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2. Cibles antithrombotiques potentielles

2.1 L’hémostase primaire

2.1.3 L’activation plaquettaire

Cette étape est en aval des phénomènes impliqués dans l’hémostase primaire. L’inhibition de l’activation thrombocytaire à visée antithrombotique devrait donc être efficace. En effet, elle permettrait d’obtenir un effet antithrombotique tout en préservant le rôle hémostatique permis par l’adhésion et l’agrégation plaquettaire. Il pourrait alors s’agir de molécules qui exposent à un moindre risque hémorragique, en comparaison aux antiplaquettaires ciblant les phases d’adhésion et d’agrégation (French et al., 2014).

2.1.3.1 Les récepteurs PAR-1 et PAR-4

Les récepteurs PAR-1 et PAR-4 (Proteinase Activated Receptor), exprimés par les thrombocytes, appartiennent à la famille des récepteurs couplés à une protéine G (French et

al., 2014). La thrombine active ces récepteurs par clivage protéolytique, induisant l’activation

puis l’agrégation plaquettaire. Ils agissent de manière synergique, mais l’affinité du PAR-1 pour la thrombine est 40 fois supérieure à celle du PAR-4 (Weitz, Eikelboom et Samama, 2012). Ceci explique que certains antiplaquettaires en développement ne ciblent que le PAR-1. Notons que la thrombine se lie, via son exosite 1, à une séquence hirudin-like du récepteur PAR-1. Le PAR-4 ne possède pas une telle séquence, la thrombine s’y lie donc via son site

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actif (French et al., 2014). L’activation de ces récepteurs par la thrombine constitue un des nombreux liens entre l’hémostase primaire et la coagulation (Bultas, 2013).

Ainsi, le PAR-1 est un récepteur majeur présent à la surface des plaquettes, et activé par de faibles concentrations de thrombine (quelques nanomolaires). Le PAR-1 est également présent à la surface des cellules endothéliales, des myocytes, des fibroblastes et des cellules musculaires lisses (French et al., 2014). L’activation du PAR-1 par la thrombine à la surface de ces cellules explique le rôle prolifératif et pro-inflammatoire de la thrombine. Aussi, antagoniser le PAR-1 aurait non seulement un effet antithrombotique, mais cela limiterait également le risque de resténose (Weitz, Eikelboom et Samama, 2012).

L’activation des récepteurs PAR-1 et PAR-4 est responsable de l’activation, en aval, de la phospholipase C et de la protéine kinase C, qui permettent la synthèse de thrombine. Ces enzymes sont donc responsables d’un phénomène d’amplification de l’activation et de l’agrégation plaquettaire (figure 14). Notons que la phospholipase C et le protéine kinase C sont également responsables de la synthèse de phosphoinositol-3 kinase, Rap1b, taline ou encore de kindline (Smyth et al., 2009).

La thrombine, l’ADP et le TxA2 provoquent l’activation plaquettaire, elle-même contribuant à la croissance du thrombus. De plus, la thrombine est le plus puissant activateur plaquettaire endogène. Aussi, il parait pertinent d’inhiber une voie d’activation plaquettaire particulièrement efficace, comparativement aux voies du TxA2 ou de l’ADP qui sont la cible d’antiplaquettaires actuellement commercialisés. Par ailleurs, si une molécule cible spécifiquement les récepteurs PAR, les voies du TxA2 et de l’ADP restent actives, ce qui limite le risque hémorragique. Notons également que les antithrombotiques commercialisés qui ciblent spécifiquement l’activité de la thrombine GATRAN), ou du FXa qui l’active (-XABAN), ont montré leur efficacité. Enfin, cibler les récepteurs PAR permet de n’inhiber qu’une des actions de la thrombine, contrairement aux AOD qui exposent ainsi à un risque hémorragique important, notamment à hautes doses, et en l’absence d’antidote. De fait, des antagonistes de PAR seraient plus spécifiques de la prévention de la thrombose artérielle car ciblant spécifiquement un des mécanismes de l’activation plaquettaires (French et al., 2014).

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La preuve de concept de l’inhibition des récepteurs de PAR comme mécanisme antiplaquettaire, a pu être obtenue in vivo, chez des souris génétiquement modifiées et d’autres petits mammifères. Toutefois, les études chez l’animal ont toujours posé question. En effet, les plaquettes de ces modèles animaux présentent des profils de récepteurs PAR différents de celui de l’Homme. Les souris, rats et lapins expriment majoritairement PAR-3 et PAR-4 à la surface des thrombocytes, tandis que le cochon d’Inde exprime à la fois PAR-1, PAR-3 et PAR-4. Ce sont finalement les primates qui possèdent les profils de PAR les plus proches de l’Homme (PAR-1 et PAR-4) (French et al., 2014).

Le PAR-3, exprimé chez les souris agit comme un cofacteur à l’action du PAR-4. Un modèle de souris knocked-out pour le PAR-4 (-/-) ne présente pas un risque hémorragique accru comparativement à une souris saine. Par ailleurs, ces souris semblent protégées d’événements thrombotiques (Hamilton, Cornelissen et Coughlin, 2004). Malgré les difficultés d’extrapolation de tels résultats chez l’Homme, ces observations ont encouragé des équipes de recherche à poursuivre leurs investigations en ce sens et à développer des molécules capables d’antagoniser le récepteur PAR-1 (French et al., 2014).

2.1.3.2 Le récepteur au thromboxane A2

Ce récepteur est couplé à une protéine G et est présent à la surface des thrombocytes. Il n’est pas seulement activé par le TxA2. Initialement, les antagonistes du récepteur au TxA2

ont été développés pour limiter la variabilité interindividuelle de la réponse à un traitement antiplaquettaire par acide acétylsalicylique (Weitz, Eikelboom et Samama, 2012). D’autres tissus, tels que le cerveau, les poumons ou les reins libèrent du TxA2 afin de palier aux réactions asthmatiques, inflammatoires et anaphylactiques de l’organisme (Matsuno et al., 2002).

Par ailleurs, le TxA2 est obtenu à partir de la conversion de la prostaglandine H2 ou de la prostaglandine G2,catalysée par l’enzyme TxA2synthetase. Cette enzyme appartient à la superfamille des cytochromes P450. Au vu du rôle d’activateur plaquettaire du TxA2, l’inhibition de cette enzyme apparait comme une cible antithrombotique pertinente. En effet, le TxA2 n’est que l’une des voies d’activation de l’activation plaquettaire, l’inhibition de celle-ci ne devrait pas inhiber les autres voies d’activation (Mackman, 2008 ; Versteeg et al., 2013).

2.1.3.3 Le récepteur EP3

Une plaque d’athérome présente dans les artères produit la prostaglandine PGE2 via la conversion de l’acide arachidonique par les COX. Ce PGE2 se lie aux récepteurs EP plaquettaires. Le récepteur EP3 inhibe l’adénylate cyclase (ou adénylyl cyclase) qui convertit l’ATP en AMPc. Au contraire, les récepteurs EP2 et EP4 activent l’adénylate cyclase. Cet AMPc inhibe la mobilisation du Ca2+. Globalement, le PGE2 rend les plaquettes plus sensibles à ses activateurs que sont le TxA2, la thrombine ou encore l’ADP (Tilly et al., 2014).

Aussi, l’inhibition du récepteur EP3 plaquettaire induirait une activation plus importante des récepteurs EP2 et EP4 du fait du PGE2 non lié aux EP3. De fait, de l’AMPc en grande quantité serait produit au sein des plaquettes, ce qui empêcherait la mobilisation du Ca2+ intra-thrombocytaire et rendrait les plaquettes moins sensibles à leurs activateurs naturels.

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La plupart des antithrombotiques sur le marché ou en cours de développement, ciblent des voies de l’hémostase qui sont anormalement activées dans un contexte prothrombotique. Ces stratégies thérapeutiques s’accompagnent d’un accroissement du risque hémorragique. L’approche qui est ici proposée permet d’inhiber un facteur prothrombotique présent en grande quantité lorsqu’il y a athérosclérose comparativement à un endothélium sain. L’inhibition du récepteur EP3 n’aurait donc pas de répercutions sur l’hémostase physiologique. Cette stratégie thérapeutique, permettrait de limiter drastiquement le risque hémorragique à l’instauration d’un tel traitement antiplaquettaire (Mackman, 2008 ; Versteeg

et al., 2013 ; Tilly et al., 2014).

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