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L’accompagnement parental en orthophonie :

III. L’accompagnement parental

3. L’accompagnement parental en orthophonie :

« Il faut tout un village pour éduquer un enfant » Proverbe Africain

a) Définitions

Les conseils et la guidance pour les parents dans le cadre de la rééducation font partie du domaine de compétence de l’orthophoniste, comme cela est inscrit dans le Décret de Compétence des Orthophonistes [35] : « la rééducation orthophonique est accompagnée, en tant que besoin, de conseils appropriés à l’entourage proche du patient. L’orthophoniste peut proposer des actions de prévention, d’éducation sanitaire ou de dépistage, les organiser ou y participer ».

La guidance parentale comprend les mots « guide » et « parent ». Le rôle de l'orthophoniste va donc consister à guider les parents sur le chemin de la communication avec leur enfant, quelle qu'en soit l'étiologie.

Dans « le Dictionnaire d’Orthophonie » [35], la guidance parentale est définie comme « l’ensemble des moyens mis en place auprès d’un enfant handicapé, quel que soit le handicap, afin de préserver ou rétablir une bonne relation parents/enfant et éviter que d’autres facteurs ne viennent s’ajouter aux difficultés de l’enfant ».

Selon ces auteurs, la guidance comprend trois axes :

« - l’accompagnement des parents afin de les aider à accepter leur enfant tel qu’il est et à adapter leur éducation et leurs exigences en fonction des difficultés et du handicap de l’enfant.

- l’information sur le développement normal de l’enfant dans tous les domaines et la

façon dont ce développement va se passer pour leur enfant pas à pas,

- les conseils sur les attitudes à mettre en place ou les activités à proposer à leur

enfant afin de l’aider au mieux dans son développement. »

b) Les objectifs

Nous reprendrons certaines notions développées dans le mémoire de C. REMY [51]. (1) Accompagner

- soutenir et rassurer

Lorsqu’un trouble, quel qu’il soit, se déclare chez un enfant, les parents peuvent se sentir démunis. Ils arrivent chez l’orthophoniste avec des interrogations et des inquiétudes. Ils ont alors besoin d’être soutenus. Il est important de les rassurer et de les aider à retrouver une image positive d’eux-mêmes et de leur enfant, en mettant en avant les compétences de celui-ci, comme le préconise P. AIMARD [1]. L’orthophoniste va les aider à réintégrer leur rôle d’éducateurs, leur place de parents, celle qu’eux seuls peuvent assurer.

Par ailleurs, à l'annonce du diagnostic, l’ouverture d’un espace dans lequel les parents peuvent échanger et construire un projet pour leur enfant, permet de ne pas enfermer ce dernier dans un destin prédéfini. Enfin, aider à l’identification de l’impact que peuvent avoir, sur la famille, les troubles spécifiques de l’enfant peut permettre de réduire l’anxiété et la culpabilité des parents.

- écouter

L’orthophoniste est un interlocuteur privilégié pour les parents. Il devra être à l’écoute de leurs inquiétudes, de leurs impressions, de leurs questions, et de leurs projets par rapport à l’enfant.

Comme l’explique C. CHASSAGNY [6], « le thérapeute ne doit pas chercher à comprendre pourquoi les choses se déroulent ainsi, mais plutôt être attentif à comment la relation se met en place ». Les parents ne viennent pas pour être jugés, mais pour aider leur enfant en difficulté.

Il faut que nous soyons d'abord capables d'observer et d'écouter les familles pour pouvoir ajuster ensuite le contenu de notre programme à leurs possibilités d'application. Par ailleurs, lors des premières rencontres avec l’orthophoniste, les parents peuvent être plus soucieux d’expliquer ce qui ne va pas, plutôt qu’être prêts à recevoir des conseils concernant l’éducation de leur enfant. Enfin, l’orthophoniste est présent tout au long du processus de deuil symbolique de l’enfant imaginaire, l’enfant « normal », et doit respecter le cheminement des parents.

(2) Informer

L’orthophoniste doit apporter aux parents toutes les informations concernant :

- le développement normal de l’enfant

- les troubles de leur enfant et leur incidence sur son développement

- les différentes possibilités qui s’offrent à eux.

Ces informations sont en effet indispensables pour permettre aux parents de faire des choix pour leur enfant, de s’investir dans la rééducation, de comprendre notre action et d’ajuster leurs attentes aux possibilités réelles de l'enfant.

Elles aident aussi à l’élaboration d’une relation de confiance. Cela permet enfin à l'enfant de mieux sentir et de mieux comprendre ce pourquoi il est amené à venir en rééducation, comme le souligne J.M. KREMER [21].

(3) Conseiller

Il est important de reconnaître non seulement la nécessité d'impliquer les parents dans la prise en charge orthophonique, mais aussi leur désir de devenir actifs auprès de leur enfant. Il s’agit alors de « donner des idées » et de « suggérer » des comportements à

adopter ou à modifier en fonction de la pathologie de leur enfant. Il est également possible de proposer des activités ludiques à mettre en place au domicile, en particulier lorsque la demande des parents est là. Leur but sera de renforcer la rééducation orthophonique, de resserrer les liens familiaux et de redonner aux parents un rôle dans la prise en charge de l’enfant, tout en préservant leur identité de parent et non de rééducateur. L’orthophoniste va aussi expliquer aux parents qu’ils doivent apprendre à observer leur enfant, afin de pouvoir repérer ses progrès et les encourager.

(4) S’adapter

La guidance parentale, tout comme la rééducation, doit être construite pour chaque enfant, compte tenu de ses difficultés, ses compétences préservées, ses stratégies, sa personnalité et doit être adaptée en fonction de son évolution. Il y a des axes bien spécifiques à cibler selon la nature des troubles. En fonction de l’âge et du trouble de l’enfant, les besoins seront différents. Il n’y a ni réponse toute faite, ni réponse universelle.

Et comme le souligne A. MUCCHIELLI-BOURCIER [28], l'accompagnement parental doit aussi tenir compte du contexte personnel, familial, scolaire et social de l'enfant, autrement dit, il doit prendre en considération la dynamique familiale dans son ensemble.

Pour pouvoir travailler avec les parents et non contre eux, les contextes organisationnels et culturels de la famille (valeurs, croyances…) doivent être respectés. Il convient de reconnaître aussi le projet éducatif qu'ils peuvent avoir pour leur enfant et de comprendre leur propre histoire.

Il s'agit d'un travail qui se renouvelle avec chaque famille, qu'il est impossible d'entourer de directives rigides. L'orthophoniste doit donc adapter son comportement et ses compétences à l'enfant mais aussi à sa famille, aux possibilités de chacun. « Il est évident que l’on travaille toujours au cas par cas », souligne P.AIMARD [1].

c) La terminologie

Les termes de « guidance » et « d’accompagnement » sont souvent employés indifféremment dans la littérature pour désigner un même concept. Or, comme le souligne C. REMY [51], la « guidance » recouvre plutôt la notion de conseils explicites donnés aux parents, tandis que « l’accompagnement » fait référence au cheminement conscient et inconscient des parents facilité par l’orthophoniste. En effet, pour certains orthophonistes qui s’appuient sur la Pédagogie Relationnelle du Langage, le thérapeute du langage doit se positionner dans une attitude d’écoute bienveillante et de disponibilité pour permettre au parent d’exprimer ses doutes, ses réflexions. L’orthophoniste sera là pour apporter des réponses à leurs questions quand c’est possible, et suggérer des pistes de réflexion.

Aujourd’hui, on peut également employer le terme d’éducation à la santé.

d) Les écueils à éviter ou les limites de l’accompagnement

Certains écueils sont à éviter lorsque l’on propose un accompagnement parental : - le parent ne doit pas être assimilé à un orthophoniste, il ne s’agit pas de le « former », ni d’en faire « un orthophoniste à domicile » ;

- le parent ne doit pas être chargé de responsabilités qu’il n’est pas prêt à assumer. - L’orthophoniste ne doit pas envoyer un message inconscient de culpabilisation ; - il doit se garder de faire des interprétations sur l’attitude des parents ;

- il faut prendre garde à ce que l'enfant ne se démotive pas en séance d’orthophonie, en ayant l’impression d’avoir déjà fait pareil à la maison ;

- il ne faut pas tomber dans la sur-stimulation. Il est également essentiel de préserver des temps de jeu, de farniente et de rêverie, pour que l’enfant puisse élargir sa vie intérieure et intégrer ses acquis.

- il ne s’agit pas d’induire chez les parents un sentiment d’incapacité, ni de les cantonner dans le rôle de « parents modèles » qui font tout ce qu’il faut pour leur enfant , comme l’écrit J. DUPRESSY, [48].

Certaines limites peuvent aussi être évoquées :

- Le parent peut avoir des difficultés à reconnaître son ignorance sur certains sujets, si l’orthophoniste utilise des termes trop techniques, ce discours inadapté à ses attentes peut le décourager. Malgré tout, le fait de poser le trouble en termes spécifiques et non vulgarisés permet de ne pas le décrédibiliser.

- La collaboration des parents est très précieuse, mais elle n'est pas toujours facile à obtenir.

- Dans certains cas, les perturbations affectives parentales sont trop importantes pour être mobilisables, par une action auprès de l’enfant, comme le décrit G. DUBOIS [11]. - les capacités de compréhension de certains parents sont trop limitées

- les parents qui veulent trop bien faire et qui vont « faire travailler » l’enfant trop longtemps, en enlevant tout le côté ludique

- les parents qui sont débordés par leur travail et qui n’ont pas le temps pour jouer avec leur enfant.

Enfin, M. BONNELLE [5] souligne que « la marge peut être étroite entre aider, surcharger ou entre aider et surprotéger ». Les difficultés de l’enfant ne doivent pas envahir tout le champ de la vie familiale. Il est aussi un enfant, avec ses jeux, ses loisirs, ses bêtises…

e) Dans quels cas ?

Comme C. REMY l’a étudié dans son mémoire, [51], la guidance parentale peut s’observer dans les prises en charge :

- d’enfant sourd, dans ce cas, les conseils peuvent porter sur les amorces de

la communication (regards, mimiques…) et l’utilisation de techniques spécifiques (Langage Parlé Complété, Dynamique Naturelle de la Parole…) ;

- d’enfant bègue, il s’agit dans ce cas de favoriser la communication ;

- d’enfant présentant une fente labio-palatine, l’accent est alors mis sur les

jeux bucco-faciaux (jeux de souffle, praxies…), l’hygiène…

- d’enfant présentant un retard de langage et de parole, où il s’agira

Ces pathologies sont généralement dépistées tôt et prises en charge tôt, l’orthophoniste est alors amené à intervenir auprès d’enfants très jeunes, totalement dépendants de leurs parents. Il est donc impossible de laisser ces derniers en dehors du travail qui débute avec l’enfant. Il est nécessaire qu’une continuité entre travail de l’orthophoniste et celui des parents se développe.

Qu’en est-il avec les enfants plus grands ?

V.A TOCH [54], a montré que la guidance parentale peut être associée à la prise en charge de l’enfant présentant des troubles logico-mathématiques.

Intéressons-nous à présent à la forme que pourrait prendre l’accompagnement parental dans les cas de dyslexie.