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Lors de ce jeu, les élèves avaient pour consigne d’amener le ballon le plus vite possible dans le cerceau alors que tous les élèves devaient toucher le ballon. Ils sont alors rentrés dans une phase de réflexion pour trouver la façon d’aller le plus vite. Chaque équipe a trouvé une solution en se concertant au préalable. Il y a une équipe de CP/CE1 qui a décidé d’amener le ballon dans le cerceau en touchant tous le ballon du début à la fin de la traversée du terrain. Ils avaient tous une main sur le ballon et essayaient de courir pour mettre le ballon dans le cerceau. Certaines équipes ont décidé de se faire des passes sans se placer sur le terrain au préalable et certaines équipes ont décidé de se placer sur le terrain à intervalles réguliers entre le cerceau de début et le cerceau de fin.

La conclusion que l’on peut tirer de cette phase où les deux publics n’étaient pas mélangés est que tous les élèves sans exception ont participé à l’interaction. Ils donnaient tous leurs idées et chaque avis étaient pris en compte par le groupe. Comme nous avons laissé les élèves tâtonner pour trouver une solution puis nous avons laissé plusieurs passages à toutes les équipes pour se rendre compte de l’efficacité de leurs solutions, les élèves ont pu modifier leurs stratégies en fonction des résultats pour remédier à leurs échecs. Les élèves ont pu évaluer les résultats de leurs actions et ont pu moduler leurs stratégies en fonction de la connaissance de ces résultats. Pendant cette phase, tous les élèves, valides comme élèves en situation de handicap, ont donné leur avis et ont participé à l’élaboration de stratégies.

Cerceaux de départ avec les ballons. Joueurs de l’équipe A Joueurs de l’équipe B Joueurs de l’équipe C Cerceaux où doivent arriver les

34 Pour la suite de cette première séance, nous avons décidé de modifier les équipes et de mettre, dans chaque équipe, des élèves de CP/CE1 et des élèves de CLIS. Les deux publics différents étaient donc réunis dans chaque équipe. Notre volonté était de mettre les élèves devant la même situation mais en rajoutant une nouvelle contrainte afin de mettre les élèves en situation d’interaction pour trouver la meilleure solution. Cette nouvelle contrainte était que les élèves n’avaient pas le droit de faire plus de deux pas avec le ballon dans les mains. Cela les obligeait à se faire des passes mais aussi à se placer sur le terrain et à modifier ce placement en fonction du placement des autres. Cela les amenait à interagir dans l’action.

Ce que nous avons pu remarquer est que, pour la majorité des équipes, le travail réalisé par les élèves en termes d’interaction et de recherche de stratégie était le même que lorsque les équipes étaient non mixtes. Mais pour deux équipes, le fait de mettre des élèves en situation de handicap et des élèves valides a posé problème et ceci pour deux raisons différentes. Dans une des équipes, un des élèves en situation de handicap, pourtant élément moteur dans son groupe, a décidé qu’il ne voulait pas travailler avec des élèves qui n’étaient pas dans sa classe. Il n’a donc pas participé aux interactions dans son équipe et a passé son temps à être à l’extérieur du groupe en ne participant ni aux échanges, ni au jeu de manière active. Nous pouvons analyser ce fait en donnant deux réponses possibles. Soit la nouvelle contrainte lui posait trop de difficultés et il n’a pas voulu essayer de trouver la solution. Cela voudrait dire cette situation ne se trouvait pas dans sa zone proximale de développement (Vygotsky) et que son développement mental et cognitif n’est pas arrivé à un niveau nécessaire à l’élaboration de stratégie devant répondre à plusieurs contraintes. La seconde analyse que l’on peut faire est que l’élève ne se sentait pas en sécurité avec des élèves trop peu connus et ce manque de sentiment de sécurité l’empêchait de s’engager dans l’interaction et dans l’action avec ces nouveaux co-équipiers. Peut être que pour cet élève, la première phase aurait du durer plus longtemps. Quoi qu’il en soit, pour cet élève l’interaction n’a pas amené à un apprentissage car il ne s’y est pas engagé.

L’autre équipe qui a « posé problème » est une équipe où l’élève en situation de handicap (Quentin) présente des troubles autistiques. C’est un handicap qui peut être visible et qui peut amener un manque de sentiment de sécurité pour certains élèves qui se trouvent à proximité de Quentin. Cela s’est produit car un des élèves de la classe de CP/CE1 (Ryan) m’a dit qu’il ne voulait pas être avec Quentin car ce dernier « tape toujours tout le monde dans la

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cour et il crie tout le temps »45. Cela montre bien que Ryan ne comprend le handicap de Quentin et il le craint. Il n’accepte pas la différence de Quentin et il décide de ne pas avoir à interagir avec lui. De plus, Quentin ne voulait pas non plus travailler avec des élèves qui n’étaient pas de sa classe. Lui aussi ne se sentait pas en sécurité avec des élèves trop peu connus. Mais j’ai décidé de me mettre dans ce groupe pour faire le médiateur entre les interactions et faire en sorte que tous les élèves y participent. Ce fait a amené Quentin a participé à ces interactions pour trouver la solution à la situation. Ma présence a renforcé son sentiment de sécurité et l’a amené à s’engager dans les interactions et dans l’action. Cela signifie que son refus d’engagement dans la situation d’interaction n’était pas dû au fait que la situation ne se trouvait pas dans sa ZPD mais c’est juste qu’il avait besoin de se sentir en sécurité et ma présence a permis ce sentiment de sécurité. Cela peut être une piste pour permettre l’interaction entre des élèves en situation de handicap et des élèves valides.

Ainsi, pour conclure sur cette première séance, il a semblé primordial de laisser du temps aux deux publics de jouer au même jeu sans être immédiatement mélangés dans les équipes. Cette phase a permis aux élèves des deux classes de se sentir en sécurité avec l’autre public car ils ont pu les voir évoluer et voir que leurs problèmes concernant la situation étaient sensiblement les mêmes. Comme ils se sont rendu compte que leurs problèmes pour résoudre la situation étaient identiques, ils ont accepté de rentrer en interaction pour réfléchir ensemble à la solution. En revanche, pour certains élèves en situation de handicap, cette phase n’a pas été assez longue et lorsqu’il fallait entrer en interaction avec les autres, ils ont refusé de le faire. Les deux hypothèses que j’ai émises à ce moment là étaient que soit la situation était hors de leur Zone Proximale de Développement et que la situation était irréalisable pour eux ou que leur sentiment d’insécurité était encore trop fort pour entrer en interaction avec des élèves peu connus. Pour vérifier la première hypothèse, je suis venu dans un des groupes pour me rendre compte si la situation était trop difficile pour l’élève en situation de handicap. Il se trouve que ma présence a fait sortir cet élève de son inhibition et il est rentré dans l’interaction dès que je suis venu et que lui ai dit que je restais près de lui. Comme il a participé activement à la recherche de la solution à partir de ce moment là, cela signifie que la situation se trouvait dans sa ZPD.

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Parole rapportée de Ryan pendant la séance. Il m’a dit : « Je ne veux pas être avec Quentin car il tape tout le monde dans la cour et en plus, il cire tout le temps ».

36 Je ne suis pas venu dans l’autre groupe qui posait problème au niveau du manque d’interaction. Comme je ne suis pas venu pour faire le médiateur dans ce groupe, l’élève en situation de handicap, qui était réticent à entrer en interaction avec les autres élèves, est resté inactif. Cela prouve que la présence de l’enseignant peut renforcer le sentiment de sécurité chez les élèves en situation de handicap et le faire sortir de son inhibition pour rentrer en interaction avec les autres élèves. A l’inverse, si l’enseignant n’est pas présent dans le groupe, le sentiment de sécurité de l’élève porteur d’un handicap n’est pas renforcé et l’élève reste réticent à interagir avec ses camarades.

Enfin, nous avons pu nous rendre compte qu’il y a bien des réticences pour les élèves valides à rentrer en interaction avec des élèves en situation de handicap. Le cas de Ryan qui refusait de se mettre dans la même équipe que Quentin montre bien qu’il avait des à priori sur lui et que ces derniers l’empêchaient de vouloir interagir avec lui. Nous allons voir par l’étude de ce cas si la séquence d’apprentissage en commun avec les deux classes va permettre de renforcer l’inculcation de la valeur de respect de la différence et du handicap qui est une des missions de l’école.

ii. Seconde séance.

Pour cette seconde séance et pour les suivantes, je me suis procuré un caméscope numérique46. Cela m’a permis de prendre des vidéos de mes séances et de prendre spécifiquement des informations sur les interactions entre les élèves en l’absence de l’enseignant. Ma position en tant qu’enseignant était que je dirigeais la séance et le jeu que l’on y faisait par équipe. Les équipes qui ne jouaient pas (il y avait 3 équipes qui jouaient et 2 équipes sur le coté) attendaient leur tour de passage et la consigne que je leur avais donnée était de réfléchir ensemble à la meilleure solution pour être l’équipe la plus rapide à poser le ballon dans le cerceau. La caméra permettait de capturer ces moments d’interactions.

Lors de cette séance, nous avons commencé par reprendre la situation par laquelle nous avions fini lors de la dernière séance. C'est-à-dire que nous avons mis les élèves en situation du jeu de la tirelire mais chaque joueur ne devait pas marcher avec la balle dans les mains (pas plus de deux pas). Nous avons fait ce choix avec l’enseignante de la CLIS car elle sait que ses élèves ont besoin de se remettre dans la même activité pour réactiver les savoirs et savoirs faire acquis lors de la séance précédente. Néanmoins, pendant cette phase de

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Merci à Monsieur Emilien Legeais, formateur EPS à l’IUFM du mans, de m’avoir gracieusement prêté le caméscope qui appartient à l’IUFM du mans.

37 réactivation des acquis, nous avons décidé d’amener un fait nouveau dans notre organisation. En effet, nous avons réduit le nombre d’équipe qui passaient en même temps à trois équipes et les deux autres équipes étaient sur le coté. Mais ces équipes ne restaient pas sans rien faire car pour favoriser les interactions et l’esprit d’équipe, nous avons matérialisé, avec des plots, une zone par équipe. Les équipes, quand elles ne jouaient pas, devaient se rendre dans cette zone et les élèves avaient pour consigne de réfléchir à comment faire pour gagner. Le fait que chaque équipe avait SA zone renforçait le sentiment d’appartenance à une équipe et renforçait le coté sécurisant auprès des élèves car les camarades devenaient des co-équipiers. De plus, la consigne amenait les élèves à « élaborer un plan d’action47 ». Ceci est une compétence à développer chez les élèves à l’école primaire.

Ainsi, à partir de cette seconde séance, les interactions seront de trois ordres :

- Avant l’action pour élaborer un plan d’action afin de remporter la rencontre. - Pendant l’action pour intervenir sur les placements des co-équipiers, sur le rappel des règles dans l’équipe, pour demander la balle et pour les encouragements.

- Après l’action pour se rendre compte de l’efficacité de l’action de l’équipe et pour remédier en fonction du résultat de leurs actions dont ils ont la connaissance.

Cela montre bien que tout a été fait pour favoriser un maximum les interactions et à tous les moments de la séance. Lors de la suite de cette séance, nous avons apporté une évolution à la situation car les élèves devaient tous toucher au minimum deux fois le ballon avant de poser celui-ci dans le cerceau. Cela était dans le but de faire interagir les élèves dans l’action car ils devaient dire s’ils avaient touché deux fois le ballon avant que l’on puisse finir la partie.

Durant cette séance, les instants d’interactions pris par le caméscope ont été intéressants et m’ont permis de me rendre compte de la teneur des interactions. En effet, outre le moment d’adaptation des élèves à l’outil caméscope, les interactions entre les élèves sont bien différentes selon les moments et selon les groupes. Dans tous les groupes, il y a eu élaboration d’un plan d’action mais dans un des groupes, le plan d’action a été élaboré uniquement par les élèves de CP/CE1. Dans cette équipe de 5 élèves (3 CP/CE1 et 2 élèves de

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38 CLIS), les élèves qui ont réfléchi à la solution au problème étaient les élèves de CP/CE1, les deux autres élèves de l’équipe regardaient pendant ce temps le jeu qui se déroulait entre les autres équipes.

L’explication à ce manque d’implication dans les interactions est que, pour ces deux élèves, se projeter sur l’avenir en imaginant son action est trop difficile et en dehors de leur ZPD. En effet, car même quand je suis venu les voir pour leur demander ce qu’ils pensaient faire, quelles étaient leurs idées pour réussir, ils m’ont dit qu’ils ne savaient pas alors que je les voyais essayer de réfléchir à la situation mais je voyais que quelque chose bloquait. C’est une situation que j’avais envisagé lors de ma problématique car je m’étais attendu à ce que certains élèves de CLIS ne puissent pas résoudre des situations de conflits socio cognitif à cause du fait que cela demande un trop fort degré d’abstraction. En effet, cette situation où les élèves doivent élaborer un plan d’action nécessite une abstraction importante car ils doivent s’imaginer en train de jouer et doivent imaginer où ils vont se placer, ils doivent s’imaginer recevoir le ballon et le repasser à un camarade. Cette abstraction étant déjà compliquée, ils doivent en plus réfléchir à une stratégie et à son efficacité. Cela demande trop d’opération cognitive de niveau élevé et leur léger handicap mental les empêche d’y accéder.

Cette séance a aussi montré que les interactions étaient bien plus importantes avant et après l’action que pendant celle-ci. En effet, lors d’une partie, j’ai filmé une équipe en train de jouer pour saisir les interactions qui s’y déroulaient. Durant cette vidéo qui dure 40 secondes, les seules interactions entre les élèves sont des encouragements (« Allez, allez, plus vite », « allez-y ») ou des demandes pour avoir la balle et manifester son emplacement (« Moi, moi »). Les autres interactions ne sont pas des interactions sonores car l’on peut aussi voir sur la vidéo que les élèves se placent à proximité du porteur de balle et ils appellent la balle avec la parole et en présentant leurs mains. Ceci est une forme d’interaction en EPS lorsque l’on travaille les jeux collectifs.

En revanche, lors des moments que l’on avait consacrés pour interagir, les élèves discutent des meilleures stratégies à employer. On peut se rendre compte de cela car lors du visionnage des vidéos prises lors de cette seconde séance, j’ai remarqué que les moments d’interactions organisés sur les côtés pendant que les équipes passaient permettaient d’avoir des interactions importantes. Par exemple, il y a une vidéo où une équipe tente d’analyser ce

39 qui n’a pas été et échange pour élaborer un nouveau plan d’action. Pendant cette phase, il y a une élève (Lysa) qui prend la parole pour dire

_ « Mais écoutez, nos passes sont plutôt biens mais c’est juste que nos positions ne

sont pas bonnes. Elles ne sont pas bonnes nos positions 48». Un élève de CLIS lui répond :

_ « Bah oui, il ne faut pas essayer d’être à coté ».

Puis ces deux élèves rappellent la règle à Quentin car celui-ci a marché avec le ballon dans les mains :

_ Lysa : « T’as bougé (quand tu avais le ballon) ».

_ Elève de CLIS : « Bah oui Quentin, faut pas bouger quand on a le ballon ».

_ Quentin : « Bah quand même, on a gagné ».

_ Lysa : « Tu ne dois pas bouger tes pieds quand tu as le ballon. Si tu as le ballon au départ et que tu bouges et bien là on est obligé de recommencer. On ne va jamais gagner. Tu vois eux, (montre une des équipes qui est en train de jouer) ils sont mieux que nous. Il faut faire mieux qu’eux ».

Enfin, ces élèves reprennent leurs échanges sur la stratégie à employer pour le prochain passage :

_ Elève de CLIS : « En fait il faut essayer de ne pas être à coté ».

_ Lysa : « Mais si justement, il faut essayer d’être à peu près collé, pour qu’à la fin on

aille plus vite ».

Cette vidéo nous montre bien que les élèves peuvent avoir des interactions même lorsque les équipes sont mixtes et que ce fait n’empêche pas les élèves d’apprendre. En effet, ces interactions sont porteuses d’acquisitions importantes car, pendant cette situation, nous voyons que les élèves sont en train d’acquérir les compétences « élaborer un plan d’action » et « mesurer l’efficacité de son action ». Nous pouvons trouver un autre moment d’interactions porteur d’acquisitions en annexe 2. De plus, il n’y a pas de « hiérarchie » dans

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Transcription d’un moment d’interaction entre les élèves. Voir annexe 1 pour avoir la transcription complète de cet instant.

40 ces interactions. Chaque élève occupe la même place et chaque avis est pris en compte. Les élèves valides écoutent et échangent sans stigmatiser les élèves en situation de handicap et ces derniers ne sont pas inhibés et donnent leur avis pour essayer de trouver ensemble la solution.

D’ailleurs, lors d’une autre vidéo prise lors de cette séance, nous avons vu que les élèves prennent du plaisir à être ensemble et plus que le fait qu’il n’y ait pas de hiérarchie, c’est le fait que les élèves prennent du plaisir à évoluer ensemble qui est très intéressant. En effet, dans cette vidéo, on voit les élèves échanger pour élaborer un plan d’action et ensuite, lorsqu’ils ont fini, on les voit discuter ensemble et encourager leurs camarades en encourageant et en applaudissant.

Ces trois faits remarqués pendant cette séance (interactions qui mènent à des acquisitions de savoirs faire, pas de hiérarchie dans les interactions et le plaisir d’être ensemble) apportent des réponses positives à nos questions problématiques. Ces questions étaient de savoir si les interactions entre les élèves en situation de handicap et les valides apportaient des acquisitions en termes de connaissances, de capacités et d’attitudes et de savoir si les élèves valides pouvaient se rendre compte qu’il serait dans leur intérêt de prendre en considération les avis des élèves en situation de handicap si ces derniers donnaient leurs

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