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Mardi 16 mars 2021

M. Jacques Grosperrin. – Merci à Stéphane Piednoir pour son excellent travail

Il est singulier qu’en 1905 la République ait adopté une loi de séparation et qu’elle débatte aujourd’hui d’une loi sur les séparatismes.

Jules Ferry avait nommé Ferdinand Buisson directeur de l’instruction publique, qui disait qu’il fallait combattre la haine et non la religion. Je veux parler de l’instruction en famille. On constate un engagement très fort des familles, pédagogique, didactique, mais également citoyen. La scolarisation obligatoire dès trois ans a créé un problème pour certaines qui souhaitent garder les enfants de cet âge à la maison. Certains enfants sont hors radar et il faudrait donc absolument scolariser tous les enfants… C’est grave puisque cela atteint la liberté de conscience. C’est liberticide et cela ne règle pas le problème. On assistera à la création d’écoles confessionnelles. Or, le ministre a déclaré qu’il n’avait pas les moyens de diligenter les inspections nécessaires.

Le sport et la vie associative sont les grands oubliés de ce projet de loi. On dénombre pourtant 10 millions de licenciés. La radicalisation est très forte dans le sport et une fois de plus le projet de loi est faible sur ce point.

M. David Assouline. – J’ai apprécié l’exhaustivité du rapport de M. Piednoir, mais je suis en grand désaccord avec la matrice générale.

Comme Jacques-Bernard Magner, je pense qu’il est anormal que la commission de la culture ne soit pas saisie de questions relevant de ses compétences telles que les associations ou la liberté de la presse, alors que l’article qui concerne celle-ci a suscité

l’émotion et la controverse. La commission des lois devrait par moments cesser de penser qu’elle est l’alpha et l’oméga de tout ce qui se fait au Sénat. Ses membres se plaignent d’être surchargés, mais ils ne veulent rien déléguer. Nous avons déjà débattu de ces questions de même que de celles relatives à la haine en ligne ; nous possédons une expertise, une technicité, une connaissance des enjeux.

Ce projet de loi débute de façon bancale parce qu’il est provoqué par un événement, qui n’est toutefois pas isolé : l’assassinat de Samuel Paty. Il est incontestable que nous devons réaffirmer les principes de la République quand ils sont ébranlés. Il avait été demandé à Jean-Louis Borloo de formuler des propositions globales pour réaffirmer la République quand elle est affaiblie. Mais on ne parle pas de cela. Il faut se respecter soi-même pour être respecté. La République doit se respecter elle-soi-même et respecter sa promesse de liberté, égalité, fraternité. Quand ce n’est pas le cas, le message diffusé provoque l’éclatement. Je n’excuse aucun comportement de non-respect du droit et des principes de la République, mais très franchement, comment réagiriez-vous si vous grandissiez dans un endroit dont vous ne pouvez pas sortir et si, dès 13 ans, vous étiez contrôlé trois à quatre fois par jour contrairement à votre copain blanc ? Vous auriez le sentiment que la liberté, l’égalité et la fraternité n’existent pas. Cela n’excuse pas. Mais si nous voulons que la République ait une force percutante quand elle pose des limites, il faut que chacun considère qu’il a été traité comme les autres et doit avoir des droits et des devoirs comme les autres. Le projet de loi passe à côté de tout cela en évoquant des généralités qui ne sont pas traitées dans la vie de tous les jours.

Nous avons été assaillis de demandes sur l’instruction à la maison. Mais combien de personnes sont-elles concernées ? L’Assemblée nationale y a consacré 24 heures de débats, pour une toute petite minorité d’enfants. Ce qui est en jeu, ce n’est pas le combat contre la radicalisation islamique, sinon, on s’y prendrait autrement. Notre groupe a reçu en audition le maire de Montpellier, Michaël Delafosse. Il a évoqué une forte hausse des créations d’écoles privées hors contrat et de l’instruction à la maison, de tous côtés et pas seulement des islamistes. Cela concerne aussi d’autres endoctrinements. Il nous a dit que cela n’existait pas auparavant. La loi est conçue contre les phénomènes en expansion. La tendance, pour les sectes ou les extrémismes religieux, est de retirer les enfants de l’école pour pouvoir mieux les endoctriner. Il faut un verrou de plus. L’autorisation préalable est une façon de réguler sans complaisance. Je suis surpris que nos collègues et amis de droite soient, d’un coup, nettement moins radicaux contre le radicalisme. Pourquoi ? Pour être crédible dans le combat contre le radicalisme islamiste, il faut montrer que la lutte est la même contre tous ceux qui veulent se séparer de la République.

M. Michel Savin. – Je veux saluer l’excellent travail de notre rapporteur et la qualité des auditions, grâce auxquelles nous avons pu appréhender au mieux ce projet de loi.

Sur le sport : les faits sont là. Le monde sportif abrite de nombreuses dérives – le rapport de Jacqueline Eustache-Brinio l’a montré. Nous partageons tous l’idée qu’il convient de renforcer certains contrôles. Il est regrettable que nous n’ayons pas entendu la ministre, dont le discours est ambivalent. La très grande majorité des clubs sportifs et associations n’est pas concernée par le phénomène de radicalisation islamique, mais il ne faut pas nier la réalité.

Il est urgent et nécessaire de lutter efficacement et directement contre ces dérives qui existent et prennent de l’ampleur.

L’article 25, qui renforce cette lutte, concerne avant tout les clubs fédérés et leurs fédérations qui font l’objet de suivis et de contrôles et fait l’impasse sur la pratique en

autogestion hors du cadre fédéral, qui est au cœur du problème. Je proposerai de renforcer le contrôle des salles privées. Je partage largement les propositions sur les fédérations. Nous devons préciser le contenu des contrats d’engagement républicain. Je ne comprends pas pourquoi nous n’avons pas plus d’informations à ce jour sur ce point. Je déplore également le vide juridique béant sur les ligues sportives qui gèrent, sur délégation des fédérations, l’aspect professionnel du sport.

Enfin, huit alinéas de l’article 25 mettent en place et renforcent l’agrément préfectoral. Il est présenté comme le prérequis de l’accès aux subventions publiques. Or, ce n’est pas le cas : il peut être détourné par ce qui est prévu à l’article 6. Une association sportive pourrait se voir retirer son agrément par le préfet, mais toujours utiliser des équipements sportifs locaux, via l’article 6. J’ai alerté le Gouvernement qui a semblé découvrir le problème. À aucun moment, la question de l’utilité réelle de l’agrément n’a été soulevée. C’est préoccupant, car rien ne serait pire que de mettre en œuvre un dispositif voué à l’échec. Reparlons-en d’ici la séance.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. – Oui, en effet, une formation supplémentaire des inspecteurs de l’éducation nationale en charge du contrôle de l’IEF est nécessaire. Je proposerai de renforcer les contrôles et l’acuité de ceux qui les réalisent.

Je m’inscris en faux, monsieur Patriat. Nos mesures ne sont ni rigides ni incohérentes. Je préfère une détection sur pièces qu’une suspicion a priori. L’entretien est une possibilité en cas de doute sérieux au moment de la déclaration sur la sincérité de la démarche de la famille. Cela permet d’anticiper les contrôles. Aujourd’hui, le premier contrôle pédagogique a lieu dans le meilleur des cas trois mois après le début de l’année scolaire, en janvier ou février. Un second contrôle a lieu au moins un mois plus tard, le temps d’une régularisation de la situation, avant une mise en demeure d’inscription en avril ou, mai, c’est-à-dire à la fin de l’année scolaire. Nous voulons anticiper ces échéances en cas de suspicion sur pièces. C’est mieux qu’une autorisation a priori qui forcera la famille à inscrire l’enfant dans un établissement pendant deux mois, le temps de l’instruction administrative.

Sur les enfants hors radar, l’article 21 prévoit des cellules de prévention. J’ai repris cette idée. Des contrôles accélérés seront diligentés en cas de fraude.

L’amendement sur la liberté pédagogique de Pierre Ouzoulias est intéressant. Il fera l’objet d’un riche débat en séance.

Nathalie Delattre était présidente de la commission d’enquête sur la radicalisation, sur laquelle le projet de loi s’appuie fortement. De nombreux articles sont issus de son rapport.

Je rejoins Mme de Marco sur le manque de chiffres dynamiques. On dit que la carte de l’instruction en famille et la carte de la tendance à la radicalisation se recoupent, mais cela relève du déclaratif.

EXAMEN DES ARTICLES

Articles additionnels après l’article 1er (délégués)

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. – L’amendement COM-33 qui concerne la formation des enseignants sera satisfait par l’amendement COM-435. Les instituts

nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé) organisent déjà des actions de formation continue des enseignants du premier et second degré. Retrait ou avis défavorable à l’adoption de cet amendement.

La commission proposera à la commission des lois de ne pas adopter l’amendement COM-33.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. – M. Sol s’était engagé à retirer son amendement COM-147 sur l’interdiction des tenues et signes religieux ostentatoires par les fédérations. Avis défavorable à son adoption.

La commission proposera à la commission des lois de ne pas adopter l’amendement COM-147.