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Jusqu’où élargir la comptabilité des organisations pour prendre en compte les

Dans le chapitre précécent, nous avons présenté la manière dont nous avons procédé tout au long de notre travail, en menant conjointement une recherche-intervention au sein d’une grande entreprise du secteur de l’environnement et des réflexions générales dans les domaines de la comptabilité et de la gestion de l’environnement. Il est temps maintenant de revenir à la thématique principale de la thèse, la comptabilité.

Depuis plus de 30 ans, les chercheurs et praticiens du domaine des comptabilités socio- environnementales se sont aperçus de la nécessité de faire évoluer les systèmes comptables des organisations afin d’apporter de nouvelles réponses aux enjeux de pollution, de protection de l’environnement ou de gestion durable des ressources. Nous chercherons dans ce chapitre à mieux comprendre comment ces recherches et ces expérimentations abordent déjà les problématiques qui nous intéressent de préservation des écosystèmes.

Nous rappellerons dans un premier temps les origines des comptabilités socio- environnementales et nous mesurerons l’étendue de ce champ de recherche et de pratique. Nous verrons que les propositions hétérogènes qui en sont issues se retrouvent pour l’essentiel autour d’un projet commun, celui d’élargir le périmètre de responsabilité et de gestion des organisations – et plus particulièrement des entreprises – à de nouvelles problématiques écologiques. Nous montrerons que les enjeux de protection de la biodiversité et des écosystèmes font depuis peu et de manière croissante partie de cet agenda d’élargissement.

Dans un second temps, nous découvrirons tout un ensemble de questions et de discussions portant sur la pertinence, les défis, les limites et les fondements de ces nouvelles comptabilités écologiques. Nous montrerons alors que la question de la biodiversité se trouve au cœur de réflexions émergentes qui cherchent à décentrer la comptabilité des organisations, pour être plus directement en prise avec d’autres formes d’entités comptables et de « pratiques calculatoires » provenant du champ de la gestion de l’environnement.

I.

Des innovations comptables pour élargir le périmètre de responsabilité des

organisations

Définitions, origines et enjeux du champ des comptabilités socio- 1.1

environnementales

La comptabilité face aux enjeux écologiques : quelles définitions ? 1.1.1

Avant de nous engager pleinement dans des questionnements portant sur les comptabilités environnementales et, plus largement par la suite, sur ce que la discipline comptable peut apporter à la gestion de la biodiversité, rappelons en préambule quelques définitions générales aujourd’hui largement acceptées par le cœur de la discipline. Dans son acception actuelle, la comptabilité est définie comme un « instrument fondamental de la connaissance des phénomènes économiques par l’établissement et la tenue des comptes, l’enregistrement et le classement des mouvements de valeurs impliqués par une activité économique » (Larousse.fr, 2015)13. La plupart des manuels de comptabilité français portant sur les comptabilités organisationnelles commencent par faire la distinction entre la comptabilité générale (ou financière) et la comptabilité de gestion (ou analytique). Si historiquement elles se sont développées simultanément (Dupuy, 2000), la première vise à produire, avec le compte de résultat, une image globale de la situation et des performances d’une organisation. Elle permet d’en rendre compte aux divers acteurs économiques et sociaux qui entretiennent des relations avec elle et peuvent influencer sur ses activités ou être affectés par celles-ci (Colasse et Lesage, 2007, p. 10). Elle est ainsi essentiellement destinée à des acteurs externes à l’organisation (par exemple les actionnaires ou le fisc) chargés de l’évaluer et elle est publiée dans le respect de normes comptables établies en France (Plan Comptable Général) ou à l’international (International

Financial Reporting Standards) (Richard et Collette, 2008). Toutefois, la comptabilité générale

ne donne pas de détails sur les origines et les conditions de production de ce résultat économique.

Cette tâche est dévolue à la comptabilité de gestion (ou analytique), dont l’enjeu est d’analyser les activités, les coûts et les responsabilités liés à la formation du résultat et à ses variations. Les comptabilités de gestion ne sont pas réglementées et sont conçues pour et par les acteurs internes à l’entreprise. Elles restent généralement secrètes et ses missions sont multiples : analyse des postes de création de valeur, aide à la décision, élaboration de stratégies et plans à long terme, optimisation de la performance, rationalisation de l’utilisation des ressources, affectation des ressources, anticipation, maîtrise des coûts et contrôle, mesure des résultats et évaluation personnelle, etc. (Horngren et al., 2009). Ses missions répondent pour la plupart à un enjeu clé de modélisation des liens entre utilisation de ressources et formation des résultats pour aider les gestionnaires dans leurs décisions et dans leurs tâches (Bouquin, 2011, p. 39). Ces comptabilités peuvent ainsi être définies de manière générale comme :

13 Voir : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/comptabilit%C3%A9/17801. Consulté en septembre

« The process of identification, measurement, accumulation, analysis, preparation,

interpretation, and communication of information that assists executives in fulfilling organizational objectives (…). A formal mechanism for gathering and communicating data for the ends of aiding and coordinating collective decisions in light of the overall goals or objectives of an organization. » (Horngren et Sundem, 1990, p. 4 ; Macintosh et

Quattrone, 2010, p. 5)

Par « comptabilités de gestion », nous nous référerons ainsi par la suite à l’ensemble des comptabilités analytiques et aux outils de contrôle de gestion (planification, contrôle, aide à la décision, évaluation, etc.) visant à accompagner la gestion interne d’une organisation, ce que Macintosh et Quattrone (2010) appellent du terme générique de Management Accounting and

Control Systems (MACS) 14.

Adopter une définition large de la comptabilité b.

L’importance croissante des enjeux environnementaux a conduit un petit nombre de praticiens et de chercheurs en comptabilité dans les années 1970 à prendre leurs distances avec des définitions et des pratiques de la comptabilité considérées alors comme de plus en plus restrictives au regard des enjeux qui les préoccupaient. Le développement progressif de la littérature en comptabilité sociale et environnementale est ainsi venu interpeller les définitions comptables conventionnellement admises sur au moins quatre dimensions (Gray, Owen, et Adams, 1996, p. 3, 11) : (1) il ne s’agit plus uniquement de tenir des comptes des événements économiques, mais d’un ensemble bien plus large d’événements et de choses ; (2) il ne s’agit plus de tenir des comptes uniquement dans des termes financiers, mais aussi par une diversité de moyens et de médias ; (3) il ne s’agit plus uniquement de tenir des comptes à destination des acteurs financiers et économiques, mais pour une diversité de groupes ou d’individus ; (4) il ne s’agit plus uniquement de tenir des comptes pour servir de support à des décisions dont le succès est jugé dans des termes financiers et économiques, mais pour bien d’autres raisons.

Comme le rappelle Gray, un des auteurs majeurs de ce champ (Gray, 2008, p. 6), les enjeux sociaux et environnementaux de la comptabilité étaient à l’origine considérés par beaucoup comme un simple sous-ensemble de la comptabilité financière. C’est pourtant cette dernière qui

14 Comme l’expliquent Richard et Colette (2008, p. 98-99), la « comptabilité de gestion » et la « comptabilité

générale » française (et dans certains autres pays d’Europe continentale et de la sphère d’influence francophone) ne sont pas tout à fait équivalentes au « management accounting » et au « financial accounting » du monde anglo-saxon pour des raisons de tradition comptable (modèles « dualistes » ou « monistes ») et pour des raisons formelles de normalisation comptable. Dans notre travail, nous n’avons pas besoin d’entrer dans le détail des raisons et des implications de ces différences. Nous conserverons en revanche l’idée d’une distinction sur le fond entre le domaine de la comptabilité générale visant à établir des bilans comptables et

apparaîtra progressivement aux yeux de la littérature en comptabilité sociale et environnementale comme réductrice face aux questions que suscitent les problématiques écologiques et de soutenabilité : « It proves useful to imagine that there is a universe of all possible accountings of

which conventional accounting is a very minor subset. (…) Social [and environmental] accounting might be thought of as that universe of all possible accountings and as the accounting one gets when the artificial limits of conventional accounting are removed » (Ibid).

Reconnaissant l’influence cruciale que la comptabilité a sur la représentation et le fonctionnement des organisations, les chercheurs et praticiens du champ des comptabilités sociales et environnementales sont à l’origine d’efforts importants dont le but est de modifier les comptabilités existantes ou à en proposer de nouvelles, afin de transformer les organisations face aux enjeux écologiques et de soutenabilité (Gray et al., 1995).

L’élargissement de la comptabilité aux problématiques écologiques nous incite dès lors à adopter une définition élargie de la comptabilité, apte à saisir la diversité des phénomènes comptables qui sont en jeu. Nous retiendrons pour cela la définition que donnent Richard et Collette (2008, p. 3) de la comptabilité comme « ensemble de systèmes d’information subjectifs ayant pour objet la mesure de la valeur des moyens et des résultats d’une entité ». Cette définition a pour avantage de laisser ouvertes des questions fondamentales telles que le type de systèmes d’information, de méthodes de mesure choisies, de valeurs et de résultats considérés et visés, sans les réduire a priori à ce que nous associons habituellement – c’est-à-dire parce que nous nous y sommes habitués – aux outils et enjeux comptables aujourd’hui. Cette définition a pour autre particularité forte d’insister d’emblée sur le caractère subjectif de la comptabilité, qui rappelle qu’une comptabilité est avant tout le reflet des relations qui existent entre différents acteurs pour gérer des objets ou des enjeux communs. Comme le rappellent les auteurs (Ibid, p. 4), la dimension subjective de la comptabilité ne signifie pas que « l’on ne puisse pas se rapprocher d’une représentation correcte de la réalité ; [elle] signifie que cette représentation de la réalité est faite pour le compte d’un sujet ».

Un champ de recherche et d’expérimentation aux origines et aux objectifs 1.1.2

multiples

D’où viennent les comptabilités environnementales ? a.

Un certain nombre d’instruments et de pratiques comptables tournés vers la prise en compte, la réduction des impacts et la gestion de problématiques environnementales au niveau des entreprises et des organisations sont appelés aujourd’hui alternativement « comptabilités environnementales » (Richard, 2012), « comptabilités vertes » (Christophe, 2000),

« comptabilités de durabilité » (sustainability accounting) (Elkington, 1993 ; Gray, 2010), « comptabilités écologiques » (Birkin, 2009) ou encore « comptabilité sociale » (Gray, 2008), et « comptabilité socio-environnementale » (Rambaud et Richard, 2015a). Nous retiendrons ici le terme de « comptabilités socio-environnementales » (dorénavant mentionnées par « CSE ») pour désigner l’ensemble des expérimentations et des innovations proposant de nouvelles manières de gérer la relation entre des organisations et leur environnement naturel. Celles-ci sont nées de différentes orientations disciplinaires et sont portées soit par des organisations souhaitant mieux gérer leurs problématiques sociales et environnementales, soit par des chercheurs proposant des perspectives d’innovation ou des modèles à expérimenter.

Les premières comptabilités environnementales, que ce soit au niveau national ou au niveau organisationnel, sont développées au début des années 1970 (Richard, 2012). Cette période voit croître les préoccupations environnementales et est notamment marquée par des réflexions sur les limites de la croissance (Meadows et al., 1972) et la tenue de la première conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (UNCED) à Stockholm en 1972. Pour Richard (2012), deux ouvrages marquent le point de départ du développement des comptabilités environnementales. Au niveau des comptabilités nationales, le livre Is Growth Obsolete ? des Américains Nordhaus et Tobin est le premier à s’intéresser en 1971 aux possibilités de réformes d’indicateurs tels que le Produit Intérieur Brut (PIB) (Nordhaus et Tobin, 1971). Au niveau des organisations, c’est l’ouvrage Comptabilité écologique, une introduction de Müller-Wenck (Müller-Wenk, 1972) que Richard considère comme « le pionnier de la littérature mondiale des comptabilités environnementales micro-économiques ».

Richard (2012, p. 32-36) identifie au moins trois grandes origines disciplinaires aux comptabilités environnementales, dont on retrouve des éléments fondamentaux dans le foisonnement des propositions passées et actuelles. Il distingue premièrement l’influence des « économistes environnementaux » qui cherchent à adapter la théorie néo-classique pour mieux prendre en compte la dégradation du « capital naturel » (Hartwick, Solow, Nordhaus, Arrow, Hamilton). Leurs propositions reposent essentiellement sur l’idée que les acteurs économiques doivent intégrer leurs « externalités négatives » dans leur comptabilité afin de tenir compte des dommages et des coûts infligés à l’environnement ou à la société afin de mieux les compenser. Deuxièmement, c’est l’influence des ingénieurs et des scientifiques des sciences de la vie et de la terre, critiques des théories économiques néo-classiques, qui viendront marquer l’histoire des CSE. Ils proposent de fixer des normes biophysiques minimales pour éviter la dégradation des sols, la destruction des espèces, des forêts, et des systèmes écologiques en général (Ciriacy- Wantrup, 1968, p. 257 cité par Richard, 2012), ou travaillent sur la gestion des flux énergétiques

provient des « économistes écologiques », qui s’inscrivent en rupture avec les canons de la théorie néo-classique, puisqu’ils considèrent les normes physiques de conservation du capital naturel comme prioritaires sur l’objectif d’optimisation économique et sont les tenants de la subordination de la croissance à des contraintes physiques (Richard, 2012, p. 35). Enfin, nous pouvons ajouter au moins un quatrième courant, plus récent et porté notamment par les travaux de Richard. Il s’appuie sur des théories et des pratiques provenant du champ même de la comptabilité comme le modèle comptable traditionnel du « coût historique » (Altukhova, 2013 ; Richard, 2012) ou le concept « d’amortissement » (Rambaud et Richard, 2015a ; 2015b).

Une diversité d’objectifs pour les innovations en CSE b.

Il existe aujourd’hui plusieurs définitions des comptabilités environnementales organisationnelles (Altukhova, 2013, p.104) à même de rendre compte du souci général qui les anime, et ce malgré leur forte hétérogénéité. Ainsi, pour Christophe (Christophe, 1989, cité par Althukova, 2013, p. 102), une comptabilité environnementale est « un système d’information efficient sur le degré de raréfaction des éléments naturels engendré par l’activité des entreprises, utilisable pour réduire cette raréfaction et pour informer les tiers ». Cette définition souligne le double enjeu qui motive la mise en place de comptabilités environnementales par les entreprises : d’une part une problématique interne de gestion de la performance environnementale des activités de l’entreprise et d’autre part un enjeu d’information externe et de transparence vis-à-vis d’acteurs externes.

Christophe (Christophe, 2000) distingue ainsi trois grandes familles de comptabilités environnementales. Certaines cherchent à « évaluer le coût de la prévention ou de la réparation des dégâts causés à l’environnement », et se rapprochent ainsi des enjeux liés aux comptabilités générales conventionnelles. D’autres comptabilités environnementales appartiennent davantage au domaine des comptabilités de gestion conventionnelles et ont pour but d’« analyser les processus de production et leur impact sur l’environnement naturel ». Enfin, une troisième famille de comptabilités environnementales vise à produire des rapports environnementaux, équivalent environnemental des comptabilités sociales (effectifs, accidents de travail, évolution des salaires etc.), en mélangeant « des informations en termes physiques et monétaires afin de donner à des tiers extérieurs à l’entreprise une information compréhensible et plus large que l’information classique » (Christophe, 2000, p. 657-658).

Gray (2008, p. 3-4) propose une autre définition des comptabilités socio- environnementales, qui insiste plus particulièrement sur cette troisième famille de comptabilités environnementales :

« The preparation and publication of an account about an organisation’s social,

environmental, employee, community, customer and other stakeholder interactions and activities and, where possible, the consequences of those interactions and activities. The social account15 may contain financial information but is more likely to be a combination of quantified non-financial information and descriptive, non-quantified information. The social account may serve a number of purposes but discharge of the organisation’s accountability to its stakeholders must be the clearly dominant of those reasons and the basis upon which the social account is judged. »

Cette définition rend compte de l’importance particulière prise par les enjeux de reporting et par la théorie des parties prenantes (Freeman, 1984) dans la littérature en CSE et dans les pratiques des entreprises, de plus en plus nombreuses à publier des rapports Développement Durable et à mettre en place une politique de Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) associée (Bouten et al., 2011 ; Brown et Fraser, 2006 ; Mahadeo, Oogarah-hanuman, et Soobaroyen, 2011). Elle place au cœur des problématiques de développement des comptabilités environnementales l’enjeu d’accountability des organisations, qui peut être défini comme : « the

duty to provide an account (by no means necessarily a financial account) or reckoning of those actions for which one is held responsible » (Gray, Owen, et Adams, 1996, p. 38).

Nous retiendrons ici la distinction fondamentale entre les enjeux de reporting environnemental visant à rendre des comptes externes sur les impacts et performances environnementales d’une organisation d’une part, les enjeux de production et de structuration d’informations à destination des gestionnaires internes de l’entreprise pour les accompagner dans la gestion des performances environnementales de l’entreprise (domaine des comptabilités de gestion) d’autre part, et enfin les enjeux de présentation et de communication des implications financières de la gestion des performances environnementales de l’organisation (domaine des comptabilités générales). De nombreuses propositions académiques et expérimentations pratiques appartiennent à l’un ou plusieurs de ces trois grands domaines de CSE.

Des propositions comptables pour renforcer la prise en compte de 1.2

l’environnement par les organisations

Prendre des repères dans un ensemble d’initiatives hétérogènes centrées sur 1.2.1

les organisations

Il existe une très grande variété de travaux académiques, d’expérimentations pratiques et de discussions d’ordre théorique, philosophique et critique en CSE comme le montrent les revues

de littérature sur le sujet (Altukhova, 2013 ; Antheaume et Teller, 2001 ; Christophe, 2000 ; Cullen et Whelan, 2006 ; Eugénio, Lourenço et Morais, 2010 ; Gray, 2007 ; Mathews, 1997 ; Mathews, 2000 ; Owen, 2008 ; Parker, 2005 ; Parker, 2011 ; Richard, 2012 ; Spence, Husillos et Correa-Ruiz, 2010). Pour faire face à l’hétérogénéité des méthodologies proposées, certains auteurs ont proposé des systèmes de classification et des typologies des différentes approches et méthodes (Althukhova, 2013, p. 73-77).

Pour Lamberton (Lamberton, 2005), il y a cinq thèmes majeurs communs à l’ensemble des CSE. Premièrement, elles reposent chacune sur une définition – explicite ou implicite – de la durabilité et du développement durable sans toutefois accorder la même importance à ses dimensions sociale, environnementale et économique. Deuxièmement, elles ont une nature fondamentalement interdisciplinaire. Troisièmement, elles utilisent une grande diversité d’indicateurs pour évaluer la progression vers des objectifs de durabilité et environnementaux de nature très hétérogènes, ce qui conduit à développer des unités de mesure et des formes de compte rendu diverses (monétaires, biophysiques, qualitatives, etc.). Quatrièmement, il remarque que la plupart des comptabilités environnementales sont construites à partir des savoir-faire, de l’univers conceptuel et des traditions issus des comptabilités conventionnelles (évaluation des actifs et des charges environnementaux etc.). Enfin, il suggère que l’élaboration et l’analyse des différentes CSE gagneraient à s’appuyer sur une clarification des enjeux de développement durable qui les sous-tendent, de l’objectif de durabilité visé, des méthodes de collecte de données et de métriques retenues ou encore du format de structuration et de communication de l’information (Lamberton, 2005, p.17).

Richard (2012) propose l’une des typologies les plus complètes des CSE reposant essentiellement sur huit critères de classification. Chaque CSE résulte ainsi d’un mélange de réponses variées apportées à ces différents critères, et est le résultat d’une vision spécifique du développement durable portée et défendue par ses concepteurs plus ou moins explicitement (Richard, 2012, p.11). Il propose ainsi de distinguer les propositions en comptabilité environnementale selon : (1) les types de capitaux concernés (financier, humain, naturel) ; (2) l’objectif poursuivi (évaluation de l’impact de l’organisation sur l’environnement ou évaluation de l’impact de l’environnement sur l’organisation) ; (3) le type de conservation des capitaux (conception faible ou forte du capital naturel et enjeux de substituabilité du capital) ; (4) le degré de responsabilité (étendu du périmètre de prise en compte) ; (5) le mode d’évaluation (monétaire, biophysique, unités énergétiques ou de surface, etc.) ; (6) le concept de résultat (ce qui apparaît ou non dans les comptes rendus de résultats à destination des tiers) ; (7) la dimension spatiale de l’information (échelle macro ou micro-économique) ; (8) le degré de détail et la temporalité

(différence entre comptabilité générale et de gestion, focalisation sur un segment d’activité, sur un public interne ou externe ; sur l’analyse du passé ou la gestion des enjeux futurs, etc.).

Ces grands critères de classification sont utiles pour prendre des repères dans le foisonnement d’initiatives, d’expérimentations pratiques et de propositions académiques relevant des CSE qui, comme Gray le rappelle, peut être considéré comme « that universe of all possible

accountings and as the accounting one gets when the artificial limits of conventional accounting are removed » (Gray, 2008, p. 7). Toutefois, l’étendue de ce vaste champ d’innovation est

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