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L’évolution de la dosimétrie à scintillation volumétrique

1.2 La dosimétrie à scintillation

1.2.2 L’évolution de la dosimétrie à scintillation volumétrique

En lumière des propriétés des scintillateurs organiques qui viennent d’être abordées, nous pou- vons souligner que les scintillateurs organiques, au même niveau que les gels dosimétriques, ont l’avantage de ne pas perturber le faisceau de radiation relativement à l’eau, et peuvent servir à la fois de détecteur de radiation et de fantôme monolithique. Cependant, qu’ils soient sous un état plastique ou liquide, la propriété intéressante des volumes scintillants est l’émission

Figure 1.3 – Différentes géométries possibles pour les volumes de scintillateurs plastiques [62].

quasi-instantanée de la lumière de l’ordre de la nanoseconde due à la dose déposée locale- ment. Cet effet radioinduit, à la fois non perturbant et, surtout, non permanent, nous libère de la limite de mesure de la dose intégrale qu’imposent les gels dosimétriques. Si le patron instantané de l’émission fluorescente à l’intérieur d’un volume scintillant est mesuré, l’idée est que l’information temporelle sur l’administration de la dose peut être obtenue. Dans ce cas, la dosimétrie est dite être faite en temps réel. Nous convergeons donc de plus en plus vers un défi central à cette thèse : comment pouvons-nous mesurer le patron 3D de lumière émise à l’intérieur d’un scintillateur irradié ? Cette section nous permettra de comparer les solutions qui ont été mises de l’avant à cet effet. À noter qu’un thème récurrent en lien avec les proto- types proposés est celui de la reconstruction tomographique, qui sera abordé plus en détails à la Section 1.4. Pour l’instant, il est suffisant de savoir que la reconstruction tomographique est une approche pour déterminer une distribution en n dimensions à partir de projections de celle-ci en n − 1 dimensions.

La dosimétrie à scintillation volumétrique prend racine dans les travaux de Kirov et collab. qui ont immergé un applicateur de curiethérapie Ru-106 pour traitements oculaires dans un volume de scintillateur liquide [63]. Des images à 64 angles de vue différents de l’applicateur ont été acquises à l’aide d’une caméra numérique, puis des mesures relatives de la dose 3D ont été obtenues par reconstruction tomographique à partir de ces acquisitions. Malgré des déviations dosimétriques considérables jusqu’à 45%, l’essence de ce travail a été d’ouvrir la voie à la dosimétrie volumétrique à base de scintillation, tout en incorporant l’utilité des algorithmes de reconstruction tomographique. Peu après, Fukushima et collab. ont plutôt porté leur attention sur les volumes de scintillation solides, utilisant un bloc de scintillateur organique plastique et une caméra CCD (de l’anglais charge-coupled device) afin de mesurer la portée de faisceaux de protons [64]. Pour leur part, Kojima et collab. ont utilisé un montage

similaire à des fins de curiethérapie : en usinant un trou à travers un bloc de scintillateur, ils ont réussi à identifier la position de la source et suivre son déplacement à l’aide d’acquisitions numériques utilisant une caméra CCD [65]. De façon parallèle, il peut être noté que certains travaux de recherche ont porté sur une forme de dosimétrie quasi-3D à scintillation, où des plaques bidimensionnelles de scintillateurs plastiques ont formé la base des systèmes pour des applications en protons et en photons [66–68].

Dans la lignée de systèmes quasi-3D, quelques systèmes de dosimétrie à base de fibres scin- tillantes ont été mis de l’avant dans la littérature, chacun suggérant une extension possible à la dosimétrie 3D par interpolation des points de mesure. En particulier, Guillot et collab. ont construit une matrice de 781 fibres scintillantes, offrant une précision moyenne intéressante de 1% pour des doses supérieures à 6.3 cGy [69]. Par contre, le nombre élevé de fibres impli- quées complexifiait sa construction ainsi que son potentiel d’utilisation clinique. Peu après, Goulet et collab. ont développé et validé un système de dosimétrie 2D en utilisant des champs statiques : le système permettait la reconstruction tomographique de la fluence à partir de projections acquises à l’aide de longues fibres scintillantes et d’une caméra CCD [69]. Pa- rallèlement, Lamanna et collab. ont construit un système similaire composé plutôt de fibres carrées ; des mesures de projections du signal scintillant ont été acquises en utilisant des photo- diodes, à partir desquelles des mesures relatives de la dose ont été obtenues par reconstruction tomographique [70].

Goulet et collab. ont étendu l’application de longues fibres scintillantes à la dosimétrie 3D par une étude de simulation d’une matrice de fibres ordonnées le long des surfaces de cylindres concentriques, schématisée à la Figure 1.4A [71]. En faisant tourner le fantôme cylindrique autour de son axe central lors d’une irradiation, des projections 1D simulées de la dose ont été obtenues en mesurant l’intensité de la lumière scintillante à l’aide de deux caméras CCD aux extrémités opposées du cylindre. Avec une résolution de 1 × 1 × 1 mm3

, une précision considérable a pu être obtenue par une reconstruction tomographique de la distribution de dose 3D. Malgré que cette méthode semblait prometteuse, des défis importants se sont présentés au niveau de l’application à des modalités de traitement dynamiques. En effet, Goulet et collab. ont souligné l’apparition d’artéfacts de reconstruction significatifs étant donné la variation continue du champ de radiation incident, dont la correction devrait se faire au coût de la résolution spatiale. À cette complication s’ajoute celle de la construction physique du système et de son opération expérimentale.

L’approche tomographique a également été adoptée par Kroll et collab. afin de mesurer des distributions de dose 3D en utilisant plusieurs caméras CCD pour imager un volume de scin- tillateur plastique à quatre angles différents [72]. Les auteurs ont construit un prototype d’un système portatif, présenté à la Figure 1.4B, utilisant trois caméras distribuées avec 60° entre leur axe optique pour obtenir des projections 2D du champ de lumière scintillante, ainsi qu’une caméra placée derrière le scintillateur dans l’axe du faisceau. Étant donné les systèmes d’ima-

Figure 1.4 – Prototypes de recherche de systèmes de dosimétrie à scintillation proposés par (A) Goulet et collab. [71] ; (B) Kroll et collab. [72] ; (C) Darne et collab. [76].

gerie fixes, le détecteur était limité à des mesures unidirectionnelles. De plus, malgré une reconstruction rapide et précise de distributions de dose 3D complexes en protons et en élec- trons, le système comme tel ne peut être utilisé en photons étant donné une saturation et des dommages potentiels à la caméra située dans l’axe du faisceau.

Une série de travaux par une équipe de recherche du University of Texas MD Anderson Cancer Center portant sur un système à base d’un volume de scintillateur liquide a joué un grand rôle dans le développement de la dosimétrie volumétrique en temps réel. L’intérêt de cette recherche repose principalement sur la dosimétrie pour les faisceaux de protons, étant donné les variations rapides de la position du champ incident et de l’énergie du faisceau impliquées dans certaines techniques de traitement en protonthérapie [73]. Des études de faisabilité ont été complétées simultanément à la fois en protonthérapie par Beddar et collab. et en photonthérapie par Pönisch et collab., utilisant une seule caméra CCD fixe pour imager un volume de scintillateur liquide de 7×7×16 cm3

[73,74]. L’intérêt ici était plutôt d’établir la possibilité de la dosimétrie en temps réel, se limitant à des mesures de dose 2D. Archambault et collab. ont marqué la suite du développement de ce système, élargissant son utilité à la vérification de la portée, de la position et de l’intensité de faisceaux de protons [75]. Se limitant encore aux mesures 2D, une résolution spatiale sous-millimétrique de 0.3 mm et une résolution temporelle de 0.05 s ont été atteintes, en faisant un système prometteur pour les mesures instantanées de la dose relative en protons. Dans tous les cas, sans en faire la preuve, les auteurs justifiaient l’extension du système à la dosimétrie 3D par l’acquisition d’images du volume scintillant de points de vue perpendiculaires à l’axe optique primaire.

Pour avancer davantage dans cette voie, Hui et collab. ont fait une étude de simulation, tou- jours dans le cadre de la protonthérapie. Pour des champs simples et statiques, ils ont évalué la possibilité de reconstructions 3D des distributions de lumière scintillante plaçant trois caméras CCD à des points de vue orthogonaux à l’aide de miroirs pour dévier les axes optiques [77]. Les distributions 3D résultantes ont été obtenues par reconstruction tomographique. Or, la modélisation simulée des systèmes d’imagerie et de scintillation étaient parfaits et non repré- sentatifs des conditions réelles. En parallèle à ces travaux, des études de correction au niveau

de la physique de scintillation et des artéfacts optiques ont davantage contribué au dévelop- pement de ce système de scintillateur liquide. Il est important de noter un effet de saturation, communément appelé le « quenching », se produisant pour des applications en protons près du pic de Bragg, c’est-à-dire au pic du dépôt de dose caractéristique de la protonthérapie. Cette saturation se traduit par une perte de linéarité entre l’émission fluorescente du scintillateur et la dose déposée dans le volume [73,78]. Afin de contourner cette perturbation dans la me- sure de la dose, Robertson et collab. ont établi une méthode de correction du quenching [79]. Voulant établir un modèle tomographique plus représentatif des conditions de mesures réelles, Robertson et collab. ont subséquemment développé des méthodes de correction d’aberrations optiques nuisant à la performance de leur système [80]. Plus récemment, Darne et collab. sont partis du système simulé par Hui et collab. pour en faire une démonstration de faisabilité ex- périmentale [76], dont le prototype expérimental est présenté à la Figure1.4C. Avec un volume de scintillateur liquide de 20 × 20 × 20 cm3, trois acquisitions avec des caméras sCMOS (de l’anglais, scientific Complementary metal–oxide–semiconductor) à positions orthogonales ont été acquises de façon synchronisée avec l’administration de faisceau. Chaque acquisition était caractérisée par une résolution spatiale de 0.21 mm et une résolution temporelle de 11 ms. Cependant, aucune reconstruction 3D n’a été faite des distributions lumineuses imagées : seulement des analyses des projections 2D ont été effectuées dans le cadre de cette étude. Avant de considérer un dernier prototype dans cette lignée de développement expérimental, la prochaine sous-section nous permet de considérer parallèlement des prototypes expérimentaux qui ont été proposés dans le cadre d’une forme de dosimétrie dite Cherenkov. Similaires en ce qui a trait à leur motivation de reconstruction de distribution 3D de lumière, les travaux diffèrent toutefois de par leur source fluorescente employée et les défis d’acquisition que celle-ci implique.