• Aucun résultat trouvé

1. Le rôle de l’environnement inflammatoire de l’irritation dans le développement des eczémas

Suite au contact avec un xénobiotique, les cellules de la peau sécrètent de nombreuses cytokines inflammatoires qui ne semblent pas spécifiques de la nature du chimique. Au cours de l’irritation dans le développement des eczémas, nous avons mis en évidence l’importance de l’expression de l’IL-1β et de l’IL-10. Leur sécrétion dépend de la dose d’haptène impliqué et du fond génétique de l’individu (cf. Article n°1).

La dose d’haptène induisant la sensibilisation influence directement l’intensité de la réponse allergique, en effet plus la dose de sensibilisation est forte, plus la concentration nécessaire pour révéler la réponse d’élicitation est faible (Scott et al., 2002). De même, dans le modèle du PACS, plus la dose d’haptène appliquée est élevée au cours de la sensibilisation, plus la réponse allergique spécifique qui se développe à 6 jours est forte (cf. Article n°1). La dose d’haptène peut être rattachée à l’intensité du signal de danger : plus la concentration est forte, plus le signal de danger associé est fort. A l’inverse une dose faible d’haptène, n’induisant aucun signal irritant (absence de cytokine pro-inflammatoire), n’est pas sensibilisante et peut au contraire induire une tolérance, le signal antigénique étant toujours présenté. En effet, des doses non sensibilisantes d’haptènes génèrent des LT CD8+ de type Th2, responsables d’une tolérance spécifique de l’haptène (Steinbrink et al., 1996). Cette induction de tolérance a été confirmée dans plusieurs études (Asherson et al., 1979; Lowney, 1967; Sy et al., 1977). Ainsi, contrairement aux haptènes forts expérimentaux, les haptènes faibles qui sont les plus fréquemment rencontrés dans la vie quotidienne, ne sensibilisent qu’environ 5% de la population. Ce pouvoir sensibilisant plus faible pourrait ainsi s’expliquer par le fait que le signal de danger délivré est insuffisant. Cependant il peut être augmenté avec la fréquence et la durée de contact, et l’environnement extérieur en particulier par la présence de substances irritantes. Chez des patients sensibilisés à un haptène, l’application simultanée de cet haptène faible et d’un irritant lors de l’élicitation, conduit à une diminution du seuil de révélation et une augmentation de la réponse inflammatoire (Agner et al., 2002; McLelland et al., 1991; Pedersen et al., 2004). Ce type d’études est plus représentatif des conditions de la

de l’irritant peut être de deux ordres : il crée un signal de danger par l’induction de cytokines pro-inflammatoires et facilite la pénétration de l’haptène par l’altération de la peau, c’est le cas des détergents (Fullerton et al., 1994; Leveque et al., 1993). Les études réalisées précédemment portent uniquement sur l’effet irritant pendant la phase de révélation. Il serait intéressant de tester si l’application d’un irritant ne pourrait pas favoriser la phase de sensibilisation. Cependant, une étude montre que les médiateurs pro-inflammatoires sont nécessaires mais ne seraient pas suffisants pour une activation optimale des CD responsables de l’induction d’une réponse spécifique (Sporri and Reis e Sousa, 2005). Ainsi les conditions nécessaires pour induire une sensibilisation semblent plus complexes que pour l’élicitation.

L’environnement influence la réponse inflammatoire dont l’intensité dépend déjà de fateurs endogènes de la peau. En effet, le fond génétique détermine la sensibilité intrinsèque de la peau et constitue donc un paramètre important dans l’inflammation. Le polymorphisme génétique permet d’expliquer la différence de sensibilité entre les individus. Deux études proposent que le polymorphisme du gène de TNF-α (TNFA-308) soit impliqué dans l’irritation et la sensibilisation. En effet, une corrélation significative existe entre la sensibilité cutanée des patients aux irritants et aux allergènes, et le type d’allèle de TNF-α (Allen et al., 2000; Westphal et al., 2003). De plus, nous avons montré que les souris C57BL/6 qui présentent une inflammation au DNFB plus forte que les souris BALB/c, ont la capacité de produire plus d’IL-1β pro-inflammatoire et moins d’IL-10 anti-inflammatoire (cf. Article n°1). Seules les différences du fond génétique entre ces deux souches de souris, soumises aux mêmes conditions environnementales et expérimentales, permettent d’expliquer les résultats obtenus. L’ensemble de ces observations suggère que le signal de danger dépend de facteurs génétiques, comme le polymorphisme des cytokines pro- et anti-inflammatoires pouvant influencer leur sécrétion et leur efficacité. Le fond génétique influence le seuil de sensibilité à la réponse inflammatoire, en déterminant la quantité de médiateurs pro- et anti-inflammatoires stockées dans les cellules cutanées (les KC, les CL, les mastocytes…) à l’homéostasie. Par exemple les mastocytes de souris C57BL/6 stockent plus d’histamine que ceux des souris BALB/c (Hart et al., 1998; Noguchi et al., 2005). L’utilisation d’haptènes faibles chez ces deux souches de souris, présentant une sensibilité de peau différente, serait un modèle d’étude comparable aux conditions de contact entre le chimique et la peau que l’on retrouve dans la vie quotidienne.

2. Le recrutement précoce des précurseurs de CD au cours de la sensibilisation Les chimiokines qui constituent l’environnement inflammatoire sont responsables du recrutement de nombreuses cellules inflammatoires dont les précurseurs de CD. Nous avons montré que le recrutement de précurseurs de CD dans la peau est proportionnel à la dose de DNFB (cf. resultat complementaire Figure 1A) et donc à l’intensité de la réponse inflammatoire irritante (cf. Articles n°1 et n°2) . On peut envisager que ce recrutement dépende de l’expression des chimiokines induites les heures qui suivent l’application de l’haptène. En effet nous avons mis en évidence une plus forte expression de la chimiokine CCL20 chez les souris C57BL/6 associée à un recrutement plus important de précurseurs de CD par rapport aux souris BALB/c (cf. Article n°2). De plus, les souris C57BL/6 présentent une irritation plus forte au DNFB, corrélée à une expression de cytokines pro-inflammtoires plus importante par rapport aux souris BALB/c (cf. Article n°1). Ceci suggère que la forte expression de la chimiokine CCL20 serait due à l’activation plus importante de l’immunité innée dans les souris C57BL/6, et ainsi responsable d’un recrutement de précurseurs de CD en plus grand nombre. Ces derniers sont nécessaires pour la sensibilisation (Le Borgne et al., 2006), suggérant un rôle important de CCL20 dans l’HSRC. Par ailleurs, des travaux montrent que la sensibilité d’un individu à l’irritation a un impact dans le développement de maladies allergiques (Smith et al., 2002). Le taux de CCL20 pourrait être un marqueur de sensibilité cutanée dans l’allergie. Ainsi une analyse comparative plus large de l’expression de CCL20 dans des peaux de sensibilités différentes permettrait de définir un éventuel rôle central de cette chimiokine sécrétée au cours de l’irritation dans la sensibilisation d’un individu.

D’autres chimiokines sont nécessaires pour le recrutement des précurseurs de CD vers la peau puisque les monocytes circulants n’expriment pas CCR6 (récepteur de CCL20) et ne répondent donc pas à CCL20 dans des expériences de migration in vitro (Geissmann et al., 2003; Vanbervliet et al., 2002) et ne commence à l’exprimer que lors de leur entrée dans les tissus. Cela signifie qu’en amont de CCL20 d’autres chimiokines doivent permettre le recrutement. CCR2 pourrait jouer un rôle clef dans le recrutement de monocytes circulants vers les sites d’inflammation (Lu et al., 1998b; Peters et al., 2000; Xu et al., 2005), d’autant plus que parmi les monocytes, seule la population Gr1+ exprime CCR2 et migre en réponse à CCL2 (Palframan et al., 2001). Il serait donc possible que l’application du DNFB augmente la production de CCL2 et CCL13 (ligands de CCR2) et que ces chimiokines pourraient recruter des monocytes Gr1+ CCR2+. Des expériences complémentaires de comparaison d’expression

permettraient éventuellement de déterminer l’importance respective de ces chimiokines dans le recrutement de précurseurs de CD.

Par ailleurs, le taux de CD qui migrent vers les ganglions et l’activation des LT effecteurs qui en résulte sont proportionnels au recrutement de précurseurs de CD dans la peau au site inflammatoire (cf. Article n°2). Il est cependant possible que l’importance des CD néo-recrutées dans l’induction de réponses spécifiques ne soit pas uniquement due à une augmentation du nombre dans les ganglions drainants. Ces CD néo-recrutées pourraient être fonctionnellement différentes des CD résidentes de la peau : ces CD sont peut-être plus efficaces à répondre aux signaux de danger, car contrairement aux CD résidentes, elles ne subissent pas l’influence du microenvironnement tolérogène de la peau riche en cytokines comme l’IL-10 ou le TGF-β (Autschbach et al., 1998; Glick et al., 1993). Les CD recrutées suite à l’application d’un haptène pourraient donc d’une part augmenter le nombre de CD dans les ganglions drainants, mais d’autre part être la source de CD plus aptes à répondre aux signaux de danger. Les CD recrutées pourraient ainsi migrer plus efficacement jusqu’au ganglions drainants. En effet, la migration des CD des souris C57BL/6 (qui recrutent plus de précurseurs de CD) semble plus efficace que celles des BALB/c : après l’injection du même nombre de BMDC CFSE+ générées à partir de souris C57BL/6 ou BALB/c et injectées respectivement dans des souris C57BL/6 ou BALB/c, on retrouve plus CD CFSE+ dans les ganglions drainants chez les souris C57BL/6 que chez les souris BALB/c à 24 heures (cf. résultats complémentaires Figure 2).