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L’épreuve de la première année

2. CHOISIR LA BIO-CHIMIE

2.5 L’épreuve de la première année

À la fin de la première année d’études, la situation se lit ainsi : 29 étudiantes sont toujours inscrites au programme dont six avec incertitude, huit ont changé de programme et cinq ont quitté l’école. Sans analyser de façon exhaustive le parcours et les impressions de chacune de ces étudiantes, il s’agit ici de retracer les grandes caractéristiques de ces étudiantes selon la catégorie du parcours scolaire.

Parmi les 29 étudiantes persévérantes, il y a 11/17 PDS dont trois hommes et 18/25 NPDS dont quatre hommes. À Fernand-Seguin, il y a 12 étudiantes sur 22 et à Frontenac 17/20. Ces données suggèrent que l’« effet collège » soit plus à considérer que les antécédents scolaires, ce qui reste à vérifier. Lors de la deuxième entrevue réalisée à la fin de leur première année, le dénominateur commun des impressions de chacune de ces 30 étudiantes concerne les difficultés rencontrées même s’il s’agit d’étudiantes persévérantes avec ou sans incertitude. Premièrement, ces difficultés sont d’ordre familial et personnel. Les difficultés familiales rencontrées durant l’année scolaire sont le lot de plusieurs d’entre elles : père malade ou décédé, parents séparés ou divorcés, parents peu compréhensifs, manifestant peu d’intérêt pour leurs études et menaçant même parfois _____________________________________

de couper les vivres suite à un conflit interpersonnel et non à de mauvais résultats scolaires. Les difficultés personnelles s’expriment surtout en termes de fatigue accumulée (la deuxième entrevue a été réalisée au cours du mois de mars), de maladie, de vie sentimentale chaotique, de stress et de manque de confiance en soi. Certaines d’entre elles expriment un sentiment d’infériorité à l’égard de leurs collègues. Ce manque de confiance en soi est vécu surtout en laboratoire, même si la lune de miel persiste entre elles et la biologie. Mais, lors de manipulations minutieuses à effectuer ou lors d’anesthésie, de dissection ou de castration (d’un rat), elles remettent leurs compétences en question voire même leur présence au sein du programme. Deuxièmement, elles déplorent toujours la charge de travail exigée au sein de ce programme. Outre les 35 heures de cours, elles sont nombreuses à affirmer qu’elles doivent fournir une vingtaine d’heures de travail scolaire par semaine, à la maison. Certaines d’entre elles sont exaspérées du peu de temps qu’elles peuvent accorder à leur vie sociale. Certaines ont même délibérément choisi de réaliser leur DEC en quatre ans plutôt que trois pour mieux apprécier la vie et avoir un rythme qu’elles jugent plus humain. Elles sont surprises de la quantité de départs et d’abandons scolaires au sein du programme, ce qui démontre, selon elles, que leur programme en bio-chimie est un programme difficile et qui contribue, d’une certaine façon, à leur stress. Les cours jugés plus difficiles sont ceux de chimie organique, mathématiques et physique. Enfin, troisièmement, plusieurs d’entre elles éprouvent des difficultés financières. Elles doivent alors concilier études et travail rémunéré ; ce qui exige beaucoup d’énergie et de temps et risque d’avoir des répercussions sur le fait de terminer en quatre ans plutôt que trois.

Malgré ces difficultés, elles persévèrent en se raccrochant surtout à l’espoir que le meilleur de leur technique est à venir, comme le disent les étudiantes des deuxième et troisième années. La première année a la réputation d’être la plus difficile et la plus « plate ». Cette interaction entre les étudiantes qui débutent la technique et les étudiantes des années supérieures semble avoir un impact positif sur la motivation des premières. Nonobstant le manque de confiance en elles, ces étudiantes se disent surtout méthodiques, méticuleuses, perfectionnistes et stratégiques dans l’organisation de leurs études ; qualités jugées nécessaires pour réussir au sein du programme. Un autre élément positif de leur persévérance est la relation avec les profs. Elles sont sensibles au regard de ces derniers et désirent leur approbation, leur encouragement ; ce qu’elles reçoivent généralement. Les profs jugés froids, distants et sévères sont présents, mais heureusement en petit nombre.

Parmi les huit étudiantes ayant changé de programme, il y en a six à Fernand-Seguin dont un homme et quatre PDS et deux à Frontenac dont une PDS. Dès la première session, ces étudiantes ne se sont pas senties à leur place en bio-chimie soit parce qu’elles ont constaté que le travail de laboratoire n’était pas fait pour elles, soit qu’elles avaient besoin davantage de contact humain dans leur futur boulot, soit parce qu’elles ont éprouvé de la difficulté dans certains cours dont surtout chimie et mathématiques. Quatre ont décidé de se réorienter vers un autre domaine des sciences et technologies : le double DEC Sciences de la nature et Sciences humaines, la géomatique, les soins infirmiers ou l’informatique. Parmi les quatre autres, une étudiante PDS a décidé de se tourner vers son premier choix, une technique d’éducation spécialisée, et ce, malgré les faibles taux de placement. Une autre étudiante PDS a éprouvé des difficultés d’adaptation à la vie urbaine, loin de son milieu familial et a trouvé le programme trop exigeant. Elle a donc décidé de retourner poursuivre ses études collégiales dans sa région, en musique, domaine qu’elle adore. Elle compte, par la suite, revenir en bio-chimie et, selon elle, ce sera plus facile puisque ses cours de formation générale seront effectués et ses sessions seront donc allégées.

Cinq étudiantes ont quitté leurs études : quatre NPDS et une PDS. Cette dernière blâme principalement l’école secondaire de ne pas préparer adéquatement les élèves à l’autonomie et la responsabilité exigées au cégep. La seule étudiante de Frontenac à avoir abandonné l’a fait pour pouvoir s’occuper d’un de ses enfants handicapé. Ces cinq étudiantes vivent sensiblement les mêmes difficultés que les étudiantes persévérantes à la différence que certaines d’entre elles ont échoué des cours tant de la formation générale que spécifique. Ces échecs ont entraîné des retards et l’impossibilité de reprendre, dès la session suivante, certains cours de la formation spécifique puisqu’ils ne s’offraient pas. Ces échecs n’expliquent pas tout puisqu’au moins deux persévérants ont eu aussi connu des échecs tant de la formation générale que spécifique, mais ont tout de même choisi de poursuivre leur programme. Sans en tirer la moindre conclusion, il est intéressant de constater qu’il s’agit de deux hommes.

En somme, bio-chimie est considéré et vécu comme un programme exigeant où la charge de travail est colossale. Selon les étudiantes rencontrées, pour réussir ce programme dans le temps prescrit, soit trois ans, il faut pratiquement renoncer à sa vie sociale. Celles qui persévèrent se raccrochent à leur rêve de travailler un jour en laboratoire, soit immédiatement après leurs études collégiales, soit après un voyage, soit après des études universitaires. Tant pour leurs études que pour leur future profession, ces étudiantes ne veulent pas réussir, elles veulent exceller surtout les PDS, c’est moins le cas des NPDS. Le changement de programme pour huit étudiantes a généralement occasionné une remise en question et la nécessité de rencontrer un orienteur. Elles ont vite pris conscience que bio-chimie n’était pas leur place. Sans toujours avoir une idée claire du nouveau programme où elles voulaient s’inscrire, elles savaient que le contact humain était plus important que ce que le laboratoire peut fournir. Enfin, pour les quatre étudiantes ayant abandonné leurs études, les échecs n’ont fait qu’amplifier les difficultés que vivent pratiquement toutes ces 42 étudiantes.