‐ Pour l’heure, ni la formation initiale dispensée par l’ENM, ni les formations
continues assurées par les organisations syndicales et par les Instituts du Travail ne
disposent de module de formation sur le respect de la laïcité, alors que la notion de
laïcité et son application aux acteurs de la Justice devraient y figurer en bonne place.
Chapitre 4 – Quelques questions sur les méta‐niveaux de la laïcité : la
capacité de (re)contextualisation des acteurs de la Justice
Louis‐Léon Christians
Présentation de l’auteur Louis‐Léon Christians est professeur ordinaire à l’Université catholique de Louvain où il est titulaire de la Chaire de droit des religions. Il est l’auteur de plus de 200 publications sur ce thème. Il est expert auprès de la Commission de Venise, du Conseil de l’Europe et des Nations‐Unies et membre de divers réseaux internationaux, dont le réseau UEFP7‐ RELIGARE (2010‐2013). De 1999 à 2012, il a été désigné par le Parlement belge comme un des huit membres experts du Centre fédéral belge d’information et d’avis sur les organisations sectaires nuisibles. De 2008 à 2011, il a été co‐président de la commission fédérale belge chargée auprès du Ministre belge de la Justice de la réforme de la législation sur les cultes et sur les organisations philosophiques non confessionnelles. En 2014, il a été désigné par le Parlement belge comme un des administrateurs du Centre interfédéral belge pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme et les discriminations. Email : LL.CHRISTIANS@UCLOUVAIN.BE; Site web : www.uclouvain.be/louis‐leon.christians Résumé La double posture de l’acteur judiciaire, en son office et en sa capacité citoyenne, redouble les tensions classiquement internes au concept de laïcité, entre Demos et Laos, entre Jus et Societas. Il ne suffit pas d’affirmer l’indépendance du juge et la souveraineté du droit, fut‐ce par une prestation de serment et d’autres techniques procédurales, pour lever toute question sur la portée, les enjeux et les risques de cette isomorphie. Il s’agit de mesurer la conscience qu’ont les acteurs de ces porosités du sens entre langage juridique et langage naturel, en ce compris philosophique ou politique et de vérifier comment s’opèrent des différentiations critiques. On en propose deux thématisations — culturelle et internationale — avant d’évoquer la nécessité de renforcer de nouveaux dispositifs de réflexivité pour les acteurs judiciaires confrontés à une imbrication sans précédent des horizons normatifs de la laïcité.
Si la laïcité est une caractéristique constitutionnelle de la République française et dispose donc de la plus haute légitimité normative, sa mise en œuvre est demeurée au cours du temps, et singulièrement depuis 1989, un enjeu de débats, d’incertitudes, d’évolutions législatives et judiciaires. Selon la règle d’interprétation de l’effet utile, le concept de laïcité doit avoir un sens spécifique qui puisse le démarquer d’autres concepts comme ceux d’impartialité ou de non‐ discrimination, ou encore de démocratie ou de république. Prétendre à un sens distinct induit cependant et par le fait même un risque de conflit de normes entre cette laïcité et les autres concepts majeurs du droit constitutionnel et du droit international.
Un second espace d’interprétation s’ouvre au moment de l’application des normes, à l’occasion de la qualification des faits175. Plus pragmatique, cet espace n’en est pas moins essentiel. Les débats
complexes relatifs aux crèches municipales, aux barbes étudiantes, aux statues de Papes ou aux peintures religieuses décorant les Palais de justice, en sont des indices quotidiens.
De tout cela, on ne s’étonnera pas. Toute mise en œuvre ouvre un espace d’incertitude. Les plus grands principes juridiques demeurent naturellement les plus incertains et ouverts : telle est précisément leur force.
Il reste que l’on a souvent tenté de caractériser cette laïcité elle‐même, et d’en suggérer les lignes de tension interprétative. Des propositions innombrables en ont résulté dans la doctrine juridique, en science politique, en sociologie ou en philosophie. Selon les uns ou les autres, la laïcité constitutionnelle apparaîtrait ouverte ou non, philosophique ou politique176, narrative ou juridique,
exclusive ou inclusive, active ou passive, de méconnaissance ou d’intelligence177 etc. Certains auteurs
et surtout quelques politiques ont estimé qu’aucune caractérisation n’était possible : le concept serait univoque et dès lors inqualifiable. Son évidence serait absolue.
175 On concentre ici l’attention sur les fonctions de la magistrature, et non sur celles de l’appareil policier.
176 Ainsi, l’enquête rapporte-t-elle, chez les avocats interrogés, un rapport à la laïcité qualifié de : juridique (38%), philosophique
(56%), hybride (30%). Chez les magistrats, juridique (57%), philosophique (43 %). Chez les auditeurs de justice, juridique (24%), philosophique (71 %), hybride (5%)… On remarquera que ce sont principalement les auditeurs de justice qui affirment avoir suivi une formation à la laïcité. On revient plus bas sur l’importance de s’interroger sur la conscience (ou non) « d’être face à du droit ».
177 J-P. WILLAIME., Le retour du religieux dans la sphère publique, Vers une laïcité de reconnaissance et de dialogue, éd. Olivétan
Avant même d’être substantiel, l’enjeu de ces débats est méthodologique. Il est en effet intéressant de voir comment s’imbriquent confusément divers niveaux de débats : débat de droit,
de lege lata, débat politique, de lege ferenda, débat de société, débat culturel, ou encore débat
scientifique. La littérature sociologique veille ainsi à distinguer la laïcité comme un concept se rapportant uniquement aux structures d’État, pour réserver le concept de « sécularisation » à certaines modifications propres à la société civile. Cet effort de distinction est rappelé par exemple par le sociologue Jean‐Paul Willaime, qui propose comme test et solution le paradigme réflexif d’une « laïcisation de la laïcité »178.
Face à cet entremêlement du débat citoyen et du débat juridique, la position des personnels de justice est en tout cas particulièrement sensible. C’est effectivement un enjeu majeur de voir les acteurs du pouvoir judiciaire (sensu lato) interrogés sur la signification d’un concept dont leur institution a, pour une part au moins, la charge de l’interprétation. La robe du juge rappelle la distance qui sépare l’acteur individuel du mandat qu’il exerce. Mais qu’en est‐il vraiment dans le déploiement des pratiques quotidiennes des acteurs ?
Le droit lui‐même distingue formellement diverses postures, qu’il s’agisse de responsabilité individuelle, de déontologie, de statut des magistrats, ou d’autre part, de l’autorité de leurs décisions juridictionnelles et des façons spécifiques de les contester, par voies de recours, etc. La doctrine s’est classiquement interrogée sur les exigences d’impartialité procédurale des juges, mais aussi sur le statut de leurs connaissances personnelles ou encore sur la portée, à leur égard, des faits notoires — que le juge pourrait invoquer de sa propre initiative au nom d’un savoir socialement « évident ».
Ces deux versants de l’acteur de justice, individuel et institutionnel, interagissent inéluctablement. À chacun de ces versants correspond en effet une définition contextuelle potentiellement différente de la « laïcité ». À ne pas y prêter attention, la porosité sociale des divers niveaux de débats publics entremêle alors des considérations juridiques et politiques, voire culturelles.
Comment l’acteur judiciaire gère‐t‐il ces osmoses conceptuelles ? Comment prend‐il distance et assure‐t‐il une approche vigilante des tensions qui s’y jouent précisément entre laïcité narrative et
laïcité juridique, voire entre les sept laïcités observées par Jean Baubérot179 ? C’est la question de la réflexivité qui est posée entre chacune des dimensions citoyennes et fonctionnelles de l’acteur de justice. À la capacité réflexive du concept de laïcité renvoie celle du juge lui‐même entre les deux postures qui le traversent. Remarquons qu’il ne s’agit pas simplement de reposer la « question du politique » dans la fonction de juger. En effet, c’est l’ambiguïté du concept juridique qu’est la laïcité qui crée précisément un espace légitime d’interprétation. Légitime dès lors qu’au lieu d’être tus ou tenus pour « évidents », les méta‐niveaux potentiels de la laïcité pourraient être discernés de façon explicite, argumentée en droit, par une motivation suffisamment transparente. Nous soulignerons ce défi des méta‐niveaux de la laïcité en nous interrogeant sur les capacités de réflexivité des acteurs judiciaires selon leur double posture : (I) comment l’acteur judiciaire articule‐ t‐il contexte social, cadre juridique et contexte propre à l’administration de la Justice, citoyenneté et mandat ? ; (II) comment l’acteur judiciaire articule‐t‐il les différents niveaux normatifs qui pourraient interagir avec ses interprétations au gré de recours potentiels, notamment européens et de droit international ? I. Laïcité de l’acteur judiciaire et méta‐niveau culturel Le premier méta‐niveau appelle ici peu de commentaires, tant ceux‐ci rejoignent rapidement la vaste question de la fonction de juger, alliant une prise en compte objective des faits et une impartialité dans leur qualification. À bien observer, l’idée de méta‐niveau viserait une exigence méthodologique spécifique : celle de mesurer l’écart entre les auto‐compréhensions des acteurs (parties, avocats, parquet et siège) et l’écart de chacun entre ses intentions et ses perceptions. Deux questions pourraient être adressées aux acteurs pour vérifier leur advertance face à ces écarts. Faites‐vous une distinction entre l’inscription spatiale de la Justice dans la Cité (y compris dans le Palais de justice, ses usages et procédures) et l’inscription de la laïcité dans la substance du droit matériel ? Les rapports entre laïcité et impartialité se jouent‐ils sans reste ? L’apparence du juge et la neutralité de la loi sont‐elles du même ressort ? Le serment judiciaire, et notamment celui qui est prêté à l’entrée en fonction, porte‐t‐il ou non la garantie normative de la transformation d’un citoyen‐
179 J. BAUBEROT, Les sept laïcités françaises: Le modèle français de laïcité n'existe pas, Paris, Éditions de la Maison des sciences
sujet en un magistrat‐oracle de la Loi ? D’autres ingrédients sont‐ils nécessaires pour garantir l’auto‐ diffraction du magistrat et du citoyen qu’il est ? La littérature est vaste sur ces questions, mais elles prennent ici une importance particulière car l’enjeu même du concept juridique est celui d’une capacité analogue de césure du magistrat.
Une seconde question porte sur l’effort de compréhension des dimensions potentiellement religieuses des faits exposés au juge. Jusqu’où peut aller cet effort interprétatif des usages et des doctrines religieuses qui éclairent et explicitent les réalités débattues ?180 Sans doute le droit
individuel au secret des convictions est‐il premier et rien ne viendrait justifier qu’un juge impute un trait religieux à une situation qui ne serait pas revendiquée comme telle. Ainsi le silence des convictions empêcherait‐il de qualifier un foulard d’islamique. Mais lorsque ce silence n’est pas opposé par les parties, la liberté de ces derniers de mettre en lumière des faits explicatifs de nature religieuse conduit le juge à un dilemme : ignorer un élément de contexte ou à l’inverse trop s’investir dans un débat d’expertise qui ne relève pas de sa compétence. Où est cette limite ? L’acteur social qu’est aussi le juge n’aurait‐il pas une opinion sur cela ? Face à ses connaissances personnelles ou à des auto‐compréhensions tenues pour notoires, comment conjoindre une méthodologie laïque de l’objectivation des faits et la laïcité du droit applicable ? L’analyse des intentions des parties, la reconstruction de leur propre perception du religieux, prend‐elle la mesure de la qualité des instruments cognitifs à disposition desdites parties ? Le rapport juridique à l’intention est‐il au contraire effacé ou suspendu au bénéfice des seules apparences ou d’une imputation superficiellement « attribuée » ? Comment l’acteur de Justice mesure‐t‐il, par exemple, la conscience des autres parties à la multiplicité de leurs rapports à la laïcité ? Ou écrase‐t‐il le tout dans une réalité tenue pour évidente ? Comment la façon dont le juge se rapporte, comme citoyen, à la laïcité influence‐t‐elle sa façon d’apprécier le rapport d’autres citoyens à la laïcité ? Envisage‐t‐il l’espace judiciaire comme spécifique ou non sur cette question ? II. Laïcité de l’acteur judiciaire et méta‐niveau international À ce qui vient d’être présenté comme un méta‐niveau « par le bas » des conceptions personnelles et contextuelles, s’adjoint un second méta‐niveau auquel nous souhaiterions nous attarder davantage.
180 Sur ces questions, voir aussi infra, Partie 1, titre 1, sous-titre 1 (Les acteurs de justice et la gestion du fait religieux : les
Ce second niveau tient à la plurivocité, sur le plan international, non seulement de la laïcité « à la française » mais aussi des référents proprement européens que sont le pluralisme et la diversité181.
Ici encore, notre accent ne porte pas tant sur les postures juridiques, substantielles et formelles, propres aux voies procédurales prévues par les droits nationaux et les instruments européens ou internationaux. Le statut plus ou moins contraignant des jurisprudences supérieures (réformation, cassation, statut des cours constitutionnelles, renvois préjudiciels, saisine d’une cour internationale, etc.) conduit le juge, au titre de son office, à donner une autorité définie, plus ou moins grande, à des décisions mettant à l’occasion en cause son prononcé, à l’issue de recours divers et variés. De ce premier point de vue, le concept de laïcité « à la française » est lui‐même soumis à un contrôle « de droit » et de compatibilité avec des instruments européens notamment, qu’il s’agisse de l’Union européenne ou du Conseil de l’Europe. Autant la sociologie ou la politique française laissent‐elles entendre que le génie français aurait conquis les travées de l’Europe et transfiguré juridiquement son lexique fondateur, autant les juges européens demeurent‐ils singulièrement plus prudents. De ce point de vue encore, on a pu être sensible à la façon extrêmement prudente par laquelle la Cour européenne des droits de l’Homme de Strasbourg évoque la laïcité française, principalement comme un usage national au même titre que la laïcité turque ou genevoise, ou d’autres singularismes nationaux182. Un usage français compatible avec les
principes européens mais qui ne se substituent pas pour autant à ces principes, ni n’en épuisent l’autonomie de sens183.
C’est un autre point de vue que l’on souhaite évoquer ici, à l’occasion du présent rapport. Il s’agit de mesurer, au‐delà des mécanismes juridiques formellement prévus, comment et combien les évolutions internationales et les débats conceptuels européens marquent la culture critique, voire citoyenne, des acteurs judiciaires nationaux. Les cadres internationaux, et les recadrages qui s’y jouent à propos du concept de laïcité, sont‐ils absents de tout arrière‐plan critique, aussi longtemps du moins que leur mise en œuvre n’a pas été activée formellement par tels recours ou tels dispositifs internes aux systèmes dont le juge est gardien ? Au‐delà de l’autorité classique (et modérée) prêtée aux jurisprudences de la Cour de Strasbourg, comment entrevoir et mesurer la
181 L-L. CHRISTIANS « La laïcité en droit européen comparé. Recherches et paradoxes », Transversalités (Paris), n° 91, 2004, pp.
25-53.
182 J-P. WILLAIME, « Les laïcités belge et française au défi de la laïcité européenne », in FORET FR. (ed.), Politique et religion en
France et en Belgique, Bruxelles, Éditions ULB, 2009, pp. 161-179.
naissance d’une conscience réellement cosmopolite et transnationale dans le chef des acteurs judiciaires ? D’abord sur le simple plan de la culture intellectuelle, savante ou citoyenne, et ensuite quant à la porosité entre cette culture du juge‐citoyen, et sa responsabilité institutionnelle.
La qualité et l’étendue de la motivation judiciaire nationale constituent, on le sait, une exigence croissante de la jurisprudence de Strasbourg. L’obligation pour le juge national de peser les intérêts en présence selon les différents niveaux juridiques impliqués devient un des cœurs de la jurisprudence de Strasbourg et de ses contrôles relatifs à la proportionnalité et à la marge d’appréciation. Cette vigilance nouvelle en faveur d’une dimension ouverte et réflexive de toute motivation relative à la laïcité, au gré d’une dimension internationale, n’est cependant pas seulement une exigence formelle de droit. Elle est aussi, et c’est ce que nous voulons souligner ici, une aptitude contextuelle et culturelle propre au citoyen qu’est par ailleurs l’acteur judiciaire. Un vaste projet de recherche européen184 s’est achevé récemment concernant l’effet socio‐culturel des arrêts de la Cour
européenne des droits de l’Homme, notamment dans les pays dont la langue n’est pas celle des arrêts. Il ne s’agissait donc pas de l’influence procédurale de ces arrêts comme telle, mais de la façon dont ils contribuaient à créer un arrière‐plan social de compréhension culturelle des questions de justice, de droits fondamentaux, de construction européenne des droits. Une compréhension dont on puisse mesurer ses effets mobilisateurs non seulement sur les acteurs de la société civile, mais aussi sur les acteurs judiciaires, en dehors même de leur posture technique. Une autre observation de l’importance de ce type de questionnement concerne l’étonnante façon dont les médias français, y compris des cénacles officiels, ont disqualifié le statut de la commission ONU des droits de l’Homme, organe majeur du droit international et des Nations‐Unies. On a lu des ricanements sur la bureaucratie onusienne, des mises en garde sur le parti‐pris des uns ou des autres, des craintes sur la composition de cet organe indépendant. On a forcé des étonnements quant à l’existence insoupçonnée de ce dispositif et multiplié les signes d’hésitations ou de commisérations sur l’intitulé exact des décisions adoptées par cet organe. L’ensemble de ces interventions avait en commun de forcer la référence au « droit » et d’y délégitimer toute mise en cause même symbolique de la laïcité française.
184 E. FOKAS, (dir.), Grassrootmobilize (ERC), Examining Grassroots Mobilisations in the Shadow of European Court of Human
Rights Religious Freedom Jurisprudence, http://grassrootsmobilise.eu/ Cfr. Par exemple E. FOKAS, et D. ANAGNOSTOU, « The “radiating effects” of the ECtHR on social mobilisations around religion and education in Europe: an analytical frame », Politics and Religion (2018); E. FOKAS, « The European Court of Human Rights at the Grassroots Level: who knows what about religion at the ECtHR, and to what effects? », Religion, State and Society (2017).
Il ne s’agit pas de contester les limites de l’autorité juridique formellement reconnue à cet organe des Nation‐Unies185. Il s’agit plutôt de s’interroger sur les façons dont le juge‐citoyen assume ces
différents jeux lexicaux entre un univers juridique formel qui tantôt ouvre, tantôt clôt une discussion, et d’autres espaces critiques et réflexifs que stimulent précisément les cénacles européens et internationaux. Comment l’acteur judiciaire appréhende‐t‐il les interrogations internationales adressées au concept de laïcité : en en prenant la mesure comme citoyen et observateur cultivé, ou en les disqualifiant comme idéologique ou comme inexistante en droit formel ? L’exercice ne serait certes pas identique selon que l’acteur judiciaire se pensera comme citoyen ou s’inscrira dans sa mission institutionnelle : mais comment mesurer, ici encore, la porosité de ces deux postures ? Une fois encore, la vertu formelle et schizophrénique du serment judiciaire suffit‐elle à répondre à ces questions ? Seul l’approfondissement d’une enquête auprès des acteurs peut en donner une mesure fine.
Conclusion : laïcité et réflexivité globale
Il semble important de ne pas laisser dans l’implicite et le non‐dit l’attention à ces divers méta‐ niveaux qui impactent les tensions inhérentes à la laïcité, tensions qui se jouent comme Janus dans le double‐chef de l’acteur judiciaire. Nous avons mentionné deux de ces niveaux, mais l’exercice et l’enquête peut se poursuivre au gré d’une prise au sérieux d’un tournant majeur de la pratique juridique contemporaine : celui de la globalisation du droit186. Ce phénomène de globalisation