État et à l’influence marseillaise (comme en témoigne ces dernières années la complexité la méfiance suscitée par la mise en œuvre de la métropole Marseille Provence). L’adjoint au tourisme souligne l’enjeu que représentait cette maîtrise et cette indépendance locale : « Martigues on a cette chance aussi, on a très peu délégué, et c’est pour ça qu’on a une inquiétude au niveau de la métropole, on n’a rien délégué donc on est absolument maître de notre développement »50.

49 Entretien du 30 mai 2016. 50 Entretien du 27 mai 2013.

2.2. Quelle approche du tourisme et de la gestion de ses impacts dans les SCOT des

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