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L’accès des artistes aux appareils Les mondes des arts

Quand nous avons commencé à nous s’intéresser à l’art des nouvelles technologies, nous avons découvert que la pratique émergente des années 1990 a une histoire dont la filiation ne fait pas partie de la narration traditionnelle de l’histoire de l’art. La découverte de l’ancienneté de la pratique a ouvert une nouvelle perspective sur les œuvres numériques et interactives fondées sur des dispositifs technologiques. Il faut accepter la jonction entre l’histoire de la pratique artistique et celle du développement des nouvelles technologies depuis les années quarante. Une connaissance de la technologie avec laquelle les œuvres sont créées est devenue nécessaire. Une telle approche nous a amenés à suivre un discours alternatif sur l’art et la pratique artistique, différente de celui rencontré dans le monde de l’art contemporain. L’autre discours sur l’art fait partir de la distinction qui peut être faite entre l’art contemporain et l’art technologique qui, dans les années 1990, a été associé aux nouveaux médias et au numérique. La dissemblance entre les deux milieux a été assez prononcée pour y discerner deux mondes différents. Le monde de l’art se réfère communément à l’art contemporain, que l’historien de l’art Edward Shanken défini comme l’art à courant dominant ou mainstream.461 L’autre monde est celui de l’art des nouveaux médias qui est rarement fréquenté par les acteurs de l’art contemporain qui ne reconnaissent pas ses activités comme art. Ils n’acceptent les œuvres qui y sont proposées qu’à partir de leurs propres critères mais en ignorant le discours qui les accompagne dans l’autre contexte. L’existence de ces deux mondes est devenue évidente quand nous avons été confrontés à des artistes islandais qui n’ont pas voulu que leurs œuvres soient associées à la technologie ou à l’art des nouveaux médias.462

Dans un premier temps, ce refus est paru surprenant parce que les mêmes artistes ont fait des vidéos et des installations sonores et

461 Voir Edward Shanken, « New Media, Art-Science and Contemporary Art : Towards a Hybrid Discourse ? », Artnodes, N° 11, 2011, pp. 65-116, p. 66. Consulté sur

http://artnodes.uoc.edu/ojs/index.php/artnodes/article/view/artnodes-n11-shanken/artnodes-n11-new- media-art-science-and-contempoary-art-eng

462 Margrét Elísabet Ólafsdóttir, « Lost opportunities ? » in éd. Minna Tarkka et Mirjam Martevo, Nordic Media Culture – actors and practices, Helsinki, m-cult, 2003, pp. 68-73.

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expérimenté avec Internet. Une étude plus attentive a révélé un point de vue et une attitude différente de celui des artistes des médias. Notre engagement personnel au sein de Lorna, une association d’arts électroniques fondée en 2002 à Reykjavík avec une poignée d’artistes des médias a rendu la différence évidente. Elle a également révélé que l’intérêt pour les activités de l’association était limité de la part des artistes contemporains. La programmation et l’interactivité qui intéressent les membres de Lorna sont des termes considérés trop technologiques par les artistes contemporains qui se sont contentés d’une observation à distance. De ce fait une exposition organisée par Lorna au Musée de l’art vivant en 2005 n’est pas passée inaperçue. L’installation

Rétroviseur (RearViewMirror de Ragnar Helgi Ólafsson a attiré l’attention du Musée

national d’art qui a décidé de l’intégrer à l’exposition « Le nouvel art islandais II » en 2006. Cette reconnaissance institutionnelle d’une œuvre élaborée sur un dispositif numérique n’a pas engendré de discussion ou de débat, mais elle ne s’est pas non plus traduite par un intérêt grandissant d’autres artistes pour les activités de l’association. Quand le cercle de Lorna a commencé à grandir, c’est essentiellement à travers une collaboration avec les compositeurs de la société S.l.á.t.u.r463 qui utilisent des logiciels libres pour expérimenter une écriture de notation animée. La séparation entre le monde de l’art contemporain et l’art des nouveaux médias est bien réelle, même si l’exposition d’une installation interactive au Musée d’art national n’a pas provoqué de critique. Les discussions qui ont eu lieu sur Rhizome, au début de l’année 2011, ont confirmé que la distinction n’était pas un phénomène local. Elle a perduré dans un contexte global malgré la généralisation du numérique. Le débat a commencé à la suite de la publication d’un résumé en anglais du livre de Domenico Quaranta Media, New Media, Postmedia paru en italien.464 Le sujet du livre est présenté comme une tentative d’analyser la position actuelle de l’art des nouveaux médias dans le contexte de l’art contemporain, et d’explorer des raisons historiques, sociologiques et conceptuelles pour sa place marginale dans l’histoire de l’art. La distinction entre les deux mondes a été énoncée sur

Rhizome une quinzaine d’années plus tôt par Lev Manovich, qui a dessiné les grands

463 Ils font partie de la société de compositeurs indiscrets, S.l.á.t.u.r

464 Media, New Media, Postmedia, Milano, Postmediabooks, 2010: « The Postmedia perspective », Rhizome le 12 janvier 2011. Consulté le 12 janvier 2011 sur http://rhizome.org/editorial/3964#more.

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traits de leur dissemblance.465 Elle serait fondée sur des ascendances différentes qui auraient influencé la pratique. L’art contemporain appartiendrait au « pays de Duchamp », alors que l’art des nouveaux médias ferait partie de celui de Turing. Manovich décrit le premier comme compliqué, ironique, autoréférentiel et dirigé vers le contenu. Il montre une attitude destructrice envers les matériaux et la technologie, contrairement à l’art des nouveaux médias qui est orienté vers les technologies de pointe et ne se soucie pas du contenu. L’approche de l’art des nouveaux médias est « simple » et sans ironie. Il prend la technologie au sérieux et refuse le fait que l’ordinateur tombe en panne, que la moitié des liens sur un site Internet soit sans issue et que la technologie de manière générale soit loin d’être fiable. La distinction est sommaire et ne permet pas de rendre compte de la complexité des « deux pays », ni de considérer des éventuelles concordances qu’il pourrait y avoir entre eux. La simplification de Manovich doit être comprise dans le contexte historique du milieu des années quatre-vingt-dix, quand Internet est encore perçu comme un espace utopique et l’acceptation des nouveaux médias par le pays de Duchamp a à peine commencé. L’approbation a fini par avoir lieu et pourtant la distinction a perduré. Elle continue d’être un sujet de débat tout comme l’acceptation des médias n’a pas réussi à effacer la frontière entre les pays de Duchamp et Turing.

Quand nous parlons des nouveaux médias, ils doivent être perçus en relation directe avec les technologies qui sont véritablement nouvelles dans les années soixante mais qui ne sont devenues accessibles au grand public que dans les années quatre-vingt- dix. Les années soixante et quatre-vingt-dix ont une signification pour l’histoire de l’art des médias puisque ces deux décennies sont marquées par une prolifération des pratiques artistiques impliquant les nouvelles technologies. Dans les années soixante, de nombreux artistes ont été pris d’enthousiasme pour les technologies dont la nouveauté était fondée sur l’autorégulation de la cybernétique, le traitement automatique des données par l’informatique et leur combinaison avec la télécommunication. Tout cela a éveillé l’imagination des artistes avant l’extension d’Internet. Les années quatre-vingt- dix ont connu une véritable synthèse de l’informatique et de la télécommunication, réunies par le réseau global Internet. Les nouveautés ne sont pas les technologies en

465 Lev Manovich, « The Death of Computer Art », Rhizome, 23 octobre 1996. http://rhizome.org/discuss/view/28877/

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elles-mêmes mais l’expansion de leur usage, rendue possible grâce à la miniaturisation des appareils dotés d’une capacité toujours plus puissante à traiter des données et à les faire circuler sur le réseau à une vitesse toujours plus grande. La démocratisation de l’accès aux appareils a renouvelé l’intérêt pour les nouvelles technologies qui était resté jusqu’alors l’affaire d’artistes initiés dont la pratique était plus ou moins ignorée par le monde de l’art depuis les années soixante. Les artistes qui avaient continué à s’intéresser aux technologies et aux médias s’étaient réunis dans des festivals spécialisés émergents consacrés à l’art électronique. Si le milieu de l’art contemporain a ignoré ces pratiques, alors qu’il a commencé à accepter la photographie et le film ainsi que la vidéo466 – un nouveau média dans les années soixante-dix – c’est parce qu’elles étaient éloignées de leur terrain d’intérêt. La situation a changé avec l’expansion de l’usage de l’ordinateur personnel, Internet et la communauté grandissante d’artistes qui se sont tournés vers les nouvelles technologies. Internet est devenu une plateforme virtuelle où des artistes géographiquement éloignés se sont rencontrés et ont formé des communautés sur des listes de diffusion, où ils se sont engagés dans des dialogues sur la Toile et ses enjeux pour la culture et la société.467 L’agrandissement de cet autre milieu de l’art, dont les œuvres sont rarement exposées dans des galeries et des musées, a attiré l’attention d’une communauté de chercheurs, théoriciens et critiques, qui ont participé à l’établissement d’un discours théorique sur la pratique. La nouvelle communauté formée sur le Web a une autre existence hors ligne, dans des festivals qui ont proliféré et des nouveaux centres de création adaptés à leurs besoins. Les centres indépendants ou annexés aux universités ont fonctionné comme des laboratoires d’art ou des ateliers temporaires spécialisés dans la technologie et les nouveaux médias. Ce phénomène a attiré l’attention du monde de l’art contemporain, habitué à ignorer la technologie et les questions concernant son éventuel impact sur la création artistique. Il a refusé les nouvelles technologies, considérées comme faisant obstacle à l’art, et a interprété l’intérêt porté aux spécificités de ses médias comme un héritage obsolète de l’art moderne. L’intégration de ce qui est devenu l’art des nouveaux médias dans l’art contemporain est pourtant inévitable vers la fin des années quatre-vingt-dix. C’est au

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Voir Kynastone McShine, « Introduction to Information » in éd. Alexander Alberro & Blake Stimson Conceptual art : a critical anthology, Cambridge, Mass., London, The MIT Press, 2000 (1970), p. 214. 467 Nous faisons référence à The Thing, äda‘web, nettime, Syndicate et Rhizome fondés entre 1991 et 1996.

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cours de l’assimilation de l’art des médias dans des expositions d’art contemporain que des débats sur leur différence ont lieu. La manière dont les œuvres sont exposées et analysées est problématique pour des artistes critiques des institutions qui, à leurs yeux, ne sont pas capables de comprendre les enjeux de leur pratique.

La discorde s’est révélée lors des discussions à propos d’expositions de net art, organisées par des institutions d’art contemporain au cours de l’année 1997. Documenta X, qui est le grand événement de l’année, a attiré le plus d’attention. Les organisateurs ont décidé de répondre à l’engouement pour Internet en incorporant des projets artistiques faits pour le Web dans l’exposition quinquennale à Kassel. Cette décision a généré des débats qui ont démontré les différentes approches des deux mondes.468 La quinquennale a créé un site sur Internet qui sert de portail aux projets choisis pour l’exposition. Ce regroupement a été interprété par les artistes du Net comme une institutionnalisation de l’Internet. Les œuvres sont également exposées sur place à Kassel, sur des ordinateurs avec une connexion restrictive, décision qui a soulevé des polémiques. Simon Lamunière, commissaire de la partie net art de l’exposition, a défendu ce choix en disant qu’il avait voulu mettre l’accent sur l’art et non sur la technologie.469 L’argument n’a pas été accepté par le collectif Jodi, qui a critiqué le parti pris du commissaire d’exposer le net art dans un espace séparé de l’exposition principale et arrangé comme un bureau avec des ordinateurs. Pour Jodi, qui est le pseudonyme commun de Joan Heemskerk et Dirk Paesmans, l’arrangement n’a fait qu’ajouter « une symbolique secondaire aux œuvres », tout en les réduisant à la technique. 470 Cette interprétation de Jodi va à l’encontre de l’intention de Lamunière, qui dit vouloir diminuer l’importance de la technologie pour mettre l’accent sur l’art. Les opinions discordantes sur l’arrangement sont intéressantes puisqu’elles montrent que la volonté de faire disparaître la technologie ne garantit pas son absence.471 L’ordinateur est un appareil technologique sans lequel une œuvre faite pour Internet ne

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Josephine Bosma, « The Dot on a Velvet Pillow – Net art nostalgia and net art Today », Museum of Contemporary Art, Oslo, 2003. http://www.liveart.org/net.art/bosma.htm dernière consultation le 13 août 2012.

469 Simon Lamnuière, Re: dx webprojects, posté le 10 juillet 1997. http://archiv.documenta.de/archiv/dx/lists/debate/0011.html 470

Jodi, dx webprojcts, 9 juillet 1997. http://archiv.documenta.de/archiv/dx/lists/debate/0010.html consulté dernièrement le 25 août 2012: « It's an unnecessary confusing symbolical construct, build without consultation of the artists. »

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peut être exposée. Il donne une présence matérielle à l’œuvre et doit être disposé dans un espace physique. L’ordinateur des années quatre-vingt-dix est encombrant et ainsi, en exposant toutes les œuvres faites pour le Net dans une salle commune, la première chose qui attire l’œil sont les moniteurs posés sur des bureaux. L’endroit choisi se trouve derrière une cafétéria, et l’arrangement ressemble plus à un bureau d’entreprise qu’à un espace consacré à l’art. Pour voir les œuvres, il faut y entrer et s’asseoir devant un bureau, mais pour découvrir toutes les œuvres, il est nécessaire de se déplacer d’un bureau à l’autre. Ce déplacement de corps est familier au visiteur d’exposition d’art, mais il est inhabituel dans le contexte de la navigation sur Internet, où différents sites sont consultés dans le flux et à partir d’un seul écran. Le choix du commissaire de donner accès à une œuvre par moniteur l’isole de son contexte sur le Net et le fait entrer dans celui de l’art. La présence de l’ordinateur rappelle également le moment de création de l’œuvre puisque qu’il n’est pas uniquement un appareil d’exposition, mais un outil de création qui ne peut en être détaché. Jodi ne voulait pas que leurs œuvres soient réduites ainsi, mais peuvent difficilement y échapper. Ils utilisent la technologie de l’ordinateur pour faire une œuvre et pourtant, leur attitude échappe à la catégorisation de Manovich. Paesmans et Heemskerk gardent leur distance avec la technologie en l’approchant avec ironie. Ils détournent les logiciels de leurs usages472

pour transformer le graphisme standard de l’interface en un motif abstrait. Les artistes conçoivent également l’ordinateur connecté sur le réseau comme un média qui permet de diffuser les œuvres à une échelle globale. Cette triple fonction de l’ordinateur connecté à Internet a été déclinée de diverses façons par Jodi et par de nombreux autres artistes actifs sur la Toile. Elle a également incité les théoriciens Annick Bureaud473 et Andreas Broeckman474, qui ont suivi les artistes, à expliquer qu’avec le net art, il faut faire la distinction entre Internet comme média de communication et Internet comme média de création et de distribution. Internet en tant que média de communication permet de faire circuler des informations sur des œuvres numérisées, alors que le net art est créé avec un

472 Tilman Baumgärtel, « Interview with Jodi », nettime, 28 août 1997. http://www.nettime.org/Lists- Archives/nettime-l-9708/msg00112.html, dernière consultation le 29 août 2012.

473 Voir la présentation du colloque R.A.T. – Réseau – Art – Technologie, organisé par Cyprès le 27 novembre 1997 sur http://leoalmanac.org/resources/emonograph/TypologInternet/typInternet.html 474 Andreas Broeckman, « Are you Online? Prescence and Participation in Network Art (1998) » in Timothy Druckrey éd., Ars electronica. Facing the future, Cambridge, Mass, The MIT Press, 1999, pp. 438-431.

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logiciel pour être dispersé sur le réseau. L’œuvre numérisée a une existence hors Net alors que le net art existe uniquement comme des données rendues accessibles sur un serveur. L’usager du Net peut uniquement voir l’œuvre sur l’écran de son ordinateur, après l’avoir trouvée sur le réseau à l’aide d’un moteur de recherche ou en écrivant son adresse Web dans la barre d’adresse du navigateur. La connexion lie l’outil de création directement à un mode de diffusion qui rend l’œuvre accessible à tous par principe. En 1997, « tout le monde » se référait à ceux qui avaient un ordinateur personnel à domicile connecté à Internet. La connexion ne garantissait pas pour autant que l’œuvre soit vue par tous. Il fallait que l’usager la trouve, ce qui ne change pas le fait qu’une fois l’œuvre trouvée, elle est visualisée sur l’écran comme n’importe quelle autre donnée. La visualisation est une interface qui permet à l’usager d’interagir avec l’œuvre- programme. L’affichage de l’œuvre n’est pas exclusif puisque celle-ci peut être cherchée par plusieurs utilisateurs en même temps et visualisée simultanément sur plusieurs ordinateurs physiquement éloignés les uns des autres. L’internaute devenu spectateur peut être conscient de l’apparition multiple de l’œuvre, même s’il la perçoit dans un rapport d’intimité devant l’écran. Il est conscient de son existence diffuse dans l’espace virtuel, mais c’est surtout la recherche et la découverte, qui influencent la manière dont l’œuvre est perçue. L’expérience n’est pas limitée à la perception d’une image surface puisqu’elle s’ouvre sur un nouvel espace. Cet espace n’est pas physiquement tangible, mais cognitif et se réfère à des données qui circulent dans le cyberespace. L’exaltation que l’usager peut ressentir en surfant entre les données fait partie intégrante de l’expérience de la navigation et de la manière dont le net art est perçu. Ainsi, pour les surfeurs habitués du Net la déconnection de l’ensemble ne peut pas rendre justice aux œuvres. La même chose peut être dite sur leur appréciation. On a pensé que les œuvres ne pouvaient être pleinement estimées hors contexte du Net, même si techniquement, rien n’empêche de les visualiser sur un ordinateur déconnecté du réseau ou sur une disquette. D’un autre côté, il est possible d’argumenter que puisque l’expérience de l’œuvre se passe devant l’écran, l’espace physique de l’exposition à Kassel a une moindre importance par rapport à l’espace virtuel d’Internet. C’est l’avis de Jordan Crandall, qui a voulu déplacer la discussion sur l’arrangement des ordinateurs vers la mise en disposition du corps du spectateur assis devant le

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moniteur.475 Pour Crandall, la chose importante consiste à arrêter le corps pour diriger le regard du spectateur vers l’écran et le mouvement de l’image qui l’aide à plonger dans le cyberespace. La remarque, aussi juste soit-elle, soulève pourtant le problème de l’accès restreint à Internet. En choisissant de donner accès aux œuvres dans un espace virtuel délimité476, le commissaire met l’accent sur l’espace de l’œuvre elle-même, et non sur le cyberespace auquel les œuvres sont connectées par des liens qui renvoient à d’autres sites. La question qui peut alors être posée est celle de savoir si la restriction de la navigation joue un rôle déterminant dans la perception de l’œuvre. Si l’espace virtuel est réduit, l’œuvre est-elle identique à ce qu’elle aurait été dans le contexte de libre circulation sur le réseau ? Pour Jodi, la navigation sur le Net fait effectivement partie de l’œuvre, ce qui nous oblige à prendre au sérieux l’accusation envers Documenta qui ne leur rendait pas justice.477 Quand une œuvre du Net est rendue accessible sur le réseau, elle est sauvegardée sur un serveur avec d’autres données, mais quand l’accès au serveur est limité à un seul site, le spectateur la perçoit isolée de son contexte. Du point de vue du commissaire, une exposition est déjà un territoire circonscrit dans lequel le spectateur entre pour voir des œuvres d’art. Il n’y va pas pour faire des découvertes par

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