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I. Le jeu dans le développement de l'enfant

3. Le jeu en psychomotricité

« Jouer est une thérapie en soi »90 En psychomotricité, en thérapie, et dans la vie en général, il semble important de garder à l'esprit que, bien que le jeu soit particulièrement investi par les enfants, il représente une constante de la vie humaine, prenant des formes généralement plus élaborées à l’âge adulte. Je m'attacherai particulièrement ici au travail auprès des enfants et adolescents (qui est celui que j'ai le plus rencontré au cours de ma formation), cependant le jeu n'en reste donc pas moins un outil précieux pour travailler auprès de populations adultes et même de personnes âgées.

3.1 - le jeu, un médiateur de choix en psychomotricité

La fonction thérapeutique du jeu, aujourd'hui considérée comme une évidence par les professionnels peut être considérée comme la clé de voûte de notre pratique, F. JOLY indiquant que c'est la capacité à « Jouer avec »91 du psychomotricien qui constitue sa fonction

thérapeutique.

D.W WINNICOTT considère le jeu comme un espace de rencontre privilégié avec le patient, disant que « la psychothérapie se situe en ce lieu où deux aires de jeu se chevauchent, celle du patient et celle du thérapeute. »92 L’espace thérapeutique naît donc de l’intersection de

deux aires de jeu, de la rencontre vivante de deux personnes entièrement impliquées dans le jeu.

S'il affirme que « jouer est une thérapie en soi », c'est parce que l'activité créative manifestée dans le jeu implique l'individu dans sa globalité. Il propose alors de considérer la psychothérapie comme « une forme très spécialisée du jeu mise au service de la communication avec soi-même et avec les autres »93, idée qui semble pouvoir également

correspondre au travail effectué en thérapie psychomotrice.

F. JOLY nous parle quant à lui du « travail du jouer » en psychomotricité, car nous partons de l'agir de l'enfant, l'aidant à mettre du sens dessus pour qu'il puisse ensuite construire ses représentations. Le jeu peut alors être considéré comme « un travail psychique et psychomoteur complexe, un parcours, une trajectoire subjective et un processus expérientiel qui ne va jamais de soi »94. En thérapie psychomotrice, le ''but du jeu'', si je puis

me permettre d'utiliser cette expression, va alors être de conduire l'enfant vers la symbolisation de ses expériences d'être au monde.

Il semble nécessaire de réfléchir à la manière dont nous proposons le jeu à l'enfant. En effet, pour D.W. WINNICOTT « Jouer doit être un acte spontané, et non l’expression d’une soumission ou d’un acquiescement, s’il doit y avoir psychothérapie. »95 Or, les enfants que

nous rencontrons en thérapie psychomotrice sont souvent dans une impasse, « en panne » dans leur jeu, il va alors falloir trouver le juste équilibre pour les guider vers le jeu et dans le jeu, pour réanimer leur créativité, tout en laissant la place de s'exprimer à leur spontanéité. 90 WINNICOTT D.W. Jeu et réalité, Gallimard, 2eme éd, 1984 p71

91 JOLY F. « Le paradigme du jouer dans les thérapies à médiations » dans Thérapie psychomotrice n°98, p42 92 Ibid p54

93 Ibid p60

94 JOLY F. Jouer... Le jeu dans le développement, la pathologie et la thérapeutique, In Press Editions, 2003 p14 95 WINNICOTT D.W. Jeu et réalité, Gallimard, 2eme éd, 1984 p72

Médiateur privilégié en psychomotricité, pour C. POTEL, le jeu permettra à l'enfant de communiquer ce qui est encore non communicable par la parole. Selon elle, le jeu partagé sera également un élément essentiel pour permettre à l'enfant de se construire une enveloppe contenante, au sens où le travail du psychomotricien sera de « transformer en jeu ce qui n'était jusque-là qu'explosion et expulsion »96

De nombreux jeux auront également pour objectif de venir renarcissiser l'enfant ou l'adolescent (comme les jeux de défi) mais également de venir redonner à certains enfants l'envie de jouer, et d'apprendre. O. MOYANO nous parle du jeu comme « processus de revitalisation psychique chez l'adolescent »97, le présentant comme un outil de « réanimation

cognitive ». Pour lui, le jeu a alors une double fonction : stimuler les capacités de raisonnement chez l'enfant et agir positivement sur le plan narcissique.

3.2 - Le jeu, lieu d'expression de l'inconscient

M. KLEIN considère le jeu (entendons le ici au sens du « play », jeu libre décrit par D.W. WINNICOTT) comme mode d’expression naturel et privilégié chez l’enfant, et comme l’équivalent des associations verbales que produit l’adulte en psychanalyse, pensant qu’il s’établit un transfert chez l’enfant comme chez l’adulte. Selon A. LANDOLT98, au plus près

de l’expérience du rêve, l’activité du jeu et le processus de création sont les lieux de l’expérience de la réalité du sujet, là où s’opèrent les transitions entre l’intérieur et l’extérieur.

Selon elle, par le jeu, l’enfant traduirait, sur un mode symbolique, ses fantasmes, ses désirs et ses expériences vécues. Le jeu serait alors un moyen d’accès direct à la vie pulsionnelle de l’enfant. Si le psychologue va alors chercher à interpréter le jeu, le psychomotricien va quant à lui proposer un cadre et se présenter comme un partenaire actif, laissant de côté toute analyse.

3.3 - le travail du psychomotricien

« Notre jeu ne peut être utile au bébé que s'il est authentique dans le plaisir qu'il suscite en nous »99 Pour encourager la créativité de l'enfant, le psychomotricien doit favoriser l’instauration d’un sentiment de confiance tout en faisant preuve d’une certaine retenue, afin de laisser s'exprimer la spontanéité du patient : « La créativité du patient, le thérapeute qui en sait trop peut, avec trop de facilité, la lui dérober. Ce qui importe, ce n’est pas tant le savoir du thérapeute que le fait qu’il puisse cacher son savoir ou se retenir de proclamer ce qu’il sait. »100 La thérapie repose alors sur la capacité à jouer du thérapeute.

96 POTEL C. Etre psychomotricien p344

97 MOYANO O. « Le jeu, un processus de revitalisation psychique chez l'adolescent », dans Jouer...Le jeu

dans le développement, la pathologie et la thérapeutique de JOLY F. p183

98 LANDOLT A. « Du jeu au je » http://psychanalysedelindicible.com/2013/02/06/du-jeu-au-je/ 2013

99 GOLSE B. « Du jeu au je : le rôle des triangulations précoces » in Jouer... Le jeu dans le développement, la

pathologie et la thérapeutique, sous la direction de JOLY F. In Press Editions, 2003, p80

Le rôle premier du psychomotricien va être de maintenir un cadre stable et sécurisant qui viendra contenir, soutenir et étayer l'enfant pour permettre à sa créativité d'advenir. Ainsi, le psychomotricien, tout en étant un partenaire de l'enfant dans le jeu et la relation, va devoir contenir ce jeu, pour empêcher qu'une excitation trop importante ne vienne déborder l'enfant. Le jeu est une activité concrète qui se structure dans le temps et l'espace, le cadre posé par le psychomotricien devra donc également permettre d'organiser le temps et l'espace, du jeu et de la séance. La dernière fonction du psychomotricien face au jeu de l'enfant, et peut-être la plus importante, sera de permettre à la réalité et à l'illusion de coexister sans pour autant être confondues.

Dans le jeu, le psychomotricien est un partenaire faisant parfois fonction de miroir, mettant en jeu ses processus de pensée pour que l'enfant ou l'adolescent puisse se les approprier et les utiliser comme premier support pour ses propres représentations. Le psychomotricien doit donc être présent corporellement et psychiquement dans le jeu, tout en gardant sa capacité à s'en extraire, pour lui donner du sens.

Le principal outil de travail du psychomotricien est son corps. F. JOLY nous en parle comme d’un médium, d’un médiateur, présent dans cette aire transitionnelle où se déroule le jeu en relation. Corps qui doit alors présenter les caractéristiques du médium malléable défini par R. ROUSSILLON : le corps du psychomotricien doit alors être indestructible, extrêmement sensible (réceptif au moindre changement), indéfiniment transformable, disponible de manière inconditionnelle durant le temps de la séance et à la fois capable d'une animation propre.

3.4 - le groupe en psychomotricité

Selon D. MARCELLI101, depuis quelques années les prises en soin en petit groupe se

sont multipliées et, en matière de groupe, il existe de tout, du petit groupe fermé au groupe ouvert, généralement plus important, groupes conduits par un, deux, voire trois thérapeutes, groupes d'enfants, d'adolescents, d'adultes, groupes de soutien, groupes psychothérapeutiques, groupes centrés sur diverses médiations. Mais dans tout groupe, le corps a une place centrale.

Quelle que soit sa nature, le groupe repose toujours sur un projet, longuement pensé et construit par les co-thérapeutes. Ce projet se doit d'être le plus précis possible et va permettre de poser le cadre du groupe en précisant un certain nombre de critères : âge, nombre d'enfants, fréquence, durée, lieu, objectifs, médiations utilisées, règles du groupe. Le projet précise également si le groupe est un groupe fermé (prescrit pour certains patients, qui doivent alors venir à chacune des séances) ou un groupe ouvert (les patients qui veulent viennent, quand ils en ont envie).

Le cadre physique et symbolique, le dispositif, les thérapeutes et la présence des pairs, dans une prise en charge groupale, permettent de fournir un espace approprié pour que puisse advenir l’expérimentation tonico-motrice, l’expression corporelle, ludique et symbolique, la représentation et la symbolisation. Le groupe a cette dynamique particulière qui établit sans cesse des allers-retours entre les sujets du groupe et le sujet groupal (le groupe comme identité à part entière).

Les échanges entre les membres du groupe, notamment de productions imaginaires, vont permettre à chaque individu d’étayer sa pensée et donc sa créativité. Le groupe, comme espace d’étayage sur les pairs, peut ainsi favoriser, des processus d’identifications dans un premier temps, puis d'imitation, et va finalement conduire la personne à un processus de séparation/individuation lui permettant de créer de façon indépendante. Dans l'espace du groupe, le jeu est une porte d’accès à la maturation psychomotrice.

Le groupe est animé d'une vie fantasmatique et imaginaire qui lui est propre et évolue dans le temps. D. ANZIEU a défini quatre étapes dans la vie d'un groupe :

– Première étape : angoisse et excitation, chacun est inquiet de devoir se confronter au groupe et doit laisser de côté son individualité au profit d'une identité groupale commune ce qui génère un certains stress.

– Deuxième étape : le fonctionnement groupal, le désir de chacun va être fondu dans le désir du groupe, ce qui entraîne certaines frustrations.

– Troisième étape : l'illusion groupale, le groupe est idéalisé et les membres vont nier leurs différences pour se plonger dans l'idée réconfortante d'être « tous pareil ».

– Quatrième étape : la différenciation, ne pouvant nier totalement les différences interindividuelles, chacun va intégrer une double identité, individuelle et groupale.