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L’émergence et l’analyse d’un enjeu d’acceptabilité sociale

3. LA GENÈSE D’UN ENJEU D’ACCEPTABILITÉ SOCIALE

3.1 L’émergence et l’analyse d’un enjeu d’acceptabilité sociale

La réalisation d’un projet ne s’accompagne pas systématiquement d’enjeux d’acceptabilité sociale. Certaines conditions doivent en effet être réunies pour provoquer des questionnements entourant l’acceptabilité du projet. Caron-Malenfant et Conraud (2009) expliquent qu’un enjeu d’acceptabilité sociale émerge lorsqu’un changement est introduit, que plusieurs intérêts sont présents, qu’il y a une possibilité de s'interroger sur plusieurs alternatives et que le projet capte l’attention d’une collectivité.

Concrètement, les auteurs mentionnent que l’introduction d’un changement est susceptible de provoquer une réaction liée aux impacts anticipés et à l’incertitude entourant le projet. À l’inverse, un projet qui n’entraîne pas de modification aux pratiques actuelles est peu susceptible de s’accompagner d’enjeux d’acceptabilité sociale. Également, la présence de plusieurs intérêts favorise l’émergence d’enjeux d’acceptabilité en raison de l’expression de plusieurs points de vue ou de critiques à l’égard du projet, provoquant alors des débats. De plus, la possibilité de s’interroger sur les choix à faire est centrale à l’émergence d’enjeux d’acceptabilité sociale. Effectivement, les auteurs expliquent que certaines décisions ne font pas l’objet de discussion. Par exemple, en cas d’urgence, certaines décisions doivent être prises et il n’y a pas lieu de mettre sur place des processus consultatifs pour justifier ces choix. Ainsi, un enjeu d’acceptabilité sociale implique que plusieurs alternatives peuvent être débattues. Enfin, un projet qui suscite un intérêt de la part de la collectivité est susceptible d’être soumis aux exigences de l’acceptabilité sociale. (Caron-Malenfant et Conraud, 2009)

Ainsi, l’acceptabilité sociale est intimement liée à l’introduction d’un changement devant faire l’objet de délibérations. L’acceptabilité sociale semble donc être le résultat d’une décision collective qui se déploie sur plusieurs niveaux d’analyse et fait appel à une diversité d’acteurs.

Fortin et Fournis (2015) proposent d’analyser l’acceptabilité sociale via les trois niveaux suivants : macro- économique, meso-politique et micro-social. Le niveau macro-économique réfère aux grands compromis sociaux qui reflètent les modèles de développement privilégiés par une société. Par exemple, historiquement, l’extraction de ressources primaires faisait partie du développement économique caractérisant le Québec et le Canada. Si ce type d’activité économique était auparavant accepté sans trop de questionnements, de nos jours, la place occupée par les ressources naturelles dans le développement

économique du pays est davantage critiquée et susceptible de générer de l’inacceptabilité sociale. L’appel à la notion d’intérêt général permet alors de faire ressortir de nouveaux arguments, notamment liés au partage du territoire ou encore à la préservation de la qualité de vie et des écosystèmes, lors des débats sociétaux. C’est au niveau meso-politique que ces grands débats se produisent. (Fortin et Fournis, 2015) En effet, le niveau meso-politique concerne les délibérations et les constructions de compromis et de règles qui permettent aux projets de se concrétiser. Plus précisément, il est question des arrangements politiques et administratifs qui assurent l’élaboration d’ententes entre les parties prenantes. Plutôt qu’un large compromis social, associé au niveau macro-économique, garantissant une certaine acceptabilité sociale, chaque projet doit être débattu au cas par cas par un éventail d’acteurs : industriels, syndicats, ministères, gouvernement, représentants économiques, populations locales, environnementalistes, autochtones, etc. Ces acteurs opposent leurs visions du progrès, confrontent les risques aux bénéfices et sont susceptibles de s’allier entre eux pour défendre ou contester un projet. On constate alors que les acteurs économiques ne peuvent plus légitimer un projet en faisant uniquement appel aux bénéfices économiques qu’il génère. Au contraire, les décisions se prennent collectivement, en fonction des valeurs et des intérêts d’une communauté. (Fortin et Fournis, 2015)

Enfin, le niveau micro-social fait l’analyse de l’acceptabilité sociale par le biais des processus d’interprétation et de construction de sens d’un projet par les communautés touchées par celui-ci. Il est donc question de la façon dont est perçu un projet dans un contexte territorial donné. C’est à ce niveau que se forge l’opinion des parties prenantes quant à la pertinence d’un projet, d’une activité ou d’une politique. (Fortin et Fournis, 2015)

La figure 3.1 résume ces trois niveaux d’analyse de l’acceptabilité sociale.

Figure 3.1 Niveaux d’analyse de l’acceptabilité sociale (tiré de : Fortin et Fournis, 2015)

Bref, cette analyse à trois niveaux fait ressortir le côté dynamique de l’acceptabilité sociale. Ainsi, les parties prenantes forgent plus ou moins individuellement leur opinion d’un projet. Cette opinion est ensuite débattue à un niveau plus large où les parties partageant des opinions similaires tendent à former des

• Processus de constitution de grands compromis sociaux nourrissant des modèles de développement et de structuration des économiques

Niveau macro-économique

• Processus de délibération et de formation des décisions légitimes et des règles du jeu, qui permet de concilier les diverses stratégies en présence et les grands conflits, sous la forme d'arrangements institutionnels

Niveau meso-politique

• Processus de coordination, d'interprétation sociale et de fabrication du sens par un individu ou un collectif à l'égard d'un objet (activités, projet, politique)

coalitions d’intérêts. Éventuellement, un compromis émerge et permet de privilégier certains modèles de développement qui s’inscrivent dans la vision commune du progrès ou de l’intérêt général d’une société, à un moment donné. À travers ces différents niveaux d’analyse, divers facteurs d’inacceptabilité sociale se manifestent. Ces derniers, présentés dans la section suivante, aident à mieux cerner ce qu’est l’acceptabilité sociale.