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1.3.1. La perte de matière et la réduction du volume

Le compostage s’accompagne d’une perte importante en matière brute (Leclerc, 2001). Cette réduction est provoquée d’une part par l’évaporation de l’eau sous l’effet de la chaleur ; des pertes de l’ordre de 50% du taux d’humidité sont fréquemment mesurées (Canet et Pomares, 1995). D’autre part, la perte de masse est due à la minéralisation de la matière organique, pouvant atteindre 20% à 60% de la matière organique initiale (Atkinson et al., 1996 ; Francou et al., 2008). La perte en volume peut être de l’ordre de 60% (Inbar et al., 1993). Elle s’explique par la perte en masse à laquelle s’ajoute une réduction de la taille des particules par fragmentation et décomposition des produits initiaux par les microorganismes.

1.3.2. La stabilisation de la matière organique

La stabilisation de la matière organique correspond à la diminution de sa biodégradabilité (Francou, 2003). La méthode de référence pour évaluer la stabilité d’un compost est le suivi de l’activité respiratoire, généralement mesurée par le dégagement de CO2, lors d’incubations en conditions

contrôlées du compost mélangé à du sol. Les quantités de C organique total (TOC) minéralisées au cours de ces incubations diminuent lorsque la durée du compostage augmente, traduisant la stabilisation de la matière organique au cours du compostage (Fig. 1.7). En 70 jours d’incubation, Bernal et al. (1998a) mesurent des pourcentages de minéralisation de 40% à 90% du C organique

initial pour des composts de déchets ménagers échantillonnés en début de compostage, et de 10% à 40% pour les mêmes composts échantillonnés en fin de compostage. La stabilisation de la matière organique dépend de la nature des déchets organiques, de la durée et du procédé de compostage. Francou et al. (2005) montrent que 3 à 4 mois de compostage suffisent à la stabilisation de composts de déchets verts, de biodéchets et de boues d’épuration alors que 6 mois sont nécessaires pour obtenir un compost d’ordures ménagères stabilisé. De plus, un même mélange de déchets initiaux compostés selon des procédés différents peut mettre 3 ou 6 mois pour atteindre le même niveau de stabilité (Francou et al., 2005).

Figure 1.7. Diminution de la biodégradabilité de la matière organique avec l’augmentation de la durée du compostage (3, 4 et 6 mois) mise en évidence par le suivi de la minéralisation du C au cours d’incubations des composts mélangés avec du sol (Francou et al., 2005).

1.3.3. Les transformations de la matière organique

L’évolution de la matière organique au cours du compostage peut être décrite en deux phases (Francou et al., 2005 ; Tremier et al., 2005) :

- Une phase de dégradation intense de la matière organique facilement dégradable. La matière organique est dégradée en C soluble qui est utilisé comme source de C et d’énergie par les microorganismes.

- Une phase de maturation lors de laquelle la matière organique se réorganise sous forme de macromolécules organiques, semblables aux substances humiques, sous l’effet d’une activité microbienne résiduelle.

a. L’évolution des teneurs en C et en N

La teneur en TOC diminue au cours du compostage. La principale raison de cette diminution est la minéralisation des substances organiques par les microorganismes qui utilisent du C pour leur métabolisme. Une dégradation équivalente à 40% du C organique initial est fréquemment mesurée (Bernal et al., 1998b ; Sánchez-Monedero et al., 1999). En parallèle, la teneur en N total augmente généralement au cours du compostage (Bernal et al., 1998b ; Sánchez-Monedero et al., 1999 ; Francou et al., 2008) car les pertes en azote sont moins importantes que celles en carbone du fait de

volatilisation (Boucher et al., 1999). Il en résulte généralement une diminution du rapport C/N au cours du compostage (Bernal et al., 1998b ; Francou et al., 2008).

b. L’évolution de la composition biochimique de la matière organique

Il existe plusieurs méthodes de fractionnement biochimique de la matière organique mais seule la méthode normalisée XPU 44-162 (AFNOR, 2005) est présentée ici. Cette méthode permet de déterminer successivement la fraction soluble à l’eau chaude (100°C), puis la fraction soluble avec un détergent neutre, les fractions hémicellulose, cellulose et lignine. Cette méthode a été initialement élaborée pour mesurer la digestibilité des fourrages (Van Soest et Wine, 1967), elle est donc destinée à des produits végétaux et non à des produits complexes comme les produits résiduaires organiques. Par conséquent, les fractions identifiées ne correspondent pas strictement d’un point de vue biochimique à de l’hémicellulose, de la cellulose et de la lignine (Parnaudeau et al., 2004) mais sont considérées comme équivalentes. L’évolution de la taille de ces fractions ou compartiments permet une description pertinente de l’évolution de la matière organique au cours du compostage (Sánchez- Monedero et al., 1999 ; Eklind et Kirchamnn, 2000 ; Jouraiphy et al., 2005 ; Francou et al., 2008). De plus des relations entre la biodégradabilité de ces fractions, évaluée grâce au potentiel de minéralisation du C et de N des composts dans le sol, et la taille de ces fractions biochimiques ont été mises en évidence (Thuriès et al., 2002 ; Gabrielle et al., 2004 ; Annabi et al., 2007 ; Francou et al., 2008). Ainsi, l’évolution de la composition biochimique de la matière organique au cours du compostage se traduit généralement par une diminution des proportions d’hémicellulose et de cellulose, une augmentation en proportion de la fraction soluble au détergent neutre et de la lignine (Jouraiphy et al., 2005 ; Doublet, 2008 ; Francou et al., 2008).

Au cours du compostage, la dégradation des fractions hémicellulose et cellulose est importante, elle peut atteindre entre 60% et 90% des quantités initialement présentes pour l’hémicellulose et entre 50% et 80% pour la cellulose (Sánchez-Monedero et al., 1999 ; Jouraiphy et al., 2005 ; Doublet, 2008 ; Francou et al., 2008). La lignine est un composé plus réfractaire à la biodégradation, sa quantité tend à diminuer au cours du compostage avec des taux de dégradation variant de 15% à 50% (Sánchez-Monedero et al., 1999 ; Jouraiphy et al., 2005 ; Doublet, 2008 ; Francou et al., 2008). La dégradation de la matière organique labile se traduit par une diminution de la fraction soluble à l’eau chaude de plus de 50% des quantités initiales (Paredes et al., 2000 ; Doublet, 2008). Les polysaccharides, les protéines, peptides et sucres aminés extraits dans cette fraction correspondent à une source de C et d’azote facilement disponible (Said-Pullicino et al., 2007). La dégradation progressive des fractions hémicellulose et cellulose en composés simples peut alimenter à nouveau la fraction soluble, expliquant sa diminution relativement faible au cours du compostage (Sánchez- Monedero et al., 1999; Said-Pullicino et al., 2007). Les transferts entre compartiments peuvent également expliquer l’augmentation de la proportion de matière organique solubilisée par le détergent neutre (Francou et al., 2008). Cette fraction pourrait également devenir moins biodégradable au cours du compostage, à mesure que sa teneur en composés récalcitrants, comme les substances humiques solubles et les constituants solubles d’origine microbienne, augmente (Francou et al., 2008).

c. L’humification de la matière organique

L’humification de la matière organique se déroule majoritairement en phase de maturation (Zbytniewski et Buszewski, 2005), se traduisant par une réorganisation et une condensation sous forme de macromolécules des constituants organiques non minéralisés. Cette humification est difficile à mettre en évidence avec le suivi des fractions biochimiques seules, car elles évoluent peu pendant la maturation (Sánchez-Monedero et al., 1999 ; Zbytniewski et Buszewski, 2005 ; Francou et al., 2008) et les substances humiques formées sont co-extraites dans les différentes fractions biochimiques (Eklind et Kirchmann, 2000).

Une méthode classiquement utilisée pour caractériser l’humification de la matière organique au cours du compostage est celle utilisée pour l’étude des sols, c’est-à-dire, l’extraction des acides humiques, acides fulviques et humines. Ce fractionnement est basé sur des caractéristiques de solubilité des composés organiques en fonction du pH (Stevenson, 1994). Au cours du compostage, une diminution de la teneur en acide fulvique et une augmentation de la teneur en acide humique sont généralement observées (Francou et al., 2005 ; Jouraiphy et al., 2005). Cette méthode de fractionnement est cependant controversée : les fractions séparées n’ont pas de propriétés biochimiques définies, et les acides humiques et humines peuvent contenir à la fois des composés jeunes, peu polymérisés, faciles à dégrader ou au contraire des composés vieillis très condensés, résistant à la biodégradation (Zbytniewski et Buszewski, 2005). De plus, l’absence de consensus sur les modalités d’extraction entraîne des différences importantes dans les protocoles d’extraction (Inbar et al, 1990).

Le récent développement d’analyses spectrales de la matière organique (spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier, résonance magnétique nucléaire, pyrolyse) permet de caractériser la nature chimique, l’aromaticité et le degré de condensation des substances humiques (Jouraiphy et al., 2005 ; Francou et al., 2008). Au cours du compostage, les phénomènes d’humification de la matière organique sont globalement associés à une augmentation de l’aromaticité et du degré de condensation de la matière organique ainsi qu’à une diminution de l’abondance des composés aliphatiques ou des polysaccharides (Jouraiphy et al., 2005 ; Smidt et Meissl, 2007 ; Francou et al., 2008).