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L’appartenance ou la non-appartenance au SCC et ses conséquences

Dans le document Le travail d'enseignant en milieu carcéral (Page 93-95)

CHAPITRE III : PRÉSENTATION DES DONNÉES

1 ÉLÉMENTS DE L’ORDRE DES REPRÉSENTATIONS

1.5 LE TRAVAIL D’ENSEIGNANT EN PRISON TEL QUE VU PAR LES ENSEIGNANTS RENCONTRÉS

1.5.3 L’appartenance ou la non-appartenance au SCC et ses conséquences

ne fait guère de différence dans leur relation avec leurs élèves.

Est-ce que ça me donne un avantage ou un inconvénient? se

demande André. J’avoue que je m’en suis servi à quelques

reprises face aux gars en leur disant : « Je ne suis pas un fonctionnaire. Je ne suis pas de cette gang-là… »

Puis il ajoute : « peut être qu’inconsciemment, je suis content de ne pas lui

appartenir » et Germain semble penser la même chose. Quand on lui demande si le

fait de ne pas appartenir au SCC constitue un avantage, il répond : « j’aime mieux » et avoue jouer sur cette non appartenance pour se faire une niche confortable. Ainsi, nous dit-il,

Quand (les gars) me demandent des informations question de paye, question d’évaluation, ce n’est pas vrai, mais je leur dis que je ne m’occupe de rien de ça, que c’est la responsabilité de C, un fédéral, alors que moi, je suis un provincial, un contractuel…

De cette manière, ajoute-t-il, « ça me laisse les mains libres ». André, quant à lui, en est moins certain. « Je ne sais pas, nous dit-il. Il faudrait vivre les deux pour

pouvoir comparer ». Chose certaine, si à l’école où il travaille il n’y a pas

d’enseignants à l’emploi du SCC, ce n’était pas le cas des ateliers20. Or, précise André, « les enseignants qui étaient dans les ateliers, justement, étaient (du SCC) (et)

ils étaient très aimés, très appréciés, dans ce qu’ils faisaient ». C’est ainsi qu’il

conclut en disant :

Je pense que c’est plus la personne qu’autre chose. D’après moi, c’est vraiment la relation que tu as (…) Ça beaucoup à voir avec la façon dont tu traites les personnes (…) Je ne pense pas que le titre en soi change quelque chose. Moi, je suis porté à

dire que c’est la personne, c’est l’attitude puis le comportement (qui font la différence).

Gabriel est aussi de cet avis.

« Au niveau de l’approche pédagogique, de la présence comme enseignant, des méthodes, c’est la même chose. On bénéficie de la même formation et on a tous les mêmes qualifications.

C’est ainsi que pour Gabriel comme pour plusieurs des enseignants que nous avons rencontrés, « ce qui va faire une différence, c’est la personne elle-même ». D’ailleurs, Gilles va dans le même sens en précisant, toutefois, que,

Pour les détenus, à partir du moment où tu n’as pas d’uniforme sur le dos, tu ne fais pas partie (…) du service de garde, tu n’es pas un screw. Ils font très bien la différence entre le personnel de l’opération correctionnelle et le personnel du service éducatif ou d’entretien.

Puis, il ajoute : « ils savent très bien que la relation que j’ai avec eux autres

(ne va pas) intervenir dans leur séjour au plan correctionnel », point de vue appuyé

par Luce qui déclare : « on n’a pas le même rôle qu’un CX21 ». En outre, poursuit-

elle, « je n’ai pas autant de pouvoir sur eux qu’un officier, puis ce que je leur

demande, ce n’est pas le même genre de choses ». Enfin, poursuit-elle, « je suis toujours affectueuse, polie, avec eux autres », tant et si bien qu’en bout de piste, « on n’est pas vu de la même façon », encore que Luce en est convaincue, « même si (elle) appartenai(t) au SCC », elle « serai(t) la même personne, puis travaillerai(t) de la même façon, de sorte que ça ne changerait absolument rien ».

Mais si le fait d’appartenir ou non au SCC peut ne pas faire de différence dans la relation avec les détenus, il est possible qu’il affecte la relation avec les autres membres du personnel. Forcément, nous dit Gabriel, l’enseignant qui ne relève pas du SCC « ne sent pas faire partie intégrante de la gang ». D’ailleurs, témoigne de ce clivage le comportement des groupes au MESS des officiers, à l’occasion du dîner pendant lequel, « c’est sûr qu’on se tient plus entre nous (plutôt qu’avec les gens) du

Service correctionnel », nous dit André. Or, reprend Gabriel, « je crois que lorsqu’on est du Service, les contacts avec les autres corps d’emploi sont facilités » et il en veut

pour preuve la réaction des anciens enseignants qui ont d’abord été contractuels longtemps et qui sont devenus des employés du SCC. « Ces personnes-là m’ont

carrément dit qu’elles ont détecté une façon différente d’être approchés par les autres corps d’emploi ». Claude confirme ce point de vue. À titre de « contractuel »,

nous dit-il, « on est (…) considéré, par certaines personnes, comme des chiens dans

une allée de quilles » et il ajoute : « il y a même certaines personnes qui pensent qu’on n’a pas d’affaire ici ». C’est ainsi, poursuit-il que si des gens du SCC

« reconnaissent que l’éducation c’est nécessaire », ils n’en pensent pas moins qu’elle devrait être offerte par le SCC directement et qu’« il ne devrait pas y avoir de

contractuels parce qu’ils ne connaissent pas comment ça marche dans le pen ».

Or, si le fait de ne pas appartenir au SCC ne « fait pas tellement de

différence » pour le détenu, du moins, d’une manière directe, il peut en être autrement

d’une manière indirecte. « La qualité des rapports que tu as avec les autres corps

d’emploi va indirectement influencer la qualité de l’intervention que tu as auprès des détenus », comme le précise Gabriel.

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