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4.2.1.1 L’affinité de la biotine pour la (strept)avidine: Rationalisation

Toutes les protéines sont formées d’une succession d’acides aminés liés les uns aux autres dans un ordre précis. La séquence des acides aminés d’une protéine constitue ce que l’on appelle la structure primaire. La structure secondaire est surtout le résultat de la rigidité des liaisons amides et de la maximalisation des intéractions par liaisons hydrogène et autres liaisons non covalentes au sein de la(des) chaine(s). Il existe alors deux arrangements importants: l’hélice a et le feuillet b.

La caractéristique principale de l’hélice a est l’enroulement de la chaîne peptidique de telle manière que le groupe carbonyle des liaisons peptidiques partage une liaison hydrogène avec le groupe amide des liaisons peptidiques situées quatre résidus en aval sur la chaîne

polypeptidique. Les liaisons hydrogènes sont à peu près parallèles à l’axe de l’enroulement et le pas de l’hélice est d’environ 5.4 Å. Les chaînes latérales des acides aminés pointent à l’extérieur de l’hélice. Un feuillet b se forme quand deux zones d’un polypeptide s’accolent de façon parallèle ou antiparallèle en partageant des liaisons hydrogènes entre les groupes amides (N–H) d’un peptide et les groupes carbonyles (C=O) d’un second. Les feuillets b se forment en plusieurs tronçons de la protéine49. Finalement, le plissement, l’enroulement et les autres processus d’agrégation des polypeptides aboutissent à ce que l’on appelle leur structure tertiaire. La structure tertiaire des enzymes et des protéines fait généralement apparaître des cavités tridimentionnelles qu’on appelle sites actifs. Certaines protéines adoptent une structure quaternaire dans laquelle des chaînes d’acides aminés, chacune possédant sa propre structure tertiaire, se combinent pour former une structure plus volumineuse.

Le monomère de l’avidine native est constitué de 124 acides aminés et celui de la streptavidine de 159 acides aminés. Le dessin ci-dessous montre la similitude qui existe entre les deux protéines du point de vue de la composition des acides aminés63 (Figure 23). L’homologie entre les différents acides aminés de chaque séquence est d’environ 30% 64.

A R K C S L T G K W T N D L G S N M T I G A V N S R G E F T G T Y T T A V T A T S N E - I A A E AG I T G T W Y N Q L G ST F IVT A G - A D G A LT G T Y ESAVG N - - - - A E K ES PL HGTEN T I N - - K RTQPT F G F TVNWK - - - F - SE S T T V F T G Q C S RYVL T G RY D S AP A TD G S GTA LGW T V A WK N N Y R N A HS A T T W S G Q Y F I DRN G K E V L K TMWL L R SS VND I G D DW K A T R V G I N I F T R L R T Q K E V - - GGA E A R I N TQWL L TSG T T E - AN A W K S T L V G H D T F T KV K P S A A b 1 b 2 b 3 b 4 b 5 b 6 b 7 b 8 Av stAv stAv stAv Av Av 1 12 45 52 84 97

Figure 23. Superposition des séquences d’acides aminés de l’avidine (Av) et de la

streptavidine (StAv) monomériques. L’homologie entre les différents acides aminés de chaque séquence est représentée par un cadre. Les résidus acides aminés identiques entre les deux protéines sont signalés par un trait et ceux qui sont similaires par un point.

Chaque monomère est constitué de 8 feuillets b positionnés de façon antiparallèle et reliés entre eux par des boucles plus ou moins flexibles. Par exemple la boucle située entre le feuillet b3 et b4 est appelée boucle L 3,4. Cette succession de feuillets b constitue la structure tertiaire d’un monomère de (strept)avidine et lui donne la forme d’un tonneau. Ainsi, la cavité qui se forme est le site de fixation de la biotine à la protéine. La figure ci-dessous représente une sous-unité de l’avidine et de la streptavidine où la biotine est ancrée dans le site actif (Figure 24).

Figure 24. A) Représentation d’un monomère de l’avidine, B) Représentation d’un

monomère de la streptavidine. La biotine est représentée au centre de chaque sous unité.

Les 4 sous-unités s’assemblent pour former une structure quaternaire de symétrie 222. La taille approximative du tétramère est de 56x50x40Å56. Les différences structurales majeures qui existent entre les deux protéines résident dans la taille et la conformation de leurs 6 boucles reliant les 8 feuillets b. Les études aux rayons X du complexe biotine-avidine montrent clairement le site de fixation de la biotine à la protéine63,65,66. Le cycle tétrahydrothiofène de la biotine est profondemment ancré dans la cavité chirale de la protéine67. La poche, très profonde, a un volume approximatif de 293 Å3. Cette cavité est large et son accessibilité est due en grande partie à la flexibilité de la boucle L 3,4 qui permet un accès rapide de la biotine dans le site actif56, 68.

Le rôle des résidus présents dans le site actif pour la stabilisation du complexe biotine–(strept)avidine a été initialement étudié par N. M. Green en 196369: la très forte affinité de la biotine pour la (strept)avidine réside dans les intéractions hydrophobes et les liaisons hydrogènes entre la biotine et les résidus acides aminés présents dans chaque site

B

Des études cristallographiques ont permis de déterminer la structure du complexe biotine- (strept)avidine73,74. Les résidus tryptophanes jouent un rôle très important dans les intéractions hydrophobes avec la biotine et contribuent à la forte affinité de la vitamine H pour la (strept)avidine: la mutation dirigée des tryptophanes W 110 dans l’avidine et W 120 dans la streptavidine fait diminuer l’affinité de la biotine pour les deux protéines (Ka = 108 M-1) 75,76. Ces deux tryptophanes jouent un rôle crucial dans l’affinité de la biotine pour la (strept)avidine et contribuent également à la stabilité du tétramère77.

Les liaisons hydrogènes entre la biotine et les résidus présents dans chaque site actif contribuent à la stabilité du complexe biotine–(strept)avidine. La conformation fermée de la boucle L 3,4 résulte de la formation de ponts hydrogène entre la biotine et les résidus acides aminés présents sur cette boucle (Tyr 43, Ser 45, Glu 49 dans la cas de la streptavidine)78. Il existe des différences notables dans les intéractions hydrophobes et les liaisons hydrogènes entre les deux protéines (Figure 25)63: elles sont plus nombreuses dans le cas de l’avidine, ce qui explique une constante d’affinité plus forte pour le complexe biotine–avidine (Ka = 1015 M-1) que pour le complexe biotine–streptavidine (Ka = 1013 M-1)63, 67.

Toutes modifications des résidus présents dans le site actif par voie chimique79 ou par mutagénèse dirigée77, influencent directement ou indirectement l’affinité de la vitamine pour la protéine. La fonction urée du cycle tetrahydrothiofène de la biotine contribue fortement à la stabilité du système. Cependant, la dérivatisation du groupement carboxylique de la biotine a une faible incidence sur l’affinité des complexe biotine-(strept)avidine61. La dénaturation de la protéine seule s’effectue à des températures voisines de 85°C, alors que le complexe biotine–(strept)avidine est stable jusqu’à des températures avoisinant les 130°C64, 80–82.

Figure 25. Sites actifs de l’avidine et de la streptavidine. A) résidus hydrophobes présents

dans le site actif de l’avidine B) résidus hydrophobes présents dans le site actif de la streptavidine C) liaisons hydrogènes entre la biotine et les résidus du site actif de l’avidine D) liaisons hydrogènes entre la biotine et les résidus du site actif de la streptavidine63.

I.4.2.1.2. Les applications de la technologie biotine–(strept)avidine dans le domaine de