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L’administration des médicaments en gériatrie :

TERRAINS PARTICULIERS

II- L’administration des médicaments en gériatrie :

La prise en charge médicamenteuses des patients âgés nécessite une prescription et un suivi adaptés à cette population et idéalement individualisés. Les modifications physiologiques liées à l’âge ont des répercussions notables sur la pharmacocinétique, c’est à dire sur le devenir du médicament dans l’organisme [135]. Ainsi Les troubles de la déglutition [136], de comportement, et l’altération des fonctions cognitives, fréquents chez cette population, peuvent gêner l’administration des médicaments. Le problème se pose le plus souvent pour la voie orale et les soignants ne sont pas toujours bien informés des facteurs de risque et de symptômes qui pourraient faire évoquer le diagnostic avant la survenue d’une complication parfois bruyante.

1. Ecrasement des médicaments :

La forme galénique du médicament peut, dans certains cas, rendre l’administration du médicament au patient plus difficile. Dans la pratique quotidienne des unités de soins de gériatrie, l’administration des médicaments peut être précédée par une étape de modification de la galénique. Ils ont recours souvent à, un écrasement des comprimés ou ouverture des gélules (paragraphe I.1.2). Selon les médicaments considérés, cette pratique peut exposer à des risques iatrogènes et des risques professionnels [137].

Une première étude prospective observationnelle, menée par un groupe multidisciplinaire sur l’ensemble des lits de gériatrie du CHU de Rouen en France en 2009, avait pour but d’analyser la pratique de l’écrasement des médicaments [138]. L’étude a révélé qu’un tiers des médicaments étaient réduits en poudre avant d’être administrés aux patients, toutes les classes thérapeutiques étant concernées. Or dans 42% des cas, l’écrasement de ces médicaments était contre-indiqué. L’étude révèle également des biais dans la préparation artisanale de ces poudres (écrasement de plusieurs médicaments ensembles expose à des interactions chimiques, utilisation d’un même système d’écrasement pour plusieurs patients, utilisation d’ingrédients peu adaptés pour faciliter l’administration…).

La modification de la forme galénique peut conduire à une modification du profil de libération et d’absorption du principe actif. De nombreuses études ont décrit les modifications de biodisponibilité liées à l’écrasement de médicament, à titre d’exemples, la biodisponibilité reste la même après écrasement pour les formes solides de « Voriconazole » [139], « Telithromycine » [140], « Ximelagatran » [141]. Mais, elle peut changer pour d’autres médicaments (augmentée ou diminuée) c’est le cas ici de « Pantrozole », « Levothyroxine », « clopidogrel »… [142, 143, 144].

Ce changement peut modifier la tolérance et/ou l’efficacité du médicament. Les principaux risques sont des erreurs de dosage (sous ou surdosage), des risques de toxicité locale avec irritation ou d’ulcération des muqueuses, voire un risque tératogène pour les femmes enceinte qui manipulent ces traitements et enfin des modifications des propriétés pharmacocinétiques ou pharmacodynamiques. Le principe actif peut être libéré de façon accélérée (exemple pour les formes retards) ou, à l’inverse, l’activité pharmacologique est diminuée (exemple pour les comprimés gastro-protégés) [145].

Dans ces pratiques, il faut non seulement tenir compte de la substance active, mais aussi des excipients contenaient dans la forme solide lors de la préparation du mélange à administrer [146]. Une étude examinant la compatibilité de l’isoniazide et les excipients contenant dans la forme solide après écrasement et mélange, a montré que le lactose est responsable de la dégradation de l’isoniazide [147].

Face à ces pratiques, de grande prévalence, il n’existait jusqu’à présent aucun référentiel de bonne pratique, ni de banque de données validée, facilement accessible et régulièrement actualisée, sur les moyens de substitution en cas d’impossibilité d’écrasement. De plus, les résumés de caractéristiques des produits mentionnent rarement la possibilité ou non d’écraser les comprimés ou l’ouverture des gélules et les informations sont parfois contradictoires…

2. Patients sous sonde entérale :

La population des personnes âgées regroupe des patients fragiles particulièrement exposés au risque de dénutrition : La nutrition entérale (NE) est indiquée dans le cas où l’alimentation normale par voie orale est impossible ou insuffisante pour répondre aux

besoins nutritionnels du patient et lorsque le tube digestif est fonctionnel. C’est une technique de choix par rapport à la nutrition parentérale car elle préserve l’intégrité des voies digestives, présente moins de complications notamment infectieuses et a un coût moindre [148].

Toutefois, l’un des problèmes majeurs lié à la NE demeure l’administration de médicaments par cette voie : ce n’est pas toujours une utilisation approuvée [149], le fait d’altérer une forme galénique peut être à l’origine d’iatrogénie médicamenteuse soit en augmentant la toxicité du médicament soit en diminuant son efficacité (paragraphe précédente), tous les médicaments sont mélangés et administrés en même temps quelle que soit la forme galénique. De plus la question de l’interaction entre les nutriments contenus dans la NE et les médicaments reste entière. Les données disponibles sur la stabilité chimique et physique de chaque médicament dans chacune des formules entérales sont très restreintes [150].

Enfin, en rappel, les comprimés présentant un pelliculage insoluble, hydrophobe, ou en mélange avec d’autres médicaments sont une des causes principales de l’obstruction des sondes de NE [151]. Par ailleurs, certains principes actifs forment en milieux aqueux des substances visqueuses qui passent difficilement dans les sondes, d’autres substances actives sont hydrophobes et difficiles à disperser dans l’eau [152].

3. Recommandations pour sécuriser l’administration des médicaments en gériatrie :

En se référant au guide de l’administration du médicament publié en décembre 2011 par la HAS, les préconisations concernent [106]:

a) La prescription :

- Indiquer si le patient peut le cas échéant s’administrer lui-même ses médicaments prescrits Per Os (après avoir recherché préalablement un trouble cognitif ou un syndrome dépressif qui entrave l’observance, ou un trouble sensoriel ou moteur entravant le maniement des médicaments.

- Adapter la posologie.

- Choisir la forme galénique la mieux adaptée au patient. - Réévaluer régulièrement les traitements au long cours.

b) La préparation :

- S’assurer que la voie per os est la mieux adaptée. (tracer sur la feuille de prescription les difficultés de l’administration per os)

- Vérifier systématiquement si le médicament est broyable, sécable ou peut être ouvert. (liste des médicaments non broyables non sécables : exemple de liste en annexe 1 [153, 154, 155, 156]).

- Ne mélanger deux médicaments qu’après avis du pharmacien. - Utiliser des matériels sécurisés écraseurs-broyeurs.

- Respecter les règles d’hygiènes après chaque médicament (matériel, mains surface). - Réaliser la préparation au plus proche de l’administration.

- Utiliser une substance véhicule de type eau ou eau gélifiée.

c) La sonde entérale :

- Administrer les médicaments séparément afin d’éviter l’obstruction de la sonde et les interactions médicamenteuse.

- Favoriser les formes liquides.

- Diluer toutes les formes liquides visqueuses avant administration. - Se référer à la liste des comprimés non sécable et non broyables. - Dans la mesure du possible faire préparer en PUI.

Comprimé écrasable/capsule ouvrable

Revoir le traitement avec le médecin

NON

Une forme liquide peut-elle être privilégiée ?

OUI

Prise du traitement per os

NON

OUI

Favoriser la forme sirop, goutte, suspension buvable, sachet à dissoudre

Comprimé non écrasable

Administrer les médicaments dilués les uns après les autres en rinçant entre chaque

administration

Broyage à l’aide d’un écrase comprimé

Diluer la poudre obtenue dans 20 ml d’eau

Prélever la solution obtenue à l’aide d’une seringue spécifique.

Arrêter la nutrition entérale

Rincer la tubulure avec 20 ml d’eau

CHAPITRE V : ADMINISTRATION