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L’étayage et les Environnements informatiques pour l’Apprentissage Humain (EIAH)

Chapitre 1. L’étayage : du concept en psychologie à un processus transposé dans un EIAH

III. L’étayage et les Environnements informatiques pour l’Apprentissage Humain (EIAH)

informa-tiques pour l’Apprentissage Humain (EIAH)

Si les technologies informatiques sont utilisées depuis les années 70 en France dans l’enseignement, leur intégration dans la classe n’a pas été aussi aisée qu’en Amérique du Nord (Bruillard et al., 2012). Aux USA, dès les années 1990, des projets utilisant les technologies de l’information et de la commu-nication pour la mise en œuvre de la démarche d’investigation dans les classes ont été mis au point, projets adossés à des travaux de recherche (Bruillard et al., 2012; Quintana & Fishman, 2006). Cela est sans doute une des raisons pour laquelle les travaux portant sur les relations entre étayage et EIAH sont particulièrement développés outre-Atlantique.

III.1. Un support d’étayage en réponse à une

diffi-culté lors d’un apprentissage

Un EIAH est un logiciel10 conçu « pour susciter ou accompagner un apprentissage » (Tchounikine &

Tricot, 2011, p. 168), non pas pour remplacer un professeur mais pour le soutenir dans sa tâche. Un environnement informatique est développé afin d’aider un apprenant à atteindre un objectif d’apprentissage précis, c’est-à-dire que l’EIAH apporte un étayage pour que l’élève réalise une tâche qui lui permette d’apprendre.

Les étayages transposés dans l’EIAH permettent « d’aider les élèves à surmonter un obstacle déter-miné » par exemple lors de la confrontation à une démarche d’investigation (Saavedra, 2015, p. 19), c’est-à-dire que l’élaboration et la transposition d’étayage dans un EIAH est réalisé par rapport à une difficulté qui existe de façon récurrente chez les élèves (Reiser, 2004), difficulté identifiée par exemple dans la détermination de l’objectif de la tâche (Bonnat, 2017) ou dans la gestion des étapes de la démarche d’investigation (Saavedra, 2015). La mise en place d’un étayage pour la réalisation d’une tâche fait que cette dernière devient réalisable par l’apprenant. Cependant cette tâche a été transformée car sans la tutelle informatique, la tâche n’aurait pas pu être accomplie (Reiser, 2004).

III.2. L’élaboration d’un cadre d’analyse des

étayages transposés dans les EIAH

Plusieurs revues d’articles dans la littérature anglophone ont été effectuées afin de proposer un cadre d’analyse théorique aux étayages (« scaffolding ») dans les EIAH ; celui de Quintana et al (2006) est régulièrement cité, de même que celui de Zacharia et al (2015) ; ces derniers auteurs proposent un travail récent et prennent appui sur une classification déjà éprouvée en 2006, celle de De Jong (2006). Nous nous proposons donc d’étudier le cadre d’analyse établi par Zacharia et al et de le com-parer à celui de Quintana et al.

III.2.1 Le cadre d’analyse établi par Zacharia et al

(Zacharia et al., 2015)

Zacharia et al (2015) font une revue de littérature correspondant à trente travaux de recherche por-tant sur l’utilisation d’EIAH lors de la mise en œuvre d’une démarche d’investigation en classe. Les travaux analysés ont été publiés à partir de 2006 et Zacharia et al prennent comme référence les travaux de De Jong (2006).

Voici la classification de Zacharia et al (2015) :

- « process constraint » ou réduction des procédures : permettant aux élèves peu familiers des démarches d’investigation de « se centrer sur les données et activités utilisables » (Bon-nat, 2017, p. 38), en n’autorisant que les activités nécessaires pour l’accomplissement de la tâche. Par exemple, le nombre d’options disponibles pour la démarche peut être réduit.

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- « performance dashboard » ou indication du niveau de performance : correspondant à l’existence de rétroactions (feedback) donnant des indications concernant les résultats et la progression de l’étudiant. Par exemple, les variables de l’expérience déjà testées par l’apprenant et celles qui ne l’ont pas été sont présentées à l’écran ou il est possible de relan-cer la simulation d’une expérience en changeant la valeur d’une variable.

- « prompts » ou notifications concernant la direction à prendre : rappelant à l’apprenant la direction qui doit être prise et qu’il a peut-être négligée. Par exemple, des notifications peu-vent indiquer à l’élève les actions à effectuer et celles qu’il a négligées.

- « heuristics » ou instructions sur la marche à suivre11: correspondant à des instructions qui vont suggérer à l’étudiant novice ce qu’il doit faire (Bonnat, 2017), et ce, de façon précise. - « scaffolds » ou soutiens structurants12 : fournissant la structure et /ou les données d’une

tâche précise, qui est hors de la portée de l’élève. Par exemple, les relations possibles entre des variables ou la structure d’une hypothèse peuvent être proposées.

- « Direct presentation of information » ou communication d’informations qui sont indispen-sables à la poursuite de la démarche et que l’étudiant n’a pas et ne peut pas obtenir seul. Ce cadre d’analyse peut être mis en relation avec celui développé par Quintana que nous présentons dans le paragraphe suivant.

III.2.2 Le cadre d’analyse développé par Quintana et

Fishman (Quintana & Fishman, 2006)

Quintana et Fishman (2006) proposent un cadre d’analyse des étayages dans les EIAH autour de

trois pôles :

- L’apport de sens (making sense) : l’EIAH offre des modèles dans des représentations ou

lan-gages différents accessibles aux novices, permettant de construire des liens entre ces

mo-dèles 13 (Bonnat, 2017).

- L’aide à la gestion de la démarche (process managment) : les novices ne connaissant pas la

nature des tâches et leur succession, il est possible de leur offrir une « structuration » de la tâche en indiquant les principales tâches de la démarche scientifique. Ainsi, il est possible de

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Traduction par Cédric d’Ham (2016).

12 Nous nous permettons de traduire le terme « scaffolds » par soutiens structurants car la description de ce type d’outils correspond à une proposition d’architecture de la tâche à réaliser à l’apprenant. Reiser (2004) a décrit que l’étayage pour les EIAH correspondait à un équilibre entre deux pôles : une structuration de la tâche et une complexification de la tâche, le premier fournissant un étayage de haut niveau tandis que le deuxième pôle proposant une tâche peu étayée.

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L’exemple donné par Quintana et Fishman (2006) est extrait du logiciel Model-It avec lequel les étudiants apprennent à construire des modèles. Ici, au lieu de donner immédiatement la relation mathématique entre la

choisir les tâches à établir par l’étudiant, les autres tâches ayant été indiquées. Ou bien, il est aussi possible de supprimer les tâches secondaires non nécessaires à l’apprentissage en au-tomatisant l’enregistrement du fichier, par exemple.

- L’aide à la mise en relation et à la réflexion (Scaffolding Reflection and Articulation) qui aide

dans la planification des tâches, compte tenu de ce qui a déjà été fait.

III.2.3 La mise en relation entre les deux cadres

théo-riques

Les deux cadres d’analyse ne se placent pas du même point de vue selon nous. En effet, il semble que Zacharia et al (2015) identifient des supports d’étayage mis en place par le concepteur de la

séance tandis que Quintana et Fishman (2006) , eux, établissent la fonction des supports d’étayage

lors de l’apprentissage.

Ainsi, la mise en relation entre les deux cadres théoriques peut être effectuée :

- L’apport de sens de Quintana et Fischman peut correspondre à des étayages où des modèles

sont présentés ; ces modèles peuvent être considérés comme une source d’informations in-dispensables à l’apprenant sans pour autant que celui-ci les possède, un guidage selon Za-charia et al.

- L’aide à la gestion de la démarche identifiée par Quintana et Fischman peut être apportée

par différents supports d’étayage. Par exemple, une réduction des procédures simplifie celles-ci, l’indication du niveau de performance donne des informations sur les étapes qu’il reste à accomplir ; de même, les notifications, précises ou non, fournissent des indications sur le chemin à suivre. De plus, en donnant l’architecture d’une tâche, la structuration fournit une aide à l’activité de l’apprenant dans l’accomplissement de cette tâche.

- Enfin, l’aide à la mise en relation et à la réflexion peut être réalisée lors de la présentation

d’un tableau de performances, de la prise en compte des notifications mais aussi de soutiens structurants.

Ainsi, le cadre d’analyse de Zacharia et al (2015) permet de définir des supports tandis que celui de

Quintana et Fischman (2006) offre une classification des fonctions des étayages, c’est-à-dire ce que

Le Tableau 2 ci-dessous permet de rendre compte des relations entre le cadre théorique de Quintana

et Fishman (2006) et celui de Zacharia et al (2015) en prenant ce dernier comme référence :

Tableau 2 : Correspondance entre le cadre d'analyse des étayages d'un EIAH de Zacharia (2015) et celui de Quintana (2006)

Cadre d’analyse de Zacharia et al. (2015) : Les supports d’étayages

Cadre d’analyse de Quintana et Fishman (2006) Les fonctions de l’étayage

« process contraint » ou réduction des procé-dures

L’aide à la gestion de la démarche (process ma-nagment)

« performance dashboard » ou indication du niveau de performance

L’aide à la mise en relation et à la réflexion (Scaf-folding Reflection and Articulation)

« prompts » ou notifications concernant la direc-tion à prendre

L’aide à la mise en relation et à la réflexion (Scaf-folding Reflection and Articulation)

L’aide à la gestion de la démarche (process ma-nagment)

« heuristics » ou instructions sur la marche à suivre

L’aide à la gestion de la démarche (process ma-nagment)

« scaffolds » ou soutiens structurants L’aide à la gestion de la démarche (process

ma-nagment) « Direct presentation of information » ou

com-munication L’apport de sens (making sense)

Enfin, ces supports d’étayages se traduisent par des modalités précises lors de leur mise en œuvre pendant les séances. Quelques une de ces modalités ont été identifiées par Saavedra (2015) lors de l’analyse de la séance d’enseignement à laquelle il avait assisté. Par exemple, il remarque que la tâche peut être décomposée en ses constituants, il peut y avoir modélisation ou les options dispo-nibles peuvent être réduites. Pour D’Ham (2016), les rétroactions embarqués dans l’EIAH correspon-dent à un étayage adaptatif et participent au caractère individualisant de l’étayage.

III.3. Bilan

Les EIAH sont conçus dans le but de soutenir un apprentissage (Tchounikine & Tricot, 2011). Or le concept d’étayage a été établi pour analyser la façon dont un tuteur peut soutenir un apprentissage. Ainsi, il est possible de prendre en compte la notion d’étayage pour analyser un EIAH. Pour caractéri-ser celui-ci dans le contexte scolaire, nous avions élaborée une grille dans le paragraphe précédent (Figure 2 , page 32), nous adaptons cette grille à l’étayage implémenté dans un EIAH.

Les étayages sont implémentés dans l’EIAH dès lors de sa conception par les développeurs qui « em-barquent » alors leurs conceptions (Tchounikine & Tricot, 2011). De plus, l’enseignant peut aussi jouer sur les étayages et leur niveau en modifiant des options lorsque cela est possible, et sa concep-tion de la démarche se traduira alors dans les étayages. La grille d’analyse de l’étayage des EIAH est présentée en Figure 3 : synthèse concernant le processus implémenté dans un EIAH, en page 40.

Figure 3: synthèse concernant le processus d'étayage implémenté dans un EIAH d’après (D’Ham, 2016; Quintana & Fishman, 2006; Reiser, 2004; Zacharia et al., 2015)

Décision de la mise en place de l’étayage

Lors de la conception de l’EIAH par les concep-teurs de l’EIAH, à partir de l’identification de difficultés sur un sujet

Activation, en classe seulement

Fonction de l’étayage auprès de l’élève

- Aspect cognitif et métacognitif : faire dire, faire faire ou faire comprendre en aidant à la réa-lisation de la tâche :

o L’apport de sens

o L’aide à la gestion de la dé-marche

o L’aide à la mise en relation et à la réflexion

Elaboration de l’étayage, lors de la conception de l’EIAH par les concepteurs et lors de la conception de la séance

par l’enseignant si l’EIAH le permet

En choisissant un support :

- réduction des procédures

- indication du niveau de performance - notifications concernant la marche à suivre - instructions sur la marche à suivre

- structuration

- communication d’informations

En choisissant les modalités de l’étayage :

Exemples : décomposition de la tâche en ses constituants, modélisation, restriction des options disponibles ….

En fonction du public auquel est destiné l’étayage

- Un apprenant - Un groupe

d’apprenants

En individualisant ou non :

- Adaptatif avec les

feedbacks

- Fixe

Programmation du désétayage Dans le temps : au cours de la séance, au cours de l’année scolaire, …

Dans l’espace : au sein de la classe.

Programmation du désétayage

Dans le temps

au cours de la séance, au cours de l’année scolaire, …