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L’ ANALYSE BACTÉRIOLOGIQUE DES URINES

Dans le document Article pp.82-86 du Vol.7 n°2 (2015) (Page 93-96)

IV. QUEL BILAN BACTÉRIOLOGIQUE FAUT-IL PRATIQUER CHEZ UN NOUVEAU-NÉ SUSPECT

IV.4. L’ ANALYSE BACTÉRIOLOGIQUE DES URINES

IV.4.1. L’examen cytobactériologique des urines (ECBU).

Chez le nouveau-né le prélèvement d’urine a deux objectifs : i) diagnostiquer une infection urinaire éventuellement responsable de bactériémie et ii) rechercher des antigènes urinaires bactériens au cours des bactériémies.

Les revues de la littérature indiquent que l’incidence de l’infection du tractus urinaire chez le nouveau-né varie de 0,1 à 1 % et peut atteindre 10 % chez les enfants de très petit poids (291).

En réalité, l’incidence est difficile à déterminer car les études rapportées comportent des populations extrêmement hétérogènes en termes d’âge, de date de prélèvement par rapport à la naissance, mélangeant ainsi les infections d’origine maternelle et les infections nosocomiales (292).

Chez le nouveau-né de moins de 3 jours, l’infection du tractus urinaire est une éventualité rare. Au regard d’une revue de la littérature publiée en 1998 (265), la vieille publication de Visser at al (293) fait toujours référence pour avancer que « l’incidence des cultures positives à partir des urines de nouveau-né de moins de 72 heures suspects d’infection est inférieure à 1,6 % ». En fait, ces auteurs ont déterminé cette donnée sur seulement 188 cultures qui ont permis d’observer 3 urines positives seulement (1 S. agalactiae (avec hémoculture (+), 1 S.

epidermidis et 1 E. coli avec hémoculture (-)). Dans aucun de ces cas, la cytologie urinaire n’est rapportée. En conséquence, nous ne pouvons pas exclure que les bactéries isolées dans ce travail soient simplement des contaminateurs exogènes en raison de la forte colonisation cutanéo-muqueuse observée chez les nouveau-nés suspects d’infection. Le travail plus récent de DiGeronimo (292) a porté sur 280 nouveau-nés suspects d’infection. Le bilan a comporté un ECBU, une hémoculture et chez 270 enfants, une PL. Une infection néonatale a été confirmée par une hémoculture positive chez 11 patients (3,9 %). Aucun n’a eu de méningites. Un seul ECBU était positif (0,5 %). Il s’agissait de S. agalactiae isolé parallèlement dans l’hémoculture. Chez ce nouveau-né, les prélèvements de surface étaient eux aussi positifs à S. agalactiae. À noter que 7 autres enfants ont eu des hémocultures positives à S. agalactiae et des ECBU négatifs témoignant de la mauvaise sensibilité du test comme aide au diagnostic de sepsis. Dans 2 autres cas, un ECBU a été positif à E. coli à des concentrations inférieures au seuil de 5X104 bactéries/ml avec des hémocultures négatives.

Dans ces deux cas, le diagnostic de contamination a été retenu. Les auteurs concluent que ces résultats ne sont pas étonnants compte tenu de la physiopathologie de l’infection néonatale précoce d’origine maternelle. En effet, il est difficile d’imaginer qu’un pathogène acquis lors du passage de la filière génitale soit cause d’une infection urinaire ascendante dans les premiers jours de vie. Plus probablement, les bactéries isolées dans l’urine sont des contaminateurs liés à la colonisation de surface ou le témoin d’une bactériémie.

L’ECBU chez le nouveau-né de moins de 72 heures suspect d’infection précoce d’origine maternelle n’est pas recommandé (grade A).

IV.4.2. La recherche d’antigènes urinaires

Le service rendu par la recherche d’antigènes urinaires a été évalué à notre connaissance uniquement pour S. agalactiae (SGB) qui représente actuellement au maximum 50 % des infections materno-fœtales.

Chez les enfants qui ont une hémoculture et/ou un LCR positif à SGB les résultats sont bons (tableau 42).

Tableau 42. Résultats résumés des études sur l’évaluation de la sensibilité des tests d’agglutination de particules de latex sensibilisées avec des anticorps anti-SGB utilisés sur les urines de nouveau-nés ayant une infection invasive à SGB prouvée, d’après Becker et al, 1993 (294).

Études na Patients avec

méningites (n)

Concentration de l’urine ?

Test APLb Sensibilité

%

Ingram et al, 1982 (295) 17 3 Oui W 88

Baker et al, 1983 (296) 10 10 Oui W 100

9 0 Oui 89

Hamoudi et al, 1983 (297) 11 0 Oui W 100

Friedman et al, 1984 (298) 21 7 Oui W 100

Rench et al, 1984 (299) 7 4 Oui D 100

18 14 Non 78

Rabalais et al, 1987 (300) 7 7 Non W 100

7 0 Non 71

Blecker et al, 1989 (301) 4 0 Non D 100

Harris et al, 1986 (302) 4 1 Non W 100

na : nombre d’enfants dans chaque étude avec une bactériémie à SGB ou une méningite prouvée par la culture dont l’urine a été testée ;

bAPL = agglutination de particules de latex ; W = Wellcogen ; D = Directigen.

Inversement, lorsque les prélèvements centraux sont négatifs et en l’absence de signes cliniques d’infection, les résultats indiquent que le taux de faux positif varie de 0 à 16,9%

(tableau 43).

Tableau 43. Étude de la spécificité [latex (+) et hémoculture (-)] des tests d’agglutination de particules de latex SGB (Latex) utilisés sur les urines, d’après Sánchez et al, 1990 (303).

Latex (+ ) et Hémoculture (-) Investigateur, année

Réactifs Nombre des sujets testés

Âge Nombre %

Bromberger, 1980 (304) Research 125 « Nourrissons » 0 0

Ingram, 1982 (295) Wellcogen* 38 « Nourrissons » 1 5,5

Baker, 1983 (296) Wellcogen 75 « Nourrissons » 2 3,6

Hamoudi, 1983 (297) Wellcogen 176 <72 heures 4 2,4

Phaedebact** 176 3 1,8

Friedman, 1984 (298) Wellcogen 96 « Nourrissons » 13 16,9

Morales, 1986 (305) Commercial 135 § 48 heures 0 0

128 7 5,6

Harris, 1986 (302) Wellcogen 134 24 heures 20 15,6

Pyati, 1987 (306) Commercial 153§§ ≤ 72 heures 18 12,8

84& 5 6,0

Rabalais, 1987 (300) Wellcogen 251 12 semaines 3 1,3

Davis, 1988 (307) Commercial 260 Nouveau-nés 17 7,0

Sánchez, 1990 (303) Wellcogen 367 7 jours 25 6,9

98& 5 jours 8 8,2

52&£ 5 jours 8 15,4

* Wellcogen Strepto B test (Wellcome Diagnostics, Research Triangle Park, N.C.) ;

** Phadebact Strepto B test (Pharmacia Diagnostic, Piscataway, N. J.) ;

§ Les mères avaient reçu de l’ampicilline intrapartum ;

§§ Les enfants étaient symptomatiques ;

& Les enfants n’avaient pas de symptômes ;

£ Les enfants étaient colonisés par le SGB.

Thore et al (308) ont étudié les performances d’un test de détection d’antigène urinaire (Wellcogen Strep B latex). Ils ont montré que ce test urinaire avait une sensibilité de 78 % chez les sujets bactériémiques à SGB, de 50 % au cours des infections à GBS non bactériémiques. Après concentration des urines (20-25 fois), les performances s’améliorent.

La sensibilité passe à 100 % chez les sujets bactériémiques à SGB, et à 67 % au cours des infections à GBS non bactériémiques. La spécificité est de 93 % avec les urines concentrées et la valeur prédictive d’un test positif de 68 %. Ils démontrent aussi qu’un test positif est en fait

hautement prédictif d’une culture positive à SGB sur les prélèvements de surface (83 % après concentration des urines).

Greenberg et al (309) ont eux aussi démontré que la concentration des urines améliorait la sensibilité des tests mais ils observent d’assez grandes variations de sensibilité selon la nature du test utilisé (sensibilité de 43 à 84 % sur les urines non concentrées et 68 à 98% sur les urines concentrées).

Williamson et al. (310) ont étudié les performances d’un test latex SGB chez 236 nouveau-nés. Neuf avaient un test positif et du SGB en culture (2 avec une hémoculture positive, 4 avec des signes cliniques et des prélèvements superficiels positifs et 3 avec uniquement des prélèvements superficiels positifs). Un seul enfant avait un test négatif alors qu’il avait des signes d’infection avec des cultures superficielles positives (hémoculture négative). Ces résultats indiquent une sensibilité de 90 %, une spécificité de 70 %, un taux de faux positif de 31 %, une VPP de 12 %, une VPN de 99 %. Ils concluent que ce latex SGB est incapable d’aider à prédire un sepsis à SGB chez les enfants à risque d’infection mais qu’un test négatif peut être utile pour exclure une pathologie à SGB. Le taux de faux positif rapporté dans ce travail correspond à ceux qui sont régulièrement avancés (309, 311).

Becker et al. (294) retrouvent des sensibilités plus faibles que celles rapportées dans le tableau 43 et ils démontrent que la sensibilité des recherches d’antigène SGB dans les urines varie avec la gravité de l’infection : 38,9 % pour les atteintes légères, 48,7 % pour les atteintes modérées et 85,7 % pour les atteintes sévères. Ils insistent aussi sur la nécessité de concentrer les urines.

Les incertitudes rapportées dans la littérature sur ces tests a conduit en 1997, la Food and Drug Administration à publier une safety alert (312) recommandant que l’urine des enfants ne soit pas testée pour les antigènes de SGB.

Au total, la détection d’antigènes de S. agalactiae dans les urines a une sensibilité diversement appréciée dans la littérature qui varie beaucoup en fonction du contexte clinique et la nature du test utilisé. Elle est souvent faussement positive (30 % de faux positifs) et un test positif ne permet pas de différencier colonisation et infection à S. agalactiae. Un test négatif peut être un des éléments à prendre en compte pour aider à éliminer une infection à S.

agalactiae. Si ces tests sont utilisés, les urines doivent être concentrées.

Recommandation

La recherche d’antigènes de S. agalactiae dans les urines n’est pas recommandée systématiquement car le service rendu par ce test est très limité (grade B). Seul un test négatif peut être un des éléments à prendre en compte pour aider à éliminer une infection à S. agalactiae. Lorsque ces tests sont utilisés, les urines doivent être concentrées.

Dans le document Article pp.82-86 du Vol.7 n°2 (2015) (Page 93-96)