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CHAPITRE 4 : LE TRAVAIL SUR LES ENVELOPPES PROPOSE EN

II. L’intérêt du groupe dans le cas de Bastien et Victor

1) L’évolution de Bastien dans un travail sur la sensorialité

Avant le début de l’atelier « Corps et Sensations », Bastien était très intrigué et intéressé par ce que je pouvais proposer. Il est de manière générale, très attiré par toutes les médiations qui sont centrées sur le corps. Il assistera au groupe de manière régulière. Au fur et à mesure des séances, j’ai pu constater une évolution dans la perception des sensations, dans la posture et surtout dans l’expression de ses ressentis sur le plan émotionnel.

a- Les sensations perçues de plus en plus finement

Avant la mise en place des séances, Bastien a d’importantes difficultés pour parler de ses sensations. Il reprend souvent les mots des autres patients ou il reste sur des termes très généraux tels que « ça détend » quand il s’agit d’automassage qu’il soit médiatisé par une balle ou pas. Toutefois, il peut localiser les stimulations sensorielles de plus en plus finement. Pour le premier exercice où nous tapons des pieds au sol, il peut dire qu’il sent la vibration jusqu’au niveau du bassin par exemple. Vers les dernières séances, il pourra dire que la sensation produite par des automassages avec un ballon, est plus agréable sur la partie charnue de la plante du pied en la montrant précisément sur lui ou sur moi. La description de la sensation reste compliquée, même s’il peut parfaitement la localiser. Il peut choisir une sensation lorsque je lui propose différents mots pour la décrire, mais il choisit souvent le même : « ça caresse ». Les difficultés praxiques qu’il présente, liées à son hypertonie et sans

74 doute à un défaut de représentation du corps, ne lui permettent pas de pouvoir varier la pression qu’il exerce lors des massages. Il est donc souvent dans un toucher d’effleurage, ce qui me laisse penser que le terme caresser décrit assez fidèlement sa sensation. Aux dernières séances, il dira spontanément qu’il sent le froid de la balle ; sensation qu’il a eu le temps d’intégrer et d’expérimenter au cours de ses séances de pack. Tout en restant sur des termes simples, il est capable d’imaginer et d’anticiper la sensation que telle ou telle balle pourra lui procurer. Bastien est capable de localiser les différentes stimulations, même s’il a des difficultés à les exprimer. Un travail de répétition des stimulations sensorielles pourrait être intéressant et lui permettre d’intégrer d’autres sensations, comme pour le froid. Outre l’accès à ses sensations, une évolution dans la régulation a été possible.

b- La variation tonique et l’ébauche d’un axe corporel stable

Comme je l’ai déjà évoqué, Bastien présente des difficultés praxiques, en lien avec des troubles de régulation tonique, ce qui se traduit aussi dans sa posture. Lors de la première séance de groupe, Bastien adopte une attitude d’enroulement, dans une hypertonie des muscles fléchisseurs et une hypotonie axiale, ce qui engendre des troubles de la coordination et des douleurs musculaires qu’il peut verbaliser : « C’est tout dur » ou encore en utilisant le mot « atrophié ». L’hypertonie vient stopper la possibilité de mouvements. La tension musculaire reste très présente chez Bastien, ce qui rend la réalisation des mouvements plus lente, plus coûteuse en énergie et interfère dans l’accès aux sensations produites par le mouvement. Lors des séances suivantes, il pourra s’asseoir au sol sans support au niveau du dos, en étant en appui sur ses ischions et avec un dos droit. L’expérience de différents états toniques lui a permis de ne pas rester dans une tonicité proche de celle du nourrisson. L’axe corporel est avant tout tonique, ce qui est à l’origine de ce redressement. La bipolarité s’harmonise pour trouver un juste milieu, laissant alors apparaître ce redressement et une possibilité de mouvements et de sensations. Un travail sur la régulation tonique semble intéressant à poursuivre pour limiter les douleurs musculaires ou postures d’inconfort, percevoir le mouvement et limiter les difficultés praxiques. Cette approche sensorielle et tonique a rendu possible l’expression des émotions.

75 c- L’évolution dans l’expression de ses émotions

Au cours des différentes séances où Bastien était présent, j’ai été surprise de son évolution dans sa capacité à exprimer ses émotions. Au début des séances, il se contentait souvent de dire « ça va » ou « ça va pas trop » ou encore « je suis angoissé ». Je trouvais ses verbalisations assez peu incarnées au niveau de la prosodie et de la répétitivité. Puis, il n’est pas venu à une séance et est revenu la séance d’après où il a dit ne plus ressentir de nausée ou d’envie de vomir. C’est par ces ressentis désagréables qu’il percevait son angoisse et le monstre qui est en lui. Par la suite, il exprimera ce qu’il ressent de manière plus spontanée et beaucoup moins discordante. Il me fera part de sa déception, lorsque je n’accède pas à sa demande de faire de la relaxation à la place du groupe « Corps et Sensation ». Bastien pourra par la suite exprimer son intérêt, ses préférences ou encore sa surprise de manière spontanée sans que je ne lui pose de questions. Il investira également les séances de groupe, en proposant des idées d’exercices ou en utilisant des mouvements qu’il a découverts dans d’autres ateliers.

Durant ces quelques mois de prise en charge au groupe de psychomotricité « Corps et Sensations », Bastien a beaucoup évolué. Il est important de mettre cette évolution en lien avec la fin des séances de pack et son investissement vers d’autres activités corporelles telles que l’équithérapie proposés au Centre Médico-Psychologique (où il se rend seul durant ses permissions) ou encore l’atelier de danse et de stretching relaxation proposé à la salle des sports de l’hôpital. Bastien peut plus facilement exprimer ses émotions, ses attentes, et a plus facilement accès à ses sensations corporelles mêmes si elles restent difficiles à décrire. Un travail sur la sensorialité, la kinesthésie et sur la régulation tonique serait intéressant à poursuivre.