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Quelle légitimité pour les droits à paiement unique ?

Section VI. Agriculture et environnement

Annexe 3 Quelle légitimité pour les droits à paiement unique ?

La mutualisation des DPU répond à deux objectifs principaux, la simplification et une répartition plus équitable des aides budgétaires du premier pilier. L’octroi des DPU selon le modèle historique a pour effet, par construction, de maintenir inchangée la répartition antérieure des aides directes du premier pilier, répartition considérée par beaucoup comme trop inégalitaire parce que les soutiens budgétaires aux diverses productions étaient (sont) aussi très inégalement répartis. La mutualisation des DPU permet une redistribution certaine des soutiens budgétaires du premier pilier, des exploitations qui bénéficiaient de soutiens budgétaires de marché élevés avant 2003 vers celles qui n’en bénéficiaient pas (peu). Cette redistribution sera d’autant plus importante que la mutualisation sera mise en œuvre à une échelle géographique élevée. On notera toutefois que la mutualisation ne supprime pas la proportionnalité entre les DPU et la taille des exploitations (mesurée en hectares) : en d’autres termes, plus la taille en hectares d’une exploitation sera grande, plus les montants de DPU reçus seront élevés et ceci, dans le modèle historique comme dans le modèle mutualisé.

Le découplage total répond en premier lieu à un objectif de simplification. Associé à une mise en œuvre des DPU selon le modèle mutualisé, il vise également à préparer (faciliter) les aménagements et réformes ultérieures de la PAC : il sera en effet d’autant plus facile de proposer des baisses des aides directes du premier pilier que celles-ci seront découplées au maximum et harmonisées à l’hectare dans la mesure où les efforts demandés aux différents types d’exploitations seront alors équitables (mieux répartis) ; tel n’est pas le cas si le régime des DPU est mis en œuvre selon le modèle historique et que le degré de recouplage varie selon les catégories de produits : dans ce cas en effet, une modulation à disons 20% impliquera un effort d’autant plus important pour une

exploitation donnée que la part du DPU dans l’ensemble des aides directes couplées et découplées est élevée.

Néanmoins, ni la mutualisation ni le découplage total ne règlent la question de la justification / légitimité des aides découplées du premier pilier. Sur ce point, trois observations :

- D’abord, la justification (au minimum d’un point de vue d’économie politique) d’un versement des aides découplées selon le modèle historique au titre de la compensation des baisses du soutien par les prix et/ou des aides plus couplées. Plus précisément, la justification repose sur la compensation de la perte de valeur des actifs consécutive aux baisses du soutien par les prix et/ou des aides plus couplées qui, pour une large part, étaient capitalisées dans le prix / la valeur des actifs, en premier lieu le prix de la terre et dans les pays où le prix de la terre est fortement régulé (la France par exemple via, notamment, la législation sur le fermage) la valeur des différents postes de l’actif (de façon officielle ou plus occulte lors de la reprise des exploitations). Naturellement, cette justification n’existe que si les DPU ne se capitalisent pas eux aussi dans les prix des facteurs primaires et/ou des actifs. Or il est probable que tel sera le cas à cause de la contrainte d’activation, i.e., la nécessité de posséder, en propre ou en location, autant d’hectares que de droits unitaires à paiement pour bénéficier des versements attachés à ces derniers. En outre, en écho au fait que les premières baisses des prix de soutien datent de près de 15 ans maintenant (réforme MacSharry de 1992), la justification des DPU sur le critère de la compensation ne saurait être permanente : dit autrement, les DPU doivent dans ce cas avoir une durée de vie limitée, notamment pour ne pas constituer une barrière permanente à l’entrée dans le secteur agricole.

- Ensuite, la difficulté à justifier l’octroi d’aides directes découplées à des montants de plusieurs centaines d’euros par hectare sur la seule base de la conditionnalité, du moins telle que celle-ci est mise en œuvre aujourd’hui. En passant, notons qu’une telle justification difficile per se l’est encore plus dans un modèle historique relativement au modèle mutualisé dans la mesure où les DPU rapportés à l’hectare varient sensiblement selon les exploitations dans le modèle historique, alors qu’elles sont harmonisées dans le modèle mutualisé.

- Par suite, il apparaît que les DPU tels qu’ils sont aujourd’hui mis en œuvre sont avant tout, si ce n’est uniquement, une politique de soutien des revenus agricoles. C’est d’ailleurs ainsi qu’ils sont considérés par la Commission européenne dans le cadre des négociations agricoles multilatérales du cycle de Doha : leur acceptabilité internationale, i.e., l’absence d’effets de distorsion sur les échanges des DPU, est en effet défendue parce qu’ils respectent, à quelques nuances qu’il ne sera pas trop difficile de corriger si besoin (exclusion de certaines productions sur les hectares admissibles permettant l’activation des DPU), les critères d’inclusion dans la boite verte au titre de l’article 6 de l’annexe 2 de l’AACU, i.e., au titre du soutien du revenu découplé. Par ailleurs, les DPU sont des instruments efficaces de transfert, en tout cas plus efficaces que des prix de soutien, des aides couplées aux produits ou des aides couplées aux surfaces courantes. Efficaces certes, mais le bénéficiaire ultime des DPU ne sera pas l’agriculteur (considéré ici comme propriétaire du facteur travail) si les DPU se capitalisent dans le prix / la rémunération de la terre (auquel cas, le bénéficiaire sera le propriétaire des terres, qui peut ou non être agriculteur) : cette capitalisation dans le prix des terres sera vraisemblablement plus élevée dans le modèle mutualisé (qui impose, par construction, une égalité entre le nombre de DPU et le nombre d’hectares admissibles) que dans le modèle historique (qui conduit à un nombre de DPU légèrement inférieur au nombre d’hectares admissibles - problématique des « hectares nus »). Enfin, efficacité ne signifie pas équité. En d’autres termes, et dans une perspective plus politique, il est plus que difficile de justifier une politique de soutien des revenus agricoles largement déconnectée des revenus (réels) des bénéficiaires.

De façon plus générale, il apparaît donc plus qu’urgent de s’attaquer, dès maintenant, à la question de la justification / légitimité des DPU, toute réforme du dispositif actuel devant s’inscrire dans le cadre de plus long terme des objectifs assignés à cet instrument, plus globalement à l’ensemble de la PAC.

Dans ce contexte, mentionnons ici un enseignement de l’opération de prospective « Scenar 2020 » réalisé par la Commission européenne (décembre 2006), à savoir qu’une suppression de la PAC aurait, in fine, des effets négatifs « relativement » modestes sur les volumes produits (plus forts cependant pour les productions animales que végétales), l’essentiel de l’ajustement transitant par une baisse des rémunérations des facteurs primaires, terre et travail en premier lieu, et par suite une

diminution des revenus agricoles, une baisse du nombre d’exploitations et une forte augmentation de la taille moyenne des unités de production. Diminution du nombre d’unités et augmentation de la taille moyenne occurrent également dans les deux autres scénarios considérés par la Commission européenne (notamment un scénario dit tendanciel qui suppose une poursuite de processus de réforme de la PAC à l’œuvre depuis 1992, une modulation à 25% des aides du premier pilier et un accord à l’OMC dans le cadre du cycle de Doha conforme, dans ses grandes lignes, à la « moyenne » de ce qui est aujourd’hui sur la table).

Annexe 4. Evolution des risques sanitaires agricoles