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Chapitre II Modalités d’organisation des expositions des collections thraces

B. Une conception scientifique unifiée

2. L’adaptation aux exigences des musées hôtes

Malgré le monopole scientifique que semblent avoir les scientifiques bulgares sur l’élaboration du contenu des expositions, les institutions hôtes et leurs spécialistes restent des interlocuteurs importants tout au long du processus. D’une part, en amont des expositions, les commissaires bulgares et leur équipe s’adaptaient aux différents publics et les lieux d’exposition. C’est ensuite au cours de la réalisation du projet qu’ils prennent en compte les différentes revendications qui peuvent avoir une influence non négligeable sur le contenu de l’exposition.

Avant 1989, l’exposition « Art et culture thraces » est comme nous avons pu le voir, peu variable en tant que plan. Il ne parait pas y avoir de majeur travail d’adaptation du fond aux lieux et public des expositions. Il s’agirait plus d’une exposition clé en main qui circulait à la manière d’une exposition itinérante. Cependant, nous ne pouvons bien sûr ne pas mentionner

259 ЦДА, Ф 405, оп. 9, а.е. 644, л 23 260

107 l’important dialogue avec les scientifiques des musées. En raison de sa large amplitude chronologique, il était possible de faire une importante adaptation de son contenu. Par exemple, lors de l’exposition « Découverte de l’art thrace » au Petit Palais à Paris en 1974 l’ambassadeur bulgare à Paris traduit au Ministère des Affaires étrangères la volonté de l’équipe du Petit Palais d’inclure plus d’objet du Bronze ancien dans l’exposition afin d’équilibrer son parcours261. Également, lors de l’exposition « L’or des cavalier thraces » à

Montréal en 1987, à la demande des « hôtes » l’exposition a été enrichie par un nombre très important d’objets préhistoriques récemment découverts, ainsi que d’objets de l’âge préromain et l’époque romaine262. Lors de l’exposition à Venise en 1989, les organisateurs sur place ont expressément demandé, au-delà de la présentation des trésors les plus spectaculaires, l’inclusion d’objets plus modestes qui illustrent la culture et la vie dans la société thrace263

.

C’est surtout après 1989, qu’il convient de noter un plus grand effort d’adaptation des expositions à l’espace qui les reçoit, au public et à l’objectif visé. Comme nous avons pu le constater, les expositions sont désormais d’une taille très variable et on n’hésite pas à exposer qu’un nombre très restreint d’objets quand l’objectif le justifiait. C’est le cas des petites expositions à visée surtout diplomatique en Italie et Danemark en 2006-2007. D’autres fois, au contraire, les expositions sont élargies pour prendre en considération la volonté des scientifiques de l’institution d’accueil. C’est le cas de l’inclusion d’une partie considérable, de plus de cent objets, provenant des fouilles de Drama dans l’exposition à Bonn en 2004. Cette non négligeable modification du plan d’exposition a été faite à la demande des spécialistes allemands qui voulaient mettre en valeur leur travaille de collaboration avec les archéologues bulgares sur le site de Drama entre 1983 et 2003264.

Un exemple de la prise en compte du lieu de présentation et du public visé en amont de l’élaboration du projet est l’exposition « L’or des Thraces » organisée au musée Jacquemart André en 2006. L’espace d’exposition est relativement restreint ce qui a imposé une sélection importante. Le commissaire, Mme Valeria Fol a pris en compte265 la nature du lieu – une ancienne riche demeure bourgeoise, le type d’expositions qui y étaient organisées et le public

261 ЦДА, Ф 405, оп. 9, а.е. 597, л.67 262

MINCHEV Alexander, L’OR DES CAVALIER THRACES à Montréal, Musées et monuments (1988, n°1, p. 32)

263 Voir entretien avec Madame Maria Tchitchikova commissaire de l’exposiion à Venise en 1989. 264

Voir entretien avec Madame Valéria Fol, commissaire de l’expositon. 265 Voir entretien Valeria Fol, précité

108 habituel pour faire le choix de présenter une sélection relativement restreinte d’objets parmi les œuvres les plus prestigieuses des collections thraces des musées bulgares.

Un autre exemple de pris en compte des goûts du public est l’exposition « Thracian treasures from Bulgaria » au Japon en 2008. Le commissaire Petar Delev avait privilégié la présentation de l’armement thrace. Le coordinateur du côté japonais, la fondation TOEI a fait remarquer que 70% du public de ce type d’expositions au Japon sont des femmes qui ont un important intérêt pour les bijoux266. Cela a donc orienté les choix des objets à présenter dans

l’exposition.

Ainsi, nous pouvons constater que même si on est en présence d’expositions clé en main, l’élaboration du parcours d’exposition n’est de loin pas discrétionnaire et que les scientifiques des institutions hôtes avaient la possibilité d’influencer le choix des objets présentés. Il paraît tout de même que durant ces derniers vingt ans, les demandes de ce type restent exceptionnelles267, c’est pour cette raison qu’on peut difficilement parler d’une collaboration scientifique dans la mise en place des expositions sur les collections thraces.

La situation est très différente dans le cadre des expositions que nous pouvons considérer comme non officielles. Le degré de collaboration y est différent et il faudrait faire une étude de cas par cas. Nous pouvons citer par exemple l’exposition Troie-Thrace, réalisée en collaboration entre le Musée National d’Archéologie et le Musée de la Préhistoire à Berlin268

en 1982-1983. Un autre exemple significatif, plus récent est l’exposition « Des Thraces aux Ottomans. La Bulgarie, à travers les collections des musées de Varna ». Cette exposition fut réalisée en collaboration étroite entre les Musées de Varna et le Musée de Lattes. Elle avait un commissaire du côté bulgare et un commissaire du côté français – Christian Landes. Ce dernier a choisi les œuvres pour l’exposition et a également été à l’origine de la conception de celle-ci. On est donc ici aux antipodes d’une exposition clé en main.

266

Voir entretien avec Madame Katya Djoumalieva, précité

267 Entretien avec Madame Katya Djoumalieva, précité. En tant que coordinatrice auprès du Ministère de la Culture, Katya Djoumalieva était informée des variations successives du plan des expositions, ainsi que des demandes formulées par les musées hôtes.

109 Nous pouvons donc constater que la concentration scientifique est encore une fois en rien une obligation imposée à toutes les expositions internationales de la Bulgarie. Elle reste cependant une des caractéristiques des expositions dites officielles.

Après avoir abordé l’organisation technique des expositions et leur genèse scientifique il convient de s’intéresser à la dernière étape de la mise en place d’une exposition qui est son installation sur le lieu de présentation et sa promotion auprès du public.

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