• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE I : Etude bibliographique

I.2.2.3. L’électrode négative

L’utilisation du lithium métal en tant que matériau d’électrode négative est limitée par sa forte

réactivité à l’air, à l’eau et à divers produits organiques. En contact avec ces différents

éléments, la surface du lithium se passive. En particulier, en contact avec un électrolyte

organique, une couche de passivation appelée « Solid Electrolyte Interphase » (SEI, pour

« Interphase Solide-Electrolyte » en français) se forme à l’interface entre le lithium métal et

l’électrolyte

60

. Cette couche chimiquement stable, formée de produits de dégradation des

solvants d’électrolyte, du sel de lithium utilisé ou encore des impuretés en présence, est

35

conductrice ionique, mais isolante électronique. La SEI inhibe la réactivité entre le lithium

métal et l’électrolyte mais conduit à une augmentation, plus ou moins importante, selon sa

nature et son épaisseur, de la résistance interne de la cellule ou encore à une surconsommation

de lithium (formation d’une mousse de lithium

15,21

). La durée de vie de la batterie en est

fortement impactée si sa croissance n’est pas maîtrisée

61

.

Enfin au cours de la charge, la formation de dendrites de lithium conduit à l’apparition de

court-circuits internes, si celles-ci viennent à transpercer le séparateur

62,63

. En effet, le lithium

métal ne se dépose pas uniformément à la surface de l’électrode mais sous forme

d’électrodépôts hétérogènes appelées dendrites

62

. Cependant, d’après certains auteurs

64

, il est à

noter que les polysulfures des batteries Li/S ont la particularité de réagir avec le lithium, et donc

avec les dendrites, limitant ainsi leur formation. Toutefois, les fortes densités de courant liées à

l’utilisation de soufre favorisent la croissance des dendrites et en font un des verrous majeurs

de la technologie Li/S.

Le paragraphe suivant résume les principales avancées et stratégies d’amélioration du système

proposées dans la littérature.

I.2.3. Stratégies d’amélioration de la technologie Li/S

I.2.3.1. L’électrolyte

Le choix de la nature de l’électrolyte est crucial pour la technologie Li/S puisqu’une partie du

mécanisme se déroule à l’état soluble. La solubilisation de la matière active est donc

indispensable au fonctionnement du système

65,66

. Il s’avère cependant que ces polysulfures de

lithium sont très réactifs, en particulier de par la présence de radicaux de type S

3•- 67–70

. De ce

fait, l’utilisation des carbonates (éthylène carbonate, propylène carbonate, diméthyle

carbonate…), solvants classiques des électrolytes de batteries Li-ion

71

, n’est pas possible

56,72

.

De plus, la réactivité des polysulfures vis-à-vis du lithium métal impacte fortement les

performances de ces systèmes

73

. De nombreuses études operando démontrent l’influence non

négligeable du/des solvant(s) d’électrolyte sur le comportement des polysulfures et donc sur le

mécanisme de fonctionnement

30,74,75

.

36

Ainsi, le choix s’est tourné vers des électrolytes à base de solvants de type éther dont les

propriétés (nombre donneur, constante diélectrique, viscosité) favorisent la dissociation, la

solvatation et la mobilité des polysulfures tout en permettant une passivation du lithium métal.

La majeure partie des compositions d’électrolyte retenues consiste en un mélange de plusieurs

solvants, les plus classiques restant le mélange équivolumique de 1,3 dioxolane (DOL ou

DIOX) et du tétraéthylène glycol diméthyle éther (TEGDME)

29,57

ou de 1,3 dioxolane et

diméthoxyéthane (DME)

70,76–79

. De manière générale, la famille des solvants de type éther a

beaucoup été étudiée comme base des électrolytes pour systèmes Li/S, autres que les solvants

susmentionnés, citons par exemple le polyéthylène glycol diméthyle éther (PEGDME) ou le

diéthylène glycol diméthyle éther (DEGDME)

56,69,80

. D’autres solvants comme le sulfolane

81,82

,

le tétrahydrofurane (THF)

78,83,84

, ou la diméthyleformamide (DMF)

70,78,85

ont été envisagés

avec des succès cependant modérés. D’autres solutions ont également été proposées,

principalement afin de contrôler la diffusion des polysulfures dans la cellule, comme les

électrolytes polymères

86

, les liquides ioniques

87

, les électrolytes solides de type Li

2

S-P

2

S

588,89

ou encore les électrolytes liquides concentrés en sel de lithium

16,90

.

Côté sels de lithium, le sel le plus couramment utilisé reste le

bis(trifluorométhylsulfonyl)imidure de lithium (LiTFSI) en raison de sa bonne conductivité

ionique, sa stabilité chimique et thermique et sa tenue en potentiel sur la gamme utilisée (1,5 –

3,6 V vs Li

+

/Li) permettant de prévenir la corrosion du collecteur aluminium

56,80

. Plus

ponctuellement, quelques études rapportent l’utilisation de perchlorate de lithium, LiClO

430,91

,

ou de trifluorométhyle-4,5-dicyanoimidazole de lithium (LiTDI)

92

.

Enfin, de nombreux additifs d’électrolyte ont été envisagés, citons le pentasulfure de

diphosphore (P

2

S

5

) sensé ralentir la précipitation de Li

2

S en fin de décharge et donc prévenir la

passivation de l’électrode positive

93,94

, l’iodure de lithium (LiI) qui permettrait quant à lui

d’activer Li

2

S

95

, ou encore le désormais très utilisé nitrate de lithium (LiNO

3

), utilisé

abondamment pour stabiliser la surface du lithium métal et empêcher la navette rédox

57,96,97

.

I.2.3.2. L’électrode positive

La majeure partie du travail concernant les batteries Li/S concernent le développement de

l’électrode positive afin de contrôler la diffusion des polysulfures, pallier la faible conduction

électronique du soufre et du Li

2

S ou encore limiter l’autodécharge. Aussi, de très nombreux

37

articles décrivent le confinement de la matière active dans des structures poreuses carbonées

comme étant la solution la plus prometteuse pour remédier simultanément à la mauvaise

conduction électronique et à la diffusion des polysulfures en solution

99–104

. Plus marginalement,

quelques équipes envisagent l’étude de l’influence du liant polymère ou encore celle du

collecteur de courant

103–105

.

Les premiers composites carbone/soufre ont été proposés en 2003 par Wang et al.

106

avec une

structure microporeuse, suivis par l’équipe de Nazar en 2009 avec le CMK-3, carbone

mésoporeux imprégné de soufre

100

. Cette stratégie a l’avantage d’utiliser une structure carbonée

simple, et continue ainsi d’être largement étudiée. Elle permet de fournir une percolation

électronique optimisée avec un contact intime entre le carbone et la matière active soufrée, tout

en jouant sur les propriétés d’adsorption des polysulfures par le carbone pour limiter leur

diffusion dans l’électrolyte. De nombreux carbones poreux et hiérarchiquement ordonnés

(HOPC) ont été envisagés, comme les carbones microporeux (taille de pores < 2 nm

107–109

),

mésoporeux (2 < taille de pores < 50 nm), les plus utilisés

85,100,110–114

, ou une combinaison de

deux voire trois ou quatre tailles de pores afin de tirer l’avantage de chacune (confinement de

la matière active, barrière aux polysulfures, percolation électronique et ionique, capacité…)

115–

117

. D’autres structures, plus complexes, ont également été envisagées, comme des structures

creuses à base de nanotubes de carbone (CNT)

111,118–120

, de nanofils de carbone

48,121,122

, de

nanosphères

123

, de nanotubes dans des nanosphères de carbone

111

ou encore de structure en

jaune d’œufs (yolk-shell en anglais) permettant d’accommoder l’expansion volumique en

décharge tout en conservant une bonne réversibilité, et ce même à haut régime de cyclage

53,124

.

Cependant, même si ces structures bénéficient des propriétés d’adsorption des polysulfures par

le carbone avec une augmentation significative de la surface développée, leur complexité

toujours plus grande démontre qu’il parait peu envisageable de les développer à grande échelle

pour une éventuelle industrialisation.

L’utilisation de graphène s’est également largement répandue du fait de sa forte adsorption des

polysulfures

48,110,123,125–128

. Bien que le graphène soit très coûteux, l’ingéniosité des chercheurs

ne semble avoir aucune limite puisque des structures 3D, de plus en plus complexes et peu

réalistes industriellement parlant, sont imaginées : nid de fourmis

129

, nanocages, nanocubes ou

éponge de carbone

130–133

, carbone aux mésopores cylindriques et gyroïdaux

134

ou bien mousses

de sphères creuses dans des sphères creuses

135

.

38

Mis à part le carbone, d’autres matériaux présentant de meilleures propriétés d’adsorption des

polysulfures ont été envisagés comme structures hôtes du soufre, matériaux ayant fait l’objet

d’une étude par Cuisinier et al.

50

: citons par exemple les réseaux métallo-organiques (MOF)

136

ou encore le TiO

2129,130

. D’autres stratégies consistent en l’incorporation d’additifs dans

l’électrode positive comme le SiO

220

ou les bleus de Prusse

140

; ou le dopage de carbones poreux

(CNT, graphène…)

141–143

.

Plus en marge, la nature du liant polymère a été une des pistes d’amélioration de l’électrode

positive. Lacey et al.

144

montre par exemple l’effet de rétention des polysulfures du

polyvinylpyrrolidone (PVP) en mélange avec le poly(oxyde d'éthylène) (PEO), grâce aux

interactions des groupements de surface N - C = O de la PVP avec les polysulfures.

Un autre paramètre clé lié à l’élaboration de l’électrode positive consiste en l’utilisation de

collecteur de courant carboné. Ces derniers promettent une amélioration des performances

grâce à une structure 3D, offrant à la fois une surface développée plus grande qu’un feuillard

d’aluminium (électrodépôt de Li

2

S en fin de décharge plus important, réseau percolant

amélioré) mais également un réservoir d’électrolyte plus grand et donc une grande surface de

contact électrolyte/matière active ; citons par exemple les feutres de fibres de carbone non

tissées (NwC pour « Non Woven Carbon »)

105

, les tapis de nanotubes de carbone non alignés

118

ou alignés

145

ou encore les carbones possédant un réseau 3D de pores

115,117

.

I.2.3.3. L’électrode négative

Comme discuté au paragraphe I.2.2.3, le principal obstacle relatif à l’électrode négative est

l’utilisation de lithium métallique engendrant des problèmes de sécurité dus à la formation de

dendrites en cyclage mais également des problèmes de cyclabilité dus à sa réaction avec les

polysulfures et à la formation de mousse de lithium en charge

21

.

De nombreux travaux de recherche se penchent sur le ralentissement voire la suppression des

phénomènes de germination et croissance des dendrites de lithium en proposant par exemple

l’utilisation d’électrolytes polymères

146,147

, d’électrolytes solides

88,89

, d’électrolytes de type

« solvent-in-salts »

13

ou encore des dépôts inorganiques sur la surface du lithium comme des

demi nanosphères creuses de carbone reliées entre elles

61

. Une des solutions les plus employées

est l’ajout dans l’électrolyte de LiNO

3

, notamment pour protéger le lithium en formant une SEI

39

peu résistive et stable, et ainsi empêcher la navette rédox

11,96,97

. Quelques équipes utilisent des

membranes insérées au niveau du séparateur limitant la diffusion des polysulfures, , comme

une membrane tricouche graphène/polypropylène/Al

2

O

3148

ou un film de nanotubes de

polypyrole

149

. Récemment, Chen et al.

10

ont démontré l’efficacité d’une couche de protection

de polymère hybride (organique/inorganique) d’alkoxyde d’aluminium (alucone).

Toutes ces solutions ont cependant des résultats mitigés notamment du fait des changements

volumiques de l’électrode de lithium en cyclage

21

. Au prix d’une capacité plus faible, une

solution alternative consiste à supprimer l’utilisation de lithium métal en ajoutant la source de

lithium par d’autres moyens comme : la prélithiation in-situ d’une électrode négative de

graphite ou silicium

150–152

ou l’utilisation d’une électrode positive déjà lithiée grâce à l’emploi

du sulfure de lithium, Li

2

S.

Documents relatifs