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103 L’État du Pará affiche les taux les plus importants des six États concernés 57 , avec des

Dans le document Faire savoir et savoir-faire la biodiversité (Page 104-107)

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L’État du Pará affiche les taux les plus importants des six États concernés

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, avec des

augmentations de 131% pour les alertes et de 170% pour la déforestation à la même période :

six des dix municipes qui ont le plus déboisé l'Amazonie appartiennent à cet État. Araújo et al.

(2015) soulignent que l’État Pará compte cinq des dix aires protégées les plus déboisées en

Amazonie. En 2020, l’aire protégée de Triunfo do Xingu, les terres indigènes de Cachoeira

Seca, Ituna/Itatá et Apyterewa, ainsi que la forêt nationale de Jamanxim ont les surfaces de

déboisement les plus élevées de la région. Avec un territoire équivalent à plus de deux fois celui

de la France hexagonale, l'État du Pará est l’un des plus grands États du Brésil. L’exportation

de produits agricoles extraits de la forêt et l´exploitation minière sont parmi ses principales

activités économiques. Elles participent à accroître la déforestation en Amazonie. Les terres

indigènes situées dans le Pará n’arrivent pas à promouvoir une protection environnementale

satisfaisante.

Si la pandémie du Covid-19 est présentée comme un facteur aggravant, il faut rappeler que cette

tendance s’inscrit dans un processus documenté depuis plus de dix ans. En effet, bien que ces

zones soient juridiquement soumises à d’importantes restrictions d’utilisation, trois des cinq

aires protégées du Pará dont la perte de forêts primaires est la plus élevée entre 2009 et 2011,

sont classées en tant que terres indigènes. En 2013, avec près de 33,8% de la déforestation totale

de la région, le Pará est parmi les États brésiliens pour lesquels les surfaces déboisées sont les

plus élevées (IDESP, 2013). Plus encore, à partir de 2006, le Pará a affiché la contribution

annuelle la plus élevée à la déforestation de l’Amazonie, avec 57% en 2009, 54% en 2010 et

47% en 2011

58

. Aucun des autres États brésiliens n’avait eu une part de déforestation

représentant près de la moitié de tout le déboisement amazonien. Entre 2012 et 2014, l’État du

Pará a concentré 48% des principales aires protégées avec des taux de déboisement très élevés.

A la suite des mesures restrictives prises par le gouvernement fédéral pour diminuer le taux de

déboisement en Amazonie, l’État du Pará a décrété un Plan de prévention, de contrôle et de

fixation d’alternatives contre la déforestation (PPCAD-PA), avec un ensemble d’actions dont

l’objectif était de promouvoir la réduction de la déforestation en consolidant la protection des

zones forestières restantes

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. L'État du Pará fut parmi les territoires brésiliens précurseurs dans

57 La déforestation détectée en avril 2020 s'est produite au Pará (32 %), au Mato Grosso (26%), à Rondônia (19%), en Amazonas (18%), à Roraima (4%) et à Acre (1%).

58 BRASIL. Ministério do Meio Ambiente. (2013). Plano de Ação para prevenção e controle do desmatamento na Amazônia Legal (PPCDAm): 3a fase (2012-2015) pelo uso sustentável e conservação da Floresta. Brasília.

59 Decreto Estadual no 1.697, de 5 de junho de 2009. Institui o Plano de Prevenção, Controle e Alternativas ao Desmatamento do Estado do Pará, e dá outras providências. Diário Oficial do Estado do Pará. Belém, 2009. Disponible sur : https://www.semas.pa.gov.br. Consulté le : 15 juin 2017.

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l’adoption du registre environnemental rural, Cadastro ambiental rural (CAR). Le registre

environnemental rural est un registre électronique public des biens ruraux qui cherche à décrire

la situation environnementale, les zones de préservation permanentes, les réserves légales, les

surfaces de végétations indigènes encore présentes, les zones d'utilisation restreintes, ainsi que

les périmètres consolidés dans les propriétés et les possessions rurales. Sa création a pour

objectif d’apporter des avantages du point de vue du contrôle environnemental, car il contribue

à la consolidation d'une base de données pour la planification et le suivi des politiques de lutte

contre la déforestation.

Cependant, le contrôle des données enregistrées s’avère défaillant du fait de l’absence de

procédures de validation des informations fournies par le déclarant. En 2013, sur plus de cent

mille enregistrements couvrant près de 30 millions d’hectares de la forêt amazonienne, seuls

2% des enregistrements étaient définitifs contre 98% provisoires. En 2016, le CAR comptait

près de 20% de dossiers définitifs. Cet accroissement considérable en trois ans s’est

accompagné de nombreuses incohérences dont les causes sont à chercher dans des anomalies

géométriques et topologiques conduisant à des situations de superposition entre des zones

d’usage et d’occupation des sols juridiquement inconciliables : sur cent cinquante mille dossiers

analysés, il a été dénombré cent huit mille cas de chevauchements, dont quarante-huit mille

correspondent à 100% de la zone (Tupiassu et al., 2017). Plus encore, l’analyse géostatistique

du CAR révèle qu’il contient des enregistrements de surfaces qui sont égales, voire même

supérieures dans certains cas, à l’ensemble du territoire de la municipe. Les faiblesses

procédurales de ce registre sont largement exploitées à travers des mécanismes illégaux

d’appropriation du foncier et d’exploitation des ressources naturelles favorables à la

déforestation. En conséquence, si ce registre cristallise déjà de nombreux conflits

environnementaux au Brésil, son appropriation dans le cadre de la mise en œuvre de dispositifs

écofiscaux conduit à d’autres incohérences, dont des redistributions financières des revenus de

l’ICMS Écologique inéquitables entre les municipes.

L’Impôt sur la circulation des marchandises et certains services (ICMS) s’apparente à une taxe

sur la valeur ajoutée dont 25% des recettes doivent être partagées entre les municipes

60

. Cette

répartition s’insère dans la structure du fédéralisme fiscal brésilien. Depuis 1991, l’utilisation

de critères qualifiés d’écologiques dans les modalités de répartition des revenus de l’ICMS s’est

60 Constituição da República Federativa do Brasil, de 5 de outubro de 1988. Diário Oficial da União. Brasília, 1988. Disponible sur : http://www.planalto.gov.br, consulté le : 10 mai 2019.

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progressivement étendue à l’ensemble des États fédérés. L’ICMS écologique est présenté

comme l’une des expériences brésiliennes les plus réussies dans l’application de la fiscalité

pour l’amélioration de la qualité environnementale (Loureiro & Moura, 1996 ; Tupiassu, 2006).

Ce mécanisme fiscal permet de réorienter des revenus qui sont habituellement distribués sur la

base de critères économiques, en introduisant d’autres critères qui favorisent financièrement les

territoires administratifs des municipes pour leur politique de préservation environnementale,

telle que la conservation des aires protégées.

Une grande partie du montant transféré aux municipes selon les critères écologiques dépend de

l’existence d’aires protégées. Il s’agit du critère le plus commun dans la configuration de

l’ICMS écologique des États brésiliens. Cependant, la norme de l´État du Pará présente un

certain nombre de spécificités. Elle s’organise autour de cinq catégories d’aires protégées prises

en compte pour le partage des recettes fiscales : les zones de protection écologique intégrale ;

les terres indigènes ; les zones militaires ; les aires protégées de ressources naturelles gérées ;

et les terres des populations traditionnelles telles que les descendants d´esclaves, connus sous

l’appellation « quilombolas ». En effet, selon Nolte et al. (2013) et Nunes (2010) toutes les

catégories d’aires protégées contribuent à la réduction de la déforestation en Amazonie.

Toutefois, en raison de leur statut juridique particulier, les zones de protection intégrale et les

terres indigènes impliquent théoriquement un degré de restriction d’utilisation plus élevé que

celui appliqué à d’autres catégories d’aires protégées. Par exemple, les zones de protection

intégrale n’autorisent pas la présence humaine permanente, ce qui les rend peu attractives pour

l’exploitation économique. A contrario, les aires protégées de ressources naturelles gérées sont

beaucoup plus propices à l’installation de ce type d’activité. À cet égard, tant l’étude empirique

de Nolte et al. (2013) que celle effectuée par Nunes (2010), confirment que la protection de la

forêt amazonienne est plus efficace dans les zones de protection intégrale et dans les terres

indigènes que dans des zones protégées exploitables.

En s’appuyant sur ce constat, l’ICMS écologique mis en place au Pará avait fixé des

pondérations différentes en fonction du type de zone protégée. Les zones qui impliquaient une

plus grande restriction sur l’exploitation économique du territoire avaient un poids de 60%,

tandis que les zones qui permettent une exploitation durable acquéraient un poids de 40% dans

le calcul du montant transférable aux municipes (Tupiassu et al., 2019a ; Tupiassu et al.,

2019b). La mise en œuvre de l’ICMS écologique s’inscrivait dans la perspective d’y favoriser

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des activités durables. L’État a ainsi créé la Loi n.o 7.638, du 12 juillet 2012

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, qui a

institutionnalisé l’ajout de critères dits écologiques au calcul de la répartition des recettes de

l’ICMS aux municipes de l’État. Les taux des transferts selon les critères écologiques

s’élevaient de manière graduelle pour atteindre, en 2015, 8% du total des revenus de l’ICMS

transféré par l’État. Dans la pratique, le seul critère écologique qui avait été adopté par la loi

était la présence de zones de conservation environnementale comme les terrains indiens. Par le

décret n.º 775, publié le 26 juin 2013

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, le critère a été élargi aux zones protégées pour tenir

compte de la lutte contre la déforestation au sein des municipalités.

Au regard de ces apports institutionnels, la redistribution de 8% des recettes de l’ICMS

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