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3.1.1. LA RENCONTRE

Le long d’un petit sentier où peu de gens s’aventurent, le Décepteur, comme toujours, appelait, de tous ses vœux, une bonne ventrée à se mettre sous la dent. C’est alors qu’il surprit un passant.

Un artiste qui semble quant à lui bien rassasié. Cet artiste revenait, semble-t-il, d’un lieu de culte, d’un lieu sacré où seuls ceux qui ont la foi sont admis. Cette institution est, parait-il, le seuil du sublime. Là où l’on peut aller à la rencontre de l’Art. Comme le comprend le Décepteur, cet artiste avait fait certains tours, quelque peu enchanteurs, devant une assemblée de juges et pour le remercier, ceux-ci avaient convié maintes personnes et fait un copieux banquet. Comme le sait le Décepteur, si l’on connait bien les procédés des enchantements, on obtient le pouvoir de réaliser tout ce que l’on souhaite.

Flottant tel un esprit toujours en élévation, l’artiste encore émoustillé par ces derniers événements ne prend nullement garde à son corps. Il l’a laissé quelque peu derrière, répondant aux interrogations du Décepteur sur cette mystérieuse institution qui l’avait nourri. Par conséquent, se détournant de lui, il remplissait la panse du Décepteur qui, à

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coup de dents affilées, prenait à chaque réponse donnée, une bouchée dans son membre oublié.

3.1.2. LA TABLE DES CINQ JUGES

Le critique s’assied sur une chaise chancelante, l’une de celles toujours en mouvement, mais d’où l’on ne tombe jamais, s’attendant à un craquement. Celui-ci ne vient pas, car fin prêt à des échanges belliqueux, il avait pris soin de se vêtir d’un solide duvet qui pour le moment le faisait flotter au-dessus de son siège de salix fait pour protéger et éloigner le diable.

Les quatre autres, dans une sorte de gymnastique, biens ancrés au sol, penchent tels des saules faisant ombrage au déjeuner sur l’herbe Leurs feuilles soulevées par le vent effleuraient les documents dans un va et vient, leurs mains et leur esprit glissaient.

La table est mise. Un même sentiment stimule tous les convives. Tous se demandent, sans doute, quelle sublime force les a menés autour de cette même table. Ils deviennent les juges de ce qu’est l’Art. Sur le seuil du rapport entre le réel et le sublime, ils doivent faire fi de l’apparence soulevée sans tomber dans le piège des valeurs et des perceptions.

Ils sont les prédicateurs du temple. Cette position devrait les rendre circonspects. Était-ce par orgueil ou simple curiosité? Aucun d’entre eux n’aurait voulu ne point y être. Enfin, on devait délibérer sur ce que serait l’Art cette année.

37 3.1.3. LE JUGEMENT

Dans la galerie, les yeux fermés et le nez en l’air, le Décepteur s’emplit les poumons de l’odeur ambiante, idée de flairer une substance assimilable. Le Décepteur semble seul, mais il sait que les juges l’observent munies de leurs aiguillons…

Les juges : – Qui est-il et que fait-il donc ici? Sa posture donne l’impression qu’il est à la recherche du sublime. Amusons-nous quelque peu avec lui.

S’adressant alors à lui, ils prennent une voix d’outre-tombe (idée de se faire passer pour l’Art). - Si vous avez foi en moi, il n’y a pas de relique plus miraculeuse que ces murs. Toucher l’une de ces parois et l’intangible sublime vous transcendera. Vous serez légitimes.

Le Décepteur méfiant, et de peur d’être reconnu, se pencha à genoux imitant la prière pour retarder son jugement, sa pénitence. Il tendit alors la main vers ces murs immaculés et proclama haut et fort son désir de se confesser à l’Art pour ensuite reprendre sa position de recueillement. Il resta ainsi pendant de longues heures, les yeux clos, jubilant quelque peu de l’impatience des juges. Enfin, il se prononça.

Le Décepteur : - Rien ne sert maintenant de démentir, je suis fin prêt à accueillir ta consécration par le buffet. Les juges frappés d’étonnement face à cette saisissante supercherie qu’ils avaient eux-mêmes engendrée, ne pouvaient que réagir avec leurs bâtons.

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Le critique : – Un renard! C’est sous le seuil qu’il a fait son trou. Contrez-le, il faut l’empêcher de s’enfuir pour éviter le déshonneur. Dans une course à la débauche, les juges se mettent tous de la partie pour atteindre le Décepteur. Rien n’indique un bon augure et aucun lieu ne semble pouvoir lui permettre de s’en détourner. Chacun des juges, la main en matraque, le charge de coups impétueux et passionnés. Le Décepteur pris d’effroi par le tournant des événements, se demande si c’est ainsi que l’on apprend à faire des enchantements. Tabassé, gueule ouverte, il se retrouve vite au sol agonisant, décédé.

Le Décepteur : - Outrepassé, ici, je suis revenu pour vous détromper. J’ai maintenant la foi et je sais communiquer avec l’Art. Les juges pris de vertiges croient voir l’esprit tutélaire de l’Art.

Le Décepteur : - Pour s’adresser à l’Art, il faut recevoir sa parole par un orifice. Une ample fente accueillant le savoir. Le critique : - Mais ma bouche n’est-elle point un orifice suffisamment grand? Regardez bien comme je l’étire…

Le Décepteur : - C’est une offense que de penser que le sublime de l’Art entre par la bouche, car ce lieu est celui où l’Art doit ressortir en discours. Et avant son passage oral, l’Art doit préalablement pénétrer les entrailles. Il doit donc s’introduire dans le corps par le cul. Et ceci dit, plus la fente est grande, plus l’Art peut s’infiltrer. Alors, exhibons notre cul tour à tour et celui qui a le plus grand fondement sera assurément digne de l’Art. Ainsi, vous saurez que j’en suis digne. Vu leur position, les juges ne se firent point prier, voulant en tous points être louables. Ils se hissent alors sur la table afin de prendre connaissance de

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leur rectum. Chacun se querellant, allant même jusqu’à agrandir leurs sphincters à toutes mains.

Selon l’occasion, il est nécessaire d’user de folie ou de sens. Le Décepteur, étant pourvu de tous les sexes, prend les qualités de la femme. Trompeur, ces qualités sont avantageuses une fois déguisé en homme. Il montre donc sa fente d’où l’on peut voir ses entrailles dans la cavité.

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