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Justification de l’étude : une inspiration fondée sur l’ « évaluation de la durabilité » de la durabilité »

A côté des recherches que L.W. Canter observe17, il existe d’autres efforts méthodologiques qui consistent à imaginer des outils permettant de faire des études d’impact sur l’environnement de véritables outils de développement durable. En effet, comme l’observe Sadler (1999), « l’évaluation de la durabilité » constitue la deuxième génération des évaluations environnementales. Il s’agit d’une autre perspective où l’on constate que les auteurs abordent les outils d’EIES dans leur fonction de contribution au développement durable. Pour Verheem (2002), le but de l'évaluation de la durabilité est de s'assurer que les plans et les activités « apportent une contribution optimale au développement durable ».18

Alors quel peut être l’intérêt d’évoquer ces outils, dans la mesure où ils ne sont pas déployés dans le cadre d’une EIES, mais servent plutôt à évaluer le potentiel de contribution de ces outils au développement durable ? Selon Dimitri Devuyst (2009), cette

17 En effet, selon lui, les recherches en vue de la conception d’un outil susceptible de satisfaire à toutes les exigences scientifiques et politiques d’une EIE a été une préoccupation majeure depuis 1970. Dans cette perspective, l’International Association for Impact Assessment (IAIA), tient des sessions techniques annuelles en vue de développer des méthodes plus appropriées en matière d’étude d’impacts sur l’environnement.

18 V. dans ce sens Rob Verheem, Recommendations for Sustainability Assessment in the Netherlands. In Commission for EIA. Environmental Impact Assessment in the Netherlands. Views from the Commission for EIA in 2002. The Netherlands; 2002, cité par Jenny Pope, David Annandale & Angus Morrison-Saunders, Conceptualising sustainability assessment, Environmental Impact Assessment Review 24 (2004) 595–616, p.2.

24 évaluation de la durabilité serait un outil étroitement lié aux EIES et aux Evaluations Environnementales Stratégiques.19

Aussi Weaver et al (2008) et Cashmore et al. (2007) ont-ils identifié des contributions empiriques de plusieurs études d’impact sur l’environnement à la durabilité. Ces contributions consistent dans l'amélioration des connaissances techniques et scientifiques dans différentes disciplines, la conception de projets plus efficaces, une meilleure gouvernance par la détection de lacunes dans la législation et, enfin, l'évolution des valeurs et les attitudes en augmentant la sensibilisation du public.20

Dans le cas particulier du Portugal, Ana Cravo et Maria do Rosário Partidário21 font remarquer que dans ce pays, il a été mis au point un mécanisme appelé Sustainability Assessment Framework (SAF) ou Cadre d’Evaluation de la Durabilité (en français). Celui-ci permet d’évaluer les meilleures études d’impact environnemental et soCelui-cial à l’aune de huit critères de durabilité définis par R. Gibson, S. Hassan, S. Holtz, J. Tansey et G.

Whitelaw (2005). Il s’agit de l'intégrité du système socio-écologique, de la suffisance des moyens de subsistance et des chances, de l'équité intra-générationnelle, de l'équité intergénérationnelle, de l'entretien et de l'efficacité des ressources, de la civilité socio-écologique et de la gouvernance démocratique, et de la précaution et l'adaptation. Ces deux auteures, 22 ont décidé de l’expérimenter sur trois études d’impact sur l’environnement en vue d’en évaluer la durabilité. Elles en viennent à la conclusion selon laquelle le meilleur moyen de parvenir à une plus grande contribution des EIES à la durabilité est d'essayer d'appliquer tous les critères définis par Gibson et al. en même temps.

19 Dimitri Devuyst, Introduction to sustainability assessment at the local level. In: Dimitri Devuyst, editor.

How green is the city? Sustainability assessment and the management of urban environments. New York:

Columbia University Press; 2001, p.9.

20 Pour plus de détails, V. dans ce sens Ana Cravo & Maria do Rosário Partidário, EIA contributions to sustainability – best practice in Portugal, p.2., disponible sur

http://www.iaia.org/conferences/iaia11/uploadedpapers/final%20drafts/EIA%20Contributions%20to%20Su stainability_Best%20Practice%20in%20Portugal.pdf, consulté le 20/02/2013.

21 Ibid., p.2.

22 Ibid., p.5.

25 Toujours dans une perspective de durabilité, Djibo Boubacar, Marguerite Wotto, et Jean-Philippe Waaub, quant à eux, s’interrogent sur le point de savoir si « Les études d’impacts des projets routiers en Afrique prennent […] suffisamment en compte le développement durable ? ».23 En effet, ils reconnaissent l’importance capitale que les projets de construction de route revêtent pour adresser les questions de pauvreté et pour promouvoir le développement. Sans nécessairement s’appuyer sur les critères de durabilité décrits par Gibson et al., ils observent plusieurs lacunes d’ordre méthodologique qui touchent pour une part à « l’identification et à l’évaluation des impacts ». Aussi, pensent-ils que pour assurer la durabilité des milieux biophysiques et humains, des « dispositions adéquates doivent être prises pour garantir un processus d’évaluation des impacts sur l’environnement pouvant contenir les effets pervers des projets d’infrastructures routières ».24

L’on peut se rendre compte que ces derniers auteurs recherchent, au sein même des études d’impact environnemental et social, des motifs légitimes pour intégrer le développement durable. Cette perspective inspire l’orientation de cette étude.

Dans la présente étude, tout en nous inscrivant dans la logique du développement durable nous voudrions contribuer, à travers l’évaluation épistémologique et éthique et à nos recommandations, à inscrire les outils d’analyse des impacts déployés par JAT Consulting dans une perspective, non pas de développement durable, mais de développement humainement soutenable. Cette nuance d’ordre terminologique et conceptuel appelle des précisions.

En effet, la définition la plus répandue du concept de développement durable est celle proposée par le rapport Brundtland en 1987. Selon celui-ci, il s’agit d’ « Un développement économique qui permet de satisfaire les besoins de la présente génération sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de ''besoins'' et plus particulièrement des besoins

23 V. dans ce sens Djibo BOUBACAR, Marguerite WOTTO, et Jean-Philippe WAAUB, Les études d’impacts des projets routiers en Afrique prennent-elles suffisamment en compte le développement durable ?, disponible sur http://www.sifee.org/Actes/actes_geneve_2007/ecole/3/Boubacar_Waaub.pdf, consultée le 12/02/2013.

24 Ibid., p.11.

26 essentiels des plus démunis à qui il convient d'accorder la plus grande priorité, et l'idée des limitations que l'état de nos techniques et notre organisation sociale imposent sur la capacité de l'environnement à répondre aux besoins actuels et à venir ». Il s’agit, dans les termes de Capron, de viser cet « objectif qui a pour enjeu de subvenir aux besoins de l'ensemble de l'humanité (rôle de l’économie), en préservant les conditions de reproduction de la nature (préoccupation écologique), dans des relations sociales d'équité permettant d'assurer la paix et la cohésion sociale (attentes sociales et sociétales). Ce qui se traduit également par la formule : œuvrer à un monde vivable, sur une planète viable, avec une société équitable ».25

La paternité de l’idée d’un « développement humainement soutenable » revient à Jean-Luc Dubois.26 En effet, celui-ci observe que le concept classique du développement durable se réfère à un équilibre entre les piliers économique, social et environnemental et de ce fait à une conception de la société en tant qu’entité globale, qui peut ignorer l’être humain.

Aussi, affirme-t-il que « Le développement peut être socialement durable en améliorant, au présent et sans compromettre le futur, les indicateurs sociaux et la qualité de la société, mais ne pas être humainement soutenable ».27 Son approche consiste donc à faire de la personne humaine le sujet du développement. En s’interrogeant sur sa place, il postule de l’existence d’une séquence phénoménologique aux termes de laquelle il convient d’observer que le social et le naturel n’existent que quand ils apparaissent positivement à la personne humaine. Le développement humainement soutenable devrait donc insister sur le respect de la personne dans sa relation socio- environnementale, car « si la personne subit des coûts au point d’être détruite, l’environnement ne sera pas respecté. Il existe une conditionnalité humaine à l’environnement. L’absence de prudence dans le développement

25 Michel Capron., « Le rôle des entreprises dans le développement durable :Approche historique », Journée d’études du Groupe initiatives, 9 septembre 2008, Nogent-sur-Marne, p. 2

26 Jean-Luc Dubois est Statisticien-économiste, diplômé de l'ENSAE (en 1973) et de l'Université Paris I. Il a été enquêteur sur les conditions de vie des ménages en Haïti, en Côte-d'Ivoire et au Brésil. Coordinateur de projets à la Banque mondiale (depuis 1987), il est chercheur au Centre d'économie et d'éthique pour l'environnement et le développement (en 2005).

27 V. dans ce sens http://ethique.perso.sfr.fr/DSH2.htm , consulté le 12/02/2012.

27 humain rend insupportable la sophistication du principe de précaution de l’environnement naturel ».28

Cette prise en compte de l’humain rejoint la perspective chrétienne. Ainsi dans sa lettre29 du 1er Janvier 1990 pour la célébration de la Journée Mondiale pour la Paix, Jean Paul II établit un lien fort entre « la gravité de la situation écologique [qui] révèle la profondeur de la crise morale de l'homme ». Par cette proposition, il souligne l’idéologie hédoniste qui anime l’être humain dans sa quête du développement. Aussi, invite-t-il à reconsidérer les modes de vie et de consommation en replaçant l’humain au centre de la création, conformément à l’intention première de son créateur : celui-ci, « après avoir créé le ciel et la mer, la terre et tout ce qu'elle contient, crée l'homme et la femme… : [Il] vit tout ce qu'il avait fait: cela était très bon »30 (Gn l, 31). Or, cette œuvre de création paraissait seulement bonne pour son Auteur avant qu’il ne fît l’être humain. En observant que « si le sens de la valeur de la personne et de la vie humaine fait défaut, on se désintéresse aussi d'autrui et de la terre »31, Jean Paul II postule non seulement qu’il est important de venir au secours de la nature, mais encore que cet empressement doit s’appuyer sur une considération hautement humaine. Aussi, c’est à l’humain que revient la responsabilité de prendre soin de la création et de continuer par son intelligence l’œuvre de la création, pour son propre bonheur. Ainsi, il nous semble essentiel de conduire une analyse qui mette au centre l’humain et que celui-ci soit la mesure du vrai développement durable. Ce sera notre présupposé central.

La problématique de recherche expose, ainsi qu’il suit, les questions et objectifs de la présente étude.

28 Ibid.

29 V. dans ce sens, Jean Paul II, La paix avec Dieu créateur, la paix avec toute la création, Message pour la célébration de la journée mondiale de la paix , 1er janvier 1990, disponible sur

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30 V. dans ce sens La Sainte Bible, Genèse 1, chapitre 31.

31 V. dans ce sens Jean Paul II, op. cit.,

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