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PARTIE II L'ASPECT NORMATIF

Section 2 L'application des principes communautaires

En droit communautaire, il existe plusieurs principes suffisamment clairs pour reconnaître l'existence d'une hiérarchie des normes. L'un de ces principes veut que le droit

88 Hubert HAENEL, « Rapport d'information fait au nom de la délégation du Sénat pour l'Union

européenne sur l'idée d'une Constitution pour l'Union européenne », Annexe au procès verbal de la séance du 7 juin 2001, 9-10, disponible sur le site : www.senat.fr/rap/r00-363/r00.3630.htlm

communautaire soit supérieur au droit national, c'est ce que l'on a appelé la théorie de la primauté du droit communautaire. Cette théorie affirmée par la CJCE, dès 1964, dans l'arrêt Costa c/ Enel90, connaît cependant quelques nuances notamment lorsqu'une disposition communautaire risque de mettre en cause les droits fondamentaux de la personne (A). D'autres principes communautaires maintenus par le traité constitutionnel méritent aussi d'être relevés (B).

A - Le principe de la primauté du droit communautaire et sa remise en question 1 - Le principe de la primauté

Ce principe est né de la jurisprudence de la CJCE91. Il conduit à ce que les normes prises par l'Union aient prééminence sur les normes nationales quelles qu'elles soient : lois ordinaires, Constitution, accords internationaux. Le professeur Philippe Manin rappelle que le juge national doit mettre en œuvre ce principe en donnant effet à la disposition communautaire sur la disposition nationale, voire en annulant celle-ci pour contrariété avec la disposition communautaire92

Fort de ce principe, l'article IV-3 du projet de traité constitutionnel intitulé « Continuité juridique par rapport à la Communauté européenne et à l'Union européenne » stipule que la jurisprudence de la CJCE est maintenue en tant que source d'interprétation de l'Union si bien que les différents principes communautaires demeurent applicables. De plus, l'article I- 10 du projet de traité constitutionnel (reprenant l'article 234 du traité CE) précise que :

« la Constitution et le droit adopté par les institutions de l'Union dans l'exercice des compétences qui lui sont attribuées ont la primauté sur le droit des États membres. »

De cette façon, les États membres et les institutions communautaires devront respecter le traité constitutionnel, au même titre qu'ils respectaient jusqu'à présent les dispositions et principes relevant des traités communautaires applicables. Parallèlement, il faut rappeler que cette obligation n'a pas toujours été partagée par l'ensemble des juridictions nationales, soit que le respect des principes constitutionnels fondamentaux empêchait une application tout à fait absolue du principe de primauté (nous verrons, en exemple, l'Allemagne et l'Italie), soit que le rapport entre les normes (droit communautaire vs loi nationale ordinaire ; droit communautaire vs Constitution nationale) créait des difficultés.

90 CJCE 15 juillet 1964, Costa c/ Enel, Rec., p. 1159 : « attendu que la prééminence du droit communautaire est confirmée par l'article 189 [du traité CEE] aux termes duquel les règlements ont valeur " obligatoire " et sont " directement applicables dans tous tout État membres " ; que cette disposition, qui n'est assortie d'aucune réserve, serait sans portée si un État pouvait unilatéralement en annihiler les effets par un acte législatif opposable aux textes communautaires (…) »

91 Costa c/ Enel, précité, note 90 ; CJCE, 9 mars 1978, Simmenthal, aff. 106/77, Rec., p. 629 : « le traitée de la CEE a institué un ordre juridique propre, intégré au système juridique des États membres lors de l'entrée en vigueur du traité et qui s'impose à leurs juridictions. »

92 Philippe MANIN, « Les Communautés européennes : le système institutionnel », (1990) La

Le professeur Denys Simon, parmi d'autres, avait déjà soulevé la question des rapports entre droit communautaire et droit constitutionnel national, avant même que les travaux concernant le projet de traité constitutionnel ne soient entamés. Selon lui, il était normal d'en venir à une telle interrogation par rapport à la multitude des actes communautaires. Il nous explique que :

« la logique de la construction de la primauté, fondée sur l'autonomie du droit communautaire et justifiée par l'uniformité de son application, implique nécessairement l'affirmation de sa primauté y compris sur les constitutions nationales »93

Il justifie ses commentaires par l'affirmation de la jurisprudence de la CJCE94 et l'application du droit communautaire actuellement en vigueur. La question de la confrontation d'une norme communautaire par rapport à une Constitution nationale est, ainsi, loin d'être une question nouvelle mais elle a été envisagée avec une extrême prudence95 voire une certaine résistance par l'ensemble des juges nationaux.

Conséquemment à cela, on peut se demander quelle valeur va être donnée au projet qui est censé devenir la norme fondamentale de l'Union, si déjà les États refusent de déloger leur Constitution nationale de sa position de norme suprême ? Un début de réponse nous est donné par le professeur Florence Chaltiel, selon laquelle,

« En principe, la norme constitutionnelle la plus élevée est la Constitution alors l'adoption d'une Constitution européenne devrait soumettre les constitutions nationales à son respect. La double hiérarchie normative à visage inversé n'a plus lieu d'être car la souveraineté législative de l'Union serait complétée et renforcée par la souveraineté constitutionnelle. »96

Il s'agit alors de faire du projet de traité constitutionnel, une fois ratifié, le texte fondamental. En vertu du principe que nous venons d'énoncer, ce traité devrait chapeauter à la fois les normes issues de l'ordre communautaire et des différents ordres nationaux. Il faut tout de même remarquer que dans certains États membres la cour constitutionnelle répugne à reconnaître la primauté du droit communautaire sur tout ou partie du droit national97.

2 - La remise en question de ce principe

Partant de la citation de Miguel Maduro selon laquelle :

93 D. SIMON, op. cit., note 30, p. 411

94 CJCE, Ord. 22 juin 1965, San Michele, 9/65, Rec., p. 35 ; CJCE, 17 déc. 1970, Internationale

Handelsgesellschaft, 11/70, Rec., p. 533

95 Jean-Claude MASCLET et Didier MAUS (dir.), Les Constitutions nationales à l'épreuve de

l'Europe, Paris, La documentation française, 1992, p. 231

96 Florence CHALTIEL, « La souveraineté et l'Union européenne à la croisée des chemins », (2003) 16

Petites Affiches, 6, 8

97 Jean-Louis QUERMONNE, « Souveraineté constitutionnelle des États membres et processus

d'intégration européenne », dans Jean-Louis CLERGIE (dir.), Le pouvoir judiciaire communautaire, Paris, PULIM, 1999, page 45, à la page 46

« l'intégration européenne remet ainsi en question le monopole juridique des États et l'organisation hiérarchique du droit qui place le droit constitutionnel au sommet de la hiérarchie des normes. »98

nous avons dégagé, dans le droit actuellement en vigueur, deux cas de figure dans lesquels nous avons pu constater un décalage entre l'exigence de la primauté du droit communautaire et le respect de la structure constitutionnelle de chaque État membre.

Dans sa thèse publiée en 2001, Alain Ondoua présente la situation dans différents États membres99 et démontre que le caractère surpaconstitutionnel du droit communautaire n'est

pas ancré dans les mentalités.

a - Premier cas de figure : l'Allemagne et l'Italie où le respect des principes et droits fondamentaux a prépondérance sur le droit communautaire

Alors, qu'à de rares exceptions près100, les Cours constitutionnelles refusent d'assurer l'examen de conventionnalité des lois car « elles ne se considèrent pas comme les gardiennes de la légalité communautaire, rôle qui revient au juge ordinaire »101, les jurisprudences constitutionnelles allemande et italienne nous rappellent que lorsque les droits fondamentaux sont en cause, le juge constitutionnel national est compétent à titre principal. En d’autres termes, en principe, le juge communautaire est compétent à titre principal tandis que le juge constitutionnel national exerce un contrôle résiduel et parallèle sauf dans en cas de litige concernant les droits fondamentaux.

Dans les États de tradition dualiste (c'est-à-dire dans lesquels l'ordre juridique international et les ordres juridiques nationaux constitués par les États fédérés ou régions sont des systèmes distincts) tels que l'Allemagne ou l'Italie, la primauté du droit communautaire est admise sauf lorsque le respect de certains principes fondamentaux ou droits particuliers sont en cause. Ce que la Loi fondamentale allemande appelle les « principes constitutionnels essentiels et intangibles » ou encore « les principes fondamentaux et les droits inaliénables » du droit italien.

Dans l'hypothèse où ces principes sont mis en cause, la Constitution nationale a valeur supérieure sur le droit communautaire. Tant et si bien que Xavier Volmerange a mis en

98 Supra, note 63.

99 Alain ONDOUA, Étude des rapports entre le droit communautaire et la Constitution en France –

L'ordre juridique constitutionnel comme guide au renforcement de l'intégration européenne, coll. Logiques juridiques, Paris, Édition l'Harmattan, 2001

100 M. Puissochet, ancien président du Conseil constitutionnel français rappelait que les Cours

constitutionnelles se réservent « le contrôle de constitutionnalité d'un acte communautaire aux cas de

fonctionnement " aberrant " des institutions européennes, ou d'atteinte flagrante à l'ordre constitutionnel national ou de défaillance du dispositif communautaire de protection des droits fondamentaux. », Cahier du

Conseil constitutionnel n° 4 disponible sur le site : www.conseil-constitutionnel.fr/cahier/ccc4/ccc4pres.htm.

101 Olivier B. DORD, « Le contrôle de constitutionnalité des actes communautaires dérivés : de la

nécessité d'un dialogue entre les juridictions suprêmes de l'Union européenne », Cahier du Conseil constitutionnel n°2, disponible sur le site : http://www.conseil-constitutionnel.fr/cahiers/ccc4/ccc4dord.htm

lumière la menace, réitérée en 1999 par le juge constitutionnel allemand, de se retirer de l'Union au cas où l'on obligerait à se soumettre à l'interprétation de la Cour (entendue la CJCE à l’époque). En d'autres termes, le juge allemand défend son attachement à la théorie dualiste et veut, par là même, défendre l'identité profonde de la Loi Fondamentale102. Il ne faut pas se tromper lorsque l'on parle de subordination du droit communautaire par rapport à la Constitution. En effet, ces pays admettent le principe de la primauté et admettent que le droit communautaire soit supraconstitutionnel. Cependant, au regard de « principes » particuliers qualifiés de « fondamentaux », c'est la Constitution nationale qui a prépondérance sur le droit communautaire103.

Dès 1974, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe justifiait cette position en arguant du fait que « aussi longtemps que le Communauté ne disposera pas d'une liste codifiée de droits fondamentaux élaborée par une Assemblée élue au suffrage universel direct »104, seul le droit national devait s'appliquer car il était le plus à même de garantir d'une manière égale une protection efficace de ces droits. Cependant, suite aux vives critiques suscitées par cet arrêt, la Cour constitutionnelle fédérale est revenue sur sa position105 en considérant que :

« aussi longtemps que les Communautés européennes, et notamment la jurisprudence de la CJCE, garantiront d'une manière égale une protection efficace des droits fondamentaux face aux prérogatives des puissances publiques des Communautés, comparable, pour l'essentiel, à la protection des droits fondamentaux dont la Loi fondamentale consacre le caractère inaliénable (…) », elle s'abstiendra d'intervenir.

Si bien que si la Cour constitutionnelle constate que la protection communautaire est insuffisante, elle est disposée à intervenir. C'est d'ailleurs ce qu'elle a rappelé dans son arrêt du 12 octobre 1993 concernant la ratification du traité de Maastricht.

La Cour constitutionnelle italienne a, elle aussi, connu ces hésitations. Niant d'abord la primauté106, elle s'est finalement alignée sur la jurisprudence Simmenthal107 en adoptant le principe de primauté mais se réserve un pouvoir de contrôle dans l'hypothèse de la violation des droits fondamentaux et des principes de l'ordre constitutionnel italien108.

102 Xavier VOLMERANGE, Le fédéralisme allemand face au droit communautaire, Paris, Édition

L'Harmattan, 2000, p. 197

103 Olivier GOHIN, « L'accord de Nouméa, l'arrêt Sarran et ses suites », (1999) 15 R.ev.fr.dr.adm., 77,

85 : « L'Allemagne et l'Italie continuent à soutenir la possibilité de faire prévaloir matériellement leur

Constitution sur le droit communautaire dérivé en matière de protection des droits fondamentaux. » 104 CJCE, 29 mai 1974, Solange I, Rev.trim.dr.eur. 1974, p. 316

105 CJCE, 22 octobre 1986, Solange II, Rev.trim.dr.eur. 1987, p. 537

106 Cour constitutionnelle italienne, 7 mars 1964, Foro Italiano, 1964, I, p. 465

107 Cour constitutionnelle italienne, 8 juin 1984, Granital, Rev.trim.dr.eur. 1984, p. 414

108 CJCE, 23 décembre 1986, Pulos et 21 avril 1989, Fragd cités dans Sean VAN RAEPENBUSCH,

Droit institutionnel de l'Union et des Communautés européennes, 2ème édition, Bruxelles, De Boeck

Dans un tel contexte, on pourrait craindre que les États cités conservent leurs pratiques juridictionnelles à l'endroit du traité constitutionnel. Néanmoins, puisque ce traité consacre, d'une part, « les droits fondamentaux tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne (…) et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles des États membres » (article II-7 al.3 du projet de traité constitutionnel) et reconnaît, d'autre part, valeur juridique à la Charte des droits fondamentaux de Nice annexée au traité (Partie II), il y a tout lieu de croire que le principe de primauté sera respecté par l'Allemagne et l'Italie.

b - Deuxième cas de figure : l'Espagne et la France où la difficulté réside dans la comparaison des normes

L'Espagne et la France ont une conception tout aussi particulière quant à la place à accorder au droit communautaire.

D'une part, en vertu de l'article 95 de la Constitution espagnole, la conclusion d'un traité international contraire à la Constitution est subordonnée à la révision préalable de celle-ci. Le constituant espagnol a ainsi voulu donner la primauté à la Constitution dans la hiérarchie des normes nationales109. D'autre part, le tribunal constitutionnel espagnol qualifie les

litiges entre les lois internes et le droit communautaire de « conflit opposant des normes infraconstitutionnelles » ou encore de « conflit de normes non constitutionnelles »110 ce qui tend à confirmer qu'il considère que le droit communautaire est subordonné au droit national espagnol. Enfin, la compétence du tribunal constitutionnel, en matière de contrôle de constitutionnalité des traités internationaux est partagée avec les juges des tribunaux ordinaires concernant les traités antérieurs à la Constitution. Le tribunal constitutionnel conservant une compétence exclusive pour les traités entrés en vigueur après la Constitution111.

Concernant la France, il faut avant tout savoir que la Constitution française de 1958 se rattache à la doctrine du monisme juridique qui veut que le droit international s'intègre automatiquement en tant que tel dans l'ordre juridique national, sans transformation. De plus, l'article 55 de la Constitution stipule que les traités internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés et sous réserve de réciprocité ont une autorité supérieure à celle des lois internes. Il en résulte une prévalence des traités sur la loi. Cependant, l'article 54 de la Constitution subordonne la ratification d'un traité comportant une clause déclarée contraire à la Constitution à la révision préalable de celle-ci.

Ce qui nous conduit à distinguer deux hypothèses : le rapport des traités et accords internationaux avec la loi d'une part et avec la Constitution d'autre part112.

109 Pierre BON, Franck MODERNE et Yves RODRIGUEZ, La justice constitutionnelle en Espagne,

Coll. droit public positif, Paris, Économica, 1984, p. 259

110 A. ONDOUA, op. cit., note 99, p.164 111 Y. RODRIGUEZ, op. cit., note 109, p.267

112 Charles DEBBASCH, Jean-Marie PONTIER, Jacques BOURDON, Jean-Claude RICCI, Droit

Comme nous venons de le voir, c'est l'article 55 qui régit les rapports des traités avec la loi. Dans cette hypothèse, le traité s'applique et le principe de primauté est respecté. Il faut pourtant savoir que la question de la primauté du droit communautaire a fait l'objet d'une jurisprudence laborieuse et plurielle émanant des trois ordres juridictionnels : constitutionnel (Conseil constitutionnel), judiciaire (Cour de cassation) et administratif (Conseil d'État). D'abord, le Conseil constitutionnel a refusé de contrôler la conventionnalité d'une loi113 (loi sur la libéralisation de l'avortement) par rapport à une convention internationale (Convention européenne des droits de l'Homme) sous prétexte que les traités internationaux n'entrent pas dans le bloc de constitutionnalité (c'est-à-dire dans le cadre des normes de référence auxquelles le juge constitutionnel confronte les lois). En effet, même si cette loi est contraire à un traité (ici à la Convention européenne) elle ne l'est pas forcément au regard de la Constitution nationale. C'est la raison pour laquelle, puisqu'il ne s'agissait pas véritablement d'un contrôle de constitutionnalité, le Conseil a refusé de se prononcer. Ensuite, la Cour de cassation, répondant, d'une certaine manière au refus d'agir du Conseil constitutionnel, a reconnu que le traité international prime sur la loi dans tous les cas114. La Cour rappelait, dans l'affaire Jacques Vabre, que le traité de Rome était « directement applicable aux ressortissants de ses États et qui s'impose à leurs juridictions ». Enfin, le Conseil d'État s'est longtemps montré réticent au principe de primauté, pour finalement admettre la supériorité des traités sur les lois postérieures115. Par conséquent, au regard de cette évolution jurisprudentielle et conformément à l'application de l'article 55 de la Constitution, on est en droit de penser que le traité constitutionnel aura valeur supérieure sur la loi nationale. En d'autres termes, devant les juridictions ordinaires, le principe de la primauté du traité constitutionnel sur la loi devra s'appliquer.

Il est à noter que le Conseil d'État, sur le fondement de l'article 55 de la Constitution française, est revenu sur une jurisprudence que l'on pensait établie. Alors que les traités internationaux ont valeur supérieure sur les lois internes, le Conseil d'État affirme que cette suprématie ne prévaut pas sur les dispositions constitutionnelles116. Examinons cette

opposition entre droit communautaire et Constitution nationale.

Concernant le rapport entre le droit communautaire et la Constitution : l'article 54 de la Constitution s'applique. Selon cet article, si une disposition du traité est contraire à la Constitution, l'autorisation de le ratifier ou de l'approuver ne peut intervenir qu'après la révision préalable de la Constitution (l'adoption du traité de Maastricht a notamment contraint la France à réviser sa Constitution). Ce qui signifie qu'il revient au Conseil constitutionnel la responsabilité de dire si une norme communautaire est conforme à la Constitution. Si la réponse est positive alors la norme communautaire s'applique ; si la réponse est négative, la France sera en droit de refuser de faire application de cette norme et

113 Cons. constit., 15 janvier 1975, Interruption volontaire de grossesse, Rec., p. 19 114 C. cass., 24 mai 1975, Société Cafés Jacques Vabre, AJDA 1975, p. 567 115 C.E. ass., 20 octobre 1989, Nicolo, Rev.fr.dr.adm. 1989, p. 813

de reconnaître la supériorité de sa Constitution à moins qu'il ne soit décidé de réviser la Constitution. Cependant, cette position française a été critiquée notamment en raison du fait que :

« la supériorité de la Constitution sur le droit communautaire est pourtant largement théorique, dans la mesure où, d'une part la contradiction entre un traité communautaire et la Constitution peut être éliminée avant l'entrée en vigueur de celui-ci, et, d'autre part, les risques de conflits entre un acte communautaire de droit dérivé et une disposition constitutionnelle sont très limités. »117

En effet, l'article 54 de la Constitution française de 1958 confie au Conseil constitutionnel le contrôle préalable de la constitutionnalité des traités internationaux. Dans cette hypothèse, le contrôle des engagements internationaux par le Conseil constitutionnel ne se fait plus par rapport aux droits fondamentaux comme en Allemagne ou en Italie mais au regard du principe de souveraineté nationale. La mission confiée au juge constitutionnel n'en est que plus ardue. Le juge doit examiner si les dispositions du traité ne risquent pas d'entamer la souveraineté de l'État. Ceci est d'autant plus difficile compte tenu du fait que l'État a, dès les débuts de la Communautés, accepté de réduire une partie de sa souveraineté.

c - Troisième cas de figure : le cas particulier du Royaume-Uni

Nous ne pouvions clôturer ces différentes remarques portant sur le principe de primauté du droit communautaire sans relever le cas particulier du Royaume-Uni118. Le système britannique est fondé sur une souveraineté absolue du Parlement et marqué par l'absence d'une Constitution écrite. Dans ce contexte, le principe de la primauté du droit communautaire sur le droit interne s'envisageait selon des circonstances plus problématiques. Cependant, l'European Communities Act de 1972 régla la situation, d'une part, en imposant au Parlement de prescrire des lois compatibles avec le droit communautaire, d'autre part, en faisant obligation aux juges de respecter les « principes énoncés par la Cour européenne » dont le principe de primauté119. Le problème semblait

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