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Michael Floquet, EPLEFPA de l’Aube, mickael.floquet@educagri.fr

Franck Sangouard, EPLEFPA des Vosges, franck.sangouard@educagri.fr

Pauline Bellay, Ronea, pauline.bellay01@educagri.fr

Les Etablissements Publics Locaux d’Enseignement et de Formation Professionnelle Agricoles (EPLEFPA) sont constitués de différents centres dont une ou plusieurs exploitations agricoles. Ces exploitations sont des unités de production de matières premières, vendues en l’état ou après première transformation, qui assurent à ce titre des fonctions économiques, environnementales et sociales. Leur orientation, conduite et gestion, qui se réfèrent aux professions concernées, sont utilisées comme moyens de formation en premier lieu, mais aussi d’expérimentation, de démonstration et de développement. Les Directeurs des Exploitations Agricoles (DEA) sont nommés par le Ministre en charge de l’agriculture, tandis que la main-d’œuvre salariée est de droit privé, rémunérée par le seul acte de production.

La mission pédagogique de ces exploitations peut être remplie à de nombreuses occasions : support dans les cours théoriques, lieux de travaux pratiques, accueil de jeunes en mini-stage… De ce fait, les exploitations agricoles se doivent de proposer un support à la fois ancré dans les réalités locales professionnelles, mais qui amène aussi les jeunes à se poser des questions et à envisager d’autres façons de produire.

Depuis 2012, six exploitations agricoles d’EPLEFPA25 se sont regroupées en constituant le Réseau Ovin Nord-est dans l’Enseignement Agricole (RONEA), afin d’échanger sur leurs pratiques d’élevage et de participer aux actions visant au dynamisme de la filière ovine. La caractérisation des différents systèmes de production ovin d’un point de vue technique, économique mais aussi sur le plan de l’organisation du travail, a fait ressortir de forts contrastes. Ainsi, il est apparu que l’image du métier d’éleveur véhiculée auprès des jeunes pouvait être très différente et jouer sur leur jugement. Ce constat va être illustré dans la suite du document à partir de 2 exploitations agricoles où le métier d’éleveur ovin peut s’exercer différemment.

Gestion du salariat et organisation du travail

Contextes agricoles et structures d’exploitation

Les exploitations agricoles des EPLEFPA de l’Aube (Saint-Pouange) et des Vosges (Mirecourt) détiennent chacune un atelier ovin de taille comparable mais conduit de façon différente, en lien avec le contexte agricole et pédoclimatique, avec les autres productions présentes sur l’exploitation,

mais aussi en fonction du collectif de travail disponible.

A Mirecourt, le troupeau ovin est conduit en extérieur toute l’année avec une production d’agneaux d’herbe. Les ressources fourragères exploitées sont dispersées et comprennent des surfaces externes à l’exploitation. Tandis qu’à Saint-Pouange, les animaux passent plusieurs mois de l’année en bergerie, en fonction de leur stade physiologique et de la disponibilité en herbe. L’élevage et l’engraissement des agneaux sont réalisés en bâtiment. Les niveaux de production des animaux et de mécanisation sont plus élevés que dans le cas précédent.

Tableau 1 : Caractéristiques des deux exploitations

MIRECOURT SAINT-POUANGE

Contexte Zone herbagère + estive en

montagne Zone céréalière

Surfaces 190 ha de SAU (herbe) + 170 ha de surfaces pastorales

90 ha de SAU + 10 ha de surfaces pastorales

Main d’œuvre (7 salariés + apprentis + DEA) 9.3 UMO

1.9 UMO

(1 salarié + saisonnier + DEA)

Orientation 5 ateliers d’élevage Polyculture élevage Nombre de brebis et

pratiques notables

860 brebis 730 brebis

Valorisation de surfaces en déprises + chez des voisins

Valorisation de dérobées et de co-produits

Incidences de la taille du collectif de travail

La main-d’œuvre d’une exploitation agricole d’EPLEFPA est particulière puisqu’elle est essentiellement salariée. Le DEA, bien que prenant part aux tâches liées à la production, doit également remplir d’autres missions telles que des fonctions administratives liées à l’EPLEFPA, pédagogiques (interventions en classe, accueil de groupes…), ou encore comme acteur du développement agricole.

En tant que directeur, le management fait partie des attributions évidentes du DEA, mais selon la taille de l’exploitation et donc du nombre de salariés, celui-ci peut être appréhendé de manière différente. Ainsi, en ce qui concerne Saint-Pouange, l’organisation du travail et les directives se font de manière directe entre le DEA et le salarié, quasi quotidiennement. Les échanges sont réguliers mais réalisés de façon informelle et aléatoire. A Mirecourt, avec 7 salariés et 2 apprentis, un temps d’échanges quotidien est instauré pour le groupe, afin de faire un point sur les activités en cours, de fixer les priorités et de répartir la force de travail. En effet, bien que des responsables d’ateliers soient définis, plusieurs salariés sont, quant à eux, plus interchangeables et viennent en appui selon les besoins. Cela peut diminuer la pénibilité des tâches ou une éventuelle lassitude des salariés. Un nombre plus important de salariés nécessite par ailleurs de veiller à la cohésion du groupe (création de temps conviviaux…) et à l’équité entre tous.

D’autre part, la supervision du DEA de Mirecourt de l’ensemble des productions de l’exploitation implique une autonomie plus importante des responsables d’ateliers. De par la taille de l’exploitation, le DEA de Saint-Pouange a tendance à moins déléguer et à être très présent sur l’unique atelier d’élevage. De même, les astreintes du week-end et des vacances sont bien sûr gérées différemment selon la taille de l’équipe. A Mirecourt, la fréquence des permanences est moins élevée, mais une anticipation et un accord du groupe est nécessaire ; tandis qu’à Saint-Pouange, le DEA et le salarié se partagent les astreintes sans règle prédéfinie, en fonction des souhaits et contraintes de chacun. Dans les deux cas, tout est fait dans l’organisation hebdomadaire pour limiter les tâches du week-end à l’astreinte : alimentation des animaux, traite. Les déplacements de lots de brebis sont donc anticipés en fin de semaine, ainsi que l‘organisation pour la distribution de la nourriture ou l’approvisionnement en eau, afin de limiter le temps de travail des samedis et dimanches. Bien sûr, certaines activités sont parfois impossibles à prévoir ou à repousser : fenaison, récoltes, ou pics d’agnelages…

De quel(s) métier(s) parle-t-on ?

Dans les deux exploitations étudiées se trouve un(e) salarié(e) chargé(e) de la conduite de l’atelier ovin. Bien que l’un et l’autre réalisent évidemment un certain nombre de tâches en commun (parage des onglons, tonte…) et que leur finalité est de faire naître des agneaux et de les élever jusqu’à la commercialisation, le travail au quotidien apparaît dans le même temps radicalement différent.

èmes

La mécanisation très présente dans cette conduite rend possible l’alimentation d’un grand nombre d’animaux en un temps et avec une pénibilité limités, par une seule personne. Les interventions sur les brebis (traitements, reproduction…) sont effectuées dans un parc de tri ou directement dans les lots des bergeries. Lors de l’agnelage, la surveillance est primordiale compte tenu de la densité des lots et du niveau de prolificité des animaux. Le berger doit aussi gérer l’allaitement artificiel à la louve. Par ailleurs, il participe aux activités liées aux surfaces fourragères et de grandes cultures. Selon les périodes de l’année, il se consacre ainsi plus ou moins à l’atelier d’élevage. A Mirecourt, les brebis sont au pâturage toute l’année. La troupe ovine, répartie en 3 lots principaux (en fonction des périodes d’agnelage), est scindée en de nombreux sous-lots répartis sur les différentes surfaces disponibles. Plusieurs fois par semaine, la bergère se charge donc de démonter/monter des clôtures électriques et de déplacer des lots d’animaux à pied avec des chiens de troupeaux. Les activités de débroussaillage et de clôtures sont rarement réalisées seul. De plus, des interventions sont couramment effectuées en extérieur, à l’aide d’un parc de tri mobile.

Tandis que d’un côté il est nécessaire d’être à l’aise avec le matériel, d’être capable d’ajuster les rations aux matières premières disponibles et de gérer une race prolifique, de l’autre il est indispensable de maîtriser la clôture électrique et les déplacements, la gestion de l’herbe et du pâturage, ainsi que la prévention antiparasitaire. Les outils de travail mobilisés sont souvent distincts.

Ces deux façons d'exercer le métier de berger sont en accord avec des objectifs et stratégies différents : être bon techniquement tout en diminuant la pénibilité, ainsi que démontrer les intérêts de l’élevage ovin dans une zone de grandes cultures ; ou bien nourrir des ruminants à l’herbe comme une évidence et diminuer les charges d’élevage, ainsi que démontrer les intérêts d’un troupeau ovin à l’échelle d’un territoire.

Ces différences se retrouvent dans les exemples chiffrés ci-dessous, qui sont tout de même à nuancer dans le cas de Mirecourt pour deux raisons : l’estive des animaux en montagne a un effet très chronophage (ce n’est donc pas représentatif d’une conduite herbagère en plaine) et l’année 2013 s’est avérée particulièrement compliquée en termes d’organisation.

Tableau 2 : Quelques repères chiffrés (Bilan Travail 2013 et Diapason 2014)

MIRECOURT SAINT-POUANGE

Temps d’astreinte (h/brebis) 6.8 2.8

Temps d’astreinte (h/agneau produit) 5.5 1.9

Remarques

dont 87% : surveillance, déplacement des lots et

clôtures

dont 14% : surveillance au pré (déplacements/clôtures pas

en astreinte)

Main-d’œuvre "ovine" estimée 3 1.6

Quantité de concentrés (kg/brebis) 50 267

Charges opérationnelles (€/brebis) 21 114

Niveau de consommation de fuel + ++++

Il est indéniable que le système de Mirecourt est plus gourmand en main-d’œuvre que celui de Saint-Pouange, qui remplace quant à lui l’énergie humaine par des intrants : concentrés, fuel… Le nombre de personnes intervenant sur l’atelier herbager est plus élevé et les activités se déroulent majoritairement en plein-air. Il semble que les satisfactions des salariés, en termes d’ambiance de travail et par rapport aux activités et objectifs de l’atelier ovin dont ils ont la charge, diffèrent également. La bergère de Mirecourt estime qu’"être dehors tous les jours ce n’est pas toujours facile

en fonction de la météo". Néanmoins elle estime que dans son travail elle a "une vraie relation qui

s’installe avec les animaux, du fait des nombreux déplacements à pied." Elle ajoute : "les brebis me

répondent, me suivent et ces aspects-là du métier me plaisent beaucoup". Quant au berger de

Saint-Pouange, il apprécie la polyvalence des tâches réalisées : "même si j’aime beaucoup être dans les

bergeries j’apprécie aussi d’aller au foin, ou participer aux cultures en lien avec l’élevage. Ça me

change". Il pense que "le travail mécanisé m’apporte un vrai confort de travail et nous permet de

Contribution à la formation et aux opinions des apprenants

Sensibiliser et enrichir les apprenants dans leur définition du métier d’éleveur

Dans les formations agricoles préparant au métier d’agriculteur ou de conseiller agricole (bac professionnel Conduite et Gestion d’une Exploitation Agricole, BTS Productions animales ou Analyse, Conduite et Stratégie de l’Entreprise agricole, ou encore le Brevet Professionnel de Responsable d’Exploitation pour les adultes…), la thématique du travail se retrouve dans les référentiels qui cadrent ces formations. Il y est souvent question de management, de gestion des ressources humaines et d’organisation du travail. Mais derrière ces énoncés, c’est aux enseignants de définir et de construire la façon dont ils vont aborder ce thème avec les jeunes. En bac pro, il leur est au minimum demandé de réaliser une étude du système travail à partir de leur exploitation de stage ; tandis qu’en BTS ou avec les adultes, la réalisation de Bilans Travail à partir de visites peut être envisagée.

D’autre part, les activités pédagogiques réalisées par les jeunes en formation en lien avec l’exploitation agricole de leur établissement, contribuent également à ce qu’ils prennent en compte la notion de travail dans leurs jugements et projet professionnel. Ils participent effectivement aux activités de l’exploitation à deux occasions principales : lors de la réalisation des travaux pratiques, en groupe, et lors du déroulé des mini-stages. Dans le premier cas, ils prennent part, pendant un temps limité, à une tâche précise où l’apprentissage des gestes est recherché (pesée d’agneaux, parage, traitements...) Le salarié est souvent mis à contribution et cela permet aux jeunes d’appréhender l’organisation d’un chantier. Dans le cas des mini-stages, les jeunes participent par petits groupes à "la vie de la ferme" puisqu’ils passent plusieurs journées sur l’exploitation à suivre les activités aux côtés des salariés ou DEA. Ils recueillent alors des informations sur le rythme et l’ambiance de travail, la répétitivité des tâches…

En fonction des a priori personnels et/ou des exemples et avis provenant de la famille et des expériences de stage, le jeune se construit certainement sa propre représentation du métier d’éleveur. Les nouveaux éléments obtenus par le biais de l’exploitation agricole de l’EPLEFPA vont enrichir sa perception et jouer, positivement ou négativement, sur l’attractivité du métier.

Idée de système et de diversité

Les métiers pouvant être différents en fonction du système d’élevage, et l’exemple de l’exploitation agricole côtoyée pendant l’enseignement contribuant fortement à la formation et aux opinions des apprenants, il convient d’insister et de faire attention à certains points. Tout d’abord, il semble important de faire comprendre aux jeunes la notion de cohérence du système, où l’organisation du

travail a une place primordiale afin d’atteindre les performances espérées.La main-d’œuvre et les

conditions de travail sont à prendre en considération en amont dans leur projet

professionnel, en fonction de leurs propres attentes.

Les ateliers d’élevage des EPLEFPA se doivent de rendre compte d’un atelier professionnel, et atteindre un niveau d’équipement et de conditions de travail minimum. Le seul but pédagogique ne devrait pas justifier la préservation d’unité de production de taille trop réduite, trop délaissée par rapport au reste de la ferme, ou encore en grande difficulté. Cela peut en effet concourir à véhiculer une mauvaise image et ainsi à un rejet de la part des jeunes.

De façon à illustrer la diversité du métier d’éleveur, il apparaît nécessaire de présenter les diverses facettes de cette profession en évitant les travaux pratiques redondants et en les amenant à prendre part aux réflexions concernant l’organisation, les choix de conduite… De plus, pour multiplier les situations et insister sur les différents systèmes de production existants,

èmes

Soigner le travail, un enjeu de santé et de