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libre de la part de lřouvrier ? Elle ne lřest pas puisquřil est obligé de lřaccepter sous peine de la vie, réduit comme il lřest à nřattendre sa nourriture de cha que jour que de son travail

Dans le document La loyauté dans les rapports de travail (Page 91-94)

315Et l’application « de celui de l'erreur sur la personne ou du dol, en particulier » (G. COUTURIER, Droit du travail, t. 1, 2ème éd. n° 71).

316Civ. 6 juillet 1931, D.P. 1931. 1. 131, note P. PIC, Grands arrêts, n° 1 (« la dépendance économique de la personne», ou le fait qu’il s’agisse de «travailleurs économiquement faibles et placés sous la dépendance économique de la personne qui les emploie» n’emporte aucune conséquence).

317Il faudra compter en effet avec l’obligation de renseignement qui pèse exclusivement sur lui, l’interdiction

des questions ou des mesures discriminatoires, de même que les conséquences induites du droit au respect de la

vie privée (tel le droit au mensonge de la candidate à l’emploi en état de grossesse) etc. Autant d’éléments qui

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de la veille... lřouvrier se présente comme le descendant direct de lřesclave ou du serf...

Dans cet asservissement légal, il ne peut subsister quřaux conditions qui lui sont imposées

par une classe peu nombreuse, celle des hommes quřune législation, fille du droit de

conquête, investit du monopole des richesses, cřest-à-dire du droit de disposer à son gré, et

même dans lřoisiveté, des instruments de travail »

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. Nous l’avons dit, la convention de

travail est indispensable dans les sociétés modernes, spécialement celles qui connaissent

l’opposition capital Ŕ travail.

120. Outre le déni d’une domination économique et d’une supériorité de fait de l’employeur

sur son contractant au stade de la formation du louage, la Cour de cassation niera tout aussi

fermement l’exercice du pouvoir dans le cadre de l’exécution contractuelle.

II :

L

E DENI DU POUVOIR A L

EXECUTION DU CONTRAT

121. Les jurisprudences mises en œuvre démontrent l’absence de la prise en compte d’un

pouvoir unilatéral et arbitraire dans la relation conventionnelle de travail (A). Ce

phénomène regrettable est d’autant plus stupéfiant qu’il s’agit d’un pouvoir susceptible

d’irradier l’ensemble de la relation contractuelle (B).

A. Un pouvoir présumé contractuel

122. Au sujet de l’exercice d’une autorité par l’employeur à l’égard de ses employés, de fortes

oppositions, là encore, s’établirent entre les décisions des juges de première instance et les

solutions dégagées par les magistrats de la Cour de cassation. Les pouvoirs réglementaires

et disciplinaires, bien que non formulés en ces termes, furent les premiers concernés.

123. De la moitié du XIX

ème

siècle jusqu’en 1890, par ses seules décisions, «la Cour de

cassation parvint à neutraliser le bilatéralisme des contrats pour imposer une conception

unilatérale du pouvoir dans l'entreprise »

319

. Le célèbre arrêt dit « des Sabots » rendu en

318 S.-A. BAZARD, Doctrine de Saint-Simon, 1, p. 75.

319 A. COTTEREAU, Droit et bon droit. Un droit des ouvriers instauré puis évincé par le droit du travail (France, XIXème siècle), Annales Hist. Sc. soc., 2002, vol. 57, p. 1554 (Cette décision se révèlera en ce sens le signe avant-coureur d’une véritable « disjonction entre droit et bon droit »).

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1866 en est sans doute la plus belle illustration

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, de même qu’il constituera un «tournant

historique »

321

en la matière. Rappelons-en les faits. Les propriétaires d’une fabrique de

tapis avaient fait afficher à l’entrée de leurs ateliers un règlement interdisant, entres autres,

aux ouvriers d’y pénétrer avec des sabots, sous peine d’une amende de 10 francs. Mme

Juillard ayant contrevenu, il avait été retenu la somme sur son salaire. Le Conseil de

Prud’hommes saisi de l’affaire

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avait reconnu aux employeurs « un droit de fixer, par un

règlement de police intérieure, les conditions du travail dans leurs ateliers ». En

application des articles 1226

323

et 1229

324

du Code civil, il acceptait même que ceux-ci

puissent « imposer

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des clauses pénales, en cas dřinexécution des conventions résultant

du règlement». Pour autant, les magistrats, s’appuyant sur l’article 1231 C.civ.

326

« qui

arme le juge du droit de modifier la peine lorsque lřexécution principale a été exécutée en

partie», avaient réduit à 50 centimes l’amende, notant au passage que «lřamende fixée

[…] est dřune exagération évidente, puisquřelle représente près de la moitié du salaire de

la femme Juillard pendant un mois ». Ils évoquaient également la nécessité d’un contrôle a

priori de tout règlement intérieur

327

. Les magistrats motivaient par ailleurs de manière

320 Civ. 14 fèv. 1866, D. 1866, I, 84 ; RDT 2006, 29, obs. N. OLSZAK. Il est intéressant de relever qu’en dépit de l’ancienneté de l’apparition du règlement, bien antérieure à l’essor des grandes entreprises industrielles, sa reconnaissance juridique, et l’allocation d’une qualification (ici strictement contractuelle), est non seulement tardive, mais le fait du juge judiciaire. Dès le XVIIIème siècle, F. Hodern relève que « le patron a pris lřhabitude dřétablir un règlement qui sřapplique à tous les ouvriers. Au XIXèmesiècle on lřappelle très souvent règlement dřatelier, mais lřon trouve aussi règlement de police et souvent tout simplement le mot règlement » (F. HODERN, Le règlement dřatelier au XIXème siècle, cahier n°3 de l’Institut régional du travail de l’Université d’Aix-Marseille II, 1991), sa reconnaissance juridique, et l’allocation d’une qualification (ici strictement

contractuelle).

321 A. COTTEREAU, Les prud'hommes XIXème-XXème siècle, Le Mouvement social, octobre- décembre 1987, n° 141, Paris, Les Editions Ouvrières, p. 55.

322 Aubusson, 10 mai 1964.

323 « La clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution ».

324 « La clause pénale est la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l'inexécution de l'obligation principale. Il ne peut demander en même temps le principal et la peine, à moins qu'elle n'ait été stipulée pour le simple retard ».

325Le terme utilisé relativement à la présence d’une telle clause renseigne tant sur la lucidité de ces magistrats,

que sur leur évident scepticisme, ou ignorance, vis-à-vis de la théorie de l’autonomie de la volonté, selon laquelle le contrat n’est nécessairement que le résultat des volontés concordantes des parties.

326 « Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la peine convenue peut, même d'office, être diminuée par le juge à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'article 1152. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite ».

327 « Tout règlement intérieur de fabrique devrait être soumis, avant sa publication, au contrôle des Prudřhommes, et un exemplaire signé du fabricant, déposé au secrétariat du conseil ». Ce sont par ailleurs les employeurs que les juges ont condamné « à tous les frais et dépens ». Rappelons que certains conseils demandaient un « dépôt préalable souvent avec discussion et agrément ou le rejet de certaines clauses », et que

d’autres n’acceptaient «que ce qui leur [paraissait] équitable ». Notons enfin à ce sujet les initiatives d’autres conseils de prud’hommes encore qui réuniront les employeurs et les ouvriers lors d’assemblées aux fins d’assurer une négociation, et la réalité du consentement, en matière de règlements d’ateliers. «Dans plusieurs localités et à Nancy surtout, les conseils de prud'hommes ont établi des règlements consentis par les maîtres et par les principaux ouvriers en assemblée générale, à l'effet de régler le terme d'avertissement, tant de la part du

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précise leur décision, relevant ainsi que « la loi doit protection à ceux que leur position

dřesprit ou de fortune met à la merci des autres » ; en l’espèce, «le fabriquant est sans

contradicteurs, car il peut toujours trouver des ouvriers qui acceptent ses conditions ».

Une telle motivation était tout-à-fait habituelle dans les décisions prud’homales, lesquelles

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