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Dans l’état actuel de la législation, il est donc interdit de prendre connais- connais-sance intentionnellement de données en matière de communications électroniques

relatives à une autre personne ou de révéler, de faire un usage quelconque de l’information, de l’identification et des données obtenues intentionnellement ou non sauf moyennant l’autorisation de toutes les parties à la communica-tion. Ainsi, la simple consultation d’une boîte e-mail pour vérifier à qui une personne a adressé des e-mails, à quelle date, etc. sans même ouvrir le courrier électronique est prohibée.

Les dispositions précitées qui assurent la transposition de l’article  5, § 1er de la directive « vie privée et communications électroniques » sont essen-tiellement inspirées par les risques spécifiques liés aux nouvelles technologies et qui permettent à une personne de prendre connaissance à distance d’infor-mations qui ne lui sont pas destinées 134. On doit même constater que l’aspect technologique induit en fin de compte une protection plus forte que pour la correspondance échangée hors réseau.

73. On peut, de fait, voir une certaine discordance entre le régime d’« inter-ception » des courriers papiers et celui des e-mails. 135 En effet, le secret des lettres et de la correspondance est consacré par les articles 29 de la Constitution

132 C. trav. Bruxelles (4e  ch.), 28  novembre 2006, Chron. D.S., 2009, p.  3 ; Trib. trav. Bruxelles (24e  ch.), 4 décembre 2007, J.T.T., 2008, p. 179 ; Trib. trav. Liège (3e ch.), 19 mars 2008, R.G. no 360.454, www.cass.be ; C. trav. Bruxelles, 8 avril 2003, Chron. D.S., 2005, p. 208 ; C. trav. Anvers (section Hasselt), 15 novembre 2005, Chron. D.S., 2006, p. 153.

133 Cf. point B, 5 de la présente section.

134 Ainsi le considérant 21 de la directive 2002/58/CE « vie privée et communications électroniques » pré‑ cise‑t‑il : « Il convient de prendre des mesures pour empêcher tout accès non autorisé aux communica‑ tions afin de protéger la confidentialité des communications effectuées au moyen de réseaux publics de communications et de services de communications électroniques accessibles au public, y compris de leur contenu et de toute donnée afférente à ces communications ».

135 À cet égard, voy. R. Robert, « Correspondance et vie privée sur les lieux de travail : une cohabitation difficile », Orientations, 2008, pp. 16‑22.

et 460 du Code pénal. Son champ d’application est sensiblement différent du régime de protection des communications électroniques.

Cette protection exclut le fait de prendre ou d’ouvrir des lettres et de porter atteinte à leur caractère confidentiel 136. Ainsi, selon F.  Hendrickx, la protection constitutionnelle du secret des lettres vaut également entre particu-liers et s’applique à la correspondance que l’on reçoit sur le lieu du travail 137. Cette position concernant le caractère privé des correspondances profession-nelles ne fait toutefois pas l’unanimité 138. En toute hypothèse, ce secret ne s’oppose pas, nous semble-t-il à ce qu’une fois ouvert, le courrier qui fait partie d’une correspondance professionnelle puisse être consulté par l’employeur sans le consentement du tiers et même sans le consentement de l’employé tandis que les articles 124 et 125 de la loi du 13 juin 2005 ne le permettent pas en ce qui concerne les communications électroniques, même professionnelles 139. C’est ainsi que la Cour du travail de Liège a considéré « qu’il convient d’opé-rer une distinction entre ce qui ressort du strict domaine de la vie privée sur le lieu du travail, qui est protégé et ce qui est ou devrait être du ressort de l’exercice de l’activité professionnelle, qui ne l’est pas. Ainsi, un employeur est en droit de contrôler le courrier entrant (sauf adressé en nom personnel à l’employé) et sortant (aux frais de l’entreprise) parce qu’il revêt en principe un caractère professionnel » 140. En outre, la Cour du travail de Liège a jugé que par correspondance, il faut entendre « échange épistolaire confié à la poste ou à un organisme chargé de la distribution du courrier ; que le principe de l’inviolabilité des lettres vaut à l’égard du pouvoir mais une fois la lettre remise à sa destination, ce sont les principes du droit privé qui garantissent le secret

136 F. Hendrickx, Privacy en arbeidsrecht, Bruges, Die Keure, 1999, p. 207 ; voy. également : J.‑P. Cordier et S. Bechet, « La preuve du motif grave et les règles relatives à la protection de la vie privée : conflit de droits ? », in S. Gilson (coord.), Quelques propos sur la rupture du contrat de travail. Hommage à P. Blon‑ diau, Louvain‑la‑Neuve, Anthemis, 2008, p. 109.

137 L’auteur s’en réfère, à ce titre, à une réponse qui a été faite devant le Sénat par Cardoen dans Réponse Sénat, 1987‑1988, 4, no 1 (F. Hendrickx, Privacy en arbeidsrecht, Bruges, Die Keure, 1999, p. 206) ; dans le même sens P. De Hert, « Schending van het (tele)communicatiegeheim in het beroepsleven », R.D.S., 1995, pp. 266 et 267.

138 Contra : J.‑M. Leboutte, « De wettelijke bescherming van het briefgeheim », De Gemeente, 1988, p. 370 ; F. Lagasse et M. Milde, « Protection de la personne et vie privée du travailleur. Investigation et contrôle sur les lieux du travail », Orientations, 1992, p. 153.

139 C’est donc à tort, selon nous, que les partenaires sociaux ont affirmé au sein de la convention collective de travail no 81 que « lorsque l’objet et le contenu des données de communications électroniques en réseau ont un caractère professionnel non contesté par le travailleur, l’employeur pourra les consulter sans autre procédure. Le bon fonctionnement de l’entreprise doit être assuré » (C.C.T. no 81 du 26 avril 2002 relative à la protection de la vie privée des travailleurs à l’égard du contrôle des données de com‑ munications électroniques en réseau, rendu obligatoire par arrêté royal du 21 juin 2002, M.B., 29 juin 2002).

des correspondances vis-à-vis des citoyens entre eux » 141. La Cour reconnaît donc une protection par les articles 22 de la Constitution et 8 de la C.E.D.H. une fois la lettre remise à destination. On peut voir dans le régime du secret des lettres plus de souplesse et de flexibilité pour permettre l’ouverture et la prise de connaissance des lettres par l’employeur 142. Cette discordance avec le régime des communications électroniques ne fait qu’ajouter à la complexité du régime de protection de la vie privée des individus sur leur lieu de travail. 74. Le régime concernant les communications électroniques revient donc à empêcher toute prise de connaissance d’un courrier électronique adressé à un travailleur même si ce dernier reconnaît le caractère professionnel de l’e-mail. Comment concilier cette protection quasi-absolue avec l’encouragement que les dispositions légales entendent donner au développement de l’utilisation de cette technologie ? À l’heure où le législateur a consacré l’équivalence fonc-tionnelle entre écrit papier et écrit sur support électronique 143 et permet la signature électronique, comment justifier cette protection aveugle du courrier électronique professionnel ?

On ne peut que regretter à cet égard que la transposition de la direc-tive 2002/58/CE « vie privée et communications électroniques » n’ait pas été l’occasion d’une véritable réflexion sur la question.

Si le législateur a inséré un article 128 dans la loi du 13 juin 2005 des-tiné à permettre l’enregistrement de communications électroniques par l’em-ployeur, la portée restreinte que lui confèrent les conditions posées et les actes permis par cette disposition la prive presque de toute utilité pratique.

L’intervention du législateur pour définir un cadre légal dans cet imbro-glio juridique serait la bienvenue. Nous n’avons toutefois pas connaissance de projets allant dans ce sens. Le vice-président de la Commission de la protection de la vie privée annonçait dans le cadre d’un colloque du 18 novembre 2010 que la Commission envisageait d’émettre des recommandations sur la question qui devraient proposer de nouvelles balises pour l’interprétation des normes en vigueur 144.

141 Ibidem.

142 La Cour de cassation française a d’ailleurs fait cette curieuse distinction entre ouverture de courrier et prise de connaissance dans son arrêt no 251 du 18 mai 2007, accessible sur www.courdecassation.fr ; pour de plus amples développements, voy. R. Robert, « Correspondance et vie privée sur les lieux de travail : une cohabitation difficile », Orientations, 2008, p. 16.

143 En vertu de l’article 16, § 2 de la loi du 11 mars 2003 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, il y a lieu de considérer que l’exigence d’un écrit est satisfaite par une suite de signes intelligibles et accessibles pour être consultés ultérieurement, quels que soient leur support et leurs modalités de transmission.

144 Colloque « Vie privée au travail » organisé à Louvain‑la‑Neuve le 18 novembre 2010 par l’U.C.L. À l’heure où les auteurs terminent le présent texte, cet avis n’est pas encore rendu public.

C. Le traitement des données relatives au trafic et à la localisation

75. L’utilisation de données de localisation s’est considérablement