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CHAPITRE I : RECENSION DES ÉCRITS ET PROBLÉMATIQUE

1.1 LA DÉLINQUANCE DES FILLES ET LA DÉLINQUANCE DES GARÇONS

1.1.5 L’approche des facteurs de risque

1.1.5.3 L’école et le quartier

Il est bien connu que l’école joue un rôle important dans la vie de l’enfant. Entre autres, il a été montré qu’un faible attachement scolaire augmente la probabilité que l’enfant s’adonne à des activités délinquantes (Sprott et coll., 2000). Aux fins de leur étude, Sprott et ses collaborateurs (2000) ont élargi la définition d’attachement afin d’y inclure certaines mesures de rendement scolaire (le jeune fait ses devoirs et, à ses yeux, il est important d’avoir de bonnes notes), ainsi que des sentiments éprouvés à l’égard de l’école, dont l’appartenance scolaire, le sentiment de sécurité et le fait que le vécu scolaire soit positif ou non. Les auteurs confirment l’hypothèse qu’une expérience positive à l’école peut contribuer à préserver le jeune des événements désagréables ou difficiles de la vie et que, bien que le rendement soit important à cet égard, le sentiment d’appartenance à l’école et une interaction sociale positive sont tout aussi nécessaires. Cela étant, les politiques de « tolérance zéro »2, par exemple, risquent d’être contre-

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Le concept de « tolérance zéro » trouve son origine au milieu des années 1980 dans la politique fédérale américaine sur les drogues. La méthode consistait à envoyer le message que certains comportements ne seraient pas tolérés, en punissant systématiquement toute offense, si infime soit- elle. Gagnant en popularité dans l’imaginaire collectif, ce concept s’est étendu à une variété de comportements (vitesse et alcool au volant, déchets environnementaux, etc.). C’est ainsi, qu’à la fin des années 1980, ce concept faisait son entrée dans les écoles de la Californie, de New-York et du Kentucky. Dès lors, des élèves étaient expulsés pour des motifs liés à la drogue, aux batailles, aux armes ainsi qu’aux gangs de rue. En 1993, la majorité des écoles américaines avaient intégré à leurs politiques le concept de « tolérance zéro ». Ces politiques locales de « tolérance zéro » adoptées par les écoles américaines vont bien au delà des comportements visés au départ. Certaines incluent les sacres, l’absentéisme, l’insubordination, le manque de respect et le manquement au code vestimentaire. Au Québec, les directions d’écoles ont aussi adopté une politique de « tolérance zéro » concernant l’usage ou la possession de drogues à l’école. Cette politique permet aux directeurs d’école d’imposer une sanction disciplinaire (suspension ou expulsion) à l’élève et, si les forces policières sont sollicitées, des accusations criminelles peuvent être portées contre le jeune en vertu de la Loi et

productives pour les jeunes, en ce sens que les politiques visant l’isolement ou le retrait complet de l’élève contrecarrent, d’une part, l’importance accordée au lien d’attachement du jeune envers l’école et aux interactions sociales positives dans la prévention de comportements antisociaux (Sprott et coll., 2000). D’autre part, un certain nombre d’élèves suspendus ou expulsés se retrouvent dans la rue parce qu’ils ont été exclus de l’école, ce qui peut provoquer l’augmentation de la délinquance (Skiba, 2010). Pour l’élève expulsé de l’école et qui doit être scolarisé ailleurs, l’intervention ne fait souvent que déplacer le problème puisqu’elle n’est pas faite dans une perspective d’éducation. Plus encore, la suspension et l’expulsion nuisent à la réussite scolaire de l’élève (Skiba et Raush, 2006). Ainsi, le retard et l’échec scolaires, une motivation et un sentiment de compétence faibles, des aspirations scolaires peu élevées, des problèmes d’agressivité et d’indiscipline, l’absentéisme et un faible investissement dans les activités scolaires et parascolaires sont autant des facteurs de risque reconnus comme pouvant conduire au développement de comportements délinquants (Le Blanc, 2003) et, à long terme, favorise le décrochage (Bowditch, 1993).

La croyance populaire véhicule l’idée qu’a priori l’abandon scolaire exerce un effet négatif sur la conduite délictueuse. Il semble néanmoins difficile d’affirmer que le décrochage soit à l’origine des problèmes. S’il est fort probable que ce soit le cas pour certains jeunes, dans certains contextes, Vitaro et Gagnon (2000) soutiennent que les liens observés entre le décrochage et les problèmes ultérieurs d’adaptation peuvent être le prolongement de problèmes antérieurs d’adaptation comme l’échec scolaire, l’isolement social ou la manifestation de troubles de comportement. Dans certains cas, selon Fréchette et Le Blanc (1987), l’abandon scolaire entraînerait même parfois une réduction de la délinquance. Les auteurs précisent toutefois que, dans ce cas, l’accès au travail doit être considéré comme une source prioritaire de motivation et d’intégration sociale.

Finalement, parmi les facteurs de risque pouvant conduire à l’adoption de comportements délinquants associés au quartier, mentionnons la pauvreté, la désorganisation du milieu communautaire, la forte concentration d’adultes impliqués

dans des activités criminelles et la facilité d’y obtenir des drogues (Loeber et Farrington, 1998).

Afin d’illustrer nos propos et d’offrir une vision globale des facteurs de risque liés à la criminalité, nous avons retenu le modèle proposé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui fait la promotion d’une approche dite écologique en vue de comprendre les facteurs de risque liés à la criminalité et à la délinquance (Krug et coll., 2002).

Modèle écologique des facteurs de risque liés à la criminalité et à la délinquance Sociétal Communautaire Relationnel Individuel  Inégalité économique et de genre  Normes encourageant la violence  Politiques telle l’expulsion de l’école  Nombre réduit de poursuites contre les contrevenants  Concentration de pauvreté  Chômage  Taux élevé de criminalité et de délinquance  Forte mobilité résidentielle  Forte densité urbaine  Disponibilité des drogues, armes, pawn shops  Peu de services notamment pour les victimes  Habiletés parentales déficientes

 Violence entre parents  Manque de supervision parentale / contrôle excessif  Niveau socio- économique défavorisé  Pairs délinquants  Pairs consommateurs de substances psychoactives  Adultes modèles déviants  Problème de discipline à l’école  Peu d’attachement vis-à-vis de l’école  Manque d’estime de soi  Peu de contrôle de soi

 Méfiance envers les figures d’autorité  Rejet des normes

sociales

 Regard sombre sur la vie  Manque de sentiment d’appartenance  Recherche d’aventure, de sensations fortes, de plaisir, d’oubli  Antécédents de violence, abus d’alcool ou de drogues

Cette figure qui s’inspire du modèle établi par l’OMS inclut également des facteurs de risque que l’on retrouve dans d’autres tableaux notamment celui conçu par Cousineau (2007) présentant des facteurs de risque associés plus largement à l’ensemble des jeunes en difficulté.

Le modèle ainsi conçu suggère que les individus ne sont pas seulement affectés par leurs caractéristiques et leur histoire personnelle, mais également par celles des personnes vivant dans leur environnement immédiat, en particulier les membres de la famille et les pairs, ainsi que par la communauté élargie et la société en général. À chacun de ces niveaux, des facteurs de risque existent. Quand les facteurs de risque présents aux différents niveaux interagissent, la probabilité de criminalité augmente (Krug et coll., 2002). Toutefois, la présence de facteurs de risque n’entraîne pas systématiquement une personne dans la délinquance; à l’inverse, l’absence de facteurs de risque n’est pas garante d’une vie suivant les normes et les règles en vigueur (Sprott et coll., 2001a).

En 1994, Moffitt publie un texte dans lequel elle défend la thèse selon laquelle le modèle théorique taxinomique explique autant les comportements des filles que ceux des garçons. Ce modèle propose que la différence entre le taux de criminalité observé chez les filles et celui observé chez les garçons est « tributaire des différences sexuelles observées sur les facteurs de risque propres à la trajectoire développementale des conduites antisociales précoces et persistantes » (Moffitt, 1994 : 39). Autrement dit, les fillettes courent moins de risque que les jeunes garçons de développer des conduites antisociales persistant jusqu’à l’âge adulte. Notamment, comparativement aux garçons, elles seraient moins nombreuses à développer des problèmes d’apprentissage et de lecture, de même que des problèmes de comportement ou d’hyperactivité. En conséquence, selon Moffitt et Capsi (2006), les relations appauvries et perturbées entre l’enfant et son environnement seraient moins fréquentes chez les filles que chez les garçons.

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